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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/987/2022

ATA/594/2023 du 06.06.2023 sur JTAPI/1235/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/987/2022-PE ATA/594/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 juin 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Cédric LIAUDET, mandataire professionnellement qualifié

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 novembre 2022 (JTAPI/1235/2022)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après aussi : le requérant), né le ______ 1989, est ressortissant du Kosovo.

b. Il est arrivé en Suisse, selon ses dires, en octobre 2010.

c. Selon ses déclarations devant la police du 23 avril 2021, sa mère et son frère résident au Kosovo.

d. Par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève (ci-après : MP) du 21 juillet 2021, A______ a été condamné à une peine pécuniaire de 30 jours amende à CHF 110.-/jour, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-, pour infraction à l’art. 116 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

B. a. Le 20 mai 2019, A______ a déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

À l'appui de sa requête, il a notamment transmis une attestation d’achat d'abonnements des Transports publics genevois (ci-après : TPG) faisant état de l’achat de deux abonnements mensuels en 2014, 2015 et 2019 et d’un abonnement mensuel en 2016 et 2018, des justificatifs d’adresse, dont un courrier de B______ du 20 mai 2019 indiquant l’héberger sans aucune précision de date, un contrat de travail du 7 janvier 2019, divers formulaires M, une copie de son passeport, un extrait de casier judiciaire et des attestations de l’Hospice général et de l’office des poursuites.

b. Par courriel du 2 juin 2021, l’OCPM a requis de A______ qu’il lui transmette le formulaire de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail
(ci-après : OCIRT) d'annonce de l'activité et de l'employeur, la copie de ses trois dernières fiches de salaire, un extrait AVS récent, une déclaration par laquelle il attestait ne pas avoir déposé de demande d'autorisation de séjour dans un pays de l'UE/AELE, la copie de son passeport serbe, une attestation de niveau A2 CECR à l'oral de français ainsi que des justificatifs de résidence pour les années 2011 à 2013.

c. Par courrier du 13 décembre 2021, l'OCPM a fait part à A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d'autorisation de séjour, de prononcer son renvoi de Suisse et de transmettre ultérieurement ses actes au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) afin que ce dernier juge de l'opportunité de prononcer une interdiction d’entrée en Suisse à son encontre. Un délai de 30 jours lui était imparti pour faire valoir par écrit son droit d'être entendu.

Le requérant n'avait pas donné suite à sa demande de renseignements du 2 juin 2021 et par conséquent n’avait pas été en mesure de justifier d'un séjour continu de dix ans minimum pour une personne célibataire et sans enfants scolarisés. À cet égard, bien qu’il indiquait être arrivé en Suisse en octobre 2010, il n’avait pu prouver son séjour que depuis l'année 2014 et ne comptabilisait ainsi que sept années de présence. Il n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, n’avait pas justifié d’une situation financière saine ni du niveau A2 à l'oral de français et avait été condamné le 21 juillet 2021 par le MP. Finalement, il n’avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Dans ces circonstances, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

d. Dans le délai prolongé au 14 février 2022, le requérant a notamment fait valoir qu’il était remarquablement intégré, parlait parfaitement le français et était financièrement indépendant.

Il a joint un chargé de 22 pièces, dont une attestation de bénévolat auprès de l’association C______ du 30 mars 2011, faisant état d’une activité bénévole de trois heures par jour du 19 février au 30 mars 2011, une attestation de langue indiquant le niveau B1 en français oral, diverses pièces relatives à son activité professionnelle en 2019, 2020 et 2021 et une photo horodatée du 1er janvier 2013.

e. Par décision du 25 février 2022, l'OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de régularisation des conditions de séjour du requérant et par conséquent de soumettre son dossier avec préavis positif au SEM. Il a en outre prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 25 avril 2022 pour quitter la Suisse et l'ensemble des territoires des États membres de l'union européenne ainsi que des États associés à Schengen.

Reprenant les motifs de son courrier d’intention, il a relevé que les documents de catégorie A ou B tels que prévus dans l' « opération Papyrus » et conservés dans l'examen des cas de rigueur post « Papyrus » avaient pour objectif d'établir de manière crédible une hypothèse de séjour durable sur le territoire suisse. Les contrats de travail, fiches de salaire, relevés AVS, abonnements TPG, envois d’argent étaient tous de nature à prouver une présence de relative longue durée en Suisse, à l’inverse des photos au vu de leur relative fiabilité. Quant à l'attestation de l'association C______, elle faisait partie des documents de catégorie B. Par conséquent, les années entre 2010 et 2013 n’étaient pas prouvées à satisfaction de droit.

C. a. Par acte du 28 mars 2022, le requérant a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI).

Il était entré en Suisse pour la première fois en 2010.

Les pièces versées à la procédure attestaient pour le surplus de son indépendance financière complète, de la très longue durée de son séjour en Suisse, de son intégration réussie et de l’impossibilité de sa réintégration en cas de retour au Kosovo où il se retrouverait dans une situation précaire et sans emploi.

b. Le 16 juillet 2022, il a requis l’audition de D______ et de E______. Le premier l’avait accueilli à son arrivée à Genève et la seconde était son ancienne compagne avec laquelle il avait des projets de mariage. Il avait sollicité leur témoignage écrit, sans succès.

c. Par jugement du 16 novembre 2022, le TAPI a rejeté son recours.

Le dossier contenait déjà les éléments utiles lui permettant de statuer en connaissance de cause sur le recours, de sorte qu’il ne se justifiait pas de donner suite à la demande d’audition des deux témoins.

La continuité de son séjour sur le territoire n’était pas démontrée. Il n’avait produit aucune preuve de catégorie A attestant de sa présence entre 2010 et 2013. Quant aux autres preuves fournies, elles démontraient tout au plus quelques mois de présence en Suisse durant les années concernées. Il avait, quoi qu’il en soit, vécu la majeure partie de son existence dans son pays d'origine, notamment son enfance et son adolescence, périodes cruciales pour la formation de la personnalité. À cela s’ajoutait qu’il avait été condamné pénalement pour infraction à la LEI. Enfin, quand bien même son intégration pouvait être qualifiée de bonne sous l'angle
socio-professionnel, elle demeurait néanmoins ordinaire et ne correspondait pas au caractère exceptionnel exigé par la jurisprudence.

D. a. Par acte du 6 janvier 2023, le requérant a formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce que l’OCPM soit invité à soumettre son dossier au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour en sa faveur. À titre préalable, il a sollicité l’audition de D______ et de E______.

b. Par réponse du 6 février 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le requérant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant invoque en premier lieu une violation de son droit d’être entendu et sollicite des auditions.

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite aux offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). L'art. 29 al. 2 Cst. n'exclut pas une appréciation anticipée des preuves. L'autorité peut ainsi refuser une mesure probatoire lorsque celle-ci ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves déjà administrées, qu'elle tient pour acquis (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1).

2.2 En l’espèce, devant le TAPI, le recourant a sollicité l’audition des témoins D______ et E______, expliquant qu’ils n’avaient pas répondu à sa demande de fournir des attestations écrites et que leurs témoignages étaient déterminants pour attester de sa présence continue en Suisse depuis 2010. Dans sa décision, le TAPI a cependant retenu qu’il n’existait aucun droit à ce que des actes d’instruction soient accomplis et que son dossier contenait déjà tous les éléments utiles. Le recourant n’avait au demeurant pas indiqué en quoi en leur audition était nécessaire. Ce raisonnement n’est pas critiquable. Le recourant avait certes expliqué que ces témoignages viendraient appuyer les preuves déjà fournies démontrant sa présence entre 2011 et 2013, E______ étant son ancienne compagne avec qui il avait eu, initialement, un projet de mariage. Or, outre le fait qu’il s’agit uniquement de personnes proches, dont le témoignage ne revêtirait qu’une force probante toute relative, la question de la présence du recourant entre 2011 et 2013 n’est, comme on le verra ci-après, pas décisive (infra consid. 3.6). Le refus d’auditionner les témoins requis par le recourant ne consacre ainsi aucune violation de son droit d’être entendu.

Il n’y a pas non plus lieu, pour les mêmes motifs, de donner suite à ces mêmes demandes d’audition formées par le recourant devant la chambre de céans. La chambre administrative dispose ainsi d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

3.             Le litige porte sur le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM l’autorisation de séjour du recourant.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

3.2 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.3 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

3.4 Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

3.5 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.6 En l’occurrence, l’« opération Papyrus » s’est achevée près de cinq mois avant le dépôt, le 20 mai 2019, de la demande de régularisation du recourant, de sorte que celui-ci ne saurait en bénéficier. Il suit de là que, contrairement à ce qu’il soutient, sa situation ne peut être examinée que sous l’angle du cas de rigueur. Or, en pareille hypothèse, la durée d'un séjour illégal ne doit normalement pas être prise en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte. Le recourant n’a toutefois jamais été au bénéfice d’un titre de séjour, de sorte que l’intégralité de son séjour s’est déroulée dans l’illégalité, voire, depuis sa demande de régularisation du 20 mai 2019, au bénéfice d’une simple tolérance. Ainsi, même à admettre qu’il séjourne en Suisse depuis 2010 – ce qui n’est pas établi –, cet élément ne serait, à lui seul, pas décisif pour l’obtention de son permis de séjour. Il y aurait, en effet, lieu d'examiner si des critères d'évaluation autres que la seule durée du séjour en Suisse seraient de nature à faire admettre qu'un départ de ce pays placerait l'intéressé dans une situation excessivement rigoureuse.

Or, tel n’est pas le cas en l’occurrence. Ainsi que l’a relevé le TAPI, son intégration professionnelle en Suisse ne saurait être qualifiée d’exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée. N’est à cet égard par suffisant le fait qu’il est indépendant financièrement, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes. Quant à son intégration sociale, elle ne saurait être qualifiée de remarquable, étant rappelé qu’il a été condamné pour infraction à la LEI.

S’agissant des possibilités de réintégration du recourant dans son pays d’origine, il y a passé la majeure partie de sa vie, soit toute son enfance, son adolescence, ainsi que le début de sa vie d'adulte. Sa réintégration au Kosovo ne devrait pas poser de problèmes insurmontables, étant précisé que sa mère et son frère y résident encore. Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même il ne peut être nié qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation.

Le recourant ne peut pas non plus tirer de droit de l’art. 8 CEDH. L’arrêt 2C_105/2017 dont il se prévaut, qui traite du droit à la protection de la vie privée, exige des raisons particulières pour refuser de prolonger l’autorisation de séjour après un séjour légal de dix ans, ce qui n’est pas son cas. Si le Tribunal fédéral a certes expressément admis que la reconnaissance finale d’un droit à séjourner en Suisse issu du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pouvait s’imposer même sans séjour légal de dix ans, le requérant devait toutefois attester d’une intégration particulière réussie (ATF 144 I 266 consid. 3.8 et 3.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2022 du 3 mai 2023 consid. 5.3). Or, tel n’est pas le cas du recourant, comme précédemment mentionné.

C’est partant à juste titre que tant l’autorité intimée, qui a correctement appliqué le droit et n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur n’étaient pas remplies.

3.7 Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, il devait prononcer son renvoi. En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Le recourant ne le soutient pas.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 janvier 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Cédric LIAUDET, représentant du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER et Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.