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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4015/2022

ATA/891/2023 du 22.08.2023 sur JTAPI/418/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.10.2023, rendu le 27.10.2023, IRRECEVABLE, 2C_552/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4015/2022-PE ATA/891/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 avril 2023 (JTAPI/418/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1982, est originaire d’Equateur.

b. Le 13 août 2016, elle a été entendue par le Corps des gardes-frontière à Genève : elle a indiqué être en Suisse depuis décembre 2015 et ne pas être titulaire d’une autorisation de séjour. Elle travaillait dans l’économie domestique.

c. Par décision du 6 septembre 2016, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 26 octobre 2016 pour quitter le territoire.

d. Le 30 septembre 2016, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d’entrée en Suisse pour une durée de trois ans, soit jusqu’au 29 septembre 2019.

e. L’intéressée a quitté la Suisse le 15 octobre 2016.

f. Le 17 juin 2022, elle a déposé une demande de permis de séjour pour cas de rigueur. Elle avait exercé à Genève ces dernières années divers emplois rémunérés et s’y était installée depuis plusieurs années. Elle travaillait comme employée de maison à plein temps pour un salaire mensuel brut minimum de CHF 4'537.65 et vivait chez des amis. Elle pouvait subvenir à son entretien sans dépendre de l’aide sociale. Son casier judiciaire était vierge et elle s’était toujours conformée aux règles suisses. Elle était intégrée, et parlait et comprenait le français.

Toutes ses attaches étaient en Suisse, et elle ne souhaitait pas retourner en Équateur où la situation politique rendait le pays instable.

g. À la suite de l’annonce de l’OCPM de son intention de refuser d’accéder à la requête, l’intéressée a précisé qu’elle était venue s’installer en Suisse dans le courant de l’année 2013 afin de subvenir aux besoins de sa famille, avec la ferme intention d’y rester. Elle travaillait à 100% depuis le 1er juin 2022 en qualité d’employée de maison. Elle était parfaitement intégrée, avait un logement stable et un large réseau social.

Son séjour en Suisse était de quasiment dix ans, étant momentanément repartie en 2016 à la suite de la décision de renvoi. Elle avait été forcée de quitter l’Équateur en raison de difficultés personnelles et financières et ne pouvait envisager d’y retourner, n’y ayant plus d’attaches et le pays lui étant devenu totalement étranger. Ses deux parents, malades, y vivaient dans la précarité, et il était indispensable qu’elle puisse leur envoyer de l’argent.

h. Par décision du 21 octobre 2022, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de A______ au SEM avec un préavis favorable et a prononcé son renvoi de Suisse.

Elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. Elle n’avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse, ayant déclaré au service des douanes séjourner en Suisse depuis 2015, ayant remis une carte d’annonce de sortie le 15 octobre 2016 et n’ayant pas indiqué à quelle date elle était revenue sur le territoire. Sa présence sur le territoire suisse était prouvée dès le mois d’août 2013 mais elle ne pouvait se prévaloir d’un séjour continu de dix ans en Suisse puisqu’elle avait quitté la Suisse suite à la décision de renvoi.

Son intégration socio-culturelle ne pouvait être qualifiée de particulièrement remarquable. Elle n’avait pas respecté l’ordre juridique suisse puisqu’elle était revenue en Suisse alors qu’elle savait faire l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse. Le fait de travailler pour ne pas dépendre de l’aide sociale, d’éviter de commettre des actes répréhensibles et de s’efforcer d’apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constituait un comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Elle n’avait par ailleurs pas prouvé son niveau de français.

Une réintégration dans son pays d’origine ne devrait pas avoir de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. La maladie de ses parents et les difficultés socio-économiques en Équateur n’étaient pas de nature à modifier sa position.

Enfin, elle n’invoquait et ni a fortiori démontrait l’existence d’obstacles à son retour dans son pays d’origine. Le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigé. Un délai au 21 décembre 2022 lui était imparti pour quitter la Suisse.

B. a. Par acte du 18 novembre 2022, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant préalablement à ce qu’un délai lui soit accordé pour compléter son recours et accorder l’effet suspensif audit recours et, au fond à l’annulation de la décision, sous suite de frais et dépens.

Elle était issue d’une famille nombreuse et très pauvre, et ses deux parents étaient malades. Elle était venue en Suisse en 2013 avec la ferme intention de s’y installer. Elle avait toujours été financièrement autonome, avait un comportement irréprochable, et n’avait jamais contrevenu à l’ordre public. Elle avait quitté momentanément la Suisse en 2016 mais cela avait mis la vie de ses parents en danger car elle avait eu une diminution nette de ses revenus. Elle avait vécu ce retour comme un exil, lequel l’avait plongée dans une grande détresse. Elle était alors revenue en Suisse et avait été engagée à plein temps en qualité d’employée de maison avec un salaire mensuel de CHF 4'537.65 ; elle était également nourrie et logée par son employeur. Elle pouvait aisément vivre en Suisse et subvenir aux besoins strictement nécessaires et médicaux de ses parents. Elle était parfaitement intégrée et son centre de vie et ses amis se trouvaient à Genève. En Équateur, elle n’avait ni attaches ni perspectives, ayant effectué une rupture nette et franche avec ce pays ; un retour dans ce pays l’exposerait à un danger pour sa propre vie et reviendrait à condamner ses parents dont elle ne serait plus à même de subvenir aux besoins médicaux.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. L’intéressée a encore produit des pièces, notamment une attestation de langue (niveau B1 à l’oral et A2 à l’écrit).

d. Par jugement du 18 avril 2023, le TAPI a rejeté le recours.

La durée du séjour de l’intéressée, de neuf ans, avait été interrompue et devait être relativisée, ayant été effectuée dans l’illégalité. Son intégration socio‑professionnelle ne pouvait être qualifiée de remarquable, et sa réintégration en Équateur ne paraissait pas gravement compromise.

C. a. Par acte déposé le 19 mai 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre ce jugement, dont elle a demandé l’annulation. Elle a conclu à l’octroi d’un permis de séjour, subsidiairement à ce que son dossier soit soumis par l’OCPM au SEM avec un préavis positif. Préalablement, elle a sollicité un délai pour compléter son recours, l’effet suspensif et la tenue d’une audience d’instruction et de comparution personnelle des parties.

Elle avait étudié « la technique » en Équateur et obtenu un baccalauréat le 24 mars 2001. Elle avait quitté son pays, afin que ses parents, malades, aient une chance de survie. C’était par respect pour les normes légales qu’elle avait momentanément quitté la Suisse en 2016. Ce départ avait mis la situation de ses parents en péril, car ses revenus avaient diminué drastiquement. Elle avait un emploi stable à Genève, où elle travaillait depuis le 1er juin 2022 pour la famille de B______, à titre d’employée domestique à plein temps, réalisant un salaire de CHF 4'537.65 à CHF 4'680.- par mois. Ses nombreux amis la soutenaient dans sa démarche de régularisation. Elle n’avait plus d’attaches dans son pays d’origine. Elle était impliquée dans plusieurs sociétés, comme dans C______, avec qui elle avait conclu un contrat en novembre 2022. Elle s’était engagée comme bénévole auprès de D______. En cas de retour dans son pays, elle condamnerait ses parents, qui ne pourraient plus obtenir les soins nécessaires. Les libertés fondamentales n’étaient pas respectées en Équateur, qui était un pays où régnait une grande violence.

Une audience était requise afin qu’elle puisse interroger l’OCPM sur sa position implacable. L’on ne pouvait lui reprocher son séjour illégal, qui constituait un prérequis de sa demande de régularisation. Son retour était compromis, dès lors qu’à son âge, elle ne retrouverait plus d’emploi et que le salaire qu’elle pourrait réaliser, d’environ EUR 460.- ne lui permettrait pas de couvrir les frais médicaux de ses parents. Sa relation avec la Suisse était tellement étroite qu’il ne pouvait être exigé de sa part qu’elle vive dans un autre pays.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours, relevant qu’aucun argument nouveau n’était avancé.

c. Informée de ce que la cause était gardée à juger, la recourante a produit des attestations de virements bancaires en faveur de sa sœur, E______, soit plus de CHF 10'000.- en 2023. Il ressort du relevé des virements produits que, depuis novembre 2013, la recourante vire régulièrement de l’argent en Équateur sur son compte, celui de F______, G______, H______, I______, J______, E______. De janvier à mai 2023, elle a versé à cette dernière CHF 10'702.-.

d. Dans le délai imparti pour d’ultimes observations, la recourante a produit des certificats médicaux concernant ses parents, dont il ressort que son père, K______, souffre d’un cancer de la peau et d’ulcères variqueux et sa mère, L______, d’Alzheimer. Elle avait dépensé plus de CHF 10'000.- pour leurs soins vitaux en 2023, ce qu’elle ne pourrait plus faire en cas de retour dans son pays.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

La recourante a produit, après son acte de recours, encore deux écritures, accompagnées de pièces. Elle a pu donc compléter celui-ci et répliquer après la (brève) détermination de l’OCPM.

Il est également précisé que la décision querellée n’ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours, l’effet suspensif découle de la loi (art. 66 al. 1 LPA).

2.             La recourante sollicite une audience de comparution personnelle des parties.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, la recourante a apporté de nombreuses pièces au dossier et fourni des explications détaillées tant devant l’OCPM que devant le TAPI et la chambre de céans. Elle n’expose pas en quoi son audition permettrait d’apporter des éléments supplémentaires. L’OCPM a exprimé son point de vue au travers de sa décision et sa détermination devant le TAPI. Il s’y est expressément référé devant la chambre de céans. La question de savoir si sa décision est bien fondée fera l’objet de l’examen ci-après. Il n’y a donc pas lieu non plus de procéder à l’audition d’un représentant de l’autorité intimée, étant relevé qu’il n’est pas allégué qu’il conviendrait d’établir des faits que seule l’audition d’un ou d’une représentante de l’OCPM permettrait d’établir. Pour le surplus, le dossier est complet et permet à la chambre de céans de trancher le litige.

Il ne sera donc pas procédé à d’autres actes d’instruction.

3.             La recourante soutient qu’elle remplit les critères d’un cas de rigueur.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

3.3 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

3.4 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.5 Un étranger peut, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour, s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent, par exemple en raison d'une maladie ou d'un handicap, si le proche aidant ou le proche aidé est au bénéfice d'un droit de séjour en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1 ; 137 I 154 consid. 3.4.2 ; 129 II 11 consid. 2 ).

3.6 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

3.7 En l’espèce, la recourante allègue séjourner en Suisse depuis dix ans, soit depuis 2013. Comme elle le reconnaît cependant elle-même, ce séjour n’a pas été discontinu puisqu’elle est retournée en Équateur en octobre 2016. Bien qu’elle n’indique pas à quelle date elle est revenue en Suisse, elle ne peut se prévaloir d’un séjour ininterrompu en Suisse depuis 2013, ayant dû la quitter en raison de la décision de renvoi.

Par ailleurs, son intégration professionnelle ne saurait être qualifiée de particulièrement marquée. Son emploi dans l’économie domestique ne témoigne pas d’une ascension professionnelle extraordinaire et la recourante ne soutient pas qu’elle aurait acquis en Suisse des qualifications professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre à profit dans son pays d’origine.

La recourante n’a pas de poursuites, ne fait pas l’objet d’une condamnation et ne dépend pas de l’aide sociale. Elle a acquis le niveau de français A2 à l’écrit et B1 à l’oral et s’est inscrite à un cours de conversation en français allant de juin à octobre 2023. Selon une attestation de D______ de mai 2023, elle s’est engagée, en 2013, comme cuisinière bénévole pour cet organisme. La recourante a, par ailleurs, produit des lettres de soutien d’amis et de connaissance soulignant ses qualités humaines et le lien d’amitié s’étant tissé, notamment, avec M______, membre de la même Église qu’elle. L’ensemble de ces éléments plaident, certes, en faveur d’une bonne intégration sociale.

Toutefois, après s’être conformée à la décision de renvoi rendue en 2016 à son encontre et avoir quitté la Suisse en octobre 2016, elle y est revenue, au mépris non seulement de la décision de renvoi, mais aussi de l’interdiction d’entrée prononcée à son encontre le 30 septembre 2016, valable jusqu’au 29 septembre 2019. Elle ne peut donc se targuer d’une intégration sociale particulièrement réussie. En outre, il n’apparaît pas que les liens amicaux tissés à Genève seraient d’une intensité telle que la recourante ne pourrait les poursuivre au travers des moyens de communication modernes une fois de retour dans son pays d’origine.

Arrivée en Suisse à l'âge de 31 ans, la recourante a passé toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte en Équateur. Elle en connaît donc les us et coutumes et la mentalité et en maîtrise la langue. Elle a conservé des attaches familiales importantes avec sa famille, comme en témoignent sa préoccupation pour l’état de santé de ses parents et ses virements bancaires réguliers en faveur de membres de sa famille. Elle pourra ainsi compter sur le soutien, à tout le moins social, de ses proches pour se réintégrer. Elle pourra valoriser l’expérience professionnelle acquise en Suisse ainsi que ses connaissances de la langue française, étant relevé que la recourante a indiqué avoir étudié « la technique » et obtenu un diplôme de baccalauréat en Équateur. Elle se trouvera ainsi dans la situation qui est celle de ses compatriotes restées au pays. Le fait de devoir, après plusieurs années d’absence de son pays, se réadapter ne suffit pas à retenir que sa réintégration professionnelle et sociale serait gravement compromise. La nécessité de se réadapter à son pays d’origine est inhérente à toute personne devant quitter le territoire suisse du fait qu’elle n’en remplit pas les conditions de séjour. Sa situation n’est cependant pas aussi rigoureuse qu’on ne saurait exiger son retour.

Le soutien financier que la recourante apporte à ses parents malades ne permet pas de justifier l’octroi d’une autorisation de séjour. En effet, la réglementation régissant le séjour d’étrangers en Suisse ne prévoit pas que l’impécuniosité de proches restés au pays, qui dépendent de l’aide financière apportée par l’intéressée travaillant en Suisse, constitue un critère d’appréciation dans l’octroi d’une autorisation de séjour. La relation de soutien à des proches, notamment par l’aide apportée dans des gestes du quotidien, ne peut entrer en ligne de compte que lorsque le proche aidé ou aidant dispose d’un titre de séjour valable en Suisse. Tel n’est pas le cas en l’espèce, ni la recourante ni ses parents ne disposant d’un titre de séjour en Suisse.

Partant, au vu des éléments qui précèdent, l’OCPM n’a ni violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser positivement auprès du SEM l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de la recourante.

4.             Celle-ci fait encore valoir que son renvoi ne serait pas exigible, car il reviendrait à condamner ses parents, qui ne pourraient plus obtenir le financement de leurs soins nécessaires. En outre, les libertés fondamentales n’étaient pas respectées en Équateur, qui était un pays où régnait une grande violence.

4.1 Aux termes de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).

Les autorités cantonales peuvent toutefois proposer au SEM d'admettre provisoirement un étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 et 6 LEI). L'exécution de la décision n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers, est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEI). L'exécution de la décision ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

4.2 En l’espèce, le retour de la recourante dans son pays d’origine la placera dans la même situation que ses compatriotes, qui doivent faire face à l’insécurité qu’elle évoque. Elle ne fait cependant valoir aucun élément rendant vraisemblable qu’à son retour en Équateur, elle serait concrètement exposée à un danger spécifique pour sa vie ou son intégrité physique ou psychique. Par ailleurs, s’il est vraisemblable que ses revenus seront moins élevés en Équateur que ceux qu’elle a réalisés en Suisse, notamment depuis juin 2022, il n’apparaît que ceux qu’elle peut espérer réaliser ne lui permettront pas de subvenir à ses besoins ; elle ne le soutient d’ailleurs pas. La difficulté – qu’il n’y a pas lieu de minimiser – d’accéder à des soins médicaux de qualité, compte tenu des moyens financiers limités dont semblent disposer ses parents, n’est pas de nature à rendre inexigible son renvoi. Cette difficulté, bien qu’elle puisse préoccuper la recourante, ne la concerne pas au premier chef, de sorte qu’elle ne constitue pas un motif s’opposant à son renvoi.

Dans ces circonstances, l’OCPM n’a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le renvoi de la recourante était possible, licite et raisonnablement exigible.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 PA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mai 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. de Lausanne 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.