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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2760/2022

ATA/1022/2023 du 19.09.2023 sur JTAPI/268/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2760/2022-PE ATA/1022/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 septembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________




Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mars 2023 (JTAPI/268/2023)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le requérant), né le ______ 1979, est ressortissant du B______.

b. Il est arrivé en Suisse, selon ses dires, en 2008.

c. Les 20 décembre 2018, 28 août 2019, 17 décembre 2019, 15 et 17 décembre 2020, 22 juillet 2021, 14 décembre 2021, le requérant a sollicité de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance d'un visa de retour afin de se rendre au B______ pour des motifs familiaux.

B. a. Le 17 septembre 2018, le requérant a déposé auprès de l’OCPM une demande de régularisation de ses conditions de séjour sous l'angle de l'« opération Papyrus ».

À l'appui de sa requête, il a notamment joint une lettre d'accompagnement indiquant une arrivée en Suisse en 2008, une copie de son passeport, un formulaire Papyrus, une attestation de connaissance de la langue française, un extrait de son casier judiciaire, la copie de son extrait de compte individuel AVS, une attestation de l'Hospice général et une attestation de l'office des poursuites.

b. Le 26 août 2019, l'OCPM a requis la production de documents complémentaires, notamment des justificatifs de résidence à Genève pour les années 2008 à 2012 et 2018.

c. Par courrier du 10 octobre 2019, l'OCPM a informé le requérant de son intention de refuser sa requête et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir ses observations.

d. Le 11 novembre 2019, le requérant a transmis à l'OCPM les documents sollicités.

e. Par courrier du 8 juin 2020, l'OCPM a informé le requérant qu'après un examen attentif de son dossier, il était disposé à faire droit à sa demande, sous réserve de l'approbation du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).

f. Le 16 mars 2021, le SEM a retourné le dossier du requérant à l'OCPM pour nouvel examen.

Le dossier contenait des éléments douteux notamment au sujet des attestations de travail, contrats de travail et fiches de salaire de l'entreprise C______ Sàrl, au sujet des certificats de travail émis par la société D______ Sàrl de mai à juillet 2009 et durant six mois en 2008, ainsi qu'au sujet des attestations de travail de l'entreprise E______ Sàrl. Son extrait de compte individuel AVS indiquait que F______ lui avait versé des cotisations pour les périodes de novembre à décembre 2015 et de janvier à juin 2016, sans qu'il soit possible de comprendre le motif de ces versements.

g. Le 5 octobre 2021, l'OCPM a dénoncé le requérant au Ministère public pour des soupçons portant sur l'authenticité des décomptes et certificats de salaire établis par les entreprises C______ Sàrl, D______ Sàrl et E______ Sàrl. De plus, les cotisations relatives aux fiches de salaires établies par la société C______ Sàrl portant sur les années 2010 à 2012 ne figuraient pas sur son extrait individuel AVS. Cette même entreprise avait aussi produit un certificat de travail du 31 octobre 2019 comprenant les années considérées. La société E______ Sàrl avait établi deux attestations de travail (antidatées) du 12 avril 2013, l'une attestant d'une activité du 1er octobre 2011 au 23 décembre 2011 et l'autre du 1er juillet 2012 au 31 mars 2013. Concernant l'entreprise D______ Sàrl, celle-ci avait établi une attestation de travail pour l'année 2008, mais datée du mois de mai 2009.

h. Le 14 mars 2022, le requérant a été interpellé par les services de police et prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), de comportement frauduleux à l'égard des autorités ainsi que de faux dans les titres.

Lors de son audition du même jour, il a notamment déclaré être arrivé en Suisse en 2008 et que sa mère, deux de ses frères et une sœur vivaient au B______. Il a également avoué avoir produit une fausse attestation de suivi médical.

i. Par ordonnance pénale du 15 mars 2022, le Ministère public a reconnu le requérant coupable de faux dans les titres et d'infractions à la LEI et l'a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 60.- le ce jour avec sursis pendant trois ans.

C. a. Par courrier du 13 mai 2022, l'OCPM a informé le requérant de son intention de refuser sa demande de régularisation de ses conditions de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir ses observations, ce qu'il n'a pas fait.

b. Par décision du 4 juillet 2022, l'OCPM a refusé la demande de régularisation des conditions de séjour de l’intéressé et a prononcé son renvoi de Suisse.

Il avait produit des documents falsifiés, notamment une attestation médicale, dans le but d'induire en erreur l'OCPM afin d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Sa situation ne satisfaisait donc pas aux conditions de l'« opération Papyrus ».

Il ne remplissait également pas les critères relatifs à un cas individuel d'une extrême gravité. Il n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Il ne justifiait pas d'une intégration socioculturelle particulièrement remarquable au vu de son comportement. Son intégration correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n'avait également pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

Il n'invoquait pas, ni ne démontrait, l'existence d'obstacles au retour dans son pays d'origine. Le dossier ne faisait également pas apparaitre que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

c. Par acte du 31 août 2022, le requérant a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

d. Par jugement du 9 mars 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Le requérant avait été condamné par ordonnance pénale du 15 mars 2022 pour faux dans les titres pour avoir produit de fausses fiches et certificats de salaire ainsi qu'une fausse attestation de suivi médical à l'appui de sa demande d'autorisation de séjour pour les années 2008 à 2012. Sur cette base, il était manifeste qu'en tentant sciemment d'induire l'autorité en erreur en vue d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour, l’intéressé avait fait preuve d'un comportement dénotant un profond mépris pour l'ordre juridique suisse et ses valeurs, ce qui tendait à démontrer son manque d'intégration. Un séjour continu en Suisse depuis 2008 n’était quoi qu’il en soit pas établi. À teneur des éléments du dossier, notamment de son extrait de compte individuel AVS du 23 avril 2021, son séjour n’était démontré, au mieux, qu'à partir de l'année 2013. Il ne remplissait donc pas les conditions strictes nécessaires à l'octroi d'une autorisation de séjour sous l'angle de l’« opération Papyrus ».

Sous l’angle du cas de rigueur, la durée de son séjour devait être relativisée, le requérant ayant toujours séjourné sur le sol helvétique sans titre de séjour. Son intégration socio-professionnelle ne pouvait être qualifiée d'exceptionnelle. Il avait, en outre, manifestement conservé des attaches avec le B______, où vivait sa mère, deux frères et sa sœur, vu les sept demandes de visas de retour qu'il avait déposées.

D. a. Par acte déposé au greffe universel le 12 avril 2023, le requérant a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour. Il a sollicité son audition, ainsi que celle de F______.

Il remplissait les conditions de l’« opération Papyrus ». Les documents écartés par la procédure pénale témoignaient d'une réalité effective. Il avait travaillé pour les sociétés précitées mais n'avait pas demandé de documents lors de son emploi.

Malgré la présence de quelques membres de sa famille au B______, il avait établi son centre d'intérêt principal en Suisse. Outre le manque de perspective professionnelle, les difficultés liées à un retour au pays étaient augmentées par son séjour important en Suisse. Sa volonté de se régulariser l'avait poussé à effectuer les démarches en vue d'obtenir une autorisation de séjour.

Il ne s'était pas opposé à l'ordonnance pénale, mais avouait que la force probante de certains documents antidatés était réduite, sans toutefois dénier le fait qu'il avait réellement travaillé. Il était donc disproportionné d'accorder trop de valeur à cette condamnation.

b. Par réponse du 12 mai 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 12 juin 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il se trouvait dans une position délicate en raison des documents fournis par son ancien employeur. Il n’avait pas formé opposition à l’ordonnance pénale car il n’en comprenait pas la portée juridique. Son comportement n’était pas frauduleux malgré l’inscription au casier judiciaire. La durée de son séjour avait été prolongée de cinq ans en raison de la lenteur des autorités.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite son audition ainsi que celle d’un témoin.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1 ; ATA/1173/2020 du 24 novembre 2020 consid. 3a).

2.2 En l'espèce, le recourant a eu l'occasion d'exposer ses arguments et de produire des pièces, tant devant l'OCPM, le TAPI que la chambre de céans. Son audition n’est pas à même d’apporter d’éclairage supplémentaire à ses allégations, telles que figurant déjà à la procédure.

S’agissant de l’audition de F______, le recourant n’explique pas en quoi celle-ci pourrait être déterminante pour l’issue du litige, étant précisé qu’un seul témoignage de proche ne saurait suffire pour démontrer un séjour continu depuis 2008. Il ressort, au demeurant, de l’extrait du compte individuel du recourant que le témoin cité dans son écriture a été son employeur de novembre à décembre 2015 et en 2016. Le TAPI a toutefois admis que le séjour du recourant pouvait être comptabilisé à partir de 2013. Dans ces conditions, la chambre de céans ne voit pas quels éléments supplémentaires l'audition de cette personne pourrait amener. Il ne sera donc pas donné suite aux actes d’instruction sollicités par le recourant.

3.             Est litigieux le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM l’autorisation de séjour du recourant et son renvoi.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

3.2 Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

3.3 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (secrétariat d'État aux migrations, Domaine des étrangers [ci-après : directives LEI], état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.4 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/254/2023 du 14 mars 2023 consid. 2.1.4).

3.5 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

3.6 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

4.             En l’espèce, s’agissant de l’« opération Papyrus », force est de constater que le recourant ne remplit pas la condition du séjour de dix ans au minimum. D’après son extrait de compte individuel, son séjour n’est démontré, au mieux, qu’à partir de 2013. Le recourant n’a produit aucune pièce supplémentaire permettant de démontrer un séjour continu avant 2013, étant précisé que l’ensemble des documents produits le 11 novembre 2019 dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour, soit les fiches de salaire, attestations de travail et attestation médicale, ont été qualifiés de faux par le Ministère public. Ainsi, au moment du dépôt de son autorisation de séjour, le 17 septembre 2018, le recourant ne séjournait en Suisse que depuis cinq ans. S’ajoute à cela que le recourant ne remplit pas la condition d’une absence de condamnation pénale, étant précisé que la condamnation pour faux dans les titres ne relève pas d’une infraction à la LEI. Le recourant ne peut ainsi se prévaloir de l’application de l’« opération Papyrus ».

Le recourant ne remplit pas non plus les critères d’un cas d’extrême gravité, dont d’ailleurs l’« opération Papyrus » n’était qu’une illustration. En effet, la durée de son séjour en Suisse, de dix ans aujourd’hui, doit être fortement relativisée du fait qu’il s’est intégralement déroulé dans l’illégalité, ou au bénéfice d'une tolérance des autorités depuis le dépôt de la demande. Le recourant est au demeurant malvenu de tirer argument de la lenteur de la procédure, dans la mesure où celle-ci est en grande partie due à son comportement délictueux.

La condamnation du recourant du 15 mars 2022 n’est d’ailleurs pas anodine, puisqu’elle a directement trait à l’un des critères permettant de retenir une intégration sociale réussie, à savoir le respect de l’ordre public. Or, le recourant, en produisant plusieurs faux relevés de salaire et certificats de travail, ainsi qu’une fausse attestation médicale, a cherché à induire en erreur les autorités en vue d’obtenir un titre de séjour. Ce comportement dénote un mépris certain pour les institutions du pays. Dans la mesure où ladite condamnation est définitive, le recourant n’ayant pas formé opposition à l’ordonnance pénale, c’est en vain qu’il cherche à contester le caractère frauduleux de son comportement, étant d’ailleurs rappelé qu’il a avoué devant la police avoir produit une fausse attestation de suivi médical.

Si le recourant est, certes, indépendant financièrement, n’a pas recouru à l’aide sociale, n’a pas de dettes et justifie d’un niveau A2 de langue française, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio‑professionnelle particulièrement réussie. Le recourant ne prouve ni même ne soutient qu’il aurait tissé des liens amicaux ou affectifs particulièrement forts à Genève, qu’il ne pourrait continuer à poursuivre depuis le B______ par le biais de moyens de télécommunication moderne. De même, il ne rend pas vraisemblable qu’il se serait investi dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Enfin, bien qu’indépendant économiquement, il travaille dans le secteur de la construction et ne peut se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas. En outre, les connaissances professionnelles acquises en Suisse ne sont pas spécifiques au pays, au point qu’il ne pourrait les utiliser au B______.

Le recourant est né au B______ et y a passé toute son enfance, son adolescence et une bonne partie de sa vie d’adulte. Il apparait avoir gardé des liens avec le B______, puisqu’il a formulé sept demandes de visa pour motifs familiaux depuis 2018, étant précisé que sa mère, ses deux frères et sa sœur y vivent encore. Ainsi, malgré la durée de son séjour en Suisse, son pays ne peut lui être devenu étranger. Il pourra faire valoir en cas de retour l’expérience et les compétences acquises en Suisse pour sa réintégration, notamment professionnelle, et ne devrait ainsi pas rencontrer d’importants problèmes de réintégration professionnelle, du moins qui soient indépendants des difficultés connues par l'ensemble de la population au B______. Sa situation ne permet en tout cas pas de retenir que sa réintégration serait gravement compromise au sens de la jurisprudence.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour présentée par le recourant.

Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, il devait prononcer son renvoi. En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Le recourant ne le soutient pas.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 avril 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. de Lausanne 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre OCHSNER, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY et Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.