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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1970/2023

ATA/962/2023 du 05.09.2023 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1970/2023-TAXIS ATA/962/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 septembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

 



EN FAIT

A. a. Par décision du 4 janvier 2023, l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a retiré le permis de conduire de A______, né le ______ 1993, pour une durée de quatre mois. Il avait conduit en état d’ébriété, avec une concentration d’alcool dans l’air expiré de 0,76mg/l, en marche arrière, sans précaution et avait heurté un véhicule correctement stationné, le 6 novembre 2022 à 8h47 sur la place
Jean-Marteau.

L’infraction aux règles de la circulation routière était grave, en application de l’art. 16c al. 1 let. b de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). L’intéressé n’avait pas d’antécédents.

L’exécution du retrait était fixée du 6 novembre 2022 au 5 mars 2023.

A______ n’a pas interjeté recours contre cette décision.

b. Le 3 mars 2023, A______ a requis la délivrance d’une carte professionnelle de chauffeur de « voiture de transport avec chauffeur » (ci-après : VTC) auprès du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).

c. Ayant été informé par le PCTN d’un probable refus de sa requête, A______ a expliqué que, le 5 novembre 2022, il avait fêté l’anniversaire d’un ami proche. Il admettait avoir consommé de l’alcool. Il s’agissait toutefois d’une occasion exceptionnelle. Il était « rare qu’il conduise en état d’ébriété », n’aimant pas l’alcool. Il regrettait son erreur. Il conduisait depuis 2014 et, en Suisse, depuis 2018. Il n’avait jamais commis d’infraction routière sur le territoire helvétique. Préalablement, il avait travaillé comme manutentionnaire mais avait eu un accident. Selon le certificat médical de l’Hôpital de la Tour du 20 avril 2022, il ne devait plus porter de charges lourdes ; un travail plus sédentaire serait adapté. Il était au chômage depuis le 16 mai 2022 et cherchait activement à trouver un emploi rapidement. Il souhaitait devenir chauffeur professionnel de VTC, indépendant. Son casier judiciaire était vierge.

Il convenait, exceptionnellement, d’annuler le délai de trois ans pendant lequel il ne pourrait pas obtenir une carte de chauffeur de VTC qui l’empêcherait de trouver un emploi et prétériterait sa situation professionnelle et financière pendant plusieurs années.

d. Par décision du 23 mai 2023, le PCTN rejeté sa requête en délivrance d’une carte professionnelle de chauffeur de VTC.

B. a. Par acte du 10 juin 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision. Il était au chômage depuis treize mois et avait des problèmes de santé. La décision du PCTN impliquait qu’il ne pouvait pas déposer de nouvelle requête en délivrance d’une carte professionnelle de chauffeur de VTC avant 33 mois. Son droit à des indemnités chômage arriverait à échéance dans moins d’une année. Sa situation serait alors encore plus difficile professionnellement. Il risquait de devoir s’adresser à l’Hospice général. Cette sanction était trop lourde par rapport à sa situation et à sa faute, certes grave, mais qui ne devait pas entraver sa réinsertion dans la vie active.

b. Le PCTN a conclu au rejet du recours. Il ressortait des travaux préparatoires de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) que les conditions de délivrance de la carte professionnelle avaient été renforcées lors de la refonte de la LTVTC entrée en vigueur le
1er novembre 2022.

c. Le recourant n’ayant pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été imparti, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La LTVTC a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relatives à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique (at. 1 al. 2 LTVTC).

2.1 L’activité de chauffeur de VTC est soumise à autorisation préalable (art. 6 al. 1 LTVTC). Les autorisations et immatriculations sont délivrées sur requête, moyennant le respect des conditions d’octroi (art. 6 al. 3 LTVTC).

La carte professionnelle de chauffeur vaut autorisation d’exercer, en qualité d’employé ou d’indépendant, la profession pour laquelle le diplôme visé à
l’art. 8 LVTC a été obtenu. La carte professionnelle de chauffeur de taxi permet en outre d’exercer la profession de chauffeur de taxi et de chauffeur de VTC (art. 7
al. 1 LTVTC).

La carte professionnelle est délivrée au chauffeur à plusieurs conditions décrites à l’art. 7 al. 3 LTVTC dont n’avoir pas fait l’objet, dans les trois ans précédant le dépôt de la requête, de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession, telles que définies par le Conseil d’État (let. e).

Le requérant qui veut obtenir le diplôme de chauffeur de taxi ou de chauffeur de VTC doit réussir les examens attestant les connaissances et l’expérience nécessaires à l’exercice de ces professions (art. 8 al. 1 LTVTC).

2.2 L’art. 6 al. 2 du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01) précise les condamnations ou décisions incompatibles : sont considérées comme incompatibles avec l'exercice de la profession de chauffeur de taxi ou de VTC au sens de l'art. 7 al. 3 let. e LTVTC les condamnations pénales et décisions administratives prononcées pour infractions, notamment b) aux règles de la circulation routière ayant mené au retrait du permis de conduire en application des art.15d, 16b, 16c, 16c bis ou 16d LCR.

2.3 Les travaux préparatoires précisent, à propos de l’art. 7 al. 3 LTVTC que « S'agissant de la lettre e, relative aux décisions et condamnations incompatibles avec l'exercice de l'activité, le projet de loi propose de réduire la période durant laquelle ces décisions doivent être prises en compte à trois ans au lieu de cinq, pour ne pas restreindre de manière excessive l'accès à la profession aux personnes concernées. En pratique, il s'est en effet révélé délicat de refuser la délivrance de la carte professionnelle pour des condamnations prononcées cinq ans auparavant et concernant des infractions plus anciennes encore. Il est précisé que les infractions aux règles de la circulation ayant mené à un retrait de permis de conduire, ainsi que les infractions au droit pénal commun, en particulier celles contre la vie, l'intégrité corporelle, l'intégrité sexuelle ou le patrimoine, constituent des décisions et condamnations incompatibles avec l'exercice de l'activité » (PL 12649 p. 30).

2.4 En l’espèce, le recourant ne remet pas en cause, à juste titre, sa condamnation du 4 janvier 2023, pour une infraction à l’art. 16c LCR, traitant spécifiquement des infractions graves à la LCR et avoir fait l’objet d’un retrait de son permis de conduire pour une durée de quatre mois. En application de l’art. 6 al. 2 let. b RTVTC, le recourant ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer la carte de chauffeur professionnel.

L’intéressé souhaiterait pouvoir renouveler sa demande et obtenir ladite carte avant l’échéance du délai de trois ans, toutefois prévu à l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC. Il ne peut en conséquence pas être donné suite à ses conclusions, le PCTN n’ayant aucune marge d’appréciation.

Le recourant évoque une entrave à sa liberté économique. Or, d’une part la décision querellée n’empêche pas l’intéressé de chercher du travail dans d’autres branches professionnelles. D’autre part, la restriction prévue à l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC est compatible avec les art. 36 cum 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Elle repose sur une base légale, respecte le principe de la proportionnalité et répond aux intérêts publics que sont la sécurité routière, la protection des usagers et la réputation de la profession.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 juin 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 23 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN et Eleanor McGREGOR, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

 

V. LAUBER

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :