Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/810/2022

ATA/1089/2023 du 03.10.2023 sur JTAPI/1283/2022 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 08.11.2023, rendu le 11.12.2023, REJETE, 9C_709/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/810/2022-ICCIFD ATA/1089/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 octobre 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A_____ recourant
représenté par Me Charles PONCET et Me Stéphane GRODECKI, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2022 (JTAPI/1283/2022)


EN FAIT

A. a. Le présent litige porte sur deux demandes de sûretés du 7 février 2022 adressées à A_____ par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), en garantie tant des impôts cantonaux et communaux (ICC) et de l’impôt fédéral direct (IFD) des années 2007 à 2015 que des amendes y relatives pour les années 2008 et 2010 à 2015.

b. À teneur du registre de la population de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), le contribuable a été domicilié dans le canton de Genève du 14 mai 1981 au 19 décembre 2021, date à laquelle il a annoncé son départ à destination de Dubaï (Émirats Arabes Unis).

c. Son épouse – ils se sont mariés en août 1994 – est domiciliée à Genève depuis le 23 septembre 1992 ; elle y vit encore à ce jour.

B. a. Dans leurs déclarations fiscales 2007 et 2008, les contribuables ont indiqué des revenus imposables de CHF 118'357.- (ICC 2007), CHF 168'219.- (IFD 2007), CHF 78'860.- (ICC 2008) et CHF 132'436.- (IFD 2008) ainsi que des fortunes imposables de CHF 6'256'592.- (2007) et CHF 5'268'762.- (2008). Ils ont annexé à leurs déclarations notamment les comptes commerciaux de la raison individuelle du contribuable, actif dans la gestion de fortune.

b. Les 28 janvier 2009 et 10 mars 2010, l’AFC-GE leur a notifié des bordereaux de taxation ICC/IFD 2007 et 2008, qui sont entrés en force.

c. En août 2010, les contribuables ont déposé leur déclaration fiscale 2009, indiquant des revenus imposables de CHF 24'394.- (ICC) et de CHF 85'780.- (IFD) ainsi qu’une fortune imposable de CHF 4'784'704.-.

d. L’AFC-GE, qui n’a pas rendu de décision de taxation pour cette année, a fait tenir aux contribuables, en novembre 2014, un courrier pour interrompre formellement la prescription du droit de procéder à la taxation de cette période fiscale. Elle y a exprimé sa volonté de procéder à la fixation de ses prétentions fiscales pour 2014 dès qu’elle serait en mesure de les concrétiser. Ce courrier devait être considéré comme constituant formellement un acte interruptif de la prescription du droit de taxer.

e. Il en a été de même pour les années fiscales 2010 à 2015 : les contribuables ont déposé leurs déclarations fiscales y relatives, l’AFC-GE n’a pas rendu de décision de taxation pour ces années et leur a fait parvenir, en temps utile, des courriers pour interrompre la prescription du droit de procéder à la taxation de ces périodes fiscales.

f. Le 5 juillet 2011, l’AFC-GE a informé les époux qu’elle ouvrait à leur encontre des procédures en rappel et soustraction d’impôt pour les années fiscales 2001 à 2008. Des éléments portés à sa connaissance laissaient envisager des déclarations inexactes ou incomplètes.

g. Dans ce contexte, considérant que les moyens ordinaires de procédure s’avéraient inefficaces, l’AFC-GE a demandé à la Division affaires pénales et enquêtes (ci‑après : DAPE) de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) son aide et l’engagement de mesures spéciales d’enquêtes.

h. Le 15 juin 2015, la Cheffe du département fédéral des finances (ci-après : DFF) a autorisé l’AFC-CH à ouvrir une enquête sur la base des art. 190 ss de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) à l’encontre du contribuable, de B_____. (ci-après : B_____) et de C_____ (ci-après : les prévenus).

A_____ était soupçonné de ne pas avoir déclaré, d’une part, l’ensemble de ses revenus provenant de son activité de gérant de fortune, dont les fonds sous gestion étaient supérieurs à CHF 277 millions et, d’autre part, les indemnités perçues en tant que président de la fondation de famille D_____. Pour les années 2001 à 2013, la soustraction d’impôts serait de CHF 4,4 millions.

i. Le 17 juin 2015, la DAPE a ouvert une enquête spéciale au sens des art. 190 ss LIFD à l’encontre des prévenus.

Le contribuable était soupçonné, d’une part, d’avoir perçu des rémunérations et/ou prestations de la part de la fondation D_____ dont il était le président du conseil de fondation et l’un des bénéficiaires. Ces éléments de revenus n’avaient jamais été déclarés. D’autre part, le chiffre d’affaires résultant de son activité indépendante de gérant de fortune ne serait pas complet, puisqu’il manquerait notamment des honoraires et commissions versés par B_____ Par ailleurs, il n’aurait pas déclaré les revenus et toutes autres formes de prestations provenant de sa fortune mobilière. Il se serait aussi rendu complice des soustractions commises par C_____ et aurait commis un usage de faux (art. 186 LIFD) en déposant auprès de l’autorité fiscale de faux bilans et comptes de pertes et profits en relation avec son activité indépendante de gérant de fortune.

j. Dans le cadre de cette enquête, la DAPE a effectué des perquisitions domiciliaires en différents lieux, procédé à des auditions, tant du contribuable que de témoins, adressé des demandes de renseignements et d’éditions d’actes, notamment à des banques, et séquestré des éléments sous format papier ou électronique ainsi que des objets pouvant être utilisés comme moyens de preuve. Elle a aussi séquestré des valeurs patrimoniales – pour plus de CHF 25 millions – en vue de confiscation.

k. Le 14 décembre 2018, l’AFC-GE a informé les contribuables que les procédures en rappel d’impôt et soustraction étaient terminées et leur a remis les bordereaux de rappel d’impôts 2005 à 2008 ainsi que les bordereaux amende 2008. Pour 2007, le rappel d’impôt en ICC est de CHF 571'630.25, en IFD de CHF 223'476.- et les amendes se montent à CHF 151'170.70 en ICC et à CHF 77'309.15.

Il sera revenu ci-après sur la réclamation formée contre ces bordereaux.

l. Le 18 novembre 2020, l’AFC-GE a informé les contribuables de l’ouverture de procédures en tentative de soustraction d’impôt à leur encontre pour les années fiscales 2009 à 2018. En lien avec les procédures ouvertes le 5 juillet 2011, des éléments portés à sa connaissance laissaient envisager des déclarations inexactes ou incomplètes.

m. Le 24 novembre 2021, la DAPE a refusé de lever partiellement les séquestres, ainsi que requis le 16 novembre 2021 par les prévenus.

n. Le 3 décembre 2021, l’AFC-CH a considéré que la poursuite des soustractions consommées d’impôt pour 2005 et 2006 était prescrite et que celle pour 2007 le serait bientôt (à fin 2007). À ce stade de l’enquête, les séquestres de valeurs apparaissaient trop élevés, de sorte que la levée partielle des séquestres à hauteur de CHF 5’000'000.- (dont CHF 1’100'000.- concernait A_____, CHF 3’100'000.- B_____ et le solde C_____) a été ordonnée.

o. Le 15 décembre 2021, la DAPE a remis son rapport. Il en résultait que les états financiers du contribuable déposés à l’appui de ses déclarations d’impôt n’étaient pas probants, les revenus déclarés ne suffisant pas à couvrir son train de vie. Seule une partie du chiffre d’affaires avait été enregistrée. Des rémunérations pour son activité de gérant de fortune indépendant avaient été encaissées par le biais de la fondation D_____, de B_____ et de C_____. Ces états de faits avaient confirmé les soupçons pesant en début d’enquête sur la faible importance des revenus du contribuable. Les investigations avaient révélé un grand nombre d’éléments de revenus non déclarés et les revenus imposables ainsi minorés avaient eu pour effet une réduction illicite de l’impôt.

Les revenus imposables et les montants IFD dus et soustraits étaient estimés comme suit :

Année fiscale

Revenu imposable

IFD dû

IFD soustrait

2007

1’341'800.-

154'313.-

140'889.-

2008

1’603'600.-

184'414.-

179'203.-

2009

1’432’000.-

164'680.-

151'256.-

2010

1’383’500.-

159'102.-

153'891.-

2011

1’988’200.-

228'643.-

223'432.-

2012

1’157’100.-

133’066.-

127'705.-

2013

2’650’200.-

304’773.-

303'956.-

2014

2’517’400.-

289’501.-

286'237.-

Le contribuable, homme d’affaires averti ayant une grande expérience dans le milieu de la finance, avait commis des soustractions d’impôt en continu. Les structures opaques utilisées de très nombreuses années et toujours actives laissaient à penser qu’il n’était pas prêt de changer d’attitude. Il avait persisté à ne pas reconnaître les faits et les conséquences de ses actes. Une amende correspondant à 150 % du montant de l’impôt soustrait et à 100 % s’agissant de la tentative était ainsi justifiée.

p. Le 21 décembre 2021, l’AFC-GE a informé les contribuables que les procédures en tentative de soustraction d’impôt ouvertes à leur encontre le 18 novembre 2020 étaient terminées. Elle leur a remis les bordereaux rappel d’impôts et amende 2009 à 2015, la quotité des amendes étant fixée à 1.5 fois les montants soustraits.

L’AFC-GE a utilisé les constatations ressortant du rapport d’enquête de la DAPE du 15 décembre 2021 pour le calcul des rappels d’impôt. Il sera revenu ci-après sur la réclamation élevée contre ces bordereaux.

C. a. Le 7 février 2022, l’AFC-GE a adressé deux demandes de sûretés au contribuable en garantie du paiement des impôts, rappels d’impôts, amendes, frais et intérêts, respectivement des ICC et l’IFD relatifs aux années fiscales 2007 à 2015. Lesdites demandes s’élevaient, en ICC, à CHF 9'665'570.55 plus intérêts à 2,51% sur CHF 4'749'015.15 dès le 7 février 2022 et, en IFD, à CHF 3'594'308.25 plus intérêts à 4% sur CHF 1'703'005.95 dès le 7 février 2022. Elles étaient motivées comme suit : « Les droits du fisc sont menacés, notamment : le contribuable n’a pas de domicile en Suisse. Il a quitté le canton de Genève le 19 décembre 2021 à destination de Dubaï ».

b. Le même jour, l’AFC-GE a adressé à l’office des poursuites de Genève (ci‑après : OP) deux ordonnances de séquestre fiscal concernant le contribuable à hauteur des montants précités, fondées sur le même motif que celui mentionné sur les demandes de sûretés. La liste des valeurs patrimoniales à séquestrer était identique en ICC/IFD, à savoir : « Tous biens appartenant au débiteur, tel les espèces, titres, avoirs en compte de chèques postaux, avoirs en banque, créances, stocks de marchandises, meubles, immeubles, et en particulier :

1. Parcelle n° 1_____ sur la commune de Vandœuvres, propriété individuelle [du contribuable].

2. Tous biens, avoirs, pièces, valeurs, titres, droits, créances, notamment comptes courants, dépôt, coffres forts, sous nom propre, désignation conventionnelle, pseudonyme ou numéro, dont est titulaire [le contribuable] ou dont il est ayant droit économique, en particulier :

Les comptes auprès de E_____, chemin F_____, 1202 Genève (anciennement G_____, H_____, Genève) :

- relation n° 2_____ au nom [du contribuable] ;

- relation n° 3_____ au nom [du contribuable] ;

- relation n° 4_____ ouverte au nom de I_____, Panama dont l’ayant droit économique est [le contribuable] ».

c. Le 9 décembre 2021, l’OP a procédé à l’exécution des ordonnances de séquestre. Le 7 mars 2021, il a informé le contribuable qu’il encaisserait désormais les loyers et fermages tirés de sa propriété de Vandœuvres.

d. Le 10 mars 2022, l’OP a transmis à l’AFC-GE les procès-verbaux de séquestre nos 5_____ et 6_____. À teneur de ceux-ci, la valeur du terrain et du bâtiment sis à Vandeouvres a été estimée à CHF 6'211'350.-. Le bien-fonds est grevé de six cédules hypothécaires de CHF 500'000.- et d’une cédule hypothécaire de CHF 3'200'000.-.

D. a. Par deux actes du 10 mars 2022, A_____ a recouru contre les demandes de sûretés du 7 février 2022, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant à leur annulation.

Les contribuables s’étaient plaints à de nombreuses reprises que les investigations ne recherchaient que des éléments à charge et qu’elles n’avaient pas été effectuées avec toute la célérité nécessaire. L’AFC-CH avait alors procédé à une libération partielle d’un montant de CHF 1’100’000.- sur le compte bancaire n° 0’4_____ dont il était l’ayant droit économique, désavouant ainsi la DAPE.

L’AFC-GE avait violé son droit d’être entendu. Il avait apporté, depuis à tout le moins 2018, des explications circonstanciées démontrant l’absence de bien-fondé des prétentions émises par la DAPE du fait de l’invraisemblance de l’existence de la créance fiscale. L’AFC-GE, qui en avait eu connaissance compte tenu de ses deux réclamations, ne s’était pourtant jamais déterminée à ce sujet. Les demandes de sûretés étaient muettes sur ce point, la motivation consistant en un seul paragraphe alléguant qu’il n’avait plus de domicile en Suisse suite à son départ pour l’étranger. Même si elle disposait de la faculté d’apporter une preuve limitée à la simple vraisemblance des faits qu’elle avançait, l’AFC-GE n’avait pas apporté le moindre élément permettant de comprendre les raisons pour lesquelles elle s’était écartée de ses explications circonstanciées, de sorte que les décisions litigieuses ne respectaient pas les exigences minimales de motivation.

Subsidiairement, le contribuable a fait valoir une violation du principe de la bonne foi et de l’interdiction des comportements contradictoires. Fâchée d’avoir été désavouée par sa hiérarchie le 3 décembre 2021, la DAPE s’était adressé à l’AFC‑GE afin que cette dernière procède aux demandes de sûretés du 8 décembre 2021, un jour après la levée de blocages existants, à l’encontre de B_____ et du 7 février 2022, moins de deux mois plus tard, à son encontre. Les demandes de sûretés litigieuses entraient en contradiction non seulement avec le comportement adopté par l’AFC-GE depuis 2015, mais aussi avec la décision du 3 décembre 2021 ; alors que celle-ci avait considéré que les séquestres de valeurs, y compris les séquestres de CHF 1'100'000.- prononcées à son encontre, apparaissaient trop élevées, l’AFC-GE avait retenu des montants plus de dix fois plus élevés.

Plus subsidiairement, le principe de la proportionnalité avait été violé dans la mesure où les montants des sûretés étaient dix fois supérieurs à la levée du séquestre prononcée par l’AFC-CH le 3 décembre 2021, alors que l’AFC-GE n’avait jamais estimé nécessaire d’adresser des demandes de sûretés durant les six ans et demi précédents. Le maintien du séquestre sur ces avoirs pour une durée indéterminée, alors que la procédure, en cours depuis 2015, était restée au point mort pendant plus d’une année, apparaissait injustifié et disproportionné.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet des recours.

Les montants des demandes de sûretés correspondaient aux montants de tous les bordereaux notifiés au contribuable pour les années 2007 à 2015. Les demandes de sûretés contenaient des motifs suffisamment détaillés pour lui permettre d’exercer ses droits en connaissance de cause, ce que l’intéressé avait d’ailleurs fait. Celui-ci n’ignorait ni ne contestait faire l’objet d’une enquête pénale selon les art. 190 ss LIFD en raison de soupçons fondés que des soustractions continues de montants importants d’impôt avaient été commises du fait que des éléments de son revenu n’avaient pas été déclarés.

Les trois conditions découlant de la jurisprudence étaient réunies en l’occurrence, à savoir la réalisation d’un cas de séquestre de l’art. 169 LIFD, le caractère vraisemblable de la créance et le montant de la garantie qui ne devait pas être manifestement exagéré. S’agissant du cas de séquestre, le contribuable avait quitté officiellement le territoire suisse le 19 décembre 2021 à destination de Dubaï. L’existence de la créance fiscale ressortait du rapport d’enquête de la DAPE et était vraisemblable. Les montants de la garantie exigée découlaient du rapport d’enquête de la DAPE. Ils n’étaient pas disproportionnés et l’intéressé n’avait pas proposé de mesure de substitution, telle que la fourniture de cautions ou de garanties bancaires permettant la levée du séquestre.

Les mesures de sûreté visaient à préserver les droits du fisc et étaient indépendantes de la procédure au fond, soit l’imposition proprement dite. Elles respectaient les exigences de motivation telles que définies par la jurisprudence. S’agissant de la violation du principe de la bonne foi et de l’interdiction des comportements contradictoires, la demande de sûretés pouvait être faite en tout temps. La DAPE et l’AFC-GE étaient des entités distinctes, indépendantes l’une de l’autre et poursuivant des buts différents. La première visait à mettre sous séquestre les objets pouvant servir de pièces à conviction, ainsi que les objets ou valeurs qui avaient servi à commettre l’infraction ou qui en étaient le produit. Le séquestre fiscal visait uniquement à garantir à titre provisoire le paiement de l’impôt. Quant à une éventuelle violation du principe de la proportionnalité, le recourant confondait les séquestres prononcés par l’AFC-CH en application de la loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 (DPA - RS 313.0), lesquels ne faisaient pas l’objet de la présente procédure, et ceux ordonnés par l’AFC-GE en février 2022. Enfin, la garantie de la propriété n’avait pas été violée.

c. Par jugement du 28 novembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

La demande de sûretés en matière d’impôt constituant une mesure provisionnelle de droit public permettant de garantir provisoirement le paiement de l’impôt, elle ne préjugeait pas l’existence de la créance fiscale sur le fond. L’AFC-GE n’avait ainsi pas à se prononcer sur la question de l’existence de la créance fiscale. Les trois conditions au prononcé du séquestre fiscal étaient remplies.

d. Par décisions du 15 novembre 2022, notifiées le 17 novembre 2022, l’AFC-GE a partiellement admis les réclamations, en tant que les bordereaux de rappel d’impôt 2004 à 2006 ont été totalement dégrevés, ceux de 2007 et 2008 corrigés et la quotité de l’amende pour 2008 maintenue. Les bordereaux de taxation 2009 à 2015 ainsi que ceux d’amende pour les mêmes années fiscales ont été maintenus.

Les bordereaux de rappels d’impôt s’élevaient, intérêts compris, en ICC, à CHF 456'101.35 en 2008, CHF 450'756.35.- en 2009, CHF 442'753,65 en 2010, CHF 617'186.90 en 2011, CHF 340'697.75 en 2012, CHF 860'435.- en 2013, CHF 817'471.25.- en 2014 et CHF 153'446.40 en 2015.

Les rappels d’impôt, en IFD, se montaient, intérêts compris, à CHF 180'168.65 en 2008, CHF 136'766.- en 2009, CHF 163'424.65 en 2010, CHF 237'013.15 en 2011, CHF 130'525.- en 2012, CHF 300'621.50 en 2013, CHF 290'064.50 en 2014, CHF 23'317.70 en 2015.

Les amendes ICC ont été arrêtées à 1.5 fois les montants soustraits, soit en 2008 à CHF 684'152.-, pour 2010 à CHF 442'713.-, pour 2011 à CHF 617'146.-, pour 2012 à CHF 340'677.-, pour 2013 à CHF 860'415.-, pour 2014 à CHF 817'431.- et pour 2015 à CHF 153'406.-.

Les amendes IFD se sont élevées à CHF 270'253.- en 2008, CHF 168'636.- en 2010, CHF 242'224.- en 2011, CHF 130'525.- en 2012, CHF 300'621.- en 2013, CHF 290'064.- en 2014 et CHF 23'317.- en 2015.

E. a. Par acte expédié le 30 décembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, A_____ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu, préalablement, à la tenue d’une audition de plaidoiries et, principalement, à la récusation de J_____, juge assesseur auprès du TAPI, et à l’annulation des décisions de sûretés. Subsidiairement, il convenait de suspendre la présente procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale SV8_____, puis d’annuler le jugement et les décisions précités.

J_____ avait été directeur des affaires fiscales de l’AFC-GE de 1991 à 2004, puis directeur général de celle-ci de 2005 à 2007. Les faits litigieux remontaient à une période où celui-ci était en fonction. Il ne pouvait ainsi être juge et partie.

Le jugement se fondait sur le rapport de la DAPE du 15 décembre 2021. Celui-ci faisait cependant l’objet d’une plainte pendante devant le Tribunal pénal fédéral (ci‑après : TPF). En effet, le recourant avait saisi le Ministère public de la Confédération (ci-après : MPC) d’une plainte pénale pour faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques et contesté la décision de non-entrée en matière rendue par le MPC auprès du TPF. Il convenait d’attendre l’issue de cette procédure et, donc, de suspendre la présente procédure.

L’AFC-GE n’avait toujours pas rendu de décision de taxation, alors que l’enquête fiscale avait débuté en juin 2015. La procédure fiscale s’éternisait et ne faisait plus l’objet d’avancées notables. Elle se heurtait ainsi au principe de la proportionnalité, de sorte que la levée des sûretés devait être prononcée.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le 17 novembre 2022, des décisions sur réclamation avaient été rendues. Les bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD 2004 à 2006 avaient été totalement dégrevés. Ceux relatifs à l’ICC et l’IFD 2007 et 2008 avaient été corrigés, de même que les bordereaux d’amende ICC et IFD 2008. Les bordereaux de taxation ICC et IFD 2009 à 2015 ainsi que les bordereaux d’amende ICC et IFD 2009 à 2015 avaient été maintenus. Des recours avaient été interjetés contre ces décisions.

Il n’y avait pas lieu de procéder à une audience de plaidoiries, l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ne trouvant pas application à la demande de sûretés. Aucun élément ne permettait de remettre en cause l’impartialité du juge assesseur en question. Les procédures de rappel d’impôts avaient été ouvertes bien après que celui-ci ait quitté à l’AFC-GE. La procédure pénale en cours demeurait sans incidence sur la présente procédure, de sorte qu’il n’y avait pas lieu à suspension de celle-ci dans l’attente de celle-là.

Le principe de célérité avait été respecté, la demande de sûretés ne datant que de février 2022 et les décisions de taxation ayant été rendues en décembre 2018 et décembre 2021, puis sur réclamation le 17 novembre 2022. La prescription de l’année fiscale 2007 justifiait de réduire les sûretés du montant estimé pour 2007, en ICC, à CHF 722'800.95, ce qui portait à rectifier la demande de sûretés ICC à CHF 8'942'769.60 plus intérêts à 2.51% sur CHF 4'177'384.90 dès le 7 février 2022 pour l’ICC 2008 à 2015 et le montant, en IFD 2007, à CHF 300'785.15, ce qui portait à rectifier la demande de sûretés IFD à CHF 3'293'523.10 plus intérêts à 4% sur CHF 1'479'529.95 dès le 7 février 2022 pour l’IFD 2008 à 2015.

c. Le 9 mars 2023, le TPF a rejeté le recours formé par le contribuable contre l’ordonnance de non entrée en matière rendue dans la procédure pénale SV8_____.

d. Dans sa réplique, le recourant a fait valoir que les sûretés présentaient des composantes tant civiles que pénales. Il maintenait sa demande d’audience publique. Les procédures de taxation avaient été conduites alors que le juge assesseur exerçait des fonctions auprès de l’AFC-GE. Le rapport de la DAPE ne contenait que des affirmations des enquêteurs, qui devaient encore être analysées, vérifiées et discutées. Il ne pouvait donc servir de base à la fixation de sûretés.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite la tenue d’une audience publique au sens de l’art. 6 CEDH.

Or, de jurisprudence constante, les garanties issues de l’art. 6 CEDH ne s’appliquent pas en matière de sûretés fiscales. Il s’agit de mesures provisoires auxquelles cet article n’est pas applicable (ATF 129 I 103 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A_373/2003 consid. 2 et les références citées). L'art. 6 CEDH ne s'applique pas non plus aux dettes d'impôt, car les obligations patrimoniales à l'égard de l'État relèvent exclusivement du droit public et ne représentent pas des « droits et obligations à caractère civil » au sens de l'art. 6 § 1 CEDH (ACEDH Ferrazzini c. Italie du 12 juillet 2001, req. n° 44759/98, Rec. 2001-VII ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.34/2004 du 17 février 2005 consid. 4.3).

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de tenir une audience publique.

3.             Le TPF ayant statué sur le recours formé par le contribuable contre la décision de non-entrée en matière du MPC, la demande de suspension de la présente procédure dans l’attente de l’issue de la procédure pénale est devenue sans objet.

Le recourant n’en a d’ailleurs plus fait mention dans ses dernières écritures.

4.             Le contribuable fait valoir que le juge assesseur J_____ aurait dû se récuser, dès lors qu’il avait été directeur des affaires fiscales de l’AFC-GE de 1991 à 2004, puis directeur général de celle-ci de 2005 à 2007.

4.1 La garantie minimale d’un tribunal indépendant et impartial, telle qu’elle résulte des art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 § 1 CEDH lesquels ont, de ce point de vue, la même portée permet, indépendamment du droit de procédure, de demander la récusation d’un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle n’impose pas la récusation seulement lorsqu’une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles de l’une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 140 III 221 consid. 4.1).

4.2 En droit administratif genevois, l’art. 15A al. 1 LPA prévoit que les juges doivent, notamment, se récuser s’ils ont agi dans la même cause à un autre titre, notamment comme membre d’une autorité, comme conseil juridique d’une partie, comme expert, comme témoin ou comme médiateur (let. b) ou s’ils pourraient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d’un rapport d’amitié ou d’inimitié avec une partie ou son représentant (let. f). Les juges, les membres des juridictions et les membres du personnel des juridictions qui se trouvent dans un cas de récusation sont tenus d’en informer sans délai le président de leur juridiction (art. 15A al. 3 LPA). La demande de récusation doit en outre être présentée sans délai et par écrit à la juridiction compétente (art. 15A al. 4 LPA).

4.3 Selon un principe général, la partie qui a connaissance d’un motif de récusation doit l’invoquer aussitôt, sous peine d’être déchue du droit de s’en prévaloir ultérieurement, dès lors qu’il serait contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière de l’autorité pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable de la procédure (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 ; ATA/185/2020 du 18 février 2020 consid. 4d et les références citées). Cela ne signifie toutefois pas que la composition concrète de l’autorité judiciaire amenée à statuer doive nécessairement être communiquée de manière expresse au justiciable. Il suffit que l’information ressorte d’une publication générale facilement accessible, en particulier sur Internet, par exemple l’annuaire officiel. Selon la jurisprudence, la partie assistée d’un avocat est en tout cas présumée connaître la composition régulière du tribunal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1058/2017 du 5 février 2019 consid. 5.2 et les références citées).

4.4 En l’espèce, assisté d’un mandataire professionnellement qualifié, le recourant ne pouvait ignorer la composition du TAPI statuant dans un litige de nature fiscale, dans le cadre duquel il siège dans la composition d’un juge qui le préside et de deux juges assesseurs spécialisés dans les affaires fiscales (art. 115 al. 2 LOJ ; art. 44 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17), ces derniers étant au nombre de douze (art. 1 let. a du règlement fixant le nombre de juges assesseurs à élire au TAPI du 8 février 2018 - RNTAPI - E 2 05.07) et mentionnés nominativement sur le site Internet du Pouvoir judiciaire, sur la page dédiée à cette juridiction. Il lui appartenait ainsi de se manifester dès le dépôt de son recours pour demander la récusation du juge assesseur en question et ne pouvait attendre qu’un jugement soit rendu pour soulever ce point pour la première fois devant la chambre de céans. Le grief doit ainsi être rejeté pour ce premier motif.

En outre, la procédure de rappel d’impôt a été ouverte le 5 juillet 2011, soit plusieurs années après le départ de l’AFC-GE dudit juge assesseur. Rien ne permet ainsi d’admettre que ce dernier n’aurait pas tranché la cause en toute objectivité. Le grief sera donc écarté également pour ce motif.

5.             Se pose la question de savoir si les créances fiscales fondant les séquestres sont prescrites.

5.1 La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que la chambre administrative, à l'instar du Tribunal fédéral, examine d'office lorsqu'elles jouent en faveur du contribuable (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/976/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a) tant pour l'IFD que les ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (ATF 138 II 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4). Ces questions doivent également être examinées dans le cadre d'une demande de sûretés. Lorsqu'une créance fiscale est prescrite, elle n'est plus exigible, de sorte que des sûretés ne peuvent plus être requises pour la garantir (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 du 17 août 2021 consid. 3.1 ; 2C_85/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.6.4)

5.2 Aux termes de l'art. 120 al. 1 première phrase LIFD, le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale. La prescription ne court cependant pas ou est suspendue pendant les procédures de réclamation, de recours ou de révision (art. 120 al. 2 let. a LIFD). Par ailleurs, un nouveau délai de prescription commence à courir lorsque l'autorité prend une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d'impôt et en informe le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui du paiement de l'impôt (art. 120 al. 3 let. a LIFD). La prescription du droit de procéder à la taxation est acquise dans tous les cas quinze ans après la fin de la période fiscale (art. 120 al. 4 LIFD).

En vertu de l’art. 151 al. 1 LIFD, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque‑là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.

Aux termes de l’art. 152 LIFD, le droit d’introduire une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète (al. 1). L’introduction d’une procédure de poursuite pénale ensuite de soustraction d’impôt ou de délit fiscal entraîne également l’ouverture de la procédure de rappel d’impôt (al. 2). Le droit de procéder au rappel de l’impôt s’éteint 15 ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (al. 3).

5.3 À teneur de l’art. 53 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), le droit d’introduire une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée alors qu’elle aurait dû l’être ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète (al. 2). Le droit de procéder au rappel de l’impôt s’éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (al. 3).

5.4 En matière d'ICC, l’art. 61 LPFisc prévoit que le droit d’introduire une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète (al. 1). L’introduction d’une procédure de poursuite pénale ensuite de soustraction d’impôt ou de délit fiscal entraîne également l’ouverture de la procédure de rappel d’impôt (al. 2). Le droit de procéder au rappel de l’impôt s’éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (al. 3).

5.5 Selon la jurisprudence, toutes les mesures des autorités tendant à la fixation de la prétention fiscale et portées à la connaissance du contribuable, de mêmes que de simples lettres ou injonctions, interrompent le délai de prescription. La notion d'acte tendant au recouvrement de la créance peut même comprendre des communications officielles qui n'annoncent qu'une taxation ultérieure et dont le but se limite précisément à interrompre le cours de la prescription (ATF 139 I 64 consid. 3.3 ; 137 I 273 consid. 3.4.3 ; 126 II 1 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_810/2017 du 16 août 2018 consid. 4.1 et 4.2).

5.6 La réglementation en droit cantonal est identique à la LIFD. En particulier, l'art. 22 al. 3 let. a LPFisc relatif à l'interruption du délai de prescription, a la même teneur que l'art. 120 al. 3 let. a LIFD.

5.7 La loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) ne contient pas de disposition particulière relative à l'interruption de la prescription. L'art. 47 al. 1 LHID retient uniquement que le droit de taxer se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale; en cas de suspension ou d'interruption de la prescription, celle-ci est acquise dans tous les cas quinze ans après la fin de la période fiscale.

5.8 Avant le 1er janvier 2017, la poursuite de la tentative de soustraction se prescrivait par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction avait été commise (ancien art. 184 al. 1 let. a et al. 2 LIFD).

Depuis le 1er janvier 2017, la poursuite pénale se prescrit toujours par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction a été commise (art. 184 al. 1 let. a LIFD). Selon l'art. 184 al. 2 LIFD actuellement en vigueur, la prescription ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente (art. 182 al. 1 LIFD) avant l'échéance du délai de prescription. L'art. 58 al. 1, al. 2 let. a et al. 3 LHID, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, a un contenu identique à celui de l'art. 184 LIFD ; il est directement applicable si les cantons n'ont pas adapté leur législation au 1er janvier 2017 (art. 72s LHID ; art. 77 LPFisc dont l'al. 2 diffère de l'art. 58 al. 3 LHID).

5.9 En matière d'ICC, la poursuite pénale pour tentative de soustraction d'impôt se prescrit donc par quatre ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative a été commise (art. 77 al. 1 let. a LPFisc).

En vertu des art. 205f LIFD et 78f LHID, le nouveau droit est applicable au jugement des infractions commises au cours des périodes fiscales précédant le 1er janvier 2017 s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales. Dans la mesure où il empêche la prescription de courir, en particulier durant la procédure devant le Tribunal fédéral, le nouveau droit se révèle être en principe moins favorable aux contribuables que l'ancien droit. Il est en revanche plus favorable si aucune décision n'a été rendue dans les dix ans à compter de la fin de la période fiscale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4.3 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 4.3 et les références citées).

5.10 En l'espèce, la poursuite pénale pour l'infraction de soustraction d'impôt reprochée au recourant pour les périodes fiscales antérieures à 2008 est prescrite, le délai de prescription absolue de quinze ans étant écoulé. Il n’en va pas de même pour les années 2008 à 2015. Ces années ont, avant l’échéance des dix ans, fait l’objet de décisions de taxation, respectivement de rappel d’impôt et d’amende et le délai de prescription absolue de quinze ans n’est pas échu.

La demande de sûretés ne peut donc pas inclure les prétentions pour rappel d’impôts et amende relatives à l’année fiscale 2007, au même titre que celles relatives à l’année 2006, que le TAPI a à juste titre considérées comme prescrites.

6.             Il convient d’examiner le bien-fondé des demandes de sûretés.

6.1 Les sûretés destinées à garantir l'impôt fédéral direct sont régies par l'art. 169 LIFD. Si le contribuable n'a pas de domicile en Suisse ou que les droits du fisc paraissent menacés, l'administration cantonale de l'impôt fédéral direct peut exiger des sûretés en tout temps et même avant que le montant d'impôt ne soit fixé par une décision entrée en force. La demande de sûretés indique le montant à garantir ; elle est immédiatement exécutoire. Dans la procédure de poursuite, elle produit les mêmes effets qu'un jugement exécutoire (art. 169 al. 1 LIFD).

6.2 L'art. 78 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) prévoit que les cantons peuvent disposer que les décisions de sûretés des autorités fiscales cantonales compétentes sont assimilées à des ordonnances de séquestre au sens de l'art. 274 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1). La LHID ne prévoit donc pas de règle d'harmonisation contraignante pour les cantons en matière de sûretés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_85/2020 précité consid. 6).

Toutefois, tant l'art. 38 al. 1 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18), en vigueur depuis le 1er janvier 2009 (et donc applicable aux sûretés litigieuses des périodes fiscales 2009 à 2015) que l'art. 371A de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05 ; applicable aux sûretés litigieuses pour la période fiscale 2008) reprennent les termes de l'art. 169 al. 1 LIFD. Les principes exposés en matière d'IFD ont ainsi également vocation à s'appliquer à l'ICC (ATF 145 III 30 consid. 7.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1057/2020 précité consid. 7.1 ; 2C_85/2020 précité consid. 6.1).

6.3 L'autorité fiscale est chargée d'encaisser les impôts dus. En cas de besoin, elle peut exiger des garanties de la part du contribuable, sous la forme notamment d'une demande de sûretés, assimilable à une ordonnance de séquestre ; vu sa nature, la demande de sûretés en matière d'impôt constitue une mesure provisionnelle de droit public, qui peut régler une situation de façon temporaire en attente d'une décision principale ultérieure ou intervenir une fois la décision de taxation entrée en force (ATF 134 II 349 consid. 1). Les sûretés au sens de l'art. 169 LIFD ne constituant qu'une mesure provisionnelle, elles n'ont pas d'influence sur l'existence ni sur le montant de la créance fiscale et ne préjugent en rien de celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 2C_689/2019 du 15 août 2019 consid. 2.2.7 ; 2C_669/2016 du 8 décembre 2016 consid. 2.3.2).

6.4 Selon la jurisprudence, pour qu'une demande de sûretés au sens de l'art. 169 al. 1 LIFD soit valable, il est nécessaire : 1) que l'un des cas de séquestre mentionnés dans cette disposition soit réalisé, à savoir l'absence de domicile en Suisse ou le fait que les droits du fisc paraissent menacés, 2) que l'existence de la créance fiscale paraisse vraisemblable et 3) que le montant de la garantie exigée ne se révèle pas manifestement exagéré (arrêt du Tribunal fédéral 2C_85/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.1 et références).

6.5 L'art. 169 al. 1 LIFD prévoit deux hypothèses pouvant donner lieu à des sûretés. L'hypothèse générale est celle dans laquelle le paiement de la créance fiscale apparaît menacé. Dans le cadre de l'hypothèse spéciale, la loi admet également la constitution de sûretés dans les cas où le contribuable n'a pas de domicile en Suisse, ce qui se justifie dans la mesure où une créance de droit public de la Confédération, d'un canton ou d'une commune ne peut donner lieu à une exécution forcée hors de Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2C_543/2018 du 30 octobre 2018 consid. 2 ; 2C_669/2016 précité consid. 2.1).

Dans l'hypothèse générale, il suffit que le recouvrement de la créance fiscale paraisse objectivement « menacé » au regard de l'ensemble des circonstances pour que l'une des conditions posées à l'exigence de sûretés par le fisc soit réunie (arrêts du Tribunal fédéral 2C_115/2017 du 30 mai 2017 consid. 6.2 ; 2A.611/2006 du 18 avril 2007 consid. 4.1).

6.5.1 La seule déclaration incomplète du revenu ou de la fortune imposable, de même que la seule soustraction fiscale ne suffisent pas, en tant que telles, à retenir la mise en danger des droits du fisc. En revanche, la dissimulation systématique par le contribuable de sa situation de revenu et de fortune, en particulier la mise de côté d'argent liquide pour un montant de plusieurs centaines de milliers de francs permet de conclure à une mise en danger objective des droits du fisc. Parle aussi en faveur d'une telle conclusion le fait que le patrimoine du contribuable soit facilement réalisable ou transférable à l'étranger. Si le fait de posséder une nationalité étrangère ne permet pas à lui seul de retenir une mise en danger des droits du fisc, il convient de considérer à cet égard le maintien par le contribuable de relations de famille et d'affaires avec son (autre) pays d'origine (arrêt du Tribunal fédéral 2A.746/2004 du 16 juin 2005 consid. 3.1 et les arrêts cités).

6.5.2 L'art. 169 LIFD n'exige pas que le contribuable ait adopté un comportement ou une manière d'agir spéciale ; il suffit que le paiement de la créance fiscale apparaisse objectivement menacé, sur la base de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. C'est le cas notamment lorsque l'activité soumise à l'impôt permet au contribuable de se soustraire le cas échéant à l'exécution forcée de sa créance par le dessaisissement ou le transfert à l'étranger de valeurs patrimoniales, ou lorsque le contribuable travestit systématiquement sa situation patrimoniale aux autorités de taxation. Pour juger du danger que le contribuable se soustraie à ses obligations fiscales, la facilité de vente et la mobilité des actifs existant revêtent une grande importance. Le comportement passé du contribuable peut aussi constituer un indice de la mise en danger de la créance fiscale, en particulier le dépôt de requêtes dilatoires, la remise de comptes incomplets ou l'absence de transmission des documents requis (arrêt du Tribunal fédéral 2A.237/2006 du 9 janvier 2007 consid. 2.2 et les arrêts cités).

6.5.3 La possession d’immeubles en Suisse n’entraîne fondamentalement pas de mise en danger des droits du fisc, car les immeubles ne sont pas immédiatement aliénables (Hans FREY, in Martin ZWEIFEL/Michael BEUSCH, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, art. 169, § 29, p. 2706). La possession de biens immobiliers en Suisse peut ainsi conduire à renoncer à des sûretés, pour autant que ceux-ci puissent garantir l'ensemble de la créance présumable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_273/2019 du 16 septembre 2019 consid. 3.1.1).

6.6 Lorsqu'ils doivent statuer sur un recours portant sur une demande de sûretés, le Tribunal fédéral, tout comme la chambre de céans, limitent leur examen à un contrôle prima facie de la situation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1057/2020 précité consid. 5.2 ; 2C_85/2020 précité consid. 6.1 ; ATA/1238/2021 du 16 novembre 2021 consid. 7).

7.             En l’espèce, le domicile à l’étranger du recourant n’est pas contesté. Le cas de séquestre est donc réalisé.

Il convient dès lors d’examiner les autres conditions de validité de la demande de sûretés, à savoir la vraisemblance des créances fiscales en cause et l’adéquation du montant de la garantie exigée.

7.1 Le niveau de preuve exigé concernant l'existence de la créance fiscale est celui de la simple vraisemblance. L'existence de celle-ci se détermine sur la base d'un examen préjudiciel et prima facie de la situation. L'art. 169 al. 1 LIFD n'exige pas que les montants réclamés soient fixés définitivement (« même avant que le montant d'impôt ne soit fixé par une décision entrée en force »). Lorsque la créance n'est pas définitive, le montant présumé de l'impôt fait l'objet d'un examen sommaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_85/2020 précité consid. 5.1 et références).

La loi prévoit expressément qu'il n'y a pas lieu d'attendre une décision entrée en force pour exiger des sûretés ; dès lors, en cas de rappel d'impôt, il convient d'examiner si les reprises effectuées par le fisc et éventuellement contestées par le contribuable doivent être tenues pour plausibles (arrêt du Tribunal fédéral 2A.446/2006 précité consid. 5.1 ; ATA/1851/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4c), étant précisé qu'elles ne doivent pas être manifestement exagérées (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, vol. III, 2015, n. 37 ad art. 169 LIFD).

7.2 L’art. 185 al. 1 LIFD prévoit que les amendes et les frais résultant de la procédure pénale sont perçus selon les art. 160 et 163 à 172 LIFD. Dès lors que cette disposition renvoie notamment à l'art. 169 LIFD, les sûretés prévues par cette disposition peuvent aussi porter sur des créances d'amende, y compris celles qui n'ont pas encore été prononcées dont le montant est alors estimé (ATF 145 III 30 consid. 7.3.1 et 7.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 précité consid. 6.2.1 ; Pierre CURCHOD, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], commentaire romand, IFD, 2e éd. 2017, n. 3 ad art. 169 LIFD).

Les demandes de sûretés servent à garantir le paiement des amendes envisagées, mais ne préjugent en rien de la culpabilité du contribuable, de sorte que la présomption d'innocence n'est ainsi pas violée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 précité consid. 6.2.2).

7.3 La garantie de la propriété est ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst. Elle n'est toutefois pas absolue. Comme tout droit fondamental, elle peut être restreinte aux conditions fixées à l'art. 36 Cst. La restriction doit ainsi reposer sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public (al. 2) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3). Ce principe exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but visé et les intérêts publics ou privés compromis (règle de la proportionnalité au sens étroit) (ATF 141 I 20 consid. 6.2.1 ; 140 I 168 consid. 4.2.1 ; 135 I 233 consid. 3.1).

La garantie de la propriété n'empêche en principe pas le prononcé de restrictions provisoires (séquestre civil, pénal ou administratif) destinées à assurer l'exécution de décisions finales ultérieures (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 précité consid. 6.2.3 ; 1C_6/2016 du 27 mai 2016 consid. 3.8). L'exécution de la demande de sûreté ou du séquestre conduit à une restriction du droit de propriété. La réalisation anticipée d'un bien séquestré ou dans le cadre d'une poursuite en prestation de sûretés constitue une atteinte grave à la garantie de la propriété, de sorte qu’il convient d'examiner si les conditions de l'art. 36 al. 1 Cst. sont remplies (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 précité consid. 6.2.4 ; 1B_461/2017 du 8 janvier 2018 consid. 2.1)

7.4 En l'espèce, comme susmentionné, il ressort de l’enquête menée par la DAPE que le recourant aurait commis, durant les périodes fiscales 2008 à 2015 des soustractions portant sur des montants importants d’impôt, ayant notamment omis de déclarer des salaires et/ou des distributions dissimulées de revenu versés par B_____ (devenue ensuite K_____, puis G_____, L_____), C_____ et la fondation liechtensteinoise D_____.

Le recourant était président du conseil de cette fondation et la famille bénéficiaire de cette dernière. Il s’agissait d’une fondation constituée par le père du recourant et détenant des biens issus de la fortune familiale. Le cercle des bénéficiaires, après le décès des parents du recourant, faisait l’objet d’indications contradictoires et l’existence d’un compte courant auprès de la fondation, ouvert en faveur du contribuable, n’était rendue vraisemblable par aucune pièce. Le recourant avait bénéficié de nombreuses libéralités de la fondation, au titre de rémunération exercée pour son compte. Ces libéralités n’avaient pas été déclarées comme revenu. La fortune mobilière de D_____ comportait une collection d’œuvres d’art, des sociétés panaméennes et libérienne et des relations bancaires, ouvertes au nom de différentes sociétés, telles que M_____ ; la fortune mobilière avait été estimée par la fiduciaire ayant établi un bilan trimestriel des fonds entre CHF 30’000’000.- et CHF 50'000'000.-. M_____ possédait 98 % du capital-actions de N_____, sise en Toscane, qui était propriétaire de plusieurs terrains de jeu de polo, de pistes d’entraînement pour les chevaux, d’écuries d’une capacité de plus de 200 chevaux, de maisons d’hôtes et de restaurants. Il paraissait ainsi vraisemblable que la fortune de la fondation soit plus importante que l’estimation faite par la fiduciaire. Après analyse des mouvements de fonds entre D_____, la fondation liechtensteinoise O_____, dont le recourant présidait le conseil, et lui‑même, la DAPE a établi un tableau retenant les montants admis à titre de frais engagés par le contribuable dans la gestion des avoirs de O_____, gestion reposant sur un contrat. Il ressort du rapport de la DAPE que ce tableau a été établi en collaboration avec le recourant et que les frais ont été admis à bien plaire par la DAPE à hauteur de 50 %, celui-ci n’ayant produit aucune pièce justificative relative auxdits frais.

La fondation D_____ avait encaissé des montants en lien avec des commissions de gestion et d’apporteur d’affaire. Cette activité ne relevant pas de ses buts, mais correspondant à l’activité professionnelle du contribuable, il y avait lieu de retenir qu’il avait utilisé la fondation D_____ pour encaisser des rémunérations non déclarées et avait ensuite, grâce à ses pouvoirs de disposition sur les comptes de celle-ci, prélevé des montants au gré de ses besoins. En sus, il avait perçu des revenus pour son activité indépendante de gérant de fortune en faveur de la fondation, revenus qu’il convenait également de réintégrer dans ses déclarations fiscales. Les prestations à réintégrer se montaient au total à CHF 1'832’956.- entre 2009 et 2015. Elles étaient de CHF 122'827.- pour 2007 et de CHF 611'980.- en 2008. Ces montants se fondaient sur l’analyse des pièces à disposition de la DAPE, les auditions auxquelles elle a procédé et les explications fournies par le recourant.

Bien que ce dernier conteste l’analyse opérée par la DAPE au sujet des virements effectués par la fondation D_____ en sa faveur, il n’en demeure pas moins que les éléments apportés par la DAPE rendent les allégués de celle-ci vraisemblables.

Il en va de même des conclusions auxquelles la DAPE est parvenue au sujet de B_____ Cette société inscrite dans les Îles vierges britanniques disposait d’un bureau dans les locaux professionnels du recourant à Genève. Selon le registre des actionnaires, il en était depuis 2000 administrateur, avec signature individuelle. Jusqu’en 2007, il en était actionnaire uniquement, puis à 50 %. Le contribuable soutenait avoir agi en tant que « nominee ». La DAPE considérait cette allégation peu crédible au vu, notamment, du fait qu’il avait, dans ses dispositions testamentaires du 10 octobre 2012, exprimé sa volonté de céder ses actions à P_____.

Selon l’analyse des pièces bancaires de B_____, celle-ci avait subi des retraits en espèces, procédé à des virements en faveur de comptes détenus par le contribuable ou son épouse ainsi que bénéficié de montants versés en espèces par celui-ci. Ce dernier avait, notamment, expliqué qu’après la vente de ses actions dans B_____ à Q_____, il avait continué à œuvrer pour celle-ci sans être rémunéré, mais en bénéficiant d’une ligne de crédit pour ses frais professionnels. Les premiers prélèvements constitueraient le paiement du prix de vente. Or, selon la DAPE, la vente des actions n’était pas établie. Les mouvements de compte ne s’inscrivaient pas dans une logique de compte courant, la balance nette de celle-ci présentant un bénéfice de CHF 14'000'000.- en faveur du recourant entre 2005 et 2014. L’existence même d’un compte courant ne ressortait ni de la comptabilité de B_____, ni d’un contrat de prêt ni n’était appuyée par des pièces accompagnant les mouvements de fonds ni n’avait été mentionnée dans les déclarations fiscales précédant l’ouverture de la procédure d’enquête de la DAPE. Les versements en faveur du recourant et de son épouse constituaient ainsi des prestations appréciables en argent, totalisant entre 2008 et 2014 CHF 9'449'932.- (CHF 13'841'401.- [montant total de 2005 à 2014] – CHF 1'585'610 [2005] – CHF 1'787'436.- [2006] – CHF 1'018'423.- [2007]).

Les constats précités reposent sur l’analyse des indications fournies par le contribuable lui-même ainsi que les pièces au dossier. Ils apparaissent ainsi suffisamment vraisemblables pour fonder les créances fiscales en cause.

Sur la base des pièces en sa possession, des explications fournies par l’administrateur unique de C_____, du comptable de celle-ci et des déclarations du recourant, la DAPE a retenu que cette société était propriétaire de R_____, S_____, T_____, U_____et de T_____. Ces sociétés n’avaient aucune réalité économique, détenant uniquement des comptes. Vu la libération, au moment de l’augmentation du capital-actions de C_____, par compensation de la dette de R_____ envers C_____, la société-fille avait acquis des actions de la société-mère. Lesdites actions avaient été attribuées pour moitié à chaque actionnaire, soit 2'325 actions pour la fondation D_____, ce qui représentait une prestation appréciable en argent de CHF 2'325'000.- en faveur du contribuable.

En outre et en résumé, selon les mouvements de compte documentés et les indications les accompagnant, C_____ avait payé, en 2013, un montant de EUR 450'806.74 à U_____ et, en 2014, deux montants de EUR 1'770'000.-, l’un à la précitée, l’autre à T_____, au titre de remboursement de la dette envers R_____, alors que ces versements avaient en réalité bénéficié à des sociétés pleinement détenues par le contribuable. La comptabilisation de ces virements en tant que réduction de dettes de C_____ ne correspondait à aucune réalité. C_____, qui détenait T_____, avait de ce fait également été appauvrie, au bénéfice du contribuable. Les montants précités devaient ainsi être considérés comme des prestations appréciables en argent en faveur du recourant. Il en allait de même de quatre autres virements opérés au débit du compte de T_____. L’ensemble de ces sommes, d’au total CHF 836'349.- (CHF 609'250.- en 2011, CHF 198'501.- en 2013, CHF 15'010.- en 2014 et CHF 13'588.- en 2015), constituaient des prestations appréciables en argent en faveur du contribuable. Ces constats se fondent également sur une analyse détaillée des pièces au dossier et des indications fournies par le contribuable. Quand bien même celui-ci le conteste, les éléments, notamment les pièces comptables, rendent le constat de la DAPE vraisemblable à ce stade.

En réintégrant les montants soustraits dans la taxation IFD 2008 ainsi que ceux ayant fait l’objet d’une tentative de soustraction, l’impôt fédéral dû pour les années en cause était celui figurant sous lettre r de la partie « En fait » ci-dessus. L’AFC‑GE a repris, pour les taxations et reprises en ICC, les éléments de revenu et de fortune soustraits respectivement faisant l’objet d’une tentative de soustraction, tels que déterminés par la DAPE. Dans ses décisions sur réclamation, elle a repris et détaillé son analyse relative aux prestations appréciables en argent dont le recourant a bénéficié et au revenu tiré de son activité d’indépendant exercée pour la fondation D_____.

Dès lors que les montants ainsi déterminés paraissent, prima facie, vraisemblables, les créances fiscales en découlant ont été rendues plausibles. En ce qui concerne les amendes, arrêtées à 1.5 fois les montants soustraits, ramené à 2/3, à savoir 100 % du montant qui a tenté d’être soustrait, elles paraissent conformes aux dispositions légales y relatives qui prévoient que leur quotité est, en général, fixée au montant de l'impôt soustrait, mais peut, si la faute est grave, au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 2 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). L’AFC-GE a, à cet égard, tenu compte du fait qu’en homme d’affaires expérimenté, le recourant ne pouvait qu’avoir agi intentionnellement en ne déclarant pas des revenus et éléments de fortune importants. En outre, il s’était servi de faux documents lors de ses déclarations fiscales, son comportement s’était inscrit dans une certaine durée et les déclarations fiscales déposées après l’ouverture des enquêtes n’avaient pas présenté de changement significatif. Les amendes telles que fixées par l’AFC-GE, puis confirmées sur réclamation, n’apparaissent ainsi, prima facie, pas excessives.

En outre, la restriction à la garantie de la propriété repose sur une base légale suffisante (art. 169 LIFD, en lien avec les art. 38 al. 1, 67, 69 et 88 ss LP). Les mesures de sûretés en cause visent à garantir le paiement d’éventuelles créances d’impôt et d'amendes pour soustraction et tentatives de soustraction fiscale et relèvent donc d’un intérêt public. Enfin, les demandes de sûretés ont un caractère provisoire. Le recourant reste propriétaire des montants séquestrés et biens séquestrés et peut éviter la réalisation des biens saisis en fournissant d'autres sûretés. Les mesures en cause étaient ainsi proportionnées et les conditions de l'art. 36 Cst. respectées.

Compte tenu de la prescription des créances fiscales relatives à l’année fiscale 2007, d’au total en ICC de CHF 722'800.95 (CHF 571'630.25 rappel d’impôts + CHF 151'170.70 amende) et, en IFD, d’au total CHF 300'785.15 (CHF 223'476.- rappel d’impôts + CHF 77'309.15 amende), il convient de déduire ces montants des demandes de sûretés, comme l’AFC-GE s’est d’ailleurs proposé de le faire.

Il lui en sera ainsi donné acte.

Il est, enfin, relevé qu’au regard de l’estimation effectuée par l’OP de la valeur du bien immobilier que le recourant possède en Suisse et des cédules hypothécaires dont le bien-fonds est grevé, celui-ci ne saurait servir de garantie suffisante du paiement des dettes fiscales telles que rendues vraisemblables en l’espèce.

8.             Le recourant succombe tant sur le principe des sûretés que sur l’essentiel de leur quotité, qui est réduite uniquement en raison de la prescription d’une partie des créances en cause. Il supportera ainsi l’émolument de CHF 2'000.- (art. 87 al. 1 LPA) et ne se verra allouer aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 décembre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 novembre 2022 ;

 

au fond :

l’admet partiellement ;

donne acte à l’administration fiscale cantonale de ce que la demande de sûretés s’élève, pour l’ICC 2008 à 2015, à CHF 8'942'769.60 plus intérêts à 2.51 %, sur CHF 4'177'384.90 dès le 7 février 2022 et, pour l’IFD 2008 à 2015, à CHF 3'293'523.10 plus intérêts à 4 % sur CHF 1'479'529.95 dès le 7 février 2022 ;

annule le jugement attaqué dans cette mesure ;

le confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de A_____ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Charles PONCET et Stéphane GRODECKI, avocats du recourant, à administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale de contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :