Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3588/2022

ATA/557/2023 du 30.05.2023 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3588/2022-LOGMT ATA/557/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 mai 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ est titulaire d’un contrat de bail à loyer portant sur un appartement de deux pièces sis 12 avenue de B______ à C______, conclu le 24 octobre 2005 pour le 1er janvier 2006. Ce logement n’est pas soumis à la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05).

b. Le contrat accorde au locataire un délai de résiliation du bail de trois mois avant la fin de chaque mois, à l’exception du mois de décembre.

c. À teneur du registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), le recourant était domicilié dans ce logement avec son épouse dès le 15 novembre 2009, puis avec leur premier enfant dès le 5 mars 2011, jusqu’au 15 mars 2015.

B. a. Par contrat conclu le 7 mars 2015, avec effet au 15 mars 2015, le recourant et son épouse sont devenus locataires d’un appartement HLM de quatre pièces sis rue de D______ à C______.

b. Aux termes de ce contrat, ils se sont engagés à ne pas être titulaires d’un autre bail pour un logement situé à Genève lors de leur entrée dans leur futur logement subventionné, selon les termes de la dernière page du formulaire de candidature du 20 février 2015.

c. Le 21 avril 2015, ils ont déposé auprès de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) une demande d’allocation de logement en lien avec leur appartement HLM.

À la page 4 du formulaire qu’ils ont signé, ils se sont à nouveau engagés à ne pas être titulaires d’un autre bail pour un logement situé à Genève lors de leur entrée dans leur logement subventionné.

d. Par décision du 28 avril 2015, renouvelée les 17 mai 2016, 16 mars 2017, 7 mars 2018, 17 mars 2018, 14 mars 2019, 12 mars 2020 et 19 mars 2021, l’OCLPF a accordé au recourant et à son épouse une allocation de logement mensuelle de CHF 278.10 (1er mai 2015 au 31 mars 2016), adapté à CHF 229.35 (1er avril 2016 au 31 janvier 2018) puis à CHF 333.35 (1er février 2018 au 31 mars 2022).

L’interdiction d’être titulaire d’un bail portant sur un second logement apparaît expressément sur le verso de chacune de ces décisions.

e. L’intéressé et son épouse ont précisé à l’OCLPF leurs difficultés à trouver un logement moins cher que leur appartement HLM, sur chacune de leurs demandes de renouvellement d’allocation de logement.

f. Par courrier électronique du 17 mars 2022 à l’OCLPF, A______ a indiqué que la famille avait trouvé un « loyer plus abordable », à savoir un logement sis 12 avenue de B______ et que l’appartement HLM avait été restitué au 15 mars 2022.

g. Le 22 mars 2022, l’OCLPF a invité le recourant et son épouse à lui faire parvenir les pièces nécessaires à la mise à jour de leur dossier, notamment la confirmation par leur ancien bailleur de la fin des rapports contractuels et leur nouveau bail.

h. A______ a fait parvenir copie de l’état des lieux de sortie au 15 mars 2022 du logement HLM ainsi que copie du contrat de bail conclu le 24 octobre 2005 portant sur l’appartement sis 12 avenue de B______ à C______.

C. a. Par décision du 12 mai 2022, l’OCLPF a supprimé avec effet au 1er mars 2022 l’allocation de logement au motif que A______ était titulaire d’un autre bail portant sur un logement situé à Genève en sus de celui de son domicile principal et donc titulaire de deux baux depuis le 15 mars 2015.

b. Par décision du 19 mai 2022, l’OCLPF a réclamé le remboursement de CHF 18'398.30 au titre d’allocations de logement perçues indûment pour la période entre le 1er mai 2017 au 28 février 2022 en raison des deux baux d’habitation dont le recourant était titulaire à Genève.

c. Par courrier du 30 mai 2022, l’intéressé a formé une réclamation avec demande de remise. Il a indiqué qu’il avait été de bonne foi et qu’il ne pouvait pas assumer un tel remboursement, d’autant plus dans la situation difficile que son couple traversait alors.

d. Par courrier du 6 juillet 2022, l’OCLPF a invité A______ et son épouse à lui expliquer les motifs pour lesquels il n’avait pas restitué le logement sis 12 avenue de B______ lors de la prise de possession du logement HLM au
35A rue D______ et avait présenté le bail de celui sis 12 avenue de B______ comme étant un nouveau contrat dans son courriel du 17 mars 2022.

e. Par courrier du 25 juillet 2022, A______ a fait valoir sa bonne foi et son ignorance de son interdiction d’avoir un autre logement. Il avait conservé l’appartement sis 12 avenue de B______ car il avait craint d’être mis à la porte par son épouse avec laquelle il se disputait. La famille y vivait désormais, mais il allait quitter le logement, la situation devenant intenable avec son épouse notamment en lien avec le remboursement réclamé. Il avait fait preuve de maladresse et de méconnaissance lorsqu’il avait indiqué avoir « trouvé un loyer abordable ». La situation était stressante pour lui et le fragilisait.

f. Par décision du 5 octobre 2022, l'OCLPF a rejeté la réclamation du 30 mai 2022. L'art. 7 al. 6 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01) était clair et n'autorisait pas qu'une allocation de logement soit allouée à une personne titulaire d'un second bail ou logement situé dans le canton. Les motifs ayant conduit le recourant à signer l'un ou l'autre bail n'étaient pas pertinents à l'instar des modalités d'occupation des objets considérés.

D. a. Par acte du 31 octobre 2022, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l'annulation de la décision sur réclamation.

Il avait subi un grave accident professionnel et connu de lourdes difficultés dans sa relation avec son épouse, qui l’avaient plongé dans un profond mal-être et l’avaient empêché de gérer sa vie administrative. L’appartement à l’avenue de B______ ne lui avait rien rapporté financièrement et lui avait servi de refuge pour préserver sa santé. Son état psychologique, attesté par son médecin psychiatre, ne lui avait pas permis de réaliser qu’il commettait une infraction.

Il a joint une attestation de son médecin psychiatre, le docteur E______, datée du 28 octobre 2022, selon lequel son patient présentait un trouble psychique qui ne « lui autorisait pas de juger de la portée de ses actes et autres décisions administratives depuis 2017 à nos jours ».

b. L’OCLPF a conclu au rejet du recours.

Le recourant admettait avoir été titulaire d’un contrat de bail portant sur un deuxième logement durant la période litigieuse, du 1er mai 2017 au 28 février 2022, alors qu’il était simultanément locataire d’un logement HLM pour lequel il avait perçu une allocation de logement sur la même période. Le certificat médical dont il se prévalait ne mentionnait pas une incapacité à gérer ses affaires administratives et financières au point qu’une mesure de protection s’imposait ni de son impossibilité à requérir l’aide d’un tiers, mais constatait qu’il disposait de l’entier de ses facultés cognitives. Il ne portait pas non plus sur une période antérieure à l’année 2017. Le recourant avait été en mesure de solliciter une allocation de logement ainsi que son renouvellement, dans les délais et en complétant les formulaires prévus, d’aviser l’autorité de son changement de domicile et de l’inviter à supprimer l’allocation logement qui lui était versée, ce qui démontrait qu’il avait compris le cadre normatif de cette prestation financière. Il avait également fait preuve de diligence en contestant dans le délai légal la décision entreprise et en motivant sa position. Il avait rempli avec son épouse un formulaire de candidature le 20 février 2015 et d’allocation de logement le 21 avril 2015 en s’engageant à ne pas être titulaires d’un autre bail et cette interdiction leur avait été rappelée dans les décisions annuelles d’octroi de l’allocation sans susciter de réaction de leur part, pas même lorsqu’ils indiquaient rechercher un logement moins onéreux. Le recourant s’était en outre expressément référé à une prise de bail d’un nouveau logement le 17 mars 2022 et non à un déménagement dans un logement dont il jouissait depuis des années. Il avait donc pleinement conscience du caractère illicite de la situation.

Il ne pouvait se prévaloir d’aucun motif pertinent justifiant le maintien du contrat de bail du premier appartement, qui aurait pu être restitué sans délai, une fois établi en mars 2015 dans son logement HLM.

Il avait conservé ce logement pour des motifs de convenance personnelle et sa situation n’était pas assimilable aux situations particulières admises par la chambre administrative.

c. Le 30 janvier 2023, le recourant a contesté tous allégués qui ne seraient pas strictement conformes à sa situation mentale et a joint un nouveau certificat médical du Dr E______, du 17 janvier 2023, selon lequel son patient n’était pas apte, dès 2015, à juger de la portée de ses actes et décisions concernant l’administration et autres actes de la vie civile, ni même à demander l’aide de tiers jusqu’à 2021, en raison d’un trouble psychique.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.              

2.1 Un locataire peut être mis au bénéfice d'une allocation de logement si son loyer constitue une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (art. 39A al. 1 LGL). Le locataire d'un immeuble non soumis à la présente loi peut également être mis au bénéfice d'une allocation de logement dans les mêmes conditions, pour autant que le logement qu'il occupe réponde aux normes fixées à l'art. 39B LGL.

2.2 Selon l'art. 39A al. 3 LGL, le Conseil d'État détermine les conditions auxquelles le locataire a droit à une allocation, ainsi que le calcul de celle-ci.

Aux termes de l'art. 22 al. 1 let. b RGL, l'allocation de logement ne peut pas être accordée, entre autres, aux locataires qui ne respectent pas les conditions d'occupation du logement telles que fixées à l'art. 31B LGL, notamment ne respectent pas le taux d'occupation de leur logement fixé à l'art. 7 al. 2 RGL
(sous-occupation) ou qui sous-louent tout ou partie de leur logement (conformément à l'art. 5 al. 3 RGL).

L'art. 7 RGL définit l'occupation des logements. L'art. 7 al. 6 RGL prévoit notamment que le locataire et toute autre personne occupant le logement ne doivent être titulaires d’aucun bail pour un logement situé dans le canton autre que celui de leur domicile principal.

L'art. 22 RGL fait expressément mention du respect des conditions d'occupation du logement. Il renvoie en conséquence à l'art. 7 RGL. Ainsi, la mention de l'al. 2 de l'art. 7 RGL est exemplative et n'exclut pas l'application de l'al. 6 (ATA/355/2017 du 28 mars 2017 consid. 3).

2.3 Le locataire ayant reçu indûment une subvention personnalisée doit la restituer dans les trente jours dès la notification de la décision du service compétent (art. 20H RGL). Le service compétent peut requérir du locataire la restitution de surtaxes impayées ou de prestations indûment touchées dans un délai de cinq ans (art. 34C RGL).

2.4 Le Tribunal administratif, devenu depuis lors la chambre administrative, a déjà jugé de longue date qu'il n'était pas admissible qu'une personne bénéficie d'une allocation de logement alors qu'elle disposait d'un deuxième appartement pour des motifs de pure convenance personnelle (ATA/786/2001 du 27 novembre 2001 consid. 3 ; ATA M. du 1er décembre 1998).

Il a toutefois admis l'occupation d'un deuxième appartement lorsqu'il constituait une extension du domicile principal, le premier logement étant manifestement trop petit compte tenu du nombre de personnes qui l'occupaient (ATA/9/2001 du 9 janvier 2001) ou lorsque le locataire se trouvait très provisoirement titulaire de deux baux dans le but de procéder à un échange pour se rendre dans un logement moins onéreux (ATA V. du 8 juin 1999 ; ATA S. du 19 février 1997).

Depuis lors, la chambre administrative a récemment encore confirmé une décision de l’OCLPF condamnant une locataire au remboursement de l'allocation de logement perçue, au motif que cette dernière était titulaire d'un deuxième bail à loyer. Le fait que le second appartement ait été laissé à disposition d'un ami pour lui rendre service était sans incidence (ATA/355/2017 précité).

3.             En l’espèce, au moment du dépôt de sa requête auprès de l'OCLPF, le recourant était titulaire d’un autre bail à loyer, portant sur l’appartement sis 12, avenue de
B______ à C______, ce qu'il ne conteste pas. Il ne conteste pas non plus qu’il n’a à aucun moment signalé l’existence de ce contrat à l’OCLPF, que ce soit lors de sa demande d’allocation de logement ou dans les années suivantes, à chaque renouvellement de celle-ci. Il ne soutient pas qu’il aurait essayé à un moment ou à un autre de se départir de ce bail. Il a ainsi fait le choix de ne pas le résilier lorsque le logement HLM bénéficiant de l’allocation de logement lui a été octroyé, ni de le résilier ultérieurement alors que rien dans le contrat ne s’y opposait. Il a poursuivi cette location, en la taisant à l’OCLPF pendant plusieurs années, y compris lorsqu’il indiquait rechercher un logement moins onéreux, et s’est même permis d’indiquer y avoir déménagé en mars 2022, prétendant avoir trouvé un loyer plus abordable. Il ne prétend pas non plus que le logement HLM était trop petit pour la famille, mais il allègue qu’il aurait servi de « refuge » en cas de dispute avec son épouse ou pour le cas où elle lui aurait demandé de quitter le domicile conjugal, motifs qui ne répondent pas à l’exception citée plus haut.

Les certificats médicaux qu’il produit ne lui sont d’aucune utilité, l’état de santé allégué étant manifestement contredit par les autres pièces du dossier, notamment les courriers circonstanciés que le recourant a fait parvenir à l’autorité intimée, qu’il s’agisse de la demande d’allocation de logement, l’information de la naissance de son second enfant, les formulaires de renouvellement dûment remplis, l’information du déménagement et la réclamation qu’il a rédigée, autant de documents pour lesquels il n’allègue pas avoir dû bénéficier d’une aide extérieure. À cela s’ajoute qu’à suivre les attestations de son médecin psychiatre, la question de la portée des actes juridiques du recourant devrait se poser, y compris dans la présente procédure, de même que de s’interroger sur un signalement de sa situation à l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant, en vue d’un éventuel prononcé de mesures de protection, dont une ou des mesures de curatelle, signalement qui pouvait être envisagé par ledit médecin en application de l’art. 443 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), si son trouble psychique avait été si profond.

Quant aux circonstances personnelles, physiques ou relationnelles, auxquelles le recourant se réfère, elles ne justifient en rien que le recourant n’ait pas indiqué l’existence du bail sur l’appartement avenue de B______ et ait en définitive pu bénéficier d’une allocation de logement sur un appartement HLM tout en conservant un autre bail, dont on ignore avec quels deniers il a pu s’acquitter du loyer.

4.             Il résulte de ce qui précède que la décision sur réclamation attaquée est conforme au droit. Le recours sera rejeté.

5.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2022 par A______ contre la décision sur réclamation de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du  5 octobre 2022;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :