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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1985/2023

ATA/937/2023 du 31.08.2023 ( PRISON ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1985/2023-PRISON ATA/937/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Michel DE PALMA, avocat

contre

ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE FERMÉ CURABILIS intimé



EN FAIT

A. a. A______ est détenu depuis le 22 juin 2022 à l’établissement fermé de Curabilis, à la suite d’une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l’art. 59 CP.

b. Le 17 mars 20223, une sanction d’amende de CHF 50.- a été prononcée à son encontre avec sursis pendant deux mois en raison du fait qu’il avait été contrôlé positif aux benzodiazépines.

c. Il ressort du rapport de psychopharmacologie clinique du 22 mars 2023 des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) se prononçant l’influence éventuelle des médicaments pris par le détenu qui aurait pu conduire à un test positif aux benzodiazépines, que « les réactions croisées ne peuvent formellement être exclues mais ne sont pas classiques ».

d. À la suite de ce rapport, la sanction a été annulée le 14 avril 2023.

e. Le 17 mai 2023, une nouvelle sanction a été prononcée pour les faits précédemment évoqués et en raison du fait que le détenu avait tenté d’induire le sous-chef en erreur sur la consommation de benzodiazépines reprochée. Le sursis a été révoqué.

B. a. Par acte expédié le 13 juin 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu, préalablement, conclu à l’octroi de l’effet suspensif.

Son droit d’être entendu avait été violé, dès lors que la décision querellée n’était pas motivée. Elle violait le principe ne bis in idem. Il ne consommait pas de produits stupéfiants. Les tests avaient toujours été négatif, hormis après son hospitalisation. Les médicaments qui lui avaient alors été administrés contenaient des benzodiazépines.

b. La direction de l’établissement a conclu au rejet du recours.

Le recourant avait tenté d’induire en erreur un sous-chef, à qui il avait remis un rapport d’analyse du 22 mars 2023 des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) en indiquant qu’il le disculpait. Le placement à Curabilis avait pris fin le 13 juillet 2023. La cause était ainsi devenue sans objet.

c. Dans sa réplique, le recourant a contesté que son recours était devenu sans objet. La sanction, si elle était maintenue, nuirait à son parcours carcéral. Il n’avait jamais été contrôlé positif à aucun produit stupéfiant. Le rapport pharmacologique du 22 mars 2023 n’avait pas infirmé ses explications.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA ‑E 5 10).

Bien que le recourant ait quitté l’établissement pénitentiaire, il conserve un intérêt à faire examiner le bien-fondé de la sanction, qui lui impose une obligation pécuniaire. Le recours est donc recevable.

2.             Est litigieuse la « réactivation » de la sanction du 17 mars 2023 et la révocation du sursis relatif à l’amende prononcée dans celle-ci.

2.1 Dans la mesure où la notion de « réactivation » ne relève pas d’un institut juridique, il convient de la qualifier. La sanction prononcée le 17 mars 2023 a été annulée le 14 avril 2023. Se pose ainsi la question de savoir dans quelle mesure la décision prononcée le 14 avril 2023 pourrait être révisée.

2.2 Selon l’art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît : qu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision (let. a) ; que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b), les autres hypothèses n’étant in casu pas concernées.

2.3 Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou, alternativement, lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b).

2.4 En l’espèce, la sanction du 17 mars 2023 a été annulée sur la base du rapport de psychopharmacologie clinique du 22 mars 2023. Or, la « réactivation » de la sanction du 17 mars 2023 ainsi que l’annulation de celle du 14 avril 2023 ne se fondent sur aucun élément de preuve nouveau. Elles n’interviennent pas non plus à la suite d’une procédure pénale ayant établi l’existence d’un crime ou d’un délit en lien avec les éléments pertinents pour le prononcé de l’annulation de la sanction du 17 mars 2023. Il n’apparaît pas non plus que les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis le prononcé de la décision d’annulation du 14 avril 2023.

Dans ces circonstances, aucun élément ne justifiait de procéder à la révision de la décision du 14 avril 2023 annulant celle du 17 mars 2023.

Le recours s’avère ainsi fondé et la sanction du 17 mai 2023 sera annulée.

Le présent arrêt rend sans objet la requête de restitution de l’effet suspensif.

3.             Vu la nature du litige, il n’est pas perçu d’émolument. Le recourant obtenant gain de cause, l’assistance juridique et une indemnité de procédure de CHF 750.- lui seront octroyées (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2023 par A______ contre la décision de l’Établissement pénitentiaire fermé Curablis du 17 mai 2023 ;

au fond :

l’admet et annule la décision précitée ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 750.-, à charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. de Lausanne 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel DE PALMA, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Établissement pénitentiaire fermé Curabilis.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. DESCHAMPS

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :