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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3805/2021

ATA/585/2023 du 06.06.2023 sur JTAPI/1111/2022 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.07.2023, 2C_397/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3805/2021-AMENAG ATA/585/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 juin 2023

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OCAN intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 octobre 2022 (JTAPI/1111/2022)


EN FAIT

A. a. A______ Sàrl (ci-après : A______), inscrite au registre du commerce du Bas-Valais depuis le 19 juin 2019, ayant son siège à B______ et ayant pour associé C______, a pour but la fourniture de services, tels que jeux, lasergames, animations, organisations de manifestations ainsi que le commerce, l’entretien, la réparation et la formation, également représentation et commerce de produits liés à l’informatique, l’électricité, la domotique et aux systèmes d’alarme, toutes activités commerciales et industrielles dans le sens le plus large.

b. D______ est une entreprise individuelle inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 28 mars 2022, exploitée par E______ et ayant pour but les activités de lasergame, organisation d'anniversaires, sorties scolaires, camps de vacances, enterrements de vie de célibataire.

B. a. Le 19 mai 2021, E______ a demandé à l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) une autorisation permanente valable pour les espaces forestiers du canton de Genève d’y pratiquer un lasergame innovant à infrarouge (ci-après : l’activité) ne comportant ni danger ni nuisances. Selon une étude jointe à sa demande, le jeu était à pratiquer à proximité des zones déjà soumises à dérangements et perturbations humains et devait être limité à des zones très fréquentées durant la période de reproduction de la faune entre avril et juillet.

b. Le 4 juin 2021, l’OCAN a indiqué que cette activité n’était pas autorisable sur l’ensemble des forêts du canton et que seules des autorisations ponctuelles sur des sites déterminés pouvaient être envisagées. Dans un souci de préservation de la forêt, il proposait de concentrer les activités sur une parcelle spécialement affectée, n° 2’181 de la commune de F______, dont l’État était propriétaire et invitait E______ à prendre contact avec l’association responsable du lieu s’il était intéressé.

c. Le 4 juin 2021, C______ a répondu à l’OCAN en sa qualité de fondateur de la marque A______. En cinq ans, il avait ouvert neuf succursales en Suisse. Il souhaitait savoir quelle disposition légale soumettait son activité à autorisation et si l’autorité considérait notamment celle-ci comme un jeu de combat. Il proposait de présenter l’activité lors d’un essai. Un service forestier d’un autre canton lui avait dit qu’il ne faisait pas plus de dégâts qu’un cueilleur de champignons.

d. Le 11 juin 2021, la sous-commission de la flore de la commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCBD), consultée par l’OCAN, a estimé que l’activité plaçait les joueurs sous l’emprise de l’adrénaline, les empêchant de respecter les législations sur la protection des milieux naturels. La demande d’autorisation devait également être soumise à la commission de la faune. L’activité devait être soumise à autorisation et restreinte à des secteurs définis.

e. Le 18 juin 2021, l’OCAN a indiqué à C______ qu’après reconsidération, il considérait l’activité comme apparentée à un jeu de combat et partant soumise à régulation. Une demande formelle devait être déposée 30 jours au moins avant une manifestation. La conduite de l’activité sans autorisation était constitutive d’une infraction.

f. Le 18 juin 2021, E______ a demandé à l’OCAN l’autorisation de pratiquer l’activité sur deux parcelles situées dans le canton. Le 24 juin 2021, il a précisé qu’il s’agissait des parcelles n° 525 de la commune de G______ et n° 4'039 de la commune de H______.

g. Le 9 juillet 2021, l’OCAN a délivré à E______ deux autorisations exceptionnelles et non reconductibles de pratiquer l’activité sur les parcelles indiquées. L’impact du projet serait évalué et A______ devait chercher des solutions hors forêt ou auprès d’autres propriétaires de forêts, sachant que l’activité serait soumise à autorisation. L’autorité ne souhaitait pas mettre à disposition les forêts propriété de l’État, qui devaient être protégées en tant que milieu naturel et permettre à la population de bénéficier d’espaces de tranquillité où se promener en accord avec la nature, être accueillantes et offrir le ressourcement. Elle souhaitait éviter le développement d’activités intensives nécessitant un usage exclusif de l’aire forestière comme le requérait le lasergame.

h. Le 16 août 2021, A______ a contesté que l’activité fût soumise à autorisation. Elle proposait une version modernisée du jeu de cache-cache en forêt. Il ne s’agissait pas d’un jeu de combat, toute connotation guerrière ayant d’emblée été supprimée. Les joueurs devaient toucher leurs adversaires, mais l’activité n’incitait à aucune violence. Le nombre des joueurs par partie était limité à 30 et l’activité ne constituait pas une grande manifestation. Elle avait d’ailleurs été autorisée dans le Jura et en Valais. La restriction portait atteinte à sa liberté économique. Elle était dépourvue de base légale formelle et n’était justifiée par aucun intérêt public prépondérant. L’activité n’induisait notamment aucun usage exclusif de l’aire forestière. Exiger d’elle qu’elle demande systématiquement des autorisations était disproportionné, les parties étant le plus souvent réservées seulement quelques jours avant, par exemple, un anniversaire. Une autorisation-cadre fixant les conditions de mise en œuvre des parties serait suffisante pour aboutir au même but. Une décision motivée et sujette à recours devait être prononcée. Elle avait dû annuler plusieurs réservations et avait subi un préjudice important.

i. Le 29 septembre 2021, l’OCAN a constaté que l’activité possédait de nombreuses caractéristiques du jeu de combat. Elle s’apparentait à un lasergame, qui pouvait être qualifié de jeu de combat. Deux équipes s’affrontaient. Les joueurs devaient se viser et se toucher au moyen d’objets qualifiés de marqueurs transparents. Bien que présentés comme n’étant pas des armes factices, ils possédaient de nombreuses caractéristiques rappelant les armes à feu : une poignée surmontée d’un canon, un pontet et une queue de détente ainsi qu’un viseur. L’étude jointe à la demande initiale mentionnait un bouton de recharge des munitions ainsi que l’ajout d’éléments comme des imitations de mines et de grenades. Les joueurs visaient leurs adversaires en prenant des positions comme l’utilisateur d’une arme à feu. Le site internet d’A______ décrivait l’activité comme un lasergame, dont la définition était une guerre fictive entre différents participants (jusqu’à une trentaine) qui étaient équipés d’une arme factice disposant d’un pointeur laser ou infrarouge. L’activité était soumise à autorisation.

C. a. Par acte du 5 novembre 2021, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision.

Son droit d’être entendue avait été violé. Le dossier avait subi des modifications suite au prononcé de la décision, à tout le moins par l’ajout d’une nouvelle pièce. Aucune prise de position ni préavis de la commission de la faune, tels que préconisés par la CCDB, ne figuraient au dossier, ni la réponse du secteur des gardes cantonaux de l’environnement, de sorte qu’elle avait été privée de la possibilité de se prononcer sur des éléments pertinents.

La décision violait les dispositions de droit fédéral garantissant le libre accès aux forêts et contrevenait au principe de la primauté du droit fédéral. Le critère de « jeu de combat » prévu par le règlement genevois ne figurait pas dans la législation fédérale.

Le règlement d’application de la loi sur les forêts du 18 septembre 2019 (RForêts - M 5 10.01) était contraire à la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10). Cette dernière soumettait à autorisation uniquement les grandes manifestations, de sorte que la restriction supplémentaire visant les jeux de combat ne pouvait pas être instaurée par voie réglementaire. De plus, l’interprétation par l’autorité intimée du mot combat était contraire à la définition souhaitée par le législateur.

Le principe d’égalité de traitement avait été violé. Elle était traitée différemment et moins favorablement, sans motif objectif, que d’autres administrés se livrant à des jeux en forêt, concours de parcours Vita, courses à pied ou encore pique-niques, soustraits à l’obligation d’autorisation.

Les conditions pour procéder à une restriction de son activité économique n’étaient pas réunies.

b. Le 23 décembre 2021, l’OCAN a conclu au rejet du recours.

Les forêts genevoises subissaient de fortes pressions anthropogènes d’une ampleur incomparable avec celles que pourraient subir les forêts d’autres cantons. Il se justifiait dès lors que le canton de Genève ajoute quelques critères définissant les grandes manifestations afin d’appréhender de manière plus large celles dont l’ampleur serait significative en regard de l’importance des impacts sur la forêt, la flore et la faune. Dans ce cadre, le législateur genevois avait fait le choix d’inscrire le critère de jeux de combat et/ou utilisation de projectiles car ce genre de jeu pouvait considérablement affecter la forêt. Or, le jeu A______ avait effectivement un impact sur la faune et la flore mais celui-ci pouvait être réduit si certaines précautions étaient respectées. Soumettre le jeu à autorisation permettait aux autorités genevoises d’évaluer les risques pour la faune et la flore et, cas échéant, de prendre des mesures visant à prévenir ou à limiter autant que possible les impacts sur la forêt.

Toute personne souhaitant exercer la même activité qu’A______ ou toute autre activité assimilée à un jeu de combat ou à l’utilisation de projectiles serait soumise à l’obligation de demander une autorisation pour grande manifestation en forêt.

La décision était fondée sur la loi cantonale et son règlement fixant les critères à prendre en compte pour considérer un événement comme une grande manifestation. La loi fédérale prévoyait que l’accès aux forêts pouvait être restreint dans un intérêt public tel que celui de la conservation des forêts ou de la protection des plantes et animaux sauvages. Cette restriction était prévue par la législation cantonale et était justifiée par l’intérêt public à la conservation des forêts et la protection des plantes et des animaux sauvages. Le dépôt d’une demande d’autorisation peu avant l’organisation de chaque manifestation avait pour but de permettre à l’autorité spécialisée d’évaluer les impacts potentiels sur les forêts, les prévenir ou les atténuer. Cela paraissait ainsi proportionné au but visé et apte à produire les effets escomptés. Tant la LForêts que le RForêts visaient le droit d’accès aux forêts et non la liberté économique, de sorte que même s’il ne s’agissait pas de l’activité économique d’A______, sa décision aurait été la même. Les bases légales applicables ne faisaient aucune distinction entre activité lucrative et non lucrative, seul l’intérêt public à la conservation des forêts entrant en considération. Enfin, le jeu A______ était proposé ailleurs qu’en forêt comme en attestait le site internet de la société.

c. Le 21 janvier 2022, A______ a persisté dans ses conclusions.

Le critère du jeu de combat n’était pas adéquat pour établir la distinction entre les activités ayant un impact sur la faune et celles qui n’en n’avaient pas. L’activité ne tombait sous le coup d’aucune des conditions de l’art. 23 al. 3 let. a à g RForêts.

Sous l’angle de la proportionnalité stricte, la décision entreprise ne prenait pas en compte le cas d’espèce. Elle retenait qu’aucune mesure autre que l’obligation de requérir une autorisation ne permettait de préserver la faune et la flore alors qu’elle avait elle-même admis que l’activité pouvait être exercée moyennant certaines conditions.

d. Par jugement du 20 octobre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

L’OCAN avait admis avoir ajouté au dossier, après avoir pris sa décision, l’impression d’une page Wikipedia contenant la définition du mot lasergame. La position des gardes cantonaux de l’environnement du 30 juin 2022 avait échappé à la numérisation mais avait été produite devant le TAPI. La sous-commission de la faune n’avait pas été sollicitée.

En matière de définition précise de la notion de grande manifestation ou des restrictions d’accès à la forêt, le législateur fédéral avait souhaité confier la réglementation détaillée aux cantons. Le canton de Genève s’était aligné sur l’interprétation de la notion de grande manifestation mais l’avait appréhendée en fonction de ses spécificités et de l’état de ses forêts, résumé dans le rapport sur la durabilité de la forêt dans le canton de Genève de février 2021 mettant en évidence de fortes pressions anthropogènes, puisque l’omniprésence du public dans la forêt genevoise provoquait un piétinement généralisé du sol. Le cadre fédéral lui permettait d’aborder la notion de grande manifestation en prenant en considération non seulement le critère du nombre des participants, mais également celui de l’importance des impacts sur les forêts. Il était justifié de prendre en considération également le critère de jeu de combat ou d’utilisation de projectiles eu égard à l’impact que ces activités pouvaient avoir sur la faune et la flore.

Le RForêts était conforme à la LForêts. Le législateur genevois, en mentionnant les jeux de combat sans utilisation de projectiles dans la RForêts, avait voulu soumettre à autorisation les jeux de combat tels que le lasergame, lequel n’utilisait pas de projectiles. Tant l’étude produite avec la demande initiale qu’A______ avaient défini le jeu comme un système innovant de lasergame à infrarouge (www.A______.ch/fr). C’était donc à juste titre que l’OCAN avait décidé de faire application de l’art. 23 al. 3 let. f RForêts.

La décision ne consacrait aucune inégalité de traitement, A______ ne soutenant pas que d’autres organisateurs du même type d’activité auraient rencontré plus de tolérance.

La décision attaquée ne concernait pas spécifiquement l’activité économique d’A______ mais les conditions d’accès aux forêts. La soumission à autorisation l’emportait sur l’intérêt d’A______ à pratiquer son activité, celle-ci pouvant être pratiquée dans d’autres lieux et l’OCAN ayant proposé une forêt spécifique.

L’octroi d’une autorisation-cadre priverait l’OCAN de la possibilité de contrôler au cas par cas le déploiement de l’activité.

D. a. Par acte remis à la poste le 21 novembre 2022, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit et constaté que son activité n’était pas soumise à autorisation, à ce qu’elle soit en conséquence autorisée à déployer celle-ci dans le canton. Subsidiairement, il devait être dit et constaté que son activité pouvait être déployée dans le canton aux conditions suivantes : la sécurité d’accès des autres utilisateurs qui pourraient être touchés par l’activité devait être garantie, quitte à interrompre les parties si besoin ; toute intervention sur la végétation, tout marquage durable sur les arbres et les infrastructures étaient interdits ; un niveau sonore admissible devait être respecté ; l’exclusivité du site n’était pas garantie ; les lieux devaient être remis en état à la fin de la manifestation ; les organisateurs étaient tenus pour responsables des éventuels dégâts occasionnés par les participants auprès des tiers et des dédommagements pourraient être exigés cas échéant. Préalablement, la comparution personnelle des parties devait être ordonnée.

Les parties ne se déroulaient que dans des lieux déjà marqués par l’homme. Elle déployait son activité en Suisse romande depuis cinq ans et avait déjà organisé plus de 200 parties à l’année en Valais, sans susciter aucune plainte. L’activité n’était soumise à aucune autorisation en Valais et dans le Jura.

La décision violait le libre accès aux forêts et le principe de la primauté du droit fédéral. Le critère ajouté par le canton de Genève était contraire à la lettre et à l’esprit de la loi fédérale. Le critère des jeux de combat ne s’appuyait pas sur la préservation de la forêt, ne ressortait pas de la législation fédérale et permettait de restreindre l’accès à l’intégralité des forêts genevoises, alors que la loi fédérale n’appliquait des restrictions qu’à certaines zones forestières.

La décision violait la loi et le règlement genevois. Le législateur genevois avait voulu calquer notamment la notion de grande manifestation sur le droit fédéral, et l’avait appliquée aux manifestations regroupant au moins 50 personnes. Les jeux de combat étaient exclus et le législateur n’avait pas voulu donner à l’expression un sens figuré. A______, activité nouvellement créée, soucieuse des contraintes environnementales et utilisant des jouets, n’était quoi qu’il en soit pas l’équivalent d’un lasergame. La référence à l’emprise de l’adrénaline pouvait aussi bien s’appliquer à toute balade en famille en forêt.

La décision violait le principe de l’égalité de traitement. D’autres manifestations autrement plus importantes, comme des pique-niques ou des manifestations syndicales pouvant durer cinq jours consécutifs et réunir dix chiens non tenus en laisse, étaient autorisées. Un groupe de joueurs d’airsoft avait obtenu une autorisation sur un terrain déterminé. Une partie de cache-cache traditionnel, un tournoi de cartes ou d’échecs, un parcours du combattant, un parcours VITA ou une course à pied étaient admis sans aucune vérification ni autorisation. Le critère du jeu de combat n’était pas adéquat pour anticiper un impact sur la faune ou la flore, ou sur les promeneurs.

La décision violait la liberté économique et le principe de la proportionnalité. La restriction ne reposait pas sur une base légale formelle. Le refus d’autoriser l’activité ne permettait pas d’atteindre le but d’intérêt public de conservation des forêts. L’obligation de demander une autorisation n’était en toute hypothèse ni apte ni nécessaire pour sauvegarder l’intérêt public, les conditions imposées dans les autorisations du 9 juillet 2021 ne visant nullement cet aspect. L’exigence de déposer une demande 30 jours avant l’activité rendait de fait l’organisation de parties impossible.

b. Le 23 janvier 2023, le département a conclu au rejet du recours.

c. Le 27 février 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

L’intimé ne justifiait pas en quoi les jeux de combat étaient susceptibles de provoquer plus de dégâts que d’autres activités. Les exigences en matière d’accès aux forêts s’étaient relâchées. Des restrictions sur l’ensemble des forêts étaient contraires au principe de la primauté du droit fédéral.

Le critère des jeux de combat, fût-il valide, ne pouvait en aucun cas être appliqué à son activité.

Sous l’angle de la violation de la liberté économique, la pesée des intérêts omettait de prendre en compte l’intérêt public à encourager des alternatives minimisant leur impact sur l’environnement et de faire bénéficier des bienfaits des activités en plein-air des personnes dont les activités alternatives étaient souvent des activités à l’intérieur tels des jeux vidéo. Les autorités fribourgeoises avaient procédé à une telle appréciation différenciée et renoncé dans une directive récente à soumettre à autorisation la nouvelle technologie de lasergame fonctionnant par infrarouge.

d. Le 1er mars 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante conclut préalablement à la comparution personnelle des parties. Sans y conclure formellement, elle propose en outre dans l’exposé des faits de son recours un transport sur place.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Cela n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6).

2.2 En l’espèce, la recourante a pu déployer son argumentation et produire toute pièce utile devant le TAPI puis la chambre de céans. Elle n’expose pas quels éléments supplémentaires – relatifs à la nature de l’activité, au nombre des participants, à son déploiement en Suisse romande et à sa soumission à autorisation – qu’elle n’aurait pu décrire et documenter par écrit l’audition des parties ou un transport sur place seraient susceptibles d’apporter à la solution du litige. La chambre de céans considère qu’elle dispose d’un dossier complet et que la cause est en état d’être jugée.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3.             Le recours a pour objet la décision de l’OCAN du 29 septembre 2021 soumettant à autorisation l’activité proposée par A______.

Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus d’appréciation (al. 1 let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.

4.             Dans un premier grief, la recourante reproche à la décision de l’OCAN de violer les principes de libre accès aux forêts et de la primauté du droit fédéral.

4.1 Garanti à l'art. 49 al. 1 Cst., le principe de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en œuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive. Cependant, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. En outre, même si, en raison du caractère exhaustif de la législation fédérale, le canton ne peut plus légiférer dans une matière, il n'est pas toujours privé de toute possibilité d'action. Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 137 I 167 consid. 3.4 ; ATF 133 I 110 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_727/2011 du 19 avril 2012 consid. 3.3).

4.2 L’art. 699 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) prévoit que chacun a libre accès aux forêts et pâturages d’autrui et peut s’approprier baies, champignons et autres menus fruits sauvages, conformément à l’usage local, à moins que l’autorité compétente n’ait édicté, dans l’intérêt des cultures, des défenses spéciales limitées à certains fonds. Selon l’al. 2 de la même disposition, la législation cantonale peut déterminer la mesure en laquelle il est permis de pénétrer dans le fonds d’autrui pour la chasse ou la pêche.

4.3 Selon l’art. 14 LFo, les cantons veillent à ce que les forêts soient accessibles au public (al. 1). Si la conservation des forêts ou un autre intérêt public l’exigent, par exemple la protection des plantes ou d’animaux sauvages, les cantons doivent (a) limiter l’accès à certaines zones forestières et (b) soumettre à autorisation l’organisation de grandes manifestations en forêt. L’ordonnance sur les forêts du 30 novembre 1992 (OFo - RS 921.01) ne contient pas de précision sur la notion de grande manifestation.

4.4 La LForêts a entre autres buts d'assurer la protection du milieu forestier, notamment en tant que milieu naturel et d'exécuter et de compléter la LFo et l’OFo (art. 1 al. 1 let. a et d). Elle régit toutes les forêts du canton répondant aux définitions de la loi fédérale (art. 1 al. 2). Elle postule le libre accès aux forêts : celles-ci ne doivent pas être clôturées afin d'en garantir le libre accès aux piétons (art. 17 al. 1). Font exception les clôtures nécessaires à la conservation du milieu forestier (art. 17 al. 2). Quiconque accède à la forêt doit s'abstenir de la détériorer et de léser les droits d'autrui (art. 17 al. 3). La LForêts attribue à l’inspecteur cantonal des forêts la compétence de l'accès à certains secteurs de la forêt, en particulier en vue de garantir la sauvegarde du milieu forestier (art. 18) et prévoit depuis le 1er octobre 2019 que les grandes manifestations sont soumises à son autorisation (art. 19 al. 1), l’accord des propriétaires touchés et des autres départements étant réservé (art. 19 al. 2).

L’art. 23 RForêts prévoit que de manière générale, les manifestations ne sont pas autorisées pendant les périodes de reproduction de la faune et dans toute partie de forêt servant de refuge à la faune (al. 1). Il précise que par grande manifestation, il faut entendre tout rassemblement de caractère organisé comportant au moins l'un des éléments suivants : (a) présence de plus de 50 personnes ; (b) utilisation de voies de communication imposant des restrictions pour les tiers ; (c) mise en place d'installations temporaires, telles que tente, caravanes, buvette ou WC ; (d) installation d'un système d'éclairage ou d'amplification de son ; (e) durée supérieure à 5 jours (préparatifs et remise en état du terrain y compris) ; (f) jeux de combat et/ou utilisation de projectiles ; (g) activité cynologique réunissant plus de 10 chiens non tenus en laisse (al. 3). L’autorisation doit être requise un mois au moins avant l’échéance. Elle indique : (a) le type et l’ampleur de la manifestation ; (b) le secteur concerné et les éventuels itinéraires retenus ; (c) le responsable de l’organisation (al. 4). Les manifestations de plus de 50 personnes se déroulant strictement sur les chemins forestiers et/ou sur les aires et infrastructures de loisirs dévolues à cet effet (places de pique-nique et parcours Vita notamment) ne sont pas soumises à autorisation, pour autant que n'y soient liés aucun des éléments mentionnés aux let. b à g de l'al. 3 (al. 5).

Selon l’exposé des motifs du PL 12'292 comportant notamment le nouvel art. 19 al. 1 LForêts, le Conseil fédéral s'était abstenu de définir plus précisément dans l'OFo la notion de grande manifestation. Il résultait cependant des débats parlementaires que l'ampleur d'une manifestation ne se mesurait pas seulement au nombre de participants, mais aussi d'après la nature des répercussions probables sur la forêt. Tous les cantons, à l'exception du Valais, disposaient d'une réglementation sur la définition des grandes manifestions. Parmi ceux-ci, Genève avait fait cavalier seul en soumettant toute manifestation en forêt, quelle que soit son ampleur, à autorisation. Outre le fait que la conformité au droit fédéral de cette réglementation était sujette à caution, l'expérience acquise depuis l'entrée en vigueur de la LForêts avait montré qu'il n'était pas justifié de prévoir une réglementation aussi contraignante pour atteindre l'objectif de conservation de la forêt assigné par le droit fédéral. Dans un souci de simplification des procédures et d'économie, le projet de loi proposait d'aligner la loi genevoise sur le droit fédéral. La définition de la notion de grande manifestation ainsi que les critères de l'autorisation nécessiteraient une modification ultérieure de l'art. 23 RForêts. Selon le rapport de la commission, le directeur de l’OCAN avait indiqué que dans les faits, il était enregistré 85 à 102 demandes de manifestations soumises et acceptées par année. Cela allait du pique-nique familial de quelques personnes à de plus grandes réunions. La majorité des demandes concernaient 15 à 30 personnes et ces réunions n’avaient aucun impact sur la forêt, sauf un possible dérangement momentané de la faune, comparable aux nuisances occasionnées par un groupe de promeneurs. La loi fédérale sur les forêts parlait des grandes manifestations, ce qui avait été repris dans le projet de loi. Évaluation faite dans les cantons, le nombre de personnes qui qualifiait une grande manifestation variait de 80 à 500, Bâle étant le plus strict avec 80 personnes. Il avait donc été admis que le nombre de 80 personnes était assez réaliste et pouvait convenir pour qualifier de grande manifestation une réunion en forêt nécessitant une autorisation.

Lors des débats en plénum, la question des grandes manifestations n’a pas suscité de discussion.

4.5 En l’espèce, la recourante soutient que la soumission des jeux de combat à autorisation serait contraire au droit fédéral.

L’art. 699 al. 1 CC, évoqué par la recourante, règle les rapports de droit privé entre le propriétaire de la forêt et les personnes y accédant et en prélevant les fruits, et n’est d’aucun secours pour la solution du présent litige, qui porte sur la protection des forêts par le droit public.

L’art. 14 LFo charge les cantons de veiller à ce que les forêts soient accessibles au public et, si leur conservation ou un autre intérêt public l’exigent, de limiter l’accès à certaines zones forestières et de soumettre à autorisation l’organisation de grandes manifestations. La disposition mentionne expressément la protection des plantes ou d’animaux sauvages.

L’OFo est muette sur la notion de grande manifestation.

L’art. 23 RForêts prévoit une série de circonstances caractérisant la grande manifestation, qui ont toutes en commun une pression accrue sur l’espace forestier : nombre des participants, usage exclusif ou accru du territoire, durée de la manifestation, externalités particulières (jeux de combat ou projectiles, respectivement manifestations canines de plus de 10 chiens).

La recourante soutient que la soumission à autorisation des jeux de combat irait contre le texte de la loi, son esprit et son but, et ne poursuivrait pas les objectifs de la LFo, autrement dit que les jeux de combat ne menaceraient pas la conservation des forêts ni les plantes et les animaux sauvages.

Elle ne peut être suivie. Les jeux de combat opposent un ou plusieurs adversaires cherchant à s’éliminer. La nécessité pour chaque joueur de défendre « sa vie » entraîne forcément une baisse des égards ordinairement témoignés au milieu naturel. L’affrontement d’équipes suppose en outre de très nombreux mouvements et une occupation accrue de l’espace forestier. Par leur seule présence et leurs déplacements spécifiques à leur activité, les participants aux jeux de combat sont ainsi plus susceptibles de porter atteinte à la faune et à la flore que des promeneurs, des cueilleurs de champignons, des observateurs de la nature ou des sportifs, et cela même s’ils n’utilisent pas de projectiles, ce dont la réglementation genevoise tient précisément compte. La recourante compare les jeux de combat à la cueillette des champignons. Toutefois, celle-ci nécessite par principe une progression précautionneuse en milieu forestier, avec pour premier objectif de ne pas en endommager les fruits, au contraire des participants d’un jeu de combat. Le rapport produit par la recourante relève lui-même les piétinements occasionnés par les joueurs.

La recourante fait enfin valoir que d’autres cantons n’auraient restreint l’usage des forêts que pour les manifestations comportant un nombre plus élevé de personnes, ou encore qu’ils autoriseraient ou dispenseraient même de toute autorisation les jeux de combat. Elle perd de vue que la diversité des réglementations et des pratiques cantonales n’établit pas encore que la mise en œuvre genevoise de la protection des forêts serait contraire au droit fédéral. Surtout, la diversité des environnements naturels des cantons peut expliquer que certains, comme par exemple le canton de Genève, enregistrent une pression humaine plus élevée sur leurs zones forestières ainsi que l’a souligné l’intimé. Le message du Conseil fédéral du 29 juin 1988 à l’appui de la LFo précisait d’ailleurs que comme l'usage local jouait un rôle considérable, en particulier en ce qui concernait les manifestations tolérées en forêt, la compétence pour imposer des restrictions était déléguée aux cantons (FF 1988 182).

Le législateur genevois pouvait ainsi prendre en compte l’effet sur les forêts genevoises des jeux de combat aux côtés de celui des manifestations de nombreuses personnes ou comportant des installations empiétant sur le domaine forestier, sans commettre de violation du principe de la force dérogatoire du droit fédéral.

Le grief sera écarté.

5.             Dans un second grief, la recourante se plaint de la violation du droit cantonal, soit des art. 17, 18 et 19 al. 1 LForêts et 23 RForêts. L’art. 19 al. 1 LForêts, entré en vigueur le 1er octobre 2019, limiterait la notion de grande manifestation aux rassemblements de plus de 50 personnes.

Il a été vu au considérant précédent que les jeux de combat peuvent être rangés parmi les activités menaçant la forêt au sens du droit fédéral et pouvant être limitées par les cantons. Le législateur cantonal a voulu s’aligner sur le droit fédéral et l’art. 19 al. 1 LForêts reprend la notion de grandes manifestations de l’art. 14 al. 2 let. b LFo. Il s’ensuit que la prise en compte dans le RForêts des jeux de combat est conforme à la LForêts.

La recourante soutient que la notion de jeux de combat de l’art. 23 al. 3 let. f RForêts ne viserait que les combats visant à porter effectivement des coups à son adversaire par contact physique ou par des projectiles. Cette acception restrictive ne ressort cependant pas du texte de la réglementation. Un jeu de combat peut désigner toute forme ludique de combat et le fait que le RForêts prévoie que celui-ci peut mais ne doit pas être accompagné de l’utilisation de projectiles (« jeux de combat et/ou utilisation de projectiles ») confirme que l’expression vise non seulement les variantes recourant aux projectiles en plastique (airsoft) ou aux capsules de peinture (paintball), mais également celles qui utilisent d’autres moyens pour toucher l’adversaire, comme le laser (lasergame) ou l’infrarouge. Il a en outre été vu plus haut que c’est la forme même du combat, soit le déploiement de joueurs exerçant une emprise accrue sur le territoire, indépendamment du recours à des projectiles, qui est susceptible d’entraîner des effets sur l’environnement forestier. Le recourant évoque une bataille de pistolets à eau. Or, il n’est pas exclu qu’un jeu de combat opposant des équipes munies de tels jouets pourrait également représenter une menace pour l’environnement.

Le grief sera écarté.

6.             Dans un troisième grief, la recourante se plaint d’une violation du principe de l’égalité de traitement.

6.1 Une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst., lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1).

6.2 En l’espèce, la recourante ne soutient pas que d’autres activités similaires à la sienne auraient été dispensées de requérir une autorisation. Elle soutient qu’un pique-nique ou une réunion syndicale de 50 personnes durant jusqu’à cinq jours et réunissant au plus dix chiens seraient dispensés d’autorisation alors qu’ils auraient un impact incomparable avec celui « d’un jeu de cache-cache d’une quinzaine de participants durant deux heures » comme celui qu’elle proposait. Elle n’établit cependant pas en quoi son activité se laisserait comparer à un jeu de cache-cache – lequel n’apparaît au demeurant pas soumis à l’art. 23 RForêts – ni en quoi le pique-nique ou la réunion qu’elle décrit auraient un impact plus important qu’un jeu de combat. La chambre de céans retiendra qu’un jeu de cache-cache consiste en principe à rester tapi, seule une personne partant à la recherche des autres une fois celles-ci cachées, et qu’un pique-nique, à supposer que la forêt soit un lieu idéal, est une activité plutôt sédentaire, de sorte que l’emprise de ces activités sur le milieu forestier n’est pas comparable à celle d’un jeu de combat.

La recourante n’établit ainsi aucune inégalité de traitement.

Le grief sera écarté.

7.             Dans un dernier grief, la recourante de plaint de la violation de sa liberté économique et du principe de la proportionnalité.

7.1 La liberté économique, telle que consacrée par l'art. 27 Cst., a pour but de protéger toute activité économique privée tendant à la production d'un gain, soit toute activité exercée par une personne dans un but lucratif. Elle garantit l'existence d'un ordre économique fondé sur le marché et sur un minimum de concurrence (Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/ Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2021, n. 960 et 1035 et les arrêts cités).

Comme tout droit fondamental, la liberté économique ne peut être restreinte qu'aux conditions de l'art. 36 Cst. La restriction doit donc reposer sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public (al. 2) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance (rapport raisonnable) les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 126 I 219 consid. 2c ; 125 I 474 consid. 3).

7.2 En l’espèce, la question de savoir si le principe de soumettre à autorisation l’usage accru du domaine forestier constitue une restriction à l’activité économique de la recourante, sachant que celle-ci peut par ailleurs également se déployer en dehors des forêts, pourra souffrir de demeurer indécise, compte tenu de ce qui suit.

La recourante soutient que la soumission à la procédure d’autorisation ne reposerait pas sur une base légale formelle. Il a toutefois été admis que la notion de jeu de combat s’inscrit dans celle de grande manifestation, dont elle précise la portée. Or, la notion de grande manifestation est prévue tant par la LFo que par la LForêts, de sorte que l’exigence de base légale formelle est respectée.

La recourante conteste également que la soumission à autorisation poursuivrait l’intérêt public à la préservation de la forêt. Or, il a été retenu le contraire dans les considérants qui précèdent. Le contrôle des jeux de combats est en effet propre et apte à réaliser l’objectif d’intérêt public de protection de la forêt.

Elle fait valoir que les conditions imposées par l’intimé dans les décisions du 9 juillet 2021 ne viseraient nullement la protection des forêts. Elle perd de vue que la procédure d’autorisation a elle-même pour objet de déterminer de cas en cas si une manifestation est susceptible de porter des atteintes à l’environnement forestier. L’octroi ou le refus de l’autorisation ne sont que le résultat d’une pesée d’intérêts.

Enfin, elle se plaint du caractère disproportionné de l’obligation de déposer la demande 30 jours à l’avance. Elle ne démontre toutefois pas que ses clients réserveraient l’activité quelques jours à l’avance seulement, ce qui paraît au demeurant peu vraisemblable s’agissant pour ces derniers de rassembler jusqu’à 30 participants. Elle ne soutient pas qu’elle ne pourrait demander à l’avance des autorisations de manière à proposer à sa clientèle des jours et des plages horaires disponibles. Elle n’établit pas non plus que les aléas météorologiques constitueraient un obstacle dirimant au déroulement de l’activité et elle ne prétend pas qu’elle aurait dû régler contractuellement les conséquences de la réalisation de ce risque avec ses clients. Enfin, elle ne soutient pas que sa situation devrait être distinguée de celle de tous les autres organisateurs visés par l’art. 23 RForêts. Le délai de 30 jours n’apparait pour le surplus pas arbitraire s’agissant pour l’autorité d’instruire la demande et de procéder à une pesée d’intérêts.

La chambre de céans observera encore, sous l’angle de la proportionnalité, que la recourante, à ce stade, n’établit pas qu’une autorisation lui serait systématiquement refusée. Elle ne soutient, à juste titre, pas qu’ils ne pourraient pas déployer son activité dans un milieu non forestier, comme elle l’annonce d’ailleurs elle-même à sa clientèle, sans avoir à demander d’autorisation. Par ailleurs, l’intimé lui a proposé d’utiliser ponctuellement une forêt spécifiquement dédiée aux jeux de combats, sise sur la commune de F______.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 novembre 2022 par A______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge d’A______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, au département du territoire - OCAN, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'office fédéral de l'environnement (OFEV) et à l'office fédéral du développement territorial (ARE) pour information.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, Président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :