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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1889/2022

ATA/666/2023 du 20.06.2023 sur JTAPI/1447/2022 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 28.08.2023, rendu le 18.01.2024, REJETE, 1C_418/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1889/2022-LCI ATA/666/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 juin 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Philippe EIGENHEER, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2022 (JTAPI/1447/2022)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______), est une société anonyme inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 23 juin 2006, ayant son siège à Meyrin et pour but les activités dans le domaine immobilier, en particulier la construction, l’achat, la vente, le courtage et la gérance immobilière.

b. Elle est propriétaire des parcelles nos 14'122, 14'123, 14'124, 14'125, 14'126, 14'127 et 14'128 sises dans la commune de Meyrin à l’adresse B______ 2 à 12 sur lesquelles sont érigés des immeubles d’habitation.

c. Le 13 décembre 2016, le département du territoire (ci-après : le département), a délivré à A______ l’autorisation de construire DD 1______ portant notamment sur la surélévation des immeubles sis 2 à 12 B______ et la rénovation de l’enveloppe des bâtiments.

d. L’autorisation mentionnait, au point 7 : « Les constructions et/ou installations présentement autorisées ne pourront être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d’un dossier de plans conformes à l’exécution et de l’attestation officielle globale de conformité, jointe en annexe, établie par le mandataire professionnellement qualifié [ci-après : MPQ], cas échéant le requérant, dans les cas prévus par les art. 2, alinéa 3, phrase 2, et 6 LCI (cf. art. 7 al. 1 à 3 LCI) ».

e. Le 1er mai 2017, A______ a adressé au département l’avis d’ouverture de chantier et indiqué que les travaux dureraient du 15 mai 2017 au 30 décembre 2018.

B. a. Le 15 octobre 2021, le département a informé A______ qu’il avait appris que les travaux étaient terminés, et l’a invitée à se déterminer, notamment, sur le non-respect de la condition n° 7 de l’autorisation de construire DD 1______.

b. Le 15 novembre 2021, A______ a répondu qu’elle était consciente de ne pas avoir fourni certains documents et informations à temps et s’en excusait. Elle n’avait pas pensé à l’obligation de produire l’attestation globale de conformité (ci-après : AGC), qui n’existait pas dans le canton de Vaud où elle avait réalisé de nombreux projets immobiliers. La pandémie de COVID-19 avait débuté rapidement après la fin du chantier et avait détourné son attention vers d’autres problématiques. Elle avait également dû licencier avec effet immédiat, le 29 juillet 2020, son directeur responsable notamment de la gestion des chantiers. Depuis qu’elle avait connaissance de ce problème, elle faisait le nécessaire pour rétablir une situation conforme au droit. Ce rétablissement consistait en l’accomplissement de formalités administratives, puisque les travaux avaient été réalisés selon les règles de l’art et conformément à l’autorisation de construire.

c. Par décision du 10 décembre 2021, le département a confirmé à A______ que les travaux de l’autorisation de construire DD 1______ devaient être réalisés par un MPQ et que l’entrée en occupation des locaux était soumise au dépôt préalable de l’AGC. Il lui a ordonné de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de 30 jours en déposant l’AGC signée par un MPQ et accompagnée des plans conformes à l’exécution.

Cette décision n’a pas été contestée et est entrée en force.

d. Le 23 mars 2022, le département s’est enquis auprès de A______ des suites de sa décision du 10 décembre 2021 et du dépôt de l’AGC ainsi que des plans conformes à l’exécution.

e. Par décision du 6 mai 2022, le département a constaté que sa décision du 10 décembre 2021 n’avait pas été respectée et a ordonné à A______ l’interdiction d’habiter immédiate des logements de la surélévation de la DD 1______ à réception de celle-ci, lui a infligé une amende administrative de CHF 500.- et lui a ordonné de produire l’AGC accompagnée des plans conformes à l’exécution dans un délai de 30 jours.

C. a. Le 7 juin 2022, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à l’annulation de la décision d’interdiction d’habiter les logements de la surélévation et à ce qu’il lui soit donné acte qu’elle s’engageait à remettre au département l’AGC dans un délai au 30 septembre 2022. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au département pour instruction et nouvelle décision.

Elle reconnaissait qu’il était problématique qu’aucune AGC n’ait été établie et s’en était excusée auprès du département. La surélévation comptait 26 appartements qui étaient tous loués. Une résiliation des baux causerait un dommage aux locataires, obligés de chercher un nouveau logement.

Elle avait mandaté un architecte pour établir au plus vite l’AGC, lequel avait travaillé rapidement et obtenu notamment la confirmation que la structure de la surélévation ainsi que l’isolation étaient conformes aux exigences légales et à l’autorisation de construire. Les travaux avaient été réalisés dans les règles de l’art. Les autres études nécessaires à l’établissement de l’AGC étaient en cours et l’architecte mandaté estimait qu’elles seraient finalisées durant l’été. Il n’était ainsi pas raisonnable d’exiger la résiliation des baux et la décision querellée violait le principe de proportionnalité.

Le département avait abusé de son pouvoir d’appréciation en sanctionnant par une interdiction d’habiter le fait qu’un document administratif, si important soit-il, n’avait pas été remis. Cela avait des conséquences graves, en particulier pour les locataires. Il aurait dû s’assurer que la surélévation ne présentait pas de danger, notamment en prenant contact avec l’architecte et en lui demandant de fournir les pièces nécessaires à cette analyse.

b. Le 11 août 2022, le département a conclu au rejet du recours.

A______ n’avait toujours pas saisi la portée de la condition n° 7 de l’autorisation de construire DD 1______, qui visait à protéger notamment la sécurité des locataires. L’attestation du bureau d’ingénieurs qu’elle avait produite avec son recours relevait que des demandes de modification avaient été formulées par ce dernier. Aucun élément n’avait été transmis concernant le respect des normes incendie.

c. Le 6 septembre 2022, A______ a persisté dans ses conclusions.

Elle déployait tous ses efforts pour que l’AGC soit établie rapidement, soit avant la fin du mois de septembre 2022.

d. Le 23 septembre 2022, le département a persisté dans ses conclusions.

e. Par jugement du 22 décembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

La teneur de l’art. 7 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) était claire et sans la moindre équivoque. Les logements en cause ne pouvaient être occupés ou utilisés à un titre quelconque. Le département, même placé devant le fait accompli, devait faire respecter la loi. Il ne s’agissait pas d’une simple informalité administrative. L’ACG n’avait toujours pas été déposée, et il était permis de penser que, s’agissant des surélévations litigieuses, les vérifications et examens à faire avant l’établissement de l’AGC étaient importantes. Les inconvénients pour les locataires, fussent-ils importants, devaient céder le pas aux objectifs de sécurité de la loi. Aucune mesure moins incisive n’était envisageable.

D. a. Par acte remis à la poste le 31 janvier 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’annulation de la décision du département. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI pour nouvelle décision.

Depuis la notification de la décision querellée, elle avait accompli un certain nombre de travaux dans le but de pouvoir déposer rapidement une AGC. Un mandat avait été confié à C______, de la société D______ SA, pour la mise en séparatif des conduites d’eau claire et usée, une problématique antérieure à l’acquisition de l’immeuble et aux travaux de surélévation, ce dont C______ pourrait témoigner. L’entreprise E______ AG (ci-après : E______), spécialisée notamment dans la prévention incendie, avait été mandatée pour analyser les éventuelles mesures à prendre puis réaliser les éventuels travaux de mise en conformité. Ces travaux étaient en cours. E______ attestait qu’ils étaient effectués par des techniciens spécialisés et que tous les matériaux utilisés étaient homologués, ainsi que F______, responsable de projet, pourrait en témoigner. Le bureau G______ Sàrl (ci-après : G______), mandaté lors de l’élaboration des plans soumis à autorisation, avait confirmé que les structures porteuses pour l’extension de l’ouvrage (parking enterré) et la surélévation en bois de deux niveaux avaient été calculées avec des sections/épaisseurs/enrobages conformes aux exigences incendies selon les normes en vigueur au moment de leur exécution, ce dont H______ pourrait témoigner, sans pouvoir toutefois se prononcer sur l’exécution du second-œuvre, qui faisait partie de l’intervention de E______.

Les pièces nouvelles produites étaient recevables, car portant sur des allégués nouveaux.

Le principe de la proportionnalité avait été violé. L’autorité avait fondé sa décision sur le risque encouru. Cependant, depuis cette décision et même avant, des mesures avaient été prises pour garantir la sécurité des locataires. Il ressortait des pièces que le risque d’incendie était « maintenant écarté, dans la mesure où le bâtiment [était] conforme aux normes applicables, ou sur le point de l’être. »

Il apparaissait donc que le bâtiment était conforme à ces normes, bien que cela fût attesté par une entreprise réputée et non par un MPQ au moyen de l’attestation de conformité. Matériellement, si ce n’était formellement, ces assurances étaient similaires.

Il fallait mettre en balance, notamment, les intérêts des locataires à habiter des logements sûrs, mais dont la conformité n’avait pas été établie, et les préjudices multiples causés par une résiliation. Une annulation du jugement et de la décision ne constituerait pas une prime à la négligence, le département l’ayant déjà sanctionnée financièrement.

b. Le 6 mars 2023, le département a conclu au rejet du recours.

Il ressortait des pièces E et F produites que l’autorisation de construire et les conditions d’occupation n’étaient toujours pas respectées le 31 janvier 2023.

c. Le 12 avril 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Le département persistait à ne pas tenir compte de l’intérêt des locataires. Il lui avait ordonné de résilier tous les baux. Il paraissait inconcevable de résilier l’ensemble des baux alors même que l’irrégularité fondant la décision était sur le point d’être éliminée et que l’immeuble serait très prochainement entièrement conforme.

L’art. 130 LCI permettait au département de sanctionner la non-remise de l’AGC d’une façon moins critiquable sous l’angle du principe de proportionnalité.

d. Le 13 avril 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

E. A______ a fait l’objet de trois autres décisions suite aux travaux.

a. Le 22 janvier 2021, le département lui a notifié l’interdiction d’habiter avec effet immédiat les locaux semi-enterrés régularisés par la DD 1______ du 13 décembre 2016, les travaux autorisés et rendant les locaux habitables n’ayant pas été exécutés.

Le recours formé au TAPI contre cette décision (procédure A/654/2021) a été retiré, ce que le TAPI a constaté le 11 octobre 2021.

b. Le 22 juillet 2022, le département, constatant que l’AGC accompagnée des plans d’exécution concernant les locaux semi-enterrés loués comme habitation ne lui était toujours pas parvenue, a infligé à A______ une amende administrative de CHF 1'000.-.

Par ailleurs, lors d’une visite sur place, il avait été constaté que plusieurs éléments ne seraient pas conformes à la LCI et à son règlement d’application. A______ était invitée à se déterminer sur la non-conformité des garde-corps extérieurs, l’absence de mains courantes sur les escaliers de la surélévation et d’isolation thermique pour l’appartement semi-enterré.

Compte tenu de la mise en danger du public, la mise en conformité immédiate des garde-corps extérieurs et la pose des mains courantes manquantes était ordonnée.

Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours.

c. Le 11 octobre 2022, le département a infligé à A______ une amende administrative de CHF 1'000.- pour n’avoir pas respecté l’ordre du 31 mai 2022 relatif à l’accès des véhicules d’intervention (prévention et sécurité incendie).

Le recours formé au TAPI contre cette décision (procédure A/4104/2022) a été retiré, ce qui a été constaté par le TAPI le 13 décembre 2022.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Sans y conclure formellement, la recourante propose l’audition de trois témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, les personnes dont l’audition en qualité de témoin est demandée ont établi des documents écrits que la recourante a versés à la procédure. La confirmation orale de ces documents apparaît d’autant moins nécessaire qu’il sera vu plus loin que ceux-ci sont sans portée sur le respect de l’obligation de produire l’AGC, déterminante pour la solution du litige. La chambre de céans considère qu’elle dispose d’un dossier complet et en état d’être jugé.

Il ne sera pas ordonné d’actes d’instruction.

3.             Le litige a pour seul objet le bien-fondé de la décision du département du 6 mai 2022 ordonnant l’interdiction d’habiter immédiate des logements de la surélévation.

L’amende administrative de CHF 500.- infligée par cette même décision n’a en effet pas été contestée.

4.             La recourante se plaint d’une violation du principe de proportionnalité. Elle fait valoir que les exigences légales seraient matériellement respectées.

4.1 Selon l’art. 7 LCI, les constructions ou installations neuves ou modifiées, destinées à (a) l'habitation ou au travail, (b) la confection, le dépôt ou la vente de denrées alimentaires, (c) la confection, le dépôt ou la vente de matières inflammables, explosives ou dangereuses pour toute autre cause, ne peuvent être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d'un dossier de plans conformes à l'exécution et d'une attestation de conformité établie par un mandataire professionnellement qualifié, cas échéant le requérant, dans les cas prévus par les art. 2 al. 3 2ème phrase et 6 (al. 1). L'attestation certifie que les constructions ou installations sont conformes à l'autorisation de construire, aux conditions de celle-ci, ainsi qu'aux lois et règlements applicables au moment d'entrée en force de l'autorisation de construire (al. 2). Suivant la nature du dossier et si le mandataire ou le requérant l’estime nécessaire, l’un ou l’autre peut joindre à sa propre attestation celles des autres mandataires spécialisés intervenus dans le cadre de la réalisation des travaux et/ou l’attestation du propriétaire selon laquelle il n’a sollicité aucune réalisation contraire à la loi (al. 3). Nul ne peut, sans y avoir été autorisé par le département, occuper, faire occuper ou utiliser à un titre quelconque des constructions ou installations neuves ou modifiées ouvertes à un large public (al. 4). Pour les bâtiments neufs ou qui ont subi une transformation de leur surface ou de leur affectation, un dossier de cadastration doit être communiqué à la direction de l’information du territoire (al. 5).

4.2 Selon l’art. 129 LCI, le département peut ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses, (a) la suspension des travaux ; (b) l’évacuation ; (c) le retrait du permis d’occupation ; (d) l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter et (d) la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition. Ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 de la loi (art. 131 LCI).

4.3 Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

4.4 En l’espèce, il n’est pas contesté que le dépôt de l’AGC est nécessaire pour la délivrance de l’autorisation d’occuper et qu’elle n’était pas déposée lorsque la décision querellée a été prise, ce qui est la situation qui prévaut à ce jour.

La recourante soutient que le bâtiment serait conforme aux normes, ce qui ressortirait des trois attestations des entreprises chargées des travaux qu’elle a produites devant la chambre de céans.

Elle perd de vue que la procédure formelle prévue par la loi exige que la conformité soit attestée par un MPQ au moyen d’une formule d’AGC et soit accompagnée des plans d’exécution des travaux.

Or, elle a notamment produit des offres de E______ du 21 novembre 2021 portant sur la fermeture coupe-feu dans la gaine de l’escalier, l’isolation sur cinq étages dans la gaine communicante et la pose de passages électriques, l’adjudication de ces travaux à E______ le 20 décembre 2022 et enfin la confirmation le 31 janvier 2023 par E______ que les travaux étaient en cours d’exécution.

Ces documents ne sauraient de toute évidence remplacer l’attestation d’un MPQ. Ils sont tout au plus aptes à rendre vraisemblable que les travaux ont été devisés à fin 2021, attribués à fin 2022 et étaient en cours début 2023, sans pour autant établir qu’ils répondent aux exigences légales et sont conformes à l’autorisation. Ils ne sont par ailleurs pas assortis de plans, ce qui devrait en soi exclure la délivrance de l’AGC.

Le courrier de G______ du 11 novembre 2021 ne fait qu’affirmer que les travaux de structures porteuses projetés répondent aux normes, tout en rappelant que les assemblages nécessitant une protection rapportée et le compartimentage des cages d’escaliers et d’ascenseurs doivent être traités ultérieurement avec le second-œuvre selon les prescriptions d’un spécialiste incendie, et que tous les éléments existants de l’ouvrage n’ont pas été traités ni même abordés en matière de sécurité incendie.

Il tombe sous le sens que ce document n’est pas apte à rendre vraisemblable que les travaux finis seraient conformes aux normes incendie. Comme pour les pièces précédentes, il ne saurait remplacer l’AGC et les plans établis par un MPQ.

La recourante ne saurait ainsi être suivie lorsqu’elle affirme que le bâtiment serait conforme aux normes. Elle ne peut non plus être suivie lorsqu’elle soutient que depuis la décision querellée, et même avant, les mesures avaient été prises pour garantir la sécurité des locataires. Les pièces produites suggèrent au contraire que les travaux de protection contre le risque d’incendie n’étaient pas encore achevés plus de deux ans après la décision du 15 novembre 2021. La recourante indique d’ailleurs elle-même, dans son recours du 31 janvier 2023, que le bâtiment est « conforme aux normes applicables, ou sur le point de l’être », et dans sa réplique du 12 avril 2023, elle affirme que le bâtiment sera « entièrement [conforme] très prochainement ». C’est ainsi non sans audace qu’elle soutient par ailleurs que « le risque incendie [ ] est maintenant écarté. »

La chambre de céans observe encore que si le bâtiment est conforme aux normes, comme l’affirme la recourante, il ne tient finalement qu’à elle de le faire attester par un MPQ au moyen d’une AGC, plans à l’appui, ce que le département lui demande d’ailleurs depuis le 15 octobre 2021.

La recourante soutient par ailleurs que la décision attaquée serait disproportionnée. Elle n’indique toutefois pas quelle autre mesure moins incisive serait susceptible de réaliser le but d’intérêt public de la loi. Or, celui-ci consiste à assurer la sécurité des locataires, en particulier, dans le cas présent, contre le risque d’incendie. On ne voit pas, comme l’a relevé l’intimé, quelle autre mesure que l’interdiction d’occuper, serait apte à atteindre l’objectif dans l’attente de l’AGC.

La recourante fait valoir l’intérêt des locataires à ne pas voir leurs baux résiliés. Elle perd de vue qu’en mettant leurs appartements à bail sans avoir accompli ses obligations légales, elle leur a fait courir un risque autrement plus lourd que l’inconvénient de devoir quitter leurs appartements. Par ailleurs, la décision querellée ne l’oblige pas, contrairement à ce qu’elle semble penser, à résilier les baux mais à vider la surélévation de ses occupants jusqu’à obtention de l’autorisation d’occuper, ce qu’elle aurait pu faire en proposant à ses locataires un hébergement temporaire, par exemple à l’hôtel le temps de rétablir une situation conforme au droit. En toute hypothèse, l’intérêt public à la protection des locataires prime les intérêts de la recourante et de ses locataires au maintien de l’occupation en l’absence d’autorisation d’occuper.

Les griefs seront écartés.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2023 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe EIGENHEER, avocat de la recourante, au département du territoire ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :