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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4373/2022

ATA/688/2023 du 27.06.2023 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4373/2022-LOGMT ATA/688/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE intimé



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : la locataire) est locataire, depuis le 1er juillet 2000, d’un appartement de cinq pièces au quatrième étage de l’immeuble ______ à Genève. Il est soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) en catégorie habitations à loyer modéré
(ci-après : HLM).

b. À la suite d’une réclamation de la locataire du 16 octobre 2017, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF ou l’office) a considéré qu’elle n’était pas astreinte au paiement d’une surtaxe mensuelle. Il a retenu un revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) annuel en 2017 de
CHF 68’526.- la concernant et CHF 12'615.- réalisé par sa fille B______, née le ______ 1993 avec laquelle, notamment, elle partageait son logement.

c. Selon l’avis de situation 2018 du 5 septembre 2018, non contesté, le revenu déterminant LGL était de CHF 58'641.- au total, composé, avant déductions forfaitaires, de CHF 68'526.- de revenu annuel de A______ et CHF 11'520.- de rémunération salariale brute annuelle de sa fille. Le document, à l’instar des avis de situation adressés à la locataire chaque année, rappelait l’obligation d’informer l’office de toute modification de la situation économique des personnes occupant le logement en question.

d. L’OCLPF a procédé à un contrôle, en avril 2022, fondé sur les chiffres établis par le centre de compétences établissant le RDU afférents aux années 2018 et 2019. Il a constaté une augmentation des revenus de la fille de l’intéressée pour les deux années concernées, B______ ayant notamment obtenu une rémunération salariale de CHF 31'923.- en 2018.

e. Par décision du 29 avril 2022, l’OCLPF a astreint A______ au paiement d’une surtaxe rétroactive d’un montant total de CHF 7'216.55 pour la période du
1er janvier 2018 au 31 décembre 2019 eu égard à la violation de son devoir d’information concernant l’augmentation significative du revenu de sa famille durant cette période.

f. Par décision du 22 novembre 2022, l’OCLPF a partiellement admis la réclamation formée le 28 mai 2022 par A______, a annulé sa décision astreignant l’intéressée au paiement d’une surtaxe mensuelle pour 2019, mais l’a maintenue pour 2018.

La locataire avait violé son devoir d’information concernant les revenus réalisés par le groupe de personnes ayant occupé le logement durant l’année 2018. Il existait une différence supérieure à CHF 10'000.- pour 2018 entre, d’une part, le socle RDU annuel global d’un montant de CHF 70'857.- retenu dans la décision du
8 novembre 2017 et l’avis de situation 2018 du 5 septembre 2018 et, d’autre part, le revenu réalisé.

B. a. Par acte du 22 décembre 2022, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur réclamation du 22 novembre 2022. Elle a conclu, implicitement, à son annulation.

Dans le délai accordé par la juge déléguée pour motiver son recours compte tenu de ses problèmes de santé, la recourante a précisé avoir vécu une année 2018 douloureuse : elle avait perdu son emploi en octobre. Or, elle était en charge de trois enfants et il s’agissait, à l’époque, de la seule source de revenu. Elle avait souffert une dépression dont le traitement avait perduré jusqu’en 2020. Par chance, sa fille B______ venait de terminer son apprentissage et avait été engagée en septembre 2020, à la condition toutefois de suivre une formation professionnelle. Un montant de CHF 6'900.- y avait été consacré. Fiscalement, ce montant avait pu être entièrement déduit car lié au maintien de son poste de travail. Cette somme, allouée à la reconversion, devait en conséquence être déduite des revenus déterminants pour la surtaxe, conformément à ce qu’avait fait l’administration fiscale cantonale. Elle détaillait sa situation financière, étant toujours en recherche d’emploi, prise en charge par l’Hospice général à hauteur d’environ CHF 1'500.- mensuels et au bénéfice de l’aide de diverses institutions de bienfaisance et de proches. Elle était dans l’impossibilité financière d’effectuer un quelconque remboursement, subissant encore, physiquement et moralement, les conséquences entraînées, pour elle et ses enfants, de la perte de son emploi.

b. L’OCLPF a conclu au rejet du recours. La déduction de CHF 6'900.- avait été prise en compte dans le bordereau fiscal 2019.

c. A______ n’ayant pas souhaité répliquer dans le délai qui lui avait été imparti, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la décision sur réclamation du 22 novembre 2022 confirmant la décision du 28 mai 2022 astreignant la recourante au paiement d’une surtaxe mensuelle de CHF 279.10 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018.

2.1 L'accès à un logement dans la catégorie 2, immeubles HLM, est déterminé en fonction des conditions relatives aux locataires selon les art. 30 ss LGL (art. 16
al. 1 let. b et 2 LGL).

2.2 Aux termes de l'art. 30 LGL, les logements visés par cette disposition sont destinés aux personnes dont le revenu, à la conclusion du bail, n'excède pas le barème d'entrée et dont le revenu, en cours de bail, n'excède pas le barème de sortie (al. 1). Le barème d'entrée s'obtient en divisant le loyer effectif du logement (à l'exclusion des frais de chauffage et d'eau chaude et du loyer du garage) par le taux d'effort (al. 2).

2.3 Le locataire dont le revenu dépasse le barème d'entrée est astreint au paiement d'une surtaxe, qui correspond à la différence entre le loyer théorique et le loyer effectif du logement mais qui ne peut, ajoutée au loyer, entraîner des taux d'effort supérieurs à ceux visés à l'art. 30 LGL (art. 31 al. 1 et 2 LGL).

2.4 Par revenu, il faut entendre le revenu déterminant résultant de la loi sur le RDU du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06) du titulaire du bail, additionné à celui des autres personnes occupant le logement, dont à déduire une somme de CHF 10'000.- pour la première personne, de CHF 7'500.- pour la deuxième personne et de CHF 5'000.- par personne dès la troisième personne occupant le logement (art. 31C al. 1
let. a LGL).

2.5 Le RDU est individuel et s'applique aux personnes majeures (art. 8 al. 1 LRDU). Il est égal au revenu calculé en application des art. 4 LRDU (revenus pris en compte) et 5 LRDU (déductions sur le revenu prises en compte), augmenté d'un quinzième de la fortune calculée en application des art. 6 LRDU (fortune prise en compte) et 7 LRDU (déductions sur la fortune prise en compte ; art. 8 al. 2 LRDU). Les éléments énoncés aux art. 4 à 7 LRDU constituent le socle du RDU et se définissent conformément à la loi sur l'imposition des personnes physiques du
27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) notamment, sous réserve d'exceptions prévues en particulier par la LRDU (art. 3 al. 2 LRDU). Le socle du RDU est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive (art. 9
al. 1 LRDU), mais il peut être actualisé (art. 9 al. 3 LRDU).

2.6 Selon l'art. 9 du règlement d'exécution de la LGL du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), il appartient au locataire de justifier sans délai au service compétent toute modification significative de revenu ainsi que tout changement dans la composition du groupe de personnes occupant le logement survenant en cours de bail (al. 2). En cours de bail, à défaut d'annonce de modification de situation par le locataire, le service compétent peut tenir compte des revenus pris en considération pour l'impôt des années précédentes (al. 3).

2.7 Le locataire qui ne renseigne pas en temps utile l'OCLPF s'expose au paiement d'une surtaxe rétroactive dont le principe a été maintes fois confirmé par la jurisprudence constante de la chambre administrative (ATA/770/2020 du 18 août 2020 consid. 5d ; ATA/373/2015 du 21 avril 2015 consid. 7 et les références citées). La pratique de l'OCLPF en matière de surtaxe consiste à obtenir par le biais de l'administration fiscale cantonale genevoise, au début de chaque année, les indications des revenus déclarés l'année précédente. C'est donc sur la base de ces revenus, décalés, que l'OCLPF décide de poursuivre, de modifier ou de supprimer les surtaxes antérieures (ATA/373/2015 précité consid. 7). En raison de ce décalage, le bénéficiaire doit communiquer spontanément toute modification de sa situation à l'OCLPF ; dans ce cadre, toute modification de revenu, même si elle peut par la suite s'avérer temporaire, doit être considérée comme une modification significative de la situation, dès lors que toute hausse ou baisse de revenu est de nature à influer sur les barèmes d'entrée ou de sortie et ainsi sur l'éventuelle surtaxe due. Les bénéficiaires concernés sont ainsi tenus d'aviser l'OCLPF de chaque changement de situation, ce que rappelle d'ailleurs chaque avis de situation (ATA/770/2020 précité consid. 5d).

2.8 Conformément à l'art. 11 RGL, la période d'application de la surtaxe visée à l'art. 31C LGL s'étend du 1er avril de chaque année au 31 mars de l'année suivante (al. 1). En cas de modification du loyer autorisé durant cette période, la nouvelle surtaxe est calculée et prend effet le premier jour du mois où le nouveau loyer est exigible (al. 2). En cas de modification de situation, visée à l'art. 9 al. 2 RGL, le service compétent examine la nouvelle situation du locataire dans un délai de trente jours et fixe le nouveau montant de la surtaxe. La nouvelle surtaxe prend effet au plus tôt le premier jour du mois suivant la date de modification de la situation du locataire (al. 3).

2.9 Le service compétent peut requérir du locataire la restitution de surtaxes impayées ou de prestations indûment touchées dans un délai de cinq ans (art. 34C RGL).

2.10 En l’espèce, la recourante ne conteste pas que les revenus de sa fille doivent être pris en compte pour l’année 2018, celle-ci demeurant à l’époque dans son logement. Elle ne remet de même pas en cause le montant de CHF 31'923.- perçu au titre de salaire par son enfant pour l’année litigieuse, ni le fait que cette somme doit être cumulée à ses propres revenus.

Elle sollicite une imputation de CHF 6'900.- sur ce montant, somme consacrée par sa fille, à la demande de son employeur, à une formation professionnelle aux fins de maintenir son emploi. À juste titre, l’autorité intimée relève toutefois que ce montant a été intégralement déduit sur l’avis de taxation du 20 juillet 2020 des impôts cantonaux et communaux 2019 adressés par l’administration fiscale cantonale à B______. Ce montant apparaît explicitement sous la rubrique 59.50 « frais de formation, de perfectionnement et de reconversion : -6900 », après avoir été requalifié, le montant ayant été déclaré sous la rubrique 31.63 « autres frais prof. effectifs ». Ce montant ayant été retenu pour l’année 2019 par l’autorité intimée, il ne peut pas l’être pour l’année 2018. Le grief sera en conséquence écarté.

La recourante évoque les difficultés rencontrées en 2018 et son désarroi de l’époque, humainement et financièrement, et dément toute volonté d’avoir voulu cacher à l’autorité intimée une augmentation des revenus de sa fille. Sans remettre en cause les circonstances difficiles qu’elle décrit, elle ne conteste pas que des avis de situation lui ont été régulièrement adressés depuis 2000, ni qu’ils contenaient le rappel, figurant en caractères gras, de signaler en tout temps toute modification de situation intervenant dans la composition du groupe de personnes occupant le logement et dans les revenus. La recourante a d’ailleurs informé l’OCLPF des modifications de sa situation personnelle. Elle savait ainsi l’importance que revêtait pour l’autorité intimée la situation financière des personnes bénéficiant d’un logement de catégorie HLM. Partant, il lui appartenait de communiquer spontanément toute modification de la situation financière des occupants de l’appartement, puisqu'elle était de nature à influer sur les barèmes d'entrée et de sortie et, donc, sur la surtaxe.

Il s'ensuit que c'est à juste titre que la recourante, qui n’a pas signalé la modification importante des revenus de sa fille en 2018, a été astreinte au paiement d’une surtaxe pour 2018, dont le calcul n'est pas contesté.

2.11 Elle invoque sa difficile situation financière actuelle pour conclure ne pas être en mesure de rembourser le montant réclamé.

L’autorité intimée a, à juste titre, relevé que cet élément devait être examiné dans le cas d’une demande de remise, totale ou partielle. La décision du 22 novembre 2022, objet du recours, ne traitant pas cette question, elle ne fait pas partie du présent litige.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Aucun émolument ne sera perçu compte tenu de la nature litige (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), et il n’y a pas lieu à l’allocation d’une indemnité de procédure, vu l’issue de celui-ci (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 décembre 2022 par A______ contre la décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 22 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

 

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER et Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :