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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2169/2023

ATA/894/2023 du 22.08.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2169/2023-FORMA ATA/894/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A_____ et B______ recourants
agissant pour leur fils C______

contre

SERVICE DE LA PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE intimé
h

 



EN FAIT

A. a. C______, né le ______ 2015, a bénéficié d’un report de scolarité et commencé la 1P en 2021-2022. Il a fréquenté durant l’année scolaire 2022-2023 une classe de 2P de l’école de la G______.

b. Atteint d’un trouble du spectre autistique, il suit depuis quatre ans un traitement logopédique et de psychomotricité. Il a également été suivi par le service éducatif itinérant (ci-après : SEI) à domicile depuis le 26 février 2018, puis en classe depuis le 1er août 2021.

c. Le 12 décembre 2022, le secrétariat à la pédagogie spécialisée (ci-après : SPS) a reçu une procédure d'évaluation standardisée (ci-après : PES) signée par les parents d’C______, B______ et A______, par la directrice de l'école de la G______, D______ et qui préconisait un besoin d’enseignement spécialisé, mesure avec laquelle les parents se sont dits d'accord.

Il en ressort qu’C______ présentait des grandes difficultés à gérer ses émotions et ses pulsions. Des événements « anecdotiques » pouvaient déclencher une crise et nécessiter la pleine attention d’un adulte jusqu’à ce qu’il parvienne à se calmer. Il avait de bonnes capacités intellectuelles et acquérait de nouvelles notions sans difficultés s’il se trouvait dans de bonnes conditions psychologiques. Il ne pouvait se concentrer que peu de temps et était facilement déconcentré par des stimulations auditives et visuelles. Il avait souvent des relations conflictuelles avec ses camarades et ne maîtrisait pas les codes de la communication non-verbale. Il se sentait persécuté par certains camarades, ce qui générait des difficultés supplémentaires lorsqu’il les frappait. Il n’atteignait pas certains objectifs du plan d’études romand en français, arts visuels, musique, éducation et dans la vie scolaire.

d. Le SPS a sollicité le préavis de spécialistes du domaine de la pédagogie spécialisée et mis à jour le dossier.

Il est ressorti de l’appréciation de E______, chargé du suivi SEI d’C______, qu’il avait observé une péjoration de son comportement en fin d’année scolaire. Les récréations se passaient rarement bien et les problèmes rencontrés étaient liés à sa violence physique et verbale envers ses pairs. L’élève était souvent envahi par un sentiment de frustration et il lui fallait un moment avant d’être disposé à écouter un adulte ou se mettre à la tâche. Selon le responsable du parascolaire, F______, C______ – qui avait commencé à fréquenter le parascolaire le 1er juin 2023, sans que ses parents aient informé les responsables de ses difficultés – monopolisait beaucoup d’énergie de l’encadrement, au détriment de la collectivité. Il ne mémorisait pas les consignes, avait besoin d’être surveillé en permanence et pouvait avoir des gestes impulsifs et violents. Le point positif était qu’il avait créé des liens avec certains élèves et s’excusait quand il faisait mal. L’enseignante de la classe se trouvant au-dessus de celle d’C______ avait dû régulièrement descendre pour lui dire que ses hurlements dérangeaient ses élèves. Elle l’avait régulièrement accueilli dans sa classe lorsqu’il n’était plus en mesure de suivre les leçons et dérangeait ses camarades, afin que l’enseignante puisse avancer le programme avec ses élèves. Dans le préau, elle avait dû intervenir auprès de l’enfant car il utilisait un frisbee comme bouclier et frappait tous les enfants qui passaient à côté de lui. Après lui avoir expliqué plusieurs fois la dangerosité de ses gestes et l’avoir grondé à deux reprises, elle avait passé les quinze minutes restantes à la tenir par la main pour éviter qu’il ne blesse quelqu’un. L’enseignante d’C______ a créé des moyens pour l’aider et tenu un tableau de bord de ses débordements.

e. Compte tenu de l’accord des parents à la poursuite de la scolarisation de leur fils en enseignement spécialisé et les renseignements actualisés recueillis par le SPS, celui-ci a recommandé cette mesure à l’office médico-pédagogique (ci-après : OMP), qui a décidé d’une affectation à l’établissement primaire de H______.

f. Les parents ont été reçus, notamment, le 31 mars 2023 par la directrice de l’école de la G______ pour faire le point de la situation et leur présenter les établissements spécialisés et de l’intégration, ainsi que les différentes structures de l’enseignement spécialisé.

g. Par décision du 6 juin 2023, le SPS a accordé à l’enfant la prise en charge pour une prestation d’enseignement spécialisé et de transport du domicile au lieu de scolarité du 1er août 2023 au 30 juin 2024.

B. a. Par acte expédié le 29 juin 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), les parents ont recouru contre cette décision. Ils estimaient qu’elle allait à l’encontre des besoins et du « projet scolaire » de leur fils. Ils demandaient que celui-ci puisse poursuivre sa scolarité à l’école primaire de la G______. Ils ont joint le courrier de E______ du 21 juin 2023 indiquant que son accompagnement était terminé, félicitant C______ pour les progrès accomplis et l’encourageant à poursuivre le développement de ses compétences.

b. Le SPS a conclu au rejet du recours.

L'enfant avait bénéficié de nombreuses et diverses prestations de pédagogie spécialisée (logopédie, psychomotricité et éducation précoce spécialisée) depuis février 2018 en tout cas. Il présentait d’importantes difficultés de concentration et dans les relations avec ses camarades, n’atteignait pas certains objectifs de référence scolaire et rencontrait des difficultés modérées, importantes et graves dans plusieurs fonctions importantes. Enfin, sa situation s’était péjorée en cours d’année scolaire. L’enseignement spécialisé était la seule prestation répondant à ses besoins.

c. Les parents ne se sont pas manifestés dans le délai imparti pour répliquer.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieuse la décision d'octroi d'une prestation sous forme d'un enseignement spécialisé en faveur du fils des recourants.

2.1 Aux termes de l'art. 62 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, terme qui inclut les enfants à besoins éducatifs particuliers, au plus tard jusqu'à leur vingtième anniversaire.

2.2 Pour mettre en œuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), auquel la République et canton de Genève est partie (C 1 08.0). Cet accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée (art. 1 et. 2 let. a AICPS). Lorsque les mesures octroyées dans le cadre de l'école ordinaire s'avèrent insuffisantes, une décision quant à l'attribution de mesures renforcées doit être prise sur la base de la détermination des besoins individuels (art. 5 al. 1 AICPS).

2.3 En référence aux principes de l'école inclusive mentionnés à l'art. 10 al. 2 LIP et dans l'AICPS, le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés.

De la naissance à l'âge de 20 ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée s'il est établi qu'ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point qu'ils ne pourront pas ou ne peuvent plus suivre l'enseignement régulier sans soutien spécifique, ou lorsqu'un autre besoin éducatif particulier a été constaté (art. 30 LIP).

Selon l'art. 29 al. 1 LIP, est considéré comme enfant et jeune à besoins éducatifs particuliers celui qui présente une altération des fonctions mentales, sensorielles, langagières ou physiques entravant ses capacités d’autonomie et d’adaptation dans un environnement ordinaire. Le contexte est pris en compte lors de l’évaluation visant à déterminer des besoins éducatifs particuliers.

Les critères cliniques des besoins éducatifs particuliers ainsi que la liste des infirmités congénitales reconnues sont détaillés par règlement (art. 29 al. 3 LIP), à savoir l'Annexe II (ci-après : annexe II) du règlement sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés du 21 septembre 2011 (RIJBEP - C 1 12.01, en vigueur au moment de la décision litigieuse du 11 mai 2021, le nouveau règlement sur la pédagogie spécialisée du 23 juin 2021 étant entré en vigueur le 30 juin 2021 [RPSpéc - C 1 12.05]).

2.4 Les parents sont associés à la procédure de décision relative à l’attribution des mesures de pédagogie spécialisée (art. 32 al. 2 LIP). Chaque bénéficiaire des mesures de pédagogie spécialisée est intégré dans la structure d’enseignement ou de formation la plus adaptée à ses besoins et visant à la plus grande autonomie à sa majorité, tout en répondant aux besoins de tous les élèves ou apprentis de la classe (art. 32 al. 3 LIP).

2.5 Selon l'art. 33 al. 1 LIP, les prestations de pédagogie spécialisée comprennent : le conseil, le soutien, l’éducation précoce spécialisée, la logopédie et la psychomotricité (let. a) ; des mesures de pédagogie spécialisée dans un établissement d’enseignement régulier ou spécialisé (let. b) ; la prise en charge en structure de jour ou à caractère résidentiel dans une institution de pédagogie spécialisée (let. c).

Les transports nécessaires et les frais correspondants sont pris en charge pour les enfants et les jeunes qui, du fait de leur handicap, ne peuvent se déplacer par leurs propres moyens entre leur domicile et l’établissement scolaire et/ou le lieu de thérapie (art. 33 al. 2 LIP).

Aux termes de l’art. 10 RIJBEP, l'offre en matière de pédagogie spécialisée couvre les prestations énoncées ci-après, soit conseil et soutien (al. 2), éducation précoce spécialisée (al. 3), mesures de pédagogie spécialisée en classe ordinaire (al. 4), l’enseignement spécialisé (al. 5), la logopédie (al. 6), la psychomotricité (al. 7), les repas et/ou le logement (al. 8), les transports des enfants et des jeunes (al. 9 et 10).

L’enseignement spécialisé tel que prévu à l'art. 10 al. 5 RIJBEP comprend l'enseignement permettant d'apporter des réponses pédagogiques aux élèves à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Il est dispensé dans les classes spécialisées au sein des établissements scolaires ordinaires, dans les écoles spécialisées publiques ou privées accréditées ou dans les institutions à caractère résidentiel accréditées. La prestation d'enseignement spécialisé comprend également l'encadrement éducatif et les mesures pédago-thérapeutiques nécessaires (logopédie, psychomotricité, éducation précoce spécialisée).

2.6 Le SPS est l'autorité compétente pour l'octroi des mesures individuelles renforcées en pédagogie spécialisée et pour leur financement, hormis celui de l'enseignement spécialisé dispensé en école privée non subventionnée ou à domicile. Il comporte une unité clinique pluridisciplinaire composée de professionnels en exercice, spécialistes des domaines concernés, dont une directrice ou un directeur en scolarité spécialisée et une ou un pédopsychiatre référent en exercice. Le SPS est rattaché à l'office de l’enfance et de la jeunesse (art. 5 RIJBEP).

2.7 Lorsque l'école pressent chez un élève ou un jeune un besoin susceptible de faire l’objet d’une mesure individuelle renforcée en pédagogie spécialisée, elle le signale aux représentants légaux et leur propose sa collaboration pour le dépôt de la demande (art. 19 al. 3 RIJBEP). À défaut de dépôt de demande relative à une mesure d'enseignement spécialisé par les représentants légaux, la direction de l'établissement scolaire signale la situation à l’office médico-pédagogique (ci-après : OMP) et en informe par écrit les représentants légaux. Sur la base de l'évaluation scolaire de l'élève et si nécessaire, l’OMP signale la situation au SPS et décide des mesures de scolarisation transitoires nécessaires (art. 19 al. 5 RIJBEP).

2.8 Selon l’art. 20 RIJBEP, conformément à l'art. 13 RIJBEP, le SPS s'appuie sur la PES pour l'évaluation initiale des besoins de l'enfant ou du jeune. Il confie cette évaluation aux structures reconnues définies à l'art. 6 al. 1 RIJBEP (al. 1). Dans le cadre de cette évaluation et avec l'accord des représentants légaux ou du jeune majeur, le SPS est habilité à se procurer auprès des autorités, des médecins traitants, des thérapeutes ou de tout autre service spécialisé les documents, les renseignements et les données personnelles nécessaires. De même, il peut faire procéder à une expertise médicale ou technique à laquelle les enfants et les jeunes concernés sont tenus de se soumettre (al. 2).

La PES est un instrument du concordat sur la pédagogie spécialisée. Les cantons recourent à cet instrument lorsqu'il s'agit d'attribuer des mesures renforcées de pédagogie spécialisée (ATA/944/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5f). La PES prend en considération les compétences et difficultés de l'enfant mais aussi les caractéristiques environnementales (familiales et scolaires) dans lesquelles il vit. Elle permet ainsi de se prononcer sur les possibilités d'adaptation de l'environnement aux difficultés de l'enfant. L'application de cette procédure doit garantir une égalité de traitement de toutes les demandes (ibidem ).

2.9 Les représentants légaux et le mineur capable de discernement sont associés aux étapes de la procédure de décision. Ils ont accès au dossier et peuvent obtenir copie des pièces (art. 22 al. 1 RIJBEP). Ils peuvent s'exprimer à tout moment de la procédure oralement ou par écrit. Leur droit d'être entendu est respecté avant toute décision (art. 22 al. 2 RIJBEP).

2.10 En l'espèce, l'enfant a manifestement des besoins éducatifs particuliers au sens de la loi. Depuis le début de sa scolarité, il a eu besoin d’un soutien, en logopédie, en psychomotricité et par le service éducatif itinérant. La PES a dûment pris en compte les mesures dont l’enfant avait déjà bénéficié ainsi que des constats par les différents professionnels. Elle conclut au besoin d’un enseignement spécialisé, conclusion à laquelle les parents, qui avaient été associés à la PES, avaient acquiescé.

Dans leur recours, ils remettent en cause leur accord. Ils font valoir que la poursuite en classe ordinaire répondrait le mieux aux besoins de leur fils. Or, dès lors que, comme on l’a vu, celui-ci rencontre de nombreuses et importantes difficultés de comportement et de concentration et que les mesures mises en place jusque-là ne permettent plus de répondre de manière suffisante aux besoins spécifiques d’C______, la mesure d’enseignement spécialisée apparaît apte à lui fournir un cadre et un encadrement adapté à ses besoins. En effet, l’enfant peine à se concentrer, est perturbé par toute stimulation auditive ou visuelle, fait preuve de violence physique et verbale envers ses pairs et monopolise beaucoup d’énergie de l’encadrement, au détriment des autres élèves. Il ne mémorise pas les consignes et a besoin d’être surveillé en permanence. L’enseignement spécialisé apparaît, au vu de ces éléments, la mesure la plus adéquate pour son bon développement.

La décision querellée ne viole ainsi pas la loi ni ne consacre d’abus du pouvoir d’appréciation des instances spécialisées.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

3.             Vu la nature de la procédure, aucun émolument ne sera perçu et vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 juin 2023 par A______ et B______ contre la décision du service de la pédagogie spécialisée du 6 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, agissant pour leur fils C______, ainsi qu'au service de la pédagogie spécialisée.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :