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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2468/2022

ATA/631/2023 du 13.06.2023 sur JTAPI/11/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2468/2022-PE ATA/631/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juin 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______
agissant pour eux et leur fille C______ recourants
représenté par Me Jean Orso, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 janvier 2023 (JTAPI/11/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1993, B______, née le ______ 1992, et leur fille C______, née le ______ 2012, sont ressortissants du Honduras.

b. Le 23 juillet 2020, le couple a été interpellé par le Corps des gardes-frontière. Le mari a notamment déclaré être arrivé à Genève le 8 mars 2019 et était venu en Suisse en raison de menaces contre son épouse pour de l'argent au Honduras, de problèmes en lien avec le gouvernement et pour sa fille. L’épouse a expliqué séjourner en Suisse depuis le 20 avril 2018, afin de donner un meilleur avenir à sa fille, la situation au Honduras étant difficile. Ses parents, deux frères et une sœur y vivaient.

c. Par ordonnance pénale du 24 juillet 2020, A______ a été condamné par le Ministère public à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans pour infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI – RS 142.20).

B. a. Le 30 juillet 2021, le couple a déposé une demande d'autorisation de séjour et de travail auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

b. Par décision du 21 avril 2022, l'OCPM a refusé de leur accorder l'autorisation de séjour sollicitée et a prononcé leur renvoi de Suisse. L'OCPM a notamment relevé qu'ils n'avaient pas donné suite à son courrier d'intention de refus, malgré les différents délais supplémentaires accordés.

c. Le 4 mai 2022, l'OCPM a informé les administrés qu'il annulait sa décision, ayant retrouvé le courrier contenant leurs observations du 8 avril 2022.

d. Par nouvelle décision du 28 juin 2022, l'OCPM a refusé de leur accorder l'autorisation de séjour sollicitée et a prononcé leur renvoi de Suisse.

Leur séjour en Suisse n'était démontré qu'à partir de l'année 2018 pour B______ et de l'année 2019 pour A______, ce qui constituait des durées relativement courtes. Selon les informations en sa possession, ils ne remplissaient pas les critères relatifs à un cas individuel d'une extrême gravité.

Si la situation sociopolitique était difficile au Honduras sur le plan des droits des hommes, notamment avec un taux de criminalité élevée, celle-ci ne rendait pas à elle-seule illicite l'exécution du renvoi et ne justifiait ainsi pas l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Malgré les craintes qu'ils ressentaient, ils n'avaient pas démontré l'existence d'une menace imminente et directe pour leur intégrité physique. Mis à part des articles de presse faisant état de la violence généralisée prévalant au Honduras et les deux témoignages versés au dossier émanant du beau-père de B______ et d'une de leurs connaissances, aucune pièce probante objective ne permettait de démontrer les violences et menaces personnelles à l'encontre de celle-ci. Or, les conditions de vie affectant l'ensemble de la population sur place ne permettaient pas de reconnaître à la famille un droit de séjour sur la base du cas de rigueur, quand bien même les allégations de menaces à l'encontre de l’épouse seraient avérées.

Aucune attestation de réussite du niveau A1 de français n'avait été transmise ni aucun document permettant d'attester d'une stabilité financière. Ils n'avaient pas démontré qu'une réintégration dans leur pays d'origine aurait de graves conséquences sur leur situation personnelle, indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population sur place.

C. a. Par acte du 29 juillet 2022, les époux ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation, subsidiairement, au renvoi du dossier à l'OCPM pour nouvelle décision.

Leur famille nucléaire ainsi que leurs amis et leur réseau social se trouvaient à Genève. Ils disposaient d'un bon niveau de français, le mari ayant obtenu depuis sa demande d'autorisation de séjour le certificat de niveau A1. L’épouse avait un travail et son conjoint était sur le point d'obtenir une promesse d'emploi. Ils étaient indépendants financièrement et n'avaient pas de dettes. Si leur séjour en Suisse n'atteignait pas encore les cinq ans nécessaires pour les couples avec enfant scolarisé, ils étaient bien intégrés en Suisse.

C______ vivait en Suisse depuis l'âge de 6 ans et était scolarisée à Genève depuis près de quatre ans. Elle y avait créé un lien et des attaches particulièrement fortes et intenses. Leurs possibilités de réintégration dans leur pays d'origine étaient fortement compromises, n'y ayant aucune attache familiale, ni sociale ou encore professionnelle. Un refus d'autorisation de séjour les plongerait dans une profonde dépression.

L'OCPM avait minimisé la situation dans laquelle se trouvait la famille. Les éléments produits, notamment les témoignages concordants, démontraient qu'il existait une menace imminente et directe pour l'intégrité physique de la famille. Il était notoire que la police et les autorités du Honduras étaient corrompues, ce dont attestait le rapport d'Amnesty International. Il ne pouvait être exigé de leur part la production d'une preuve officielle comme un dépôt de plainte ou une main courante, de tels documents ne pouvant être obtenus aussi facilement qu'en Suisse, ce d'autant moins que cela les mettrait davantage en danger. L'exécution de leur renvoi n'était pas raisonnablement exigible.

b. L'OCPM a conclu au rejet du recours.

Compte tenu en particulier de la brièveté de leur séjour en Suisse, ils ne remplissaient pas les conditions relatives à un cas individuel d'une extrême gravité. Il n'avait pas non plus été prouvé que l’épouse serait personnellement soumise à un risque accru en cas de retour dans son pays d'origine, ni qu'elle ne pourrait recevoir un soutien psychologique, soit auprès des hôpitaux publics, soit auprès des ONG présentes sur place. L'exécution du renvoi était exigible.

c. Dans leur réplique, les intéressés ont relevé que les attestations sur l'honneur produites démontraient que l’épouse était personnellement soumise à un risque accru pour son intégrité physique et sa vie en cas de retour au Honduras. En outre, dans cette situation, les membres de sa famille étaient également en danger. Le certificat médical produit attestait qu’elle ne pouvait pas retourner au Honduras, car cela aggraverait sa pathologie psychiatrique et constituerait une menace pour son intégrité physique et psychologique. Dans certains cas, le Tribunal administratif fédéral avait reconnu que l'exécution du renvoi n'était pas possible vu le taux de criminalité élevé au Honduras et la situation politique tendue. Un retour dans leur pays d'origine mettrait leur vie en danger et les exposerait au risque de devenir victimes de traitements inhumains ou dégradants.

d. Par jugement du 6 janvier 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Ni la durée du séjour des intéressés en Suisse, ni leur intégration ne permettaient de déroger aux conditions d’octroi ordinaires d’une autorisation de séjour. La prise en charge médicale de l’épouse ne justifiait pas à elle seule une exception aux mesures de limitation du nombre d’étrangers. L’existence d’un danger concret pour l’épouse ou sa famille en cas de retour au Honduras n’était pas établie, de sorte que le renvoi de la famille était licite, possible et raisonnablement exigible.

D. a. Par acte expédié le 15 février 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, les époux ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation. Ils ont conclu, préalablement, à la suspension de l’exécution de leur renvoi jusqu’à droit jugé sur le présent recours ou, en cas de renvoi du dossier à l’OCPM, jusqu’à ce que celui-ci se prononce à nouveau. Principalement, il devait être enjoint à l’OCPM de soumettre leur dossier au SEM avec un préavis favorable, subsidiairement, le dossier devait être renvoyé à l’OCPM pour nouvelle décision.

Le recourant avait une formation en mécanique et travaillait pour D______ au Honduras. Il avait, après son arrivée en Suisse, continué à se perfectionner. La recourante avait obtenu une maturité dans son pays d’origine. Elle avait été choisie par les « maras », la mafia hondurienne, pour effectuer du trafic de drogue. Terrorisée, ne pouvant demander de l’aide à la police locale, notoirement corrompue, elle n’avait eu d’autre choix que de se réfugier en Suisse en mai 2018. Son mari et sa fille l’avaient rejointe en mars 2019. Elle entretenait peu de contacts téléphoniques avec sa famille restée sur place, de crainte d’être retrouvée par les « maras ». Les conjoints étaient dans l’attente de la signature de contrats de travail. Ceux-ci leur permettraient d’être financièrement indépendants. Ils n’avaient pas de dettes et jamais sollicité l’aide sociale. La famille, y compris C______, avait développé un réseau social à Genève.

En cas de retour au Honduras, les membres de « maras » en seraient rapidement informés et toute la famille serait menacée. Un « homme haut placé dans le crime organisé » avait jeté son dévolu sur la recourante, elle avait été harcelée sexuellement et reçu des menaces de mort. Elle avait subi un traumatisme pour lequel elle avait un suivi psychiatrique par thérapie et médicaments.

Ils souhaitaient compléter le recours, afin de produire des pièces relatives à leurs revenus, leur niveau de français et les dangers encourus par la recourante en cas de renvoi.

Ils ont produit de nombreuses pièces, dont des attestations d’amis et de connaissances soulignant leurs qualités humaines et celles professionnelles de la recourante, des extraits de média relatifs à l’activité criminelles de « maras », une « déclaration sur l’honneur » du beau-père de la recourante exposant que celle-ci avait été harcelée sexuellement et menacée de mort par un homme appartenant au groupement criminel précité ainsi qu’une autre « déclaration sur l’honneur », non datée, établie par E______. Celle-ci attestait du fait qu’elle avait été voisine de la famille de la recourante. Celle-ci avait été harcelée. Pendant près d’un un, elle sortait toujours accompagnée d’un parent ou de son mari car elle était persécutée par un homme qui la harcelait verbalement ; tous les résidents du quartier savaient qu’il était membre d’un gang. En la harcelant, cet homme lui avait fait subir de mauvais moments ainsi qu’à son époux, à tel point qu’elle ne sortait plus de chez elle. L’homme passait tous les jours devant la maison en espérant que la recourante sorte de chez elle. La dernière fois que E______ avait vu cet homme était en février ; il « rôdait en voiture ».

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans leur réplique, les recourants ont insisté sur le fait qu’un retour au Honduras favoriserait l’aggravation de l’état psychique de la recourante, y compris en raison de l’accès limité aux soins psychiatriques. En sus, la prise en charge des frais médicaux n’était pas garantie.

Elle a produit un certificat médical du 30 mars 2023 de son psychiatre confirmant qu’un retour dans son pays d’origine favoriserait l’aggravation de son état de santé en raison de l’accès limité aux soins. Selon le site de conseils aux voyageurs du département fédéral des affaires étrangères, les soins médicaux n’étaient pas assurés en dehors des grandes villes. Les hôpitaux exigeaient une avance avant de commencer le traitement. Il était recommandé d’emporter avec soi les médicaments nécessaires à un traitement en cours en quantité suffisante.

Elle a également joint une déclaration écrite de F______, non datée, dont elle a produit une traduction (libre) et dont il ressort qu’il avait été le voisin de la famille de la recourante. Elle avait été harcelée. Pendant près d’un un, elle sortait toujours accompagnée d’un parent ou de son mari car un homme la suivait toujours. Il la harcelait verbalement ; tous les résidents du quartier savaient qu’il appartenait à une organisation criminelle. En la harcelant, cet homme lui avait fait subir des moments très difficiles ainsi qu’à son époux. Elle avait dû rester enfermée dans sa maison ; néanmoins, l’homme continuait à la surveiller et à attendre qu’elle sorte de chez elle.

d. Se déterminant sur ces pièces nouvelles, l’OCPM a relevé que si les recourants venaient, en effet, de San Pedro Sula, qui semblait être la ville connaissant le plus fort taux de criminalité du département, ils pouvait être attendu d’eux qu’ils s’installent dans une autre ville du département en question. La ville de Choloma, troisième ville la plus importante du Honduras, semblait plus sûre. G______ (ci-après : G______) y avait développé une structure de santé axée sur les besoins des femmes, notamment un soutien psychologique aux victimes de violence, y compris sexuelle. G______ avait aussi ouvert une nouvelle clinique à San Pedro Sula. Moyennant une coordination entre le médecin traitant et cet organisme, le départ de la recourante pourrait être préparé afin d’assurer son suivi.

e. Les recourants ont noté que l’OCPM admettait que San Pedro Sula était l’une des villes connaissant le plus fort taux de criminalité au monde et que des structures y étaient nécessaires en raison des violences psychologues, physiques et sexuelles faites aux femmes. En dépit de ce constat, l’autorité intimée considérait, de manière choquante et dénuée de toute humanité, que le renvoi des recourants était exigible. L’OCPM ignorait complètement que la Dre [recte : le Dr] H______ attestait du fait qu’un retour au Honduras favoriserait l’aggravation de l’état de santé de la recourante et constituerait une menace pour son intégrité physique et psychologique.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Est litigieux le refus de l’OCPM de préaviser favorablement la demande d’autorisation de séjour des recourants ainsi que leur renvoi.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

2.3 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.4 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

2.5 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

2.6 En l’espèce, la recourante séjourne en Suisse depuis cinq ans, son mari et sa fille depuis quatre ans. Cette durée de séjour ne peut être qualifiée de longue et doit, en outre, être relativisée dès lors que celui-ci a été effectué dans l’illégalité.

L’intégration professionnelles des recourants ne saurait être considérée comme remarquable. Le recourant est sans emploi et son épouse a indiqué avoir reçu une promesse d’emploi en qualité de « nounou à domicile ». Bien qu’il n’émarge pas à l’assistance sociale et n’ait pas de dettes, le couple reste très discret sur ses sources de revenus. À teneur du dossier, l’intégration professionnelle du recourant fait ainsi défaut et celle de son épouse demeure modeste.

Si les recourants ont produit des attestations d’amis et de connaissances, il n’apparaît pas que leur intégration sociale serait particulièrement poussée. Ils ne se sont pas engagés dans la vie associative ou culturelle à Genève et ne font pas valoir ni ne rendent vraisemblable qu’ils auraient tissés en Suisse des liens affectifs ou amicaux d’une intensité telle qu’il ne pourrait être exigé de leur part de les poursuivre, une fois de retour dans leur pays d’origine, par le biais des moyens de télécommunication moderne.

En cas de retour, le recourant qui a accompli une formation professionnelle au Honduras et y a acquis de l’expérience professionnelle dans son domaine, ne devrait pas rencontrer de difficultés à se réintégrer sur le marché du travail, étant observé qu’il pourra mettre à profit ses connaissances de la langue française acquises en Suisse. À teneur du dossier, il a de la famille au Honduras, en tout cas son père. Par ailleurs, il a vécu jusqu’à l’âge de 26 ans dans son pays, en connaissant ainsi les us et coutumes et en parlant la langue. Sa réintégration sociale et professionnelle ne paraît ainsi pas compromise.

La recourante a obtenu un diplôme de fin d’études secondaires dans son pays. Elle y a également vécu jusqu’à l’âge de 26 ans et connaît ainsi la mentalité et la langue de son pays. Elle y a conservé des liens familiaux, ses parents, ses frères et une sœur y vivant, selon ses propres indications. En tant qu’elle craint d’être à nouveau confrontée au harcèlement de l’homme qui la suivait et la guettait lorsqu’elle habitait au Honduras à San Pedro Sula, il convient de suivre l’OCPM en ce qu’il indique que la famille peut s’établir dans une autre ville de ce pays, qui est plus grand que la Suisse. Les attestations produites font toutes état du fait que cet homme avait jeté son dévolu sur la recourante et la harcelait dès qu’elle sortait de chez elle. Elles ne mentionnent pas que la recourante aurait subi des pressions d’un groupe, notamment du groupement des « maras ». Ainsi, et sans minimiser les craintes que peut susciter auprès de la recourante la perspective de son renvoi dans son pays d’origine, les éléments du dossier ne permettent pas d’établir une impossibilité de réintégration découlant du harcèlement qu’elle a subi.

Enfin, il ressort des informations apportées par l’OCPM devant la chambre de céans que G______ a développé une structure de santé axée sur les besoins des femmes, notamment un soutien psychologique aux victimes de violence, y compris sexuelle, dans la ville de Choloma (https://www.msf.ch/nos-actions/pays/honduras), troisième ville la plus importante du Honduras, qui semblait au demeurant plus sûre que San Pedro Sula. La poursuite du traitement psychiatrique de la recourante au Honduras s’avère ainsi possible. Ainsi, bien qu’elle suscite auprès de la recourante des inquiétudes, il n’apparaît pas que sa réintégration serait gravement compromise.

C______, arrivée en Suisse à l’âge de 6 ans et désormais âgée de 10 ans, a intégré l’école primaire à Genève et suit sans encombre le parcours scolaire ordinaire. S’il est manifeste qu’elle a noué des relations amicales à Genève, elle reste encore fortement attachée à ses parents, compte tenu de son âge. Si son intégration dans son pays d’origine nécessitera une phase d’adaptation, elle ne devrait pas rencontrer de difficultés particulières à s’intégrer, étant précisé qu’elle sera accompagnée de ses parents.

Au vu de l’ensemble des éléments qui précède, l’OCPM n’a ni violé la loi ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation en refusant d’octroyer à la famille une autorisation de séjour.

3.             Les recourants estiment que leur renvoi, singulièrement celui de la recourante, ne peut être exigé de leur part.

3.1 Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée. À ce titre, elles ne disposent d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation.

L'exécution d'un renvoi n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI).

Selon l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, notamment parce qu'il ne pourrait plus recevoir les soins dont il a besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (arrêt du Tribunal administratif fédéral ATAF 2014/26 consid. 7.6, 7.9 et 7.10).

S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

3.2 En l’espèce et comme évoqué plus haut, le fait que la recourante ait, à teneur des pièces produites, été victime du harcèlement d’une personne – et non d’un groupe de personnes – et que la famille puisse s’installer dans une autre ville que celle dans laquelle elle a subi le harcèlement ne permettent pas de retenir que la recourante serait, en cas de retour au Honduras, exposée à une mise en danger la visant en particulier. Son suivi psychiatrique pourra être assuré en ayant recours aux centres mis en place par G______ ainsi qu’en préparant son départ de manière coordonnée avec son médecin et un centre de G______.

Aucun élément ne rend vraisemblable que l’exécution du renvoi du recourant ou de la fille des recourants ne serait pas possible, serait illicite ou ne pourrait raisonnablement être exigée ; les recourants ne s’en prévalent au demeurant pas.

L’état d’urgence prononcé à la fin de l’année 2022 pour lutter contre les groupes criminels ainsi que les troubles secouant le Honduras ne constituent pas des circonstances permettant de retenir que le pays se trouverait dans une situation de guerre ou de violence généralisée. En effet, le département des affaires étrangères, Conseils pour les voyages (ttps://www.dfae.admin.ch/eda/fr/home/laender-reise-information/honduras) émet uniquement des recommandations de prudence à l’adresse des voyageurs, mais ne déconseille pas les voyages dans ce pays.

Au vu de ce qui précède, l'exécution du renvoi des recourants est possible, licite et peut être raisonnablement exigée. Il n’y a donc pas lieu de la mettre au bénéfice d’une admission provisoire.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 février 2023 par A______ et B______, agissant pour eux et leur fille C______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean ORSO, avocat des recourants, à office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.