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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1560/2023

ATA/1020/2023 du 19.09.2023 ( PATIEN ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1560/2023-PATIEN ATA/1020/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 septembre 2023

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

 

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE, DÉPARTEMENT DE PSYCHIATRIE, SERVICE DE PSYCHIATRIE ADULTE

 

et

 

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS intimés

 



EN FAIT

A. a. A______ est née le ______ 1987.

b. Elle souffre d’un trouble schizo-affectif de type mixte ainsi que d’un trouble de la personnalité émotionnellement labile et de traits antisociaux.

c. Le 11 novembre 2015, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci‑après : TPAE) a ordonné son placement à des fins d’assistance (ci-après : PAFA).

d. Le 15 août 2017, le TPAE a levé la mesure de PAFA sous condition que A______ suive régulièrement des séances de psychothérapie individuelle au centre de psychiatrie et de psychothérapie intégrée (ci-après : CAPPI) B______ et prenne régulièrement le traitement médicamenteux prescrit par ses médecins.

e. Le 15 août 2019, la mesure de PAFA a pris fin.

f. Le 5 décembre 2019, A______ s’est rendue au CAPPI B______ pour un entretien avec le Prof. C______, médecin adjoint agrégé responsable du secteur.

g. Le même jour, la Dre D______, médecin autorisée à ordonner des PAFA au CAPPI B______, a ordonné un PAFA en faveur de A______, motivant celui-ci comme suit : « Patiente connue pour un trouble schizo-affectif et une personnalité émotionnellement labile avec des traits antisociaux. La patiente n’est plus sous PAFA-TPAE suspendu depuis quelques mois et suite à cela elle est en rupture de son traitement neuroleptique. Depuis quelques temps elle présente une tension interne importante avec des idées délirantes par moments. Elle présente également une désinhibition et des insomnies et exprime l’envie de passer à des actes hétéroagressifs. Dernièrement, elle s’est scarifié les poignets sans explication ni remise en question. Elle nie tout problème de santé mentale et refuse catégoriquement la prise d’un traitement neuroleptique. Hospitalisation en PAFA-med pour mise à l’abri d’un risque auto et hétéroagressif. Ce jour a sorti un couteau pendant l’entretien avec le Prof C______ ».

h. La note de suite établie par le Prof. C______ le même jour mentionne « Compte tenu de l’évolution de la situation, on appelle la police pour procéder à une hospitalisation au moment du RV. Situation discutée la veille avec Dre D______ pour planifier la chose. Patiente arrive légèrement agitée. Refus de soins. Humeur haute mais pleine capacité de discernement par rapport à ce qui suit : dit avoir passé ces derniers jours à crever des pneus avec son ami E______ venu qqs jours de F______, d’une ancienne responsable de collège, Mme G______ […], puis d’une amie non précisée. Aurait fait encore d’autres choses qu’elle ne veut pas mentionner. Pendant l’entretien sort un couteau à cran d’arrêt, dit vouloir le planter dans des objets. Refuse de le donner. Le plante dans une boite de mouchoirs. Refuse de me le donner. Situation tendue, on lui pose qqs questions afin d’attendre l’arrivée de la police. Range puis ressort à nouveau le couteau. Après 25’ je quitte le bureau pour voir si la police est arrivée. Ceux-ci interviennent à trois, et maîtrisent assez difficilement la patiente. Ad PAFAmed par Dre D______. Probable plainte à déposer après réflexion. Prévoir ch [chambre] fermée + tt [traitement] NL [neuroleptiques] ».

i. Il ressort d’une fiche de renseignements portant sur l’intervention de la police qu’une patrouille de police s’est rendue au CAPPI le 5 décembre 2019 à 10h03 après un appel signalant une patiente agressive. « Sur place, les policiers ont pris langue avec le personnel du CAPPI, lequel leur a indiqué qu’une patiente, Madame A______, faisait l’objet d’un internement non volontaire. Au même moment, le médecin de cette dernière est venu informer les policiers qu’à deux reprises, Madame A______ aurait brandi un couteau dans sa direction, alors qu’elle se trouvait dans son bureau. Le couteau en question serait un couteau suisse VICTORINOX que Madame A______ aurait uniquement agité, sans pour autant l’ouvrir. De ce fait, les policiers sont allés à la rencontre de Madame A______, restée seule dans la salle de consultation. Lorsque ces derniers ont tenté d’engager la conversation avec l’intéressée, celle-ci s’est montrée virulente, n’obtempérant pas à leurs demandes, et a voulu quitter les lieux. Au vu de ces éléments, les policiers ont dû amener l’intéressée au sol, de force, pour leur propre sécurité ainsi que celle de cette dernière. Pour ce faire, deux policiers ont exécuté simultanément une ‘prise d’escorte’ sur chacun des bras de Madame A______. Une fois au sol, cette dernière a été menottée. Il sied de préciser que lorsque les policiers sont entrés dans la salle d’auscultation, Madame A______ était toujours en possession de son couteau, lequel se trouvait dans la poche extérieure gauche de sa veste. Madame A______ a ensuite été placée en position assise, sur le sol. Alors menottée, l’intéressée est parvenue à enlever la boucle droite de ses menottes, ce qui lui a occasionné des dermabrasions sur son poignet droit. Suite à cela, les policiers ont dû remettre les menottes à l’intéressée, au moyen de la contrainte, en effectuant une ‘clé d’épaule’ sur son bras droit. Une fois la situation apaisée, Madame A______ a expliqué aux policiers vouloir, depuis toute petite, planter des objets à l’aide d’un couteau. Une ambulance SAR a été dépêchée sur place afin de prendre en charge l’intéressée et la transporter à Belle‑Idée. Le couteau suisse de Madame A______ a été saisi et confié au personnel médical qui se chargera de le lui restituer en temps voulu ».

j. Par ordonnance du 10 décembre 2019, le TPAE, statuant sur le recours formé par A______ contre la mesure de PAFA ordonnée par la Dre D______, a admis celui-ci, constaté l’illicéité du PAFA ordonné par la Dre D______, puis ordonné le PAFA de A______ et prescrit l’exécution de celui-ci à la clinique H______.

Selon l’expert mandaté par le TPAE, A______, voyant arriver le terme du PAFA-TPAE, avait remis progressivement en cause son traitement et refusé les injections de neuroleptiques. Les premiers signes cliniques d’une décompensation psychotique étaient apparus en octobre 2019 jusqu’à l’aggravation de son état en novembre 2019.

Les médecins responsables de l’unité de placement avaient requis le 9 décembre 2019 la réactivation du PAFA-TPAE. A______ avait déjà été hospitalisée dix fois. Les hospitalisations et les actes pénalement répréhensibles avaient diminué lorsqu’elle bénéficiait d’un sursis au PAFA avec un suivi régulier.

Entendue le 10 décembre 2019 par le TPAE, A______ avait affirmé ne pas avoir été auscultée par la Dre D______ et qu’elle n’avait été vue que par le Prof. C______, qui était son médecin référent au CAPPI.

Entendu le même jour, le Dr I______, chef de clinique à l’unité de placement, avait indiqué s’être entretenu avec le Prof. C______ et que celui-ci lui avait confirmé que la Dre D______ « n’avait pas pu voir en entretien la patiente, qui n’était pas en état et avait dû être maîtrisée par la police. » L’attitude de la patiente face au Prof. C______ était sa manière à elle de demander une hospitalisation. La mesure de PAFA ordonnée était tout à fait justifiée. A______, qui refusait le traitement par voie orale, s’était vu injecter sans attendre du Clopixol, car son comportement était inquiétant. Ce neuroleptique avait donné de bons résultats.

La Dre D______ n’avait pas examiné elle-même A______, ce qui rendait illicite le PAFA qu’elle avait ordonné.

L’absence de compliance au traitement, l’anosognosie et le risque de mise en danger de sa personne et de tiers commandaient cependant le maintien de l’hospitalisation de A______ afin de permettre la stabilisation de son état, de sorte que le TPAE ordonnait d’office un PAFA de A______ à la clinique H______.

B. a. Par courrier reçu le 9 janvier 2020, A______ a saisi la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) d’une plainte dirigée contre la Dre D______.

Le 5 décembre, après environ 20 minutes, le Prof. C______ avait reçu un message et était sorti. Trois minutes plus tard, il était revenu avec trois policiers, qui l’avaient maîtrisée et menottée, puis l’avaient assise sur une chaise pour attendre l’ambulance. Elle n’avait pas revu le Prof. C______ pendant cette attente et on lui avait remis le duplicata du PAFA dans l’ambulance. Elle avait alors constaté à sa grande surprise que celui-ci était signé par la Dre D______, laquelle ne l’avait pas vue pour rédiger le certificat. Or le certificat mentionnait que la médecin avait examiné la personne et l’avait informée de ses droits. Aucun de ces points n’avait été respecté, ce qui constituait une faute grave. Ce point avait été constaté par le TPAE, qui avait déclaré le certificat illégal.

b. Le 28 janvier 2020, la commission a décidé d’ouvrir une instruction et l’a confiée à la sous-commission 3.

c. Le 3 mars 2020, le Prof. J______, chef de service à la clinique H______, a indiqué à la commission que lors d’un entretien du 29 novembre 2019 avec le Prof. C______, A______ présentait une agitation importante, proférait des menaces et voulait endommager du matériel. Du fait de la grande probabilité de devoir organiser une hospitalisation en PAFA-MED, le Prof. C______ lui avait fixé un rendez-vous le 5 décembre 2019 et avait parallèlement informé la Dre D______ de la possibilité de devoir évaluer la nécessité d’un PAFA lors de cette consultation. Compte tenu de ce contexte, un appui de la police avait été demandé dès l’arrivée de la patiente au CAPPI, étant précisé que les agents n’étaient pas présents au début de l’entretien. Le Prof. C______ n’étant pas autorisé à signer des PAFA au sein du service, il avait renseigné à l’avance la Dre D______ avec un maximum de détails afin que celle-ci puisse, le cas échéant, y procéder. La patiente maîtrisée par les policiers, la Dre D______ avait tenté de discuter avec elle afin d’effectuer l’examen nécessaire à la mise en place d’un PAFA-MED. Elle avait aussi tenté d’évaluer l’option d’une autre solution à même de fournir le traitement et l’assistance nécessaires. La patiente avait alors refusé de parler, se montrant insultante à son encontre. Au vu du manque de collaboration et de l’anosognosie de la patiente, la Dre D______ avait conclu qu’un PAFA était nécessaire pour atteindre le but de protection visé. Elle avait ensuite informé A______ qu’une ambulance allait l’emmener à la clinique H______ pour une hospitalisation en l’informant autant que possible de ses droits. A______ avait persisté à refuser tout contact, tout en continuant à demander aux policiers de lui rendre son couteau. Il n’était dans ces conditions pas possible de faire plus sans compromettre gravement la sécurité des intéressés. Un entretien de la Dre D______ seule avec la patiente aurait généré des risques sécuritaires importants sans apporter de bénéfice.

d. Le 24 mars 2020, A______ a indiqué à la commission qu’il était absolument faux que la Dre D______ aurait essayé de venir lui parler. Elle communiquait les matricules des policiers qui pourraient en attester.

e. Le 22 mai 2020, A______ a communiqué à la commission la fiche de renseignements qu’elle avait obtenue de la commandante de la police.

f. Le 29 avril 2021, la commission a demandé à la clinique H______ le dossier médical de A______ ainsi que les observations propres du Prof. C______ et de la Dre D______, sachant que le TPAE avait retenu que cette dernière n’avait pas examiné elle-même la patiente.

g. Le 10 mai 2021, le Prof. C______ a transmis sa note de suite et confirmé le déroulement des faits tel que relaté par le Prof. J______. La Dre D______ avait fait tout ce qui lui était possible pour s’entretenir avec la patiente, ce que celle‑ci avait refusé. Une interruption de la contention policière pour effectuer un entretien en tête-à-tête aurait créé un risque inacceptable. Les critères pour une hospitalisation ne faisaient aucun doute. La seule alternative aurait été un emprisonnement. Depuis cet épisode, les Hôpitaux universitaires genevois (ci‑après : HUG) avaient dénoncé à plusieurs reprises les comportements de A______ au Ministère public.

h. Le 21 mai 2021, A______ a observé que « tout était prémédité et peu importe [son] attitude le 5 décembre 2019, la police était prévenue et le PAFA MÉD était déjà rédigé (on peut remarquer l’ajout de la notion de couteau après) ». Elle maintenait que la Dre D______ n’était jamais venue vers elle. Le Prof. C______ n’expliquait rien et n’était pas présent lorsque que les policiers l’avaient menottée. Si la Dre D______ l’avait examinée, le rapport de police l’aurait noté. La Dre D______ aurait dû la voir même si elle était contrainte.

i. Le 25 mai 2021, la Dre D______ a confirmé les faits rapportés par le Prof. J______. Elle avait tout tenté pour s’entretenir avec la patiente au vu de la situation à la demande du Prof. C______ afin d’effectuer l’évaluation de la nécessité d’une hospitalisation en PAFA-MED. A______ avait dû être menottée au sol par trois policiers. Elle avait pu constater que ses affects n’étaient pas congruents avec la situation : elle rigolait et demandait aux policiers de lui rendre son couteau. Elle l’avait insultée et le discours collaboratif pour discuter de la suite n’était pas possible sur le moment. Au vu du risque hétéroagressif imminent, ils avaient décidé de ne pas attendre pour voir si la patiente se décidait à collaborer. Elle avait également estimé, au vu des informations fournies par le Prof. C______, concernant l’état clinique de la patiente qu’elle avait pu objectiver, que celle-ci n’avait pas sa capacité de discernement qui lui aurait permis de prendre elle-même la décision pour la suite des soins. Les critères pour une hospitalisation ne faisaient aucun doute.

j. Par décision du 3 avril 2023, notifiée à A______ et aux HUG, la commission a classé la plainte.

Il était établi par les déclarations concordantes des médecins que A______ décompensait au moment des faits. Le Prof. C______, ne pouvant signer le PAFA et pressentant qu’il pourrait devoir être ordonné, avait échangé en amont de la consultation du 5 décembre 2019 avec la Dre D______.

La Dre D______ avait indiqué qu’il n’avait pas été possible de s’entretenir avec la patiente, dont elle avait constaté que les affects n’étaient pas congruents avec la situation. Cette version correspondait à celles des Prof. J______ et C______ et du Dr I______. A______ la contestait, certes, mais il était établi que sa capacité de discernement était alors altérée, de sorte que la commission n’avait d’autre choix que de donner du crédit aux explications des médecins au détriment de la version de la patiente.

Le fait que le rapport de police ne mentionnait pas la présence d’un médecin ne voulait pas dire qu’il n’y en avait pas, le rapport décrivant avant tout les gestes policiers. La commission considérait ainsi que la Dre D______ était présente après l’intervention de la police et avait alors vu la patiente, qu’elle était déjà au courant du cas et que, A______ étant manifestement en train de décompenser, elle disposait des éléments suffisants pour ordonner son placement sans avoir à mener une consultation en tête-à-tête avec celle-ci. Au vu des explications apportées par le Prof. J______, il apparaissait que le médecin avait donné dans la mesure du possible des informations à la patiente sur son placement et ses droits dans ce cadre, ce dont la commission n’était pas en mesure de douter. La mesure de PAFA établie et signée par la Dre D______ le 5 décembre 2019 était ainsi conforme aux exigences légales. Cette conclusion divergeait certes de celle du TPAE, mais cette juridiction n’avait pas entendu la Dre D______ ni le Prof. C______, ne se basant que sur les indications du Dr I______. Or, l’affirmation selon laquelle la Dre D______ « n’avait pas pu voir en entretien la patiente, qui n’était pas en état et avait dû être maîtrisée par la police » (déclaration du Dr I______) ne signifiait pas forcément que « la Dre D______ […] n’a[vait] pas examiné elle-même l’intéressée, n’ayant pu la voir le 5 décembre 2019 » (ordonnance du TPAE). Ne pas voir quelqu’un en entretien n’équivalait pas à ne pas voir quelqu’un du tout. La divergence était par ailleurs sans effet sur la validité du PAFA prononcé par le TPAE.

C. a. Par acte remis au greffe le 9 mai 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation. Subsidiairement, les HUG devaient être condamnés pour son placement illicite contraire à la loi. Préalablement, les trois policiers ainsi que le Dr I______ devaient être entendus.

La décision violait l’art. 430 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Le médecin signant le PAFA devait lui-même examiner la personne concernée. L’autorité avait rendu une décision basée principalement sur son comportement. La Dre D______ aurait pu venir une fois qu’elle était calmée et l’entendre en présence des policiers.

Il ressortait des notes de suite qu’un PAFA avait été envisagé à l’avance, ce qui était contraire au droit puisque le PAFA devait mentionner le lieu et la date de l’examen. Le fait que la police n’ait rien mentionné au sujet des interactions entre la patiente et la Dre D______ signifiait que cette dernière n’était pas présente. Le plus simple était de les convoquer pour savoir si la Dre D______ était intervenue. Le rapport mentionnait que les policiers avaient eu une discussion avec elle, ce qui signifiait qu’elle était alors calme. Un examen aurait alors pu avoir lieu.

Renoncer à l’exigence d’un examen effectif par le médecin signant le PAFA irait à l’encontre de la loi et créerait un précédent dangereux pour tous les patients concernés, n’importe quel médecin pouvant décerner un PAFA même non justifié en disant simplement que la personne n’était pas évaluable.

La commission ne pouvait casser une décision du TPAE.

La décision était arbitraire. Il appartenait au signataire de prouver que les conditions du PAFA étaient remplies. Elle avait été détenue cinq jours sur la base d’un PAFA illégal sans que les conditions ne soient remplies, ce qui constituait une violation de l’art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

b. Le 7 juin 2023, les HUG ont indiqué ne pas avoir d’observations à faire et se sont référés au rapport du Prof. J______.

c. Le 12 juin 2023, la commission a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler et a persisté dans sa décision.

d. Le 30 juin 2023, la recourante a répliqué et persisté dans son argumentation.

e. Le 7 juillet 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Il sera revenu en tant que de besoin plus bas sur les allégués des parties et les pièces produites.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante se plaint de ce que la commission a conclu à tort que le PAFA avait été établi dans les règles. Celle-ci aurait dû constater que la Dre D______ ne l’avait pas examinée en personne avant de signer le PAFA, en violation de la loi, et sanctionner cette faute professionnelle.

2.1 L’art. 10 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) garantit à toute personne la liberté personnelle, en ces termes : « Tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l’intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement ».

2.2 L’art. 50 al. 1 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) prévoit que par principe, toute mesure de contrainte à l'égard des patients est interdite. Le droit pénal et civil en matière de mesures thérapeutique et d'internement ainsi que la réglementation en matière de placement à des fins d'assistance sont réservés, de même que la législation en matière de lutte contre les maladies transmissibles de l'homme.

2.3 Sous la note marginale « Placement à des fins d’assistance ou de traitement », l’art. 426 CC dispose qu’une personne peut être placée dans une institution appropriée lorsque, en raison de troubles psychiques, d’une déficience mentale ou d’un grave état d’abandon, l’assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent lui être fournis d’une autre manière (al. 1), que la charge que la personne concernée représente pour ses proches et pour des tiers ainsi que leur protection sont prises en considération (al. 2), que la personne concernée est libérée dès que les conditions du placement ne sont plus remplies (al. 3) et que la personne concernée ou l’un de ses proches peut demander sa libération en tout temps. La décision doit être prise sans délai (al. 4).

2.4 Sous la note marginale « procédure », l’art. 430 CC dispose que le médecin examine lui-même la personne concernée et l’entend (al. 1), que la décision de placer la personne concernée mentionne au moins : le lieu et la date de l’examen médical (ch. 1), le nom du médecin qui a ordonné le placement (ch. 2), les résultats de l’examen, les raisons et le but du placement (ch. 3) et les voies de recours (ch. 4), que le recours n’a pas d’effet suspensif, à moins que le médecin ou le juge ne l’accorde (al. 3), qu’un exemplaire de la décision de placer la personne concernée lui est remis en mains propres, un autre à l’institution lors de son admission (al. 4) et que dans la mesure du possible, le médecin communique par écrit la décision de placer la personne dans une institution à l’un de ses proches et l’informe de la possibilité de recourir contre cette décision (al. 5).

2.5 L’art. 426 CC constitue la base légale d’une atteinte grave à la liberté personnelle. La mesure de PAFA elle-même doit être appliquée de manière restrictive. Les conditions posées à la mesure doivent également être interprétées de manière restrictive.

Les cas de figure sont au nombre de trois, et cette liste est exhaustive. On doit être en présence (a) de troubles psychiques, (b) d’une déficience mentale ou (c) d’un grave état d’abandon. Lorsqu’un de ces cas est réalisé, il faut en outre que l’assistance ou le traitement nécessaires ne puissent être fournis à la personne autrement que par un PAFA.

Les troubles psychiques englobent notamment les psychoses, les dépendances, les graves troubles du comportement ainsi que la démence (Paul-Henri STEINAUER/Christiana FOUNTOULAKIS, Droit des personnes physiques et de la protection de l’adulte, 2014, n. 1360 ; FF 2006 6695).

L’assistance et la protection ne doivent pas pouvoir être réalisées autrement que par une mesure aussi grave que le placement à des fins d’assistance. D’autres mesures, telles que l’aide de l’entourage, l’aide sociale, un traitement ambulatoire, etc., doivent avoir été, ou paraître d’emblée, inefficaces. Le PAFA est une ultima ratio (Paul-Henri STEINAUER/Christiana FOUNTOULAKIS, cité, n. 1366).

2.6 L’art. 40 let. a de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (loi sur les professions médicales, LPMéd - RS 811.11) exige des personnes concernées, soit des professionnels de la santé, soit notamment des médecins, qu’elles exercent leur activité avec soin et conscience professionnelle. Il s’agit d’une clause générale (FF 2005 p. 211). La let. c de la même disposition prescrit aux professionnels de la santé de garantir les droits de leurs patients.

2.7 En l’espèce, il est établi que la recourante souffre d’un trouble psychique sévère nécessitant la prise de neuroleptiques sur le long terme, qu’elle est anosognosique, qu’elle a dû être hospitalisée une dizaine de fois en relation avec son trouble, que des PAFA ont dû être prononcés depuis 2015 en vue d’hospitalisation et de traitement, et qu’elle a interrompu son traitement médicamenteux durant l’été 2019.

Il ressort du dossier que son état psychique s’était détérioré depuis lors, qu’il s’était sérieusement aggravé en novembre 2019 et qu’elle se trouvait en état de décompensation vers la fin du mois de novembre 2019.

La présence d’un risque auto- et hétéroagressif a été rapportée le 5 décembre 2019 par le Prof. C______ dans sa note de suite et la Dre D______ dans la motivation du PAFA.

Le Dr I______, chargé de la recourante dans le cadre du placement à la clinique H______, a injecté sans attendre à sa patiente du Clopixol, soit un neuroleptique et un mode d’administration indiqués notamment pour les psychoses aiguës selon le Compendiun suisse des médicaments (https://compendium.ch/product/16690-clopixol-depot-sol-inj-200-mg-ml/mpro), car son comportement était inquiétant.

Les parties ne semblent pas discuter l’indication d’un PAFA.

La recourante affirme toutefois que la Dre D______ ne l’aurait pas examinée elle-même avant de compléter et signer le PAFA.

Force est de constater que le dossier ne permet pas en l’état d’établir ce qui s’est passé.

Le Prof. J______, le Prof. C______ et la Dre D______ ont, certes, affirmé que la Dre D______ avait vu la recourante et avait tenté d’entrer en contact avec elle sans succès. Le Prof. J______ n’était toutefois pas présent et les déclarations du Prof. C______ et de la Dre D______ ne sont pas suffisamment détaillées sur le déroulement des faits.

À cela s’ajoute que le rapport de police ne contient pas non plus de précisions sur le déroulement des faits, au-delà de la description des mesures de contrainte qui ont dû être mises en œuvre pour maîtriser la recourante. En particulier, il est muet sur l’arrivée de personnes dans la pièce où la recourante était gardée menottée.

Or, la recourante affirme catégoriquement n’avoir à aucun moment vu la Dre D______ et rapporte avec une certaine précision une conversation qu’elle aurait eue avec une policière alors qu’elle était contrainte. Même si le discernement de la recourante a pu être altéré, cette circonstance suffit pour appeler des éclaircissements.

Par ailleurs, la recourante soutient que la décision d’ordonner le PAFA aurait déjà été prise lorsqu’elle a été convoquée au rendez-vous du 5 décembre 2019. Or, il ressort du dossier que la dégradation de l’état de santé de la recourante avait été constatée avant le 5 décembre 2019, que la Dre D______ avait été informée la veille de l’entretien qu’un PAFA pourrait devoir être ordonné et que la police a selon toute vraisemblance été appelée avant que la recourante ne se montre menaçante lors de la consultation. Les déclarations de la recourante et des médecins ne sont toutefois pas suffisamment complètes pour établir les faits pertinents. Or, ces faits sont déterminants pour juger du bien-fondé de la plainte de la recourante.

Dans ces circonstances, l’intimée ne pouvait, sur la base des seuls éléments qu’elle a recueillis, exclure la commission d’une faute sans commettre un abus de son pouvoir d’appréciation.

La décision sera annulée et la procédure lui sera retournée afin qu’elle complète son instruction et entende la recourante, le Prof. C______, la Dre D______, le Dr I______, les autres membres du personnel du CAPPI ayant assisté aux faits ainsi que les policiers ayant maîtrisé la recourante, et qu’elle ordonne la production du rapport original des policiers, dont on ignore s’il a été repris in extenso dans le courrier de la commandante de la police produit par la recourante – aux fins notamment d’établir (1) l’historique des dernières consultations avant le 5 décembre 2019 et de la dégradation de l’état de santé de la recourante, (2) la genèse de l’indication d’un PAFA, (3) le moment où et la manière dont cette indication a finalement été avérée, (4) pourquoi le Prof. C______ a reçu la recourante seul, ou du moins initialement seul, le 5 décembre 2019, (5) comment il avait cas échéant été prévu que la Dre D______ examine la recourante et enfin (6) comment exactement celle-là a effectivement examiné celle-ci le 5 décembre 2019, étant rappelé que l’examen d’un patient agité est notoirement usuel en psychiatrie et que l’examen effectif de ce dernier par le médecin signant le PAFA constitue une exigence de la loi à laquelle il ne peut par principe être dérogé.

La Dre D______ étant personnellement visée par la plainte de la recourante, le statut de partie devra lui être attribué par la commission.

3.             Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la recourante y ayant conclu mais procédant en personne et n’alléguant pas avoir encouru de frais de défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mai 2023 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 3 avril 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du 3 avril 2023 ;

renvoie la cause à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients pour complément d’instruction et nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ainsi qu'aux Hôpitaux universitaires de Genève, département de psychiatrie, service de psychiatrie adulte.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Florence KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :