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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1487/2023

ATA/961/2023 du 05.09.2023 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1487/2023-LOGMT ATA/961/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 septembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE intimé



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1959, est locataire, depuis le 15 juin 2012, d’un appartement de 4 pièces, au 2ème étage de l’immeuble d’habitation à loyers modérés (ci-après : HLM) sis ______ à Vernier. Elle occupe le logement avec son fils, B______, né le ______ 1999.

b. A______ perçoit de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) une allocation logement depuis le 1er octobre 2012. Celle-ci était fondée sur les documents produits par l’intéressée lors de sa demande, soit un revenu annuel brut de CHF 59'695.-, composé de CHF 47'455.- de salaire brut de la locataire, CHF 6'600.- de contribution perçue pour l’entretien de son fils, CHF 3'300.- d’allocations familiales et CHF 2'040.- des subsides d’assurance maladie.

Pour la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, l’allocation logement mensuelle était de CHF 213.50 sur la base des revenus susmentionnés.

c. La base de calcul a été modifiée par l’OCLPF par décision du 17 mars 2018, pour se fonder sur un revenu annuel déterminant unifié (ci-après : RDU) de CHF 49'651.- soit un revenu annuel brut de 65'527.- composé de CHF 58'687.- de revenu brut annuel de la locataire, CHF 4'800.- d’allocations familiales et CHF 2'400.- de subsides d’assurance maladie. Les informations provenaient de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC). L’allocation logement mensuelle a été augmentée à CHF 329.90.

d. Le 22 septembre 2020, la locataire a informé l’OCLPF de ce qu’elle ne percevait plus de contribution à l’entretien de son fils.

e. Suite à la demande de l’OCLPF à la locataire de produire différentes pièces, celui‑ci a, par décision du 8 janvier 2021, sollicité la restitution de CHF 10'190.‑, montant d’allocations logement perçues en trop par celle-ci entre le 1er février 2018 et le 30 septembre 2020.

B. a. Par courrier du 15 janvier 2021, A______ a demandé le réexamen de sa situation, la remise de la somme et un échelonnement du paiement. Elle avait mal interprété son obligation d’informer notamment pour les personnes vivant sous son toit.

Sur question de l’OCLPF, elle a confirmé que sa requête était une demande de remise.

b. Le 24 août 2021, l’OCLPF a rejeté la demande. Les décisions prononcées les 16 mars 2017, 17 mars 2018, 14 mars 2019 et 12 mars 2020, lui octroyant une allocation logement mensuelle de CHF 213.50 pour la première, puis CHF 329.90 pour les trois suivantes, faisaient état d’un revenu brut largement inférieur à celui effectivement réalisé.

c. A______ a formé réclamation contre cette décision le 6 septembre 2021.

d. Par décision du 12 avril 2023, l’OCLPF a rejeté la réclamation. Il priait l’opposante d’excuser le retard mis à traiter son dossier, dû à une charge importante de travail. Elle n’avait pas informé l’OCLPF de la sensible augmentation du montant de son RDU, prestations sociales non comprises, entre le 1er février 2018 et le 30 septembre 2020. Il existait une divergence globale de CHF 20'000.- depuis 2018 entre sa situation financière réelle et les informations connues de l’OCLPF. Il appartenait à l’intéressée de se manifester sans délai, ce que les décisions d’octroi annuelles lui avaient régulièrement rappelé.

C. a. Par acte du 3 mai 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 12 avril 2023. Elle a conclu à la remise totale du montant. Elle était persuadée que les informations de l’OCLPF provenaient directement de l’AFC. Elle avait sollicité une remise en 2021 à l’approche de sa retraite. Elle avait reçu un ultime refus deux ans plus tard. Percevant l’AVS à compter du mois de juin 2023, elle ne pourrait pas honorer la dette.

b. L’OCLPF a conclu au rejet du recours. La locataire ne l’avait jamais informé de la substantielle augmentation de son revenu salarié. Ces différences ne pouvaient pas lui échapper. Elle avait gravement violé son obligation d’information.

Il produisait un tableau récapitulant les différences entre les revenus bruts annoncés et ceux effectivement perçus, dont il ressortait les éléments suivants, en CHF :

 

Année 2018

revenu brut

Janvier à mars 2019

revenu brut

A______

59'695.-

(salaire : 47'455.-)

71'201.-

(salaire : 66'401.-

59'695.-

(salaire : 47'455.-)

80'827.-

(salaire : 75'187.-)

B______

0.-

10'500.-

0.-

2'892.-

TOTAL

59'695.-

81'701.-

59'695.-

83'719.-

 

 

 

Avril à décembre 2019

revenu brut

Année 2020

revenu brut

A______

65’527.-

(salaire : 58’687.-)

80’827.-

(salaire : 75’187.-

65’527.-

(salaire : 58’687.-)

77’783.-

(salaire : 72’583.-)

B______

0.-

2'892.-

0.-

5'844.-

TOTAL

65'527.-

83'719.-

65'527.-

83'627.-

 

c. Dans sa réplique, A______ a persisté dans ses conclusions. Elle sollicitait une remise, surtout au vu des lenteurs de l’administration. Dans ses précédents courriers, elle avait sollicité un arrangement de paiement en insistant sur l’approche de la date de sa retraite. L’OCLPF n’y avait pas donné suite. Elle transmettait copie de la décision du 19 juin 2023 de la caisse de compensation vaudoise lui allouant une rente mensuelle de vieillesse de CHF 1'383.- à compter du 1er juillet 2023 ainsi que son certificat d’assurance auprès de la caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci‑après : CPEG). En prenant sa retraite à 64 ans, la rente de son deuxième pilier serait de CHF 1'088.60. Elle y était affiliée depuis le 1er janvier 2006. Elle avait encore son fils à charge. Tous deux avaient besoin de soins dentaires. Elle produisait une estimation d’honoraires de la clinique ______ à Vernier du 26 mai 2023 de CHF 16'461.40 la concernant, notamment pour la pose d’une couronne céramique sur implant, et un devis pour son fils de CHF 1'649.- pour une extraction.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 34 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 - RGL - I 4 05.01 et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige se limite au bien-fondé du refus opposé par l’OCLPF à la demande de remise de CHF 10'190.- pour la période du 1er février 2018 au 30 septembre 2020.

Le principe de la restitution, le montant et les calculs effectués par l’autorité intimée n’ont pas été contestés.

2.1 Un locataire peut être mis au bénéfice d'une allocation de logement si son loyer constitue une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (art. 39A al. 1 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 - LGL - I 4 05)).

Le Conseil d'État détermine les conditions auxquelles le locataire a droit à une allocation, ainsi que le calcul de celle-ci (art. 39A al. 3 LGL).

2.2 Le bénéficiaire de l’allocation doit informer, sans délai, le service compétent de toute modification significative de sa situation ou de celle de l’un des membres du groupe de personnes occupant le logement, propre à changer le montant de l’allocation ou à la supprimer, notamment en cas de début ou cessation d’activité ou de changement dans la composition du groupe de personnes occupant le logement (art. 29 al. 1 RGL). Le service compétent examine les justificatifs concernant la nouvelle situation du bénéficiaire dans un délai de trente jours au maximum et fixe le nouveau montant de l’allocation ou la supprime (art. 29 al. 2 RGL). La décision du service compétent prend effet au plus tôt le premier jour du mois suivant la date de modification de la situation du locataire (art. 29 al. 3 RGL).

Le locataire ayant reçu indûment une allocation doit la restituer dans les trente jours dès la notification de la décision du service compétent (art. 32 RGL).

Le service compétent peut requérir du locataire la restitution de surtaxes impayées ou de prestations indûment touchées dans un délai de cinq ans (art. 34C RGL).

2.3 À teneur de l’art. 34B RGL, des remises totales ou partielles de surtaxes ou de demande de restitution de prestations indûment touchées peuvent être accordées par le service compétent aux locataires qui se trouvent, par suite de circonstances indépendantes de leur volonté, dans une situation telle que le paiement intégral de la somme requise aurait pour eux des conséquences particulièrement dures (al. 1). La décision de remise peut faire l’objet d’une réclamation écrite auprès du service compétent avec indication des motifs et, s’il y a lieu, dépôt des pièces justificatives (al. 2).

2.4 Le service compétent peut requérir du locataire la restitution de surtaxes impayées ou de prestations indûment touchées dans un délai de cinq ans (art. 34C RGL).

Les travaux préparatoires concernant la LGL ne contiennent pas de précisions afférentes à la notion de perception indue d'une prestation ainsi qu'aux conditions de la remise (notamment MGC 1992/III 2727 ss ; ATA/1698/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4e). Le Tribunal administratif, auquel la chambre de céans a succédé, a considéré que des administrés qui recevaient, depuis 2004, des décisions d'octroi d'allocation de logement faisant une référence expresse au devoir d'annonce des allocataires sous forme d'une remarque importante libellée en caractère gras et encadrée au verso du document, ne pouvaient pas prétendre que cet élément leur était inconnu, de sorte qu'ils ne pouvaient pas prétendre être de bonne foi et devaient rembourser à l'OCLPF l'allocation perçue indûment. Dès lors, comme en matière d'aide sociale, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'OCLPF est une prestation perçue indûment (ATA/396/2020 du 23 avril 2020 consid. 4e et les référence citées). Il n'est pas exclu qu'une prestation indûment touchée puisse l'avoir été sans faute du bénéficiaire, notamment si le comportement de celui-ci n'a eu aucune influence à cet égard. Dans une telle hypothèse, où c'est par suite de circonstances indépendantes de sa volonté que le locataire concerné se trouve dans l'obligation de restituer, les conditions permettant la remise prévue par l'art. 34B al. 1 RGL ne seraient réalisées que si le paiement intégral de la somme requise aurait pour lui des conséquences particulièrement dures (ATA/396/2020 précité consid. 4e). Par analogie avec ce qui vaut en matière d'aide sociale, concernant la bonne foi au sens de l'art. 42 al. 1 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), il n'est pas douteux qu'en cas de violation volontaire, grave et manifeste du devoir d'information, l'administré ne saurait se prévaloir de circonstances indépendantes de sa volonté au sens de l'art. 34B al. 1 RGL (ATA/396/2020 précité consid. 4e).

2.5 En l’espèce, la recourante ne conteste pas avoir omis d’annoncer les revenus de son fils, de plus de CHF 19'236.- sur les trois années concernées, ni l’augmentation de son propre salaire, soit une différence avec les montants annoncés à l’OCLPF de CHF 18'946.- en 2018, CHF 16'500.- en 2019 pour la deuxième période de l’année qui lui est la plus favorable et CHF 13'896.- pour 2020. Ces montants sont importants pour une seule personne déjà. La violation est d’autant plus grave que le cumul de ces montants témoigne d’une différence de plus de CHF 18'000.- chaque année.

La recourante ne peut être suivie lorsqu’elle soutient qu’elle imaginait que les montants étaient corrects car provenant de l’AFC. Son attention avait été régulièrement attirée, notamment sur chaque décision d’octroi, sur son obligation d’informer immédiatement l’OCLPF de toute modification dans sa situation ou dans celle d’une personne partageant son logement, ce qu’elle ne conteste pas.

La recourante sollicite une remise au vu du délai pris par l’administration pour statuer sur sa réclamation et sa diminution de revenus à la suite de la prise de sa retraite. Elle ne peut être suivie. Elle savait depuis le 8 janvier 2021 que l’OCLPF lui réclamait CHF 10'190,- d’allocations perçues à tort et depuis le 24 août 2021 que la remise lui avait été refusée. À cette époque, elle s’était déjà prévalue de sa prochaine retraite. Elle n’indique toutefois pas qu’elle aurait été empêchée, dès cette date, deux ans avant de percevoir sa rente vieillesse, d’épargner régulièrement, aux fins de pouvoir s’acquitter, au moment où le litige serait tranché, de la somme à rembourser à l’État.

En application de la jurisprudence constante de la chambre de céans, au vu de la violation de l’obligation d’informer l’OCLPF, la première condition pour une remise n’est pas remplie. Les conditions de l’art. 34B al. 1 RGL étant cumulatives, il n’est pas nécessaire d’analyser la situation financière de la recourante.

Il appartiendra aux services compétents d’examiner le bien-fondé du devis produit pour les frais dentaires pour fixer les modalités de paiement.

Il résulte de ce qui précède que la décision sur réclamation attaquée est conforme au droit. Le recours sera rejeté.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 mai 2023 par A______ contre le décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 12 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints.

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN et Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

 

V. LAUBER

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :