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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3754/2022

ATA/902/2023 du 24.08.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 27.09.2023, 2C_530/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3754/2022-EXPLOI ATA/902/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Nadine VON BÜREN-MAIER, avocate

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______, la société ou l’entreprise) est une société anonyme inscrite au registre du commerce. Elle a pour but, en Suisse et à l’étranger, recherche, développement, production et commerce de tous produits cosmétiques et pharmaceutiques, basés sur des technologies douces. Elle distribue en Suisse des produits B______.

b. Le 11 février 2022, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci‑après : SCAV ou le service) a interpellé A______. Lors d’un contrôle officiel effectué au sein d’une pharmacie le 4 novembre 2021, il avait prélevé un échantillon sur le produit « complément alimentaire à base d’extraits d’aubépine et de passiflore » (ci-après : le produit). Cet échantillon a été référencé sous le n° 21‑94102 (ci-après : l’échantillon). L’examen du produit avait révélé la présence d’extrait d’aubépine (crataegus monogyna et oxyacantha) et d’extrait de passiflore (passiflora incarnata). Il a sollicité la remise de plusieurs documents relatifs à ces deux ingrédients.

c. La société a transmis au service : la fiche technique de l’ingrédient PPS Passiflore-Aubépine, une étude de 2010 portant sur la toxicité orale chez le rat par la méthode par classe de toxicité aiguë du produit et la fiche « Quali Quanti formula » du produit.

d. Le 2 mars 2022, le service a rendu un rapport d’analyse-décision. L’échantillon ne correspondait pas aux exigences légales et il était contesté au sens de l’art. 33 de la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 20 juin 2014 (loi sur les denrées alimentaires, LDAl - RS 817.0). Un émolument de CHF 248.- était mis à la charge de la société.

Le produit contenait de l’extrait hydroalcoolique d’aubépine et de passiflore. L’entreprise n’ayant pas pu fournir la documentation requise sur ces ingrédients, ils étaient considérés comme nouvelles sortes de denrées alimentaires au sens des art. 15 et 16 de l’ordonnance sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 16 décembre 2016 (ODAlOUs - RS 817 - 02). L’utilisation de ces ingrédients dans une denrée alimentaire nécessitait une autorisation préalable de l’office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (ci-après : OSAV) pour qu’elle puisse être commercialisée.

Les deux mesures suivantes ont été ordonnées : 1. les denrées alimentaires contenant des ingrédients considérés comme nouvelles sortes de denrées alimentaires ne devaient être ni commercialisées ni utilisées dès lors qu’elles n’avaient pas été autorisées au sens des art. 16 et 17 ODAlOUs. Le solde de la marchandise devait être retiré du commerce avec effet immédiat ; 2. élucider, d’ici au 26 mars 2022, les causes et prendre les mesures correctives appropriées au sens de l’art. 34 al. 3 LDAl. Mettre en place ou modifier l’autocontrôle afin de veiller, dans le cadre de l’activité, à ce que les marchandises soient conformes aux exigences légales au sens de l’art. 26 LDAl ; 3. notamment, réévaluer les denrées alimentaires commercialisées par la société qui contiendraient des ingrédients considérés comme nouvelles sortes de denrées alimentaires et n’ayant pas obtenu d’autorisation de commercialisation.

Au plus tard le 26 mars 2022, l’entreprise était en outre invitée à informer l’autorité des quantités totales de marchandises encore en stock, vendues et retirées du commerce ainsi que des mesures correctives mises en place au sens de l’art. 34 al. 2 LDAl.

e. A______ a formé opposition contre cette décision. N’ayant pas eu le temps de transmettre au service les documents considérés comme manquants, elle sollicitait une rencontre.

f. Le 14 mars 2022, l’entreprise s’est adressée au service. Elle revenait sur la demande concernant le statut « C______ » des deux plantes contenues dans le produit. Comme l’indiquait le catalogue de nouveaux aliments (ci-après : le catalogue ; accessible à l’adresse C______ catalogue [europa.eu])de l’Union européenne (ci-après : UE), ces deux plantes étaient consommées de manière significative avant le 15 mai 1997.

g. A______ a été reçue dans les locaux du service le 4 juillet 2022. Elle a expliqué que le procédé d’extraction utilisé était à multiples degrés d’eau et d’alcool et qu’aucun composant particulier n’était recherché. Au contraire, ce procédé permettait d’extraire la totalité des composants, sans cibler ou concentrer certains composants, ni en éliminer d’autres. Les produits étaient importés de France, d’un grand laboratoire, et n’avaient jamais posé de problème aux autorités de ce pays. Pour sa part, le service a entre autres expliqué que la plante et l’extrait de plante n’étaient pas la même chose. Il s’est référé à la lettre d’information de l’OSAV n° 2021/7 « Autocontrôle pour les autres substances non réglementées dans les compléments alimentaires » (ci-après : la lettre d’information) dont l’entreprise n’avait pas connaissance.

h. Le 3 août 2022, la société a transmis au SCAV un document intitulé « Ingrédient PPSDuo Aubépine Passiflore Caractérisation de profil phytochimique ». Ce document contient entre autres les profils HPTLC (chromatographie sur couche mince haute performance) des plantes en cause.

i. Le 12 octobre 2022, le SCAV a rejeté l’opposition et maintenu son rapport d’analyse-décision. Il ressortait tant de l’emballage que des documents relatifs à la denrée alimentaire « complément alimentaire à base d’extraits d’aubépine et de passiflore » transmis par l’entreprise, que l’échantillon contesté était composé notamment d’un extrait B______ aubépine / passiflore. Cet extrait de plantes était obtenu par notamment un processus d’extraction au moyen d’éthanol. Ce procédé de fabrication entraînait ainsi des modifications significatives dans la composition et la structure du produit initial, à savoir la plante entière d’aubépine et la plante entière de passiflore. Ce procédé de fabrication n’étant pas utilisé avant le 15 mai 1997 en Suisse ou dans un pays membre de l’UE et n’ayant pas été spécifiquement autorisé par l’OSAV, cet extrait était une nouvelle sorte de denrée alimentaire. Partant, l’échantillon contesté, composé en partie de cet extrait, était également une nouvelle sorte de denrée alimentaire (C______) qui ne pouvait être commercialisé en Suisse sans autorisation préalable.

B. a. Par acte déposé le 14 novembre 2022, la société a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à son annulation. Subsidiairement, elle a conclu à ce que soit ordonnée une expertise aux fins de prouver que le procédé d’extraction de plantes appliqué par elle n’entraînait pas de modifications significatives dans la composition ou la structure de l’aubépine et de la passiflore.

a.a. Le SCAV avait violé l’art. 15 al. 1 let. g ODAlOUs en lui interdisant de commercialiser le produit.

Pour ce qui concernait la condition relative à la consommation des extraits de passiflore et d’aubépine avant le 15 mai 1997, le catalogue faisait état des connaissances mises en commun par les États membres concernant certains ingrédients. Un historique de consommation humaine significative de ces derniers dans l’UE avant cette date avait été établi, ce qui permettait de prouver le statut non C______ d’un ingrédient.

D’après l’art. 6 al. 1 du règlement (UE) 2015/2283 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relatif aux nouveaux aliments (JO L 327 du 11 décembre 2015, p. 1), la commission européenne établissait et mettait à jour une liste faisant apparaître les nouveaux aliments autorisés à être mis sur le marché dans l’UE qui figurait dans l’annexe du règlement d’exécution (UE) 2017/2470 de la Commission du 20 décembre 2017 établissant la liste de l’UE des nouveaux aliments conformément au règlement (UE) 2015/2283. En ce qui concernait l’extrait de passiflore (passiflora edulis), il ressortait clairement du catalogue que cette plante était sur le marché en tant qu’aliment ou ingrédient alimentaire et consommé dans une mesure significative avant le 15 mai 1997. Par conséquent, son accès au marché n’était pas soumis au règlement (UE) 2015/2283.

Quant à l’extrait d’aubépine (crataegus oxychantha qui renvoyait à crataegus pinnatifada), toujours selon catalogue, cette plante avait été utilisée comme complément alimentaire avant le 15 mai 1997. Par ailleurs, ce dernier était mentionné dans l’annexe du règlement (UE) 2017/2470. Il était par conséquent erroné de qualifier ces extraits de plantes de nouvelles sortes de denrées alimentaires et de soumettre leur commercialisation à une autorisation.

a.b. Pour ce qui concernait la condition relative aux modifications significatives de la composition ou la structure de la denrée alimentaire et contrairement à ce que soutenait le service, le procédé d’extraction utilisé ne modifiait ni la composition ni la structure des plantes d’aubépine et de passiflore de manière significative. L’autorité semblait croire, se fondant sur une idée générale, que le processus d’extraction au moyen d’éthanol avait pour conséquence inévitable de modifier la composition des plantes. Or, le procédé d’extraction utilisé permettait de retrouver la « (quasi) » même composition avant et après extraction. À teneur de la fiche technique du produit, le ratio plante de passiflore/produit était de 1.0 – 1.4 : 1. Cela signifiait qu’il fallait entre 1.0 et 1.4 kg de plante pour obtenir 1 kg d’extrait de passiflore dans le produit. Ainsi, la composition restait essentiellement la même après extraction ; des modifications marginales de certains composants en termes de concentration étaient parfois possibles, toutefois dans un infime mesure. Quant à l’aubépine, le ratio plante/produit était de 0.2 – 0.4 : 1 ce qui signifiait qu’il fallait entre 0.2 et 0.4 kg de plante pour obtenir 1 kg d’extrait d’aubépine dans le produit. En d’autres termes, le produit n’était pas plus concentré après extraction de l’aubépine, il était au contraire dilué. Des modifications marginales de certains composants en termes de concentration étaient parfois possibles, toutefois à nouveau dans une infime mesure seulement.

En somme, le procédé à multiples degrés successifs d’alcool et d’eau utilisé ici présentait les caractéristiques suivantes :

-          contrairement à la plupart des procédés d’extraction, qui avaient pour objectif d’extraire une partie des composants de la plante et ainsi de cibler certains constituants au détriment d’autres, il extrayait la totalité des constituants de la plante, de sorte que l’extrait n’était pas plus concentré en flavonoïde (constituant de la passiflore) que la passiflore en elle-même ou en acide phénolique (constituant de l’aubépine) que l’aubépine en elle-même ;

-          la plupart du temps, les préparations de plantes étaient extrêmement purifiées, ce qui menait à isoler un ou plusieurs composants de la plante. Les préparations n’étaient ici pas purifiées, de sorte qu’aucun composant de la plante n’était isolé ou ciblé ;

-          le procédé d’extraction utilisé ici ne concentrait pas certains constituants pas rapport aux autres.

Ainsi, la méthode utilisée préservait l’intégrité et l’intégralité des composants de la plante fraîche d’origine, sans purification ni concentration sélective. La règlementation sur les nouvelles sortes de denrées alimentaires ne s’appliquait donc pas au produit et aucune autorisation de l’OSAV n’était nécessaire.

a.c. Le SCAV avait excédé son pouvoir d’appréciation et fait une application arbitraire de l’art. 15 al. 1 let. g ODAlOUs qu’il avait en outre interprété de manière contraire au but visé par la LDAl.

Tel qu’elle venait de le démontrer, la composition de la plante n'était pas ou très peu modifiée par le procédé d'extraction tant d'un point de vue factuel que juridique. Le fait pour l'autorité de retenir que les plantes seraient modifiées dans leur composition de manière significative était en contradiction manifeste avec la situation effective. De plus, le fait que le service ne s'appuyait sur aucun seuil, aucun chiffre, ni n'expliquait en quoi la composition du produit serait modifiée significativement avait pour conséquence que la décision litigieuse avait été prise sur la base d'aucun motif objectif.

Quant au second élément retenu par le service, elle avait expressément attiré son attention sur les informations contenues dans le catalogue, à savoir que tant l’extrait de passiflore que celui d’aubépine étaient consommés en tant que compléments alimentaires dans une mesure significative avant le 15 mai 1997 dans l’UE. On pouvait pour le reste douter qu’elle devait réellement – et le cas échéant dans quelle mesure – prouver les faits notoirement connus qui relevaient du catalogue précité.

Dans la mesure où la notion de modification « significative » prévue à l’art. 15 al. 1 let. g ODAlOUs n’était pas définie dans la loi, il fallait se demander si la décision en cause était conforme au but visé par la LDAl. Le terme « significative » ne pouvait être justifié que par les objectifs de protection du droit alimentaire suisse. La volonté du législateur était uniquement d’empêcher que des denrées alimentaires dangereuses pour la santé publique puissent être mises sur le marché sans autorisation. La modification de la composition d’une denrée alimentaire ne devait être qualifiée de significative que si elle entraînait un danger pour la santé publique. Or, tel que cela ressortait de l’étude de la toxicité orale chez le rat, le produit ne présentait aucun danger pour ce dernier et par conséquent a priori aucun danger pour l’être humain. En outre, la composition des plantes après extraction était modifiée dans une proportion si négligeable qu’on ne pouvait objectivement qualifier la modification de significative. Il n’y avait aucune raison d’interdire le produit, ce d’autant que l’autorité n’avait pas ordonné l’exécution de sa décision nonobstant recours.

a.d. Le SCAV avait violé le principe de la proportionnalité en prononçant à son encontre l’interdiction d’utilisation et de commercialisation des compléments alimentaires composés d’extrait d’aubépine et de passiflore et le retrait de la marchandise du commerce avec effet immédiat.

a.e. Enfin, le SCAV avait enfin violé le principe de l’égalité de traitement dès lors que des pays voisins comme la France, l’Italie et la Belgique n’imposaient pas d’autorisation particulière pour la vente de compléments à base d’extraits d’aubépine et de passiflore. En outre, d’autres fabricants utilisaient des extraits de plantes dans leurs compléments alimentaires et les commercialisaient en Suisse auprès de grandes enseignes.

La recourante a versé à la procédure divers documents relatifs notamment au procédé d’extraction qu’elle utilisait. Il s’agit en particulier d’une expertise du Professeur D______ de l’École d’ingénieurs E______ du 9 novembre 2022, intitulée « Expertise concernant la constitution chimique de l’ingrédient PPS Passiflore-Aubépine (PiLeJe) ».

b. Le 20 janvier 2023, le SCAV a conclu au rejet du recours.

b.a. L’expertise sollicitée par la recourante était mal fondée. L’objet de la procédure avait pour objectif de déterminer si le produit avait été interdit de commercialisation à raison puisque contenant deux extraits qui n’avaient pas obtenu l’autorisation de l’OSAV. Dès lors que ces extraits étaient de nouvelles sortes de denrées alimentaires, le débat autour du procédé d’extraction et de la sécurité n’avait pas lieu d’être examiné dans la présente procédure puisque ces éléments feraient l’objet de la procédure d’autorisation devant l’OSAV.

b.b. Il fallait distinguer le genre de l’espèce en botanique, ainsi que la fleur du fruit, et l’extrait du produit primaire. Leurs utilisations et leurs caractéristiques physico‑chimiques leur étaient propres.

Ainsi, « Passiflora » était un genre de plantes, les passiflores, de plus de 530 espèces. Les parties aériennes de la passiflore officinale (passiflora incarnata) étaient connues en phytothérapie pour leurs actions anxiolytiques et sédatives. La grenadille (passiflora edulis) donnait un fruit comestible appelé fruit de la passion. La passiflore bleue (passiflora caerulea) était la passiflore ornementale la plus cultivée en France métropolitaine. Le catalogue européen ne répertoriait pas l’espèce passiflora incarnata, ingrédient utilisé en l’espèce, mais consacrait une page à l’espèce passiflora edulis. Il ressort de cette page que (selon une traduction libre effectuée par la chambre administrative) : « L'ingrédient alimentaire pour lequel l'avis est demandé porte le nom de passiflora edulis f. edulis sims communément appelé gulupa. Le fruit (gulupa) est violet, rond à ovale, avec une peau sèche et ridée lorsqu'il est mûr. L'intérieur, où se trouve le fruit, est mou à ferme et juteux, plein de nombreuses graines ». Or, selon l’échantillon contesté, n’étaient utilisés que des extraits de passiflora incarnata (parties aériennes). Figurait d’ailleurs sur l’emballage une photographie de la fleur. Il s’agissait donc d’une nouvelle sorte de denrée alimentaire qui devait faire l’objet d’une autorisation par l’OSAV avant sa mise sur le marché.

Crataegus était un genre d’arbres ou arbustes épineux de l’hémisphère nord, appartenant à la famille des rosacées, communément appelés des aubépines. Les espèces les plus utilisées étaient l’aubépine monogyne ou aubépine à un style (crataegus monogyna) et l’aubépine épineuse ou à deux styles (crataegus laevigata). Le catalogue européen ne répertoriait pas l’espèce crataegus monogyna qui était l’un des ingrédients utilisés par la recourante. En revanche, il répertoriait crataegus oxyachantha et renvoyait à crataegus pinnatifida. Le catalogue indiquait (traduction libre de la chambre administrative) : « Espèce appartenant à la famille des rosacées et originaire du nord de la Chine et de la Corée. Le genre crataegus compte plus de 250 espèces présentes en Amérique du Nord, en Europe et dans le nord de l'Asie. La demande concerne l'utilisation des fruits séchés de crataegus pinnatifida dans les compléments alimentaires, ce qui n'est pas considéré comme une nouveauté ».

Selon le règlement européen (UE) 2017/2470, les fruits séchés de crataegus pinnatifida étaient un nouvel aliment autorisé qui pouvait être utilisé dans les denrées alimentaires spécifiques. Or, la liste des ingrédients dans l’échantillon contesté indiquait qu’il s’agissait de crataegus monogyna et oxycantha, sommités fleuries, et non pas du fruit séché. Cet ingrédient était une nouvelle sorte de denrée alimentaire et devait faire l’objet d’une autorisation par l’OSAV avant sa mise sur le marché.

b.c. Il ressortait de l’emballage de l’échantillon que le produit était issu de la recherche PiLeJe en sus de l’allégation « extraction brevetée ». Selon la littérature chimique spécialisée des publications avec auteurs affiliés à la société PiLeJE, il s’agissait du brevet n° WO 1______ déposé en 2001. Partant, le procédé décrit dans ce brevet devait être considéré comme le procédé utilisé dans l’échantillon contesté. L’extraction, telle que décrite dans le brevet, avait pour but de fournir un procédé permettant d'obtenir un contenu biochimique au plus proche du végétal tout en le débarrassant des composants dénués d'intérêt pour la phytothérapie (cellulose, gommes, tanins, etc.) dans le but de faire ressortir la totalité des substances actives. Dès lors que le procédé d'extraction utilisé permettait d'extraire de manière sélective certains composants et en éliminait d'autres, il modifiait significativement la composition et la structure de la plante puisque le but était de concentrer des substances actives. Par définition, seuls les composés solubles dans la solution d'extraction hydroalcooliques étaient présents et les composés insolubles, tel que la cellulose, les gommes et les tanins, étaient « déplétés » de l'extrait.

La recourante fournissait des images de chromatographie sur couche mince pour démontrer la similitude entre la plante d'origine et l'extrait. Non seulement certains composés (visibles sous forme de taches colorées) apparaissaient et disparaissaient clairement sur ces images, mais les variations d'intensité relatives de certaines taches étaient une preuve évidente de l'enrichissement ou de la déplétion sélectifs de certains composés. La chromatographie sur couche mince était une méthode d'analyse relativement simple ne permettant de visualiser que certaines substances majoritaires sous forme de taches, sans réelle identification des substances actives. La mise en évidence et la quantification de composés actifs d'intérêts présents en plus faible concentration n'était tout simplement pas possible par cette technique. La question de l’évaluation des extraits de denrées alimentaires sous l’angle du statut de nouvelles sortes de denrées alimentaires était en outre précisée dans la lettre d’information.

Le but du procédé d'extraction étant bel et bien de modifier la structure de la denrée alimentaire, dans la mesure où le procédé entendait activer tout composant, même les composants mineurs, il n’avait pas excédé son pouvoir d’appréciation et sa décision n’avait rien d’arbitraire.

b.d. La recourante se méprenait quant aux mesures ordonnées. L'échantillon n'avait pas été contesté par la mise en évidence d'ingrédients ou de contaminants toxiques, mais au regard de l'absence de preuves que le produit était sûr pour les consommateurs puisque nécessitant préalablement une évaluation de la sécurité et une évaluation de l’OSAV avant la mise sur le marché. En effet, la supposée absence de risque pour la santé ne permettait nullement de déroger au processus d'autorisation auquel était soumise toute nouvelle sorte de denrée alimentaire non expressément désignée par le Département fédéral de l’intérieur (ci-après : DFI). Par ailleurs, la deuxième mesure ordonnée venait compléter la première : la recourante en tant qu’importatrice, dans le cadre de son autocontrôle, devait veiller à ce que les exigences fixées par la loi soient respectées. Dans le cas d'espèce, elle n'avait pas été en mesure de prouver que les ingrédients utilisés n'étaient pas de nouvelles sortes de denrées alimentaires. Ainsi la violation constatée par le service était l'absence d'autorisation préalable pour une denrée alimentaire contenant des ingrédients considérés comme nouvelles sortes de denrées alimentaires. En l'absence d’une autorisation préalable de l’OSAV, l'échantillon contesté contenant des nouvelles sortes de denrées alimentaires ne pouvait être commercialisé. Il était dès lors justifié de retirer le solde de la marchandise dans l'attente de l'autorisation. La décision finale quant à la mise sur le marché d'une nouvelle sorte de denrée alimentaire était de la compétence de l’OSAV et le service ne pouvait « pas ordonner de mesure plus contraignante que le retrait ».

b.e. La recourante se prévalait de législations étrangères qui n’étaient pas applicables, le droit suisse n’y renvoyant pas, ainsi qu’à d’autres fabricants qui commercialisaient des produits aux extraits de plantes. Sans passer en revue tous les fabricants cités par la recourante, ceux cités ne commercialisaient pas de produits contenant des extraits d’aubépine et de passiflore dans le même produit et ils ne pouvaient en conséquence pas être traités de manière identique. Les produits des sociétés concurrentes, dont celles mentionnées par la recourante, n’étaient pas commercialisés en tant que denrées alimentaires mais avaient été approuvés par Swissmedic en tant que médicament phytothérapeutique.

c. Dans sa réplique, la société a persisté dans ses conclusions.

Une autorisation de mise sur le marché était nécessaire uniquement pour des nouvelles sortes de denrées alimentaires au sens de l’art. 15 al. 1 let. g ODAlOUs et, pour qu’une denrée alimentaire soit considérée comme nouvelle, l’ensemble des conditions cumulatives de cette disposition devaient être remplies et non pas uniquement l’une d’elle. La réalisation d’une seule des conditions de cet article ne suffisait pas à qualifier une denrée alimentaire de nouvelle. En outre, la simple absence d’un extrait de plante dans le catalogue ne suffisait pas à retenir que sa consommation était négligeable avant le 15 mai 1997. Le catalogue ne constituait qu’une aide pour évaluer si une denrée alimentaire était nouvelle et nécessitait une autorisation.

Selon la base de données « The Plant List » – qui regroupait toutes les espèces de plantes connues en 2013 et accessible à l’adresse Home — The Plant List – passiflora incarnata, une espèce de passiflore, était un synonyme de passiflora edulis qui constituait le nom scientifique principal de l’espèce en question. Un synonyme dans la nomenclature scientifique était un nom alternatif utilisé pour désigner une même espèce de plante, mais n’était pas considéré comme le nom officiel « accepté ». Le fait que ces des deux passiflora étaient des synonymes ressortait des listes de plantes établies par divers pays de l’UE. Toujours selon « The Plant List », crataegus oxyacantha était un synonyme de crataegus laevigata que le catalogue répertoriait comme un complément alimentaire consommé avant le 15 mai 1997. Concernant crataegus monogyna, d’après des recherches documentaires, cette espèce d’aubépine était sensiblement la même que crataegus laevigata répertoriée par le catalogue. Ces deux dernières espèces étaient en effet décrites comme arbrisseau épineux de 2-4 mètres ayant des feuilles ovales et obvales, dentées soit au sommet, soit dès la base et se différenciant dans d’autres caractéristiques uniquement sur le plan visuel.

Elle avait déjà démontré dans son recours en quoi son procédé de fabrication ne modifiait pas de manière significative la composition et la structure des plantes initiales. Le SCAV affirmait dans sa réponse que les plantes initiales étaient modifiées significativement dans leur composition et leur structure mais ne le démontrait pas. Pour sa part, elle avait démontré le contraire, expertises et analyses des profils HPTLC à l’appui. Comme cela découlait de l’analyse « Ingrédient PPSDuo Aubépine Passiflore - Comparaison de profil phytochimique avec produits du marché suisse établie par PiLeJe » qu’elle versait à la procédure, l’échantillon contesté était bel et bien comparable à d’autres produits similaires vendus en Suisse. Des analyses HPTLC comparatives avaient été menées en ce sens sur des compléments alimentaires, fabriqués en Suisse, distribués par des opérateurs suisses et composés d’extraits de plantes, dont celles en cause. Parmi de nombreux autres composés d’extraits de plantes, elle citait un produit qui contenait à la fois des extraits de passiflore et d’aubépine.

d. Dans sa duplique, le service a persisté dans ses conclusions. Dans la lettre d’information, le site internet de « The Plant List » mentionné par la recourante n’était pas répertorié comme outil d'évaluation alors que le catalogue était cité en deuxième position.

e. Dans une nouvelle écriture, la société a relevé que le site internet « The Plan List » n’était certes pas répertorié comme outil d’évaluation par l’OSAV mais ces outils ne constituaient que des exemples d’aide à l’évaluation du statut de l’aliment. La base de données « The Plant List », gérée par une communauté de réseaux d’experts en taxonomie, constituait ainsi un outil fiable complémentaire.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante sollicite une expertise aux fins de prouver que le procédé d’extraction de plantes qu’elle utilise n’entraîne pas de modifications significatives dans la composition ou la structure de l’aubépine et de la passiflore.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que la juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4).

2.2 Il ne sera pas donné suite à la demande d’expertise de la recourante. Comme cela ressort de ce qui suit, le litige peut être résolu en l’état du dossier.

3.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’intimé confirmant son rapport d’analyse-décision du 2 mars 2022. À teneur de ce dernier, l’échantillon ne correspondait pas aux exigences légales, l’entreprise n’ayant pas fourni la documentation requise sur les ingrédients qui étaient considérés comme de nouvelles sortes de denrées alimentaires. L’utilisation de ces ingrédients dans une denrée alimentaire nécessitait une autorisation préalable de l’OSAV. Des mesures étaient en outre ordonnées notamment celle qui retenait que les denrées alimentaires contenant des ingrédients considérés comme nouvelles sortes de denrées alimentaires ne devaient être ni commercialisées ni utilisées, le solde de la marchandise devant être retiré du commerce avec effet immédiat.

3.1 Selon son art. 1, la LDAl a pour but de protéger la santé du consommateur des risques présentés par les denrées alimentaires et les objets usuels qui ne sont pas sûrs (a) ; de veiller à ce que la manipulation des denrées alimentaires et des objets usuels se fasse dans de bonnes conditions d’hygiène (b) ; de protéger le consommateur contre les tromperies relatives aux denrées alimentaires et aux objets usuels (c) ; de mettre à la disposition des consommateurs les informations nécessaires à l’acquisition de denrées alimentaires et d’objets usuels (d).

À teneur de l’art. 2 al. 1 LDAl, celle-ci s’applique : à la manipulation des denrées alimentaires et des objets usuels, c’est-à-dire à leur fabrication, leur traitement, leur entreposage, leur transport et leur mise sur le marché (a) ; à l’étiquetage et à la présentation des denrées alimentaires et des objets usuels ainsi qu’à la publicité et à l’information relatives à ces produits (b) ; à l’importation, à l’exportation et au transit des denrées alimentaires et des objets usuels (c). La LDAl s’applique à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, y compris à la production primaire, dans la mesure où celle-ci est destinée à la fabrication de denrées alimentaires ou d’objets usuels (al. 2).

On entend par denrées alimentaires l’ensemble des substances ou des produits transformés, partiellement transformés ou non transformés qui sont destinés à être ingérés ou dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils soient ingérés par l’être humain (art. 4 al. 1 LDAl). L’art. 4 al. 2 LDAl prévoit que sont également considérées comme des denrées alimentaires : les boissons, y compris l’eau destinée à la consommation humaine (a) ; les gommes à mâcher (b) ; toute substance incorporée intentionnellement dans la denrée alimentaire au cours de sa fabrication, de sa transformation ou de son traitement (c).

En application de l’art. 7 LDAl, seules des denrées alimentaires sûres peuvent être mises sur le marché (al. 1). Une denrée alimentaire n’est pas considérée comme sûre s’il y a lieu de penser qu’elle entre dans l’une des catégories suivantes : elle est préjudiciable à la santé (al. 2 let. a) ; elle est impropre à la consommation humaine (al. 2 let. b). Selon l’al. 3, pour déterminer si une denrée alimentaire est sûre ou non, les éléments suivants doivent être pris en compte : les conditions normales d’utilisation à chaque étape de la production, de la transformation et de la distribution (let. a) ; les conditions normales d’utilisation de la denrée alimentaire par le consommateur (let. b) ; les informations fournies au consommateur, ou d’autres informations généralement accessibles concernant la prévention d’effets préjudiciables à la santé liés à une denrée alimentaire ou à une catégorie de denrées alimentaires (let. c). Le Conseil fédéral peut introduire une obligation d’autorisation ou de notification notamment pour les nouvelles sortes de denrées alimentaires (al. 5 let. a).

Quiconque fabrique, traite, entrepose, transporte, met sur le marché, importe, exporte ou fait transiter des denrées alimentaires ou des objets usuels doit veiller à ce que les exigences fixées par la loi soient respectées. Il est tenu au devoir d’autocontrôle (art. 26 al. 1 LDAl).

3.2 Selon l’art. 15 al. 1 de l’ODAlOUs, les nouvelles sortes de denrées alimentaires sont des denrées alimentaires dont la consommation humaine en Suisse ou dans les États membres de l’UE était négligeable avant le 15 mai 1997, et qui relèvent de l’une des catégories énumérées de la let. a à la let. k. En l’espèce, est pertinente la let. g qui vise les denrées alimentaires résultant d’un procédé de fabrication qui n’était pas utilisé avant le 15 mai 1997, qui entraîne des modifications significatives dans leur composition ou leur structure, lesquelles affectent leur valeur nutritionnelle, le type de leur métabolisme ou leur teneur en substances indésirables (let. g).

À teneur de l’art. 16 ODAlOUs, les nouvelles sortes de denrées alimentaires peuvent être mises sur le marché à l’une des conditions suivantes : le département fédéral de l’intérieur les a désignées dans une ordonnance comme des denrées alimentaires pouvant être mises sur le marché (let. a) ; l’OSAV les a autorisées conformément à l’art. 17 (let. b). L’art. 17 ODAlOUs traite de l’autorisation.

3.3 Sur cette base, le DFI a adopté l’ordonnance sur les nouvelles sortes de denrées alimentaires du 16 décembre 2016 (RS 817.022.2) qui contient, en annexe, une liste de nouvelles sortes de denrées alimentaires pouvant être mises sur le marché en Suisse sans autorisation. Elle mentionne en outre toutes les denrées alimentaires qui peuvent mises sur le marché selon le règlement (UE) 2015/2283.

3.4 D’après l’art. 6 al. 1 du règlement (UE) 2015/2283 précité, la commission européenne établit et met à jour une liste de l’UE faisant apparaître les nouveaux aliments autorisés à être mis sur le marché dans l’UE, qui figure dans l’annexe du règlement (UE) 2017/2470. Les parties se réfèrent en outre au catalogue.

3.5 En l’espèce, le produit contient de la passiflora incarnata (parties aériennes) comme cela ressort notamment de son emballage. Il n’est pas contesté que la liste établie par le DFI ne mentionne pas la passiflore. Le catalogue mentionne pour sa part la passiflora edulis mais pas la passiflora incarnata. Se référant au site www.theplantlist.org, la recourante soutient que passiflora incarnata serait un synonyme de passiflora edulis. Pour sa part, l’intimé soutient qu’il s’agit de deux espèces différentes. Il convient de suivre la position défendue par ce dernier dès lors que, comme il l’explique de manière convaincante, il ressort de la page du catalogue consacrée à passiflora edulis que c’est son fruit qui est comestible. Or, la recourante utilise les parties aériennes de passiflora incarnata, l’intimé renvoyant au surplus à la photographie de la fleur figurant sur l’emballage du produit.

Il y a donc lieu de retenir que passiflora incarnata parties aériennes était consommée de manière négligeable avant le 15 mai 1997.

3.6 Le produit contient également de la crataegus monogyna et oxycantha (sommités fleuries).

Ni l’une ni l’autre de ces espèces ne figurent sur la liste établie par le DFI. Le catalogue européen répertorie uniquement crataegus oxyachantha qui renvoie à crataegus pinnatifida. Comme le souligne une fois encore l’intimé de manière convaincante, l’aliment autorisé par le règlement européen (UE) 2017/2470 concerne les fruits séchés de cette espèce alors que la liste des ingrédients figurant dans l’échantillon contesté indique que le produit contient crataegus monogyna et oxycantha sommités fleuries et non pas du fruit séché. Même à supposer que, comme le soutient la recourante, crataegus oxyacantha serait un synonyme de crataegus laevigata, cette dernière étant répertoriée dans le catalogue comme un complément alimentaire consommé avant le 15 mai 1997, elle ne démontre pas que crataegus monogyna pourrait être assimilée à l’une des espèces répertoriées puisqu’elle reconnaît, renvoyant à des recherches dont elle ne mentionne pas les sources, que cette espèce serait sensiblement la même que crataegus laevigata ce qui ne signifie pas qu’il s’agit de la même espèce. La recourante ne contredit par ailleurs pas l’intimé s’agissant du fait que seuls les fruits séchés sont autorisés alors qu’elle utilise les sommités fleuries dans le produit en cause.

Il y a donc lieu de retenir que crataegus monogyna et oxycantha (sommités fleuries) étaient consommées de manière négligeable avant le 15 mai 1997.

3.7 Reste à examiner si, comme le prévoit la let. g de l’art. 15 al. 1 ODAlOUs, les denrées alimentaires résultent en l’espèce d’un procédé de fabrication qui n’était pas utilisé avant le 15 mai 1997, qui entraîne des modifications significatives dans leur composition ou leur structure, lesquelles affectent leur valeur nutritionnelle, le type de leur métabolisme ou leur teneur en substances indésirables.

3.7.1 La recourante expose que son procédé d’extraction ne modifie ni la composition ni la structure des plantes d’aubépine et de passiflore de manière significative et qu’il permet de retrouver la « (quasi) » même composition avant et après extraction. Elle précise qu’à teneur de la fiche technique du produit, le ratio plante de passiflore/produit était de 1.0 – 1.4 : 1. Cela signifierait qu’il faudrait entre 1.0 et 1.4 kg de plante pour obtenir 1 kg d’extrait de passiflore dans le produit. Ainsi, la composition serait essentiellement la même après extraction ; des modifications marginales de certains composants en termes de concentration seraient parfois possibles, toutefois dans un infime mesure. Quant à l’aubépine, le ratio plante/produit était de 0.2 – 0.4 : 1 ce qui signifierait qu’il faudrait entre 0.2 et 0.4 kg de plante pour obtenir 1 kg d’extrait d’aubépine dans le produit. En d’autres termes, le produit ne serait pas plus concentré après extraction de l’aubépine, il serait au contraire dilué. Des modifications marginales de certains composants en termes de concentration seraient parfois possibles, toutefois à nouveau dans une infime mesure seulement. La recourante insiste sur le fait que contrairement à la plupart des procédés d’extraction, qui avaient pour objectif d’extraire une partie des composants de la plante et ainsi de cibler certains constituants au détriment d’autres, elle extrayait la totalité des constituants de la plante, de sorte que l’extrait ne serait pas plus concentré en flavonoïde (constituant de la passiflore) que la passiflore en elle-même ou en acide phénolique (constituant de l’aubépine) que l’aubépine en elle-même. Selon elle, la plupart du temps, les préparations de plantes étaient extrêmement purifiées, ce qui menait à isoler un ou plusieurs composants de la plante. Les préparations ne seraient ici pas purifiées, de sorte qu’aucun composant de la plante n’était isolé ou ciblé. Elle précise au surplus que son procédé d’extraction ne concentrerait pas certains constituants pas rapport aux autres. Sa méthode préserverait l’intégrité et l’intégralité des composants de la plante fraîche d’origine sans purification ni concentration sélective.

La recourante a en outre notamment versé à la procédure une expertise du Prof. D______ d’où il ressort que « la technique analytique utilisée par PiLeJe (HPTLC) est une technique de choix pour l’analyse des profils phytochimiques de matrices complexes. Cette méthode reproductible, sensible et très visuelle est pertinente pour comparer la composition d’un extrait de plante avec la composition de la plante dont ce dernier est issu. Les profils des plantes (Aubépine et Passiflore) sont exactement comparables, en terme de composition chimique, aux extraits qui en sont respectivement issus. L’ingrédient PPS Passiflore-Aubépine possède un profil phytochimique extrêmement similaire à la somme de chacun des extraits pris individuellement sans apparition de nouveau composé issu de ce mélange ». Le Prof. D______ conclut en indiquant que compte tenu de ces résultats, « il est évident, d’un point de vue scientifique, que les deux extraits contenus dans l’ingrédient PPS Passiflore-Aubépine ne présentent aucune différence par rapport aux plantes dont ils sont issus ».

3.7.2 La position défendue par l’intimé n’est pas claire, voire contradictoire. En effet, dans la décision litigieuse, il retient que l’extrait de plantes en cause est obtenu par notamment un processus d’extraction au moyen d’éthanol. Il retient, d’une part, que ce procédé de fabrication entraîne des modifications significatives dans la composition et la structure du produit initial, à savoir la plante entière d’aubépine et la plante entière de passiflore et, d’autre part, que ce procédé n’étant pas utilisé avant le 15 mai 1997 en Suisse ou dans l’UE et n’ayant pas été spécifiquement autorisé par l’OSAV, cet extrait est une nouvelle sorte de denrée alimentaire. Pourtant, dans sa réponse au recours, l’intimé expose que les deux extraits de plante n’ayant pas obtenu l’autorisation de l’OSAV, ils étaient de nouvelles sortes de denrées alimentaires et qu’en conséquence le débat autour du procédé d’extraction et de la sécurité n’aurait pas lieu d’être examiné dans la présente procédure. Or, les conditions de l’art. 15 al. 1 let. g ODAlOUs doivent être remplies de manière cumulative, ce que rappelle la lettre d’information (p. 6).

3.7.3 S’agissant du procédé d’extraction, l’intimé retient que l’extraction telle que décrite dans le brevet a pour but de fournir un procédé permettant d'obtenir un contenu biochimique au plus proche du végétal tout en le débarrassant des composants dénués d'intérêt pour la phytothérapie (cellulose, gommes, tanins, etc.) dans le but de faire ressortir la totalité des substances actives. Dès lors que le procédé d'extraction utilisé permet d'extraire de manière sélective certains composants et en élimine d'autres, il modifierait significativement la composition et la structure de de la plante puisque le but serait de concentrer des substances actives. Toujours selon l’intimé, par définition seuls les composés solubles dans la solution d'extraction hydroalcooliques seraient présents et les composés insolubles, tel que la cellulose, les gommes et les tanins, seraient « déplétés » de l'extrait.

3.7.4 Dans un ATA/176/2022 du 17 février 2022 (consid. 4d), la chambre de céans a précisé que l’art. 15 al. 1 let. g ODAlOUs ne visait pas des modifications significatives des composants de la denrée concernée, mais bien des modifications significatives de la composition ou de la structure de la denrée en question, lesquelles affectent sa valeur nutritionnelle, le type de son métabolisme ou sa teneur en substances indésirables. La chambre de céans a, dans cette espèce, estimé que, s’agissant de l’ultrafiltration de l’algue brune, le but étant d’obtenir une concentration des tanins, force était de constater que l’algue brune subissait effectivement une modification significative. Dans un ATA/608/2022 du 7 juin 2022 (consid. 4), après avoir repris la précision énoncée dans l’ATA précité, la chambre de céans a retenu que le procédé d’extraction sélective ayant permis d’aboutir à l’extrait d’orange amère en cause avait amené, à teneur de l’échantillon analysé, à une concentration en synéphrine de 6%, laquelle était notablement plus élevée que la teneur présente dans un jus d’orange amère.

3.7.5 En l’espèce, c’est sans être contredit par la recourante que l’intimé a retenu, dans la décision litigieuse, que le procédé de fabrication en cause n’était pas utilisé avant le 15 mai1997 en Suisse ou dans l’UE. Sur le site du laboratoire PiLeJE (à l’adresse PiLeJe | Expertise industrielle et procédé d'extraction breveté), il est indiqué « qu’il y a environ 20 ans » il a développé le « procédé d’extraction innovant permettant de conserver intact l’ensemble des composants qui participent à l’action physiologique de la plante fraîche ». L’intimé ne se méprend donc pas lorsqu’il affirme que ce procédé n’était pas utilisé avant le 15 mai 1997. Au surplus, ni l’extrait cité ci-dessus ni les explications fournies par la recourante ne viennent contredire l’intimé lorsqu’il affirme que la composition et la structure des plantes étaient significativement modifiées dès lors que la cellulose, les gommes ou les tanins étaient éliminés. Force est donc d’admettre que les conditions de l’art. 15 al. 1 let. g ODAlOUs ne sont ici pas non plus remplies.

4.             La recourante se plaint d’une violation du principe de l’égalité de traitement, dès lors que des pays voisins n’imposeraient pas d’autorisation particulière pour la vente de compléments à base d’extraits d’aubépine et de passiflore. Elle soutient au surplus que d’autres fabricants utiliseraient des extraits de plantes dans leurs compléments alimentaires et les commercialiseraient en Suisse.

4.1 La recourante perd toutefois de vue que si certains États procèdent de la sorte, cela ne l’exempte pas de respecter en Suisse les procédures et lois prévues dans ce pays avant de mettre en vente le produit litigieux. Pour le reste, il n’apparaît pas que les produits qu’elle cite et qui figurent sur le document « Ingrédient PPSDuo Aubépine Passiflore - Comparaison de profil phytochimique avec produits du marché suisse établie par PiLeJe » qu’elle a versé à la procédure sont semblables au produit litigieux. Un seul contient des extraits de passiflore et d’aubépine. Mais, d’une part, ce produit contient également de la valériane et, d’autre part, la recourante n’indique pas de quelles espèces il s’agit.

5.             La recourante fait enfin grief à l’intimé d’avoir violé le principe de la proportionnalité en prononçant à son encontre l’interdiction d’utiliser et de commercialiser des compléments alimentaires composés d’extraits d’aubépine et de passiflore et le retrait de la marchandise du commerce avec effet immédiat.

5.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

5.2 En l’espèce, dès lors qu’il est établi que la recourante doit obtenir l’autorisation de l’OSAV avant de mettre son produit sur le marché, on ne voit pas quelle autre mesure pouvait prendre l’intimé pour éviter que le produit soit vendu sans autorisation. Ce dernier a agi dans les limites fixées par la loi dès lors que si l’entreprise ne prend pas les mesures qui s’imposent, violant ainsi son devoir d’autocontrôle, les autorités d’exécution – en l’espèce le service – peuvent ordonner les mesures nécessaires à la mise en conformité au droit, dont notamment le rappel et le retrait conformément à l’art. 87 ODAlOUs (art. 34 al. 1 LDAl ; art. 2 et 3 de la loi d’application de la LDAl du 13 septembre 2019 - LaLDAl - K 5 02 ; art. 1 al. 2 let. b du règlement d'exécution de la LaLDAl du 5 février 2020 - RaLDAl - K 5 02.01).

Il découle de ce qui précède que c’est conformément au droit et sans abuser de son pouvoir d’appréciation que l’intimé a prononcé la décision litigieuse, la recourante devant obtenir une autorisation du SCAV avant de commercialiser son produit. Mal fondé, le recours sera en conséquence rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 novembre 2022 par A______ SA contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 12 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nadine VON BÜREN-MAIER, avocate de la recourante, ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :