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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1696/2022

ATA/528/2023 du 23.05.2023 sur JTAPI/1138/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1696/2022-PE ATA/528/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mai 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Pedro DA SILVA NEVES, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 octobre 2022 (JTAPI/1138/2022)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après également : le requérant), ressortissant brésilien né le ______ 1988, est le père de B______, née le ______ 2019 à Genève de son union avec C______, ressortissante brésilienne née au Brésil le ______ 1991 et titulaire d’une autorisation de séjour en France.

Les parents de C______, soit sa mère, D______, et son père adoptif, E______, sont tous deux ressortissants suisses.

b. En mai 2009, A______ a sollicité et obtenu de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une autorisation de séjour pour suivre des cours de français auprès de l’école LFMP à Genève, laquelle a été renouvelée jusqu’au 30 juin 2011.

En avril 2010, après avoir passé les examens requis, A______ a atteint le niveau B2 en français, à l’écrit et à l’oral.

Le 20 août 2010, l’école LFMP a informé l’OCPM que l’intéressé ne faisait plus partie de ses étudiants à compter de cette date.

Une enquête menée par l’OCPM en novembre 2010 n’a pas permis de le localiser.

c. Le 16 février 2021, A______ a été appréhendé par le Corps des gardes-frontière.

Par ordonnance pénale du même jour, il a été condamné par le Ministère public
(ci-après : MP) à une peine pécuniaire de 80 jours-amende avec sursis, ainsi qu’à une amende de CHF 1'120.- pour conduite sans permis, séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation.

B. a. Par pli du 11 juin 2021 adressé à l’OCPM, A______ a sollicité une autorisation de séjour pour cas de rigueur, subsidiairement son admission provisoire.

Il résidait en Suisse depuis plus de douze ans, ce qui constituait une durée de séjour très importante. Il faisait certes l’objet d’une procédure pénale, du fait de son séjour illégal, mais les infractions à la législation sur les étrangers ne devaient pas être prises en considération. Pour le surplus, il respectait l’ordre juridique et les valeurs de la Constitution.

Dès son arrivée en Suisse, il avait occupé un emploi et suivi des cours de français, puis une formation de coiffeur. Il avait ainsi démontré sa participation à la vie économique. À ce jour, il était épanoui dans sa profession de coiffeur. Il pourvoyait à ses besoins, ainsi qu’à ceux de sa fille. Il n’avait jamais sollicité l’aide sociale et bénéficiait d’un contrat de durée indéterminée. Il avait tissé de nombreux liens d’amitié au sein de la communauté genevoise.

Depuis quelques semaines, il rencontrait des difficultés dans sa relation avec sa compagne, qui était provisoirement retournée vivre chez ses parents en France.

Sa compagne et lui s’occupaient conjointement de leur fille. Il pourvoyait à son entretien et la considérait comme le centre de sa vie. En revanche, même si ses parents retraités résidaient au Brésil, il avait perdu tous liens avec son pays d’origine, puisqu’il habitait depuis douze ans en Suisse. En cas de renvoi, il serait voué à travailler sans diplôme au Brésil, pays dont il ne connaissait plus les us et coutumes.

Le centre de ses intérêts se trouvait auprès de sa famille, de son activité professionnelle et de son cercle d’amis. En conséquence, il remplissait toutes les conditions pour obtenir une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Subsidiairement, il a sollicité son admission provisoire, au motif que son renvoi était inexigible. Un renvoi enfreindrait son droit au respect de la vie privée et familiale. Enfin, le séparer de sa fille porterait atteinte au bon développement de celle-ci et contreviendrait à son intérêt supérieur.

À l’appui de sa demande, il a produit une attestation de E______ datée du 6 juin 2021 confirmant qu’il était en couple avec la fille de ce dernier et qu’il vivait à Genève depuis 2010, et notamment durant les années 2012 à 2013, période durant laquelle il avait été hébergé par les parents de sa compagne à la rue F______ à Genève.

b. Par courriel du 14 septembre 2021, l’OCPM a demandé à A______ de lui fournir des informations et des pièces complémentaires, notamment des preuves de son séjour en Suisse pour les années 2013 et 2016. Il devait également lui indiquer quel était le statut de sa compagne, ainsi que celui de leur fille.

c. Le 13 octobre 2021, l’intéressé a expliqué que sa compagne était revenue vivre à ses côtés, à Genève, en juin 2021. Bien qu’elle entendait à terme se domicilier à Genève, elle procédait à des démarches en France en vue d’y régulariser sa situation.

S’agissant de sa présence en Suisse au cours des années 2013 à 2016, il avait déjà transmis une attestation de E______. Il a également produit un contrat de services internet, réseau fixe et TV conclu avec SUNRISE COMMUNICATIONS AG (ci-après : SUNRISE) le 21 octobre 2016, prouvant qu’il résidait en Suisse durant cette époque.

d. Par courriel du 3 novembre 2021, l’OCPM a rappelé à l’intéressé le genre et le nombre de preuves par année qu’il devait produire pour justifier sa présence en Suisse (catégorie A ou B). Le contrat conclu avec SUNRISE démontrait son séjour en Suisse en 2016. Tel n’était en revanche pas le cas de l’attestation de son logeur pour les années 2012 et 2013. Un délai lui a été accordé pour produire des justificatifs de séjour pour ces deux années.

e. Par courriel du 3 novembre 2021, l’Hospice général a informé l’OCPM que A______ n’était pas connu de cette institution.

f. Le 24 novembre 2021, A______ a transmis à l’OCPM des témoignages écrits relatifs à sa présence en Suisse.

g. Les 18 janvier et 3 mars 2022, l’OCPM a fait part à l’intéressé de son intention de rejeter sa requête. Un délai lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

h. Les 4 et 30 mars 2022, A______ s’est déterminé et a sollicité l’audition de l’un de ses anciens employeurs, G______, qui pourrait attester de sa présence en Suisse en 2012 et 2013.

i. Par décision du 21 avril 2022, l’OCPM a refusé de soumettre au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) avec un prévis favorable le dossier de l’intéressé, afin que cette autorité lui délivre une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il a également prononcé son renvoi de Suisse.

A______ n’avait pas été en mesure de valider dix années de séjour consécutives en Suisse. Les preuves de séjour qu’il avait remises pour les années 2012 et 2013 demeuraient insuffisantes. Les lettres de soutien, l’attestation de travail signée par D______, l’état de ses comptes auprès de la Banque cantonale de Genève, ainsi que la déclaration de H______ n’étaient pas valides. Sa condamnation pénale constituait certes un fait isolé, mais elle faisait partie des éléments plaidant en sa défaveur, qui devait être relevé.

Par ailleurs, il n’invoquait pas, ni ne démontrait l’existence d’obstacles à son renvoi et le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution de son renvoi se révélait impossible, illicite ou inexigible.

Sa fille, âgée de deux ans, n’était pas encore scolarisée, de sorte que son intégration en Suisse n’était pas encore déterminante. C______ étant titulaire d’une autorisation de séjour en France, il lui appartenait d’entreprendre les démarches nécessaires pour que son conjoint puisse vivre avec elle. La vie familiale pouvait également être menée au Brésil.

C. a. Par acte du 24 mai 2022, A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) en sollicitant, préalablement, sa comparution personnelle, ainsi que l’audition de E______, G______ et I______. Il a repris, en les développant, les arguments exposés dans ses précédentes écritures.

b. Par jugement du 31 octobre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Le requérant ne résidait à Genève de manière ininterrompue que depuis 2014. Même s’il avait toujours travaillé de sorte à subvenir à ses besoins, il ne pouvait, quoi qu’il en dise, se prévaloir d’une ascension exceptionnelle, ni de l’acquisition de connaissances à ce point spécifiques qu’il ne puisse les utiliser au Brésil.

Rien ne l’empêchait d’exercer sa profession de coiffeur dans son pays d’origine. Il perdrait certes son réseau de clientèle et disposerait de moins de perspectives professionnelles qu’en Suisse. Toutefois, il ne démontrait pas que ses difficultés seraient plus graves pour lui que pour n'importe lequel de ses concitoyens qui se retrouverait dans une situation similaire. Arrivé en Suisse en 2009, soit à l’âge de 21 ans, l’intéressé avait passé au Brésil toute son enfance et surtout son adolescence, période cruciale pour la formation de la personnalité. Il y était par ailleurs retourné entre 2010 et 2011 et, au cours des dix dernières années, pour y passer des vacances. Il était dès lors douteux qu’il ait perdu toute connaissance des us et coutumes brésiliens.

Sous l’angle de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il n’avait, depuis 2014, jamais bénéficié d’un titre de séjour et ne pouvait se prévaloir d’une forte intégration. Il ne pouvait non plus tirer aucun avantage de cette disposition conventionnelle aux fins de mener une vie familiale auprès de sa fille B______, ni même de sa compagne – avec laquelle il n’était pas marié – car aucune d’elles ne disposaient d’un droit de résider durablement en Suisse. Au demeurant, il ne ressortait pas des pièces du dossier que l’intéressé et la mère de B______ avaient effectué une déclaration commune au sens de l’art. 298a al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Dès lors, l’enfant était soumise à l’autorité parentale exclusive de sa mère (art. 298a al. 5 CC).

D. a. Par acte du 1er décembre 2022, le requérant a formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’octroi d’un permis de séjour en sa faveur. Préalablement, il a invité la chambre administrative à constater la valeur probante des déclarations de J______, K______, I______, L______ et M______. Subsidiairement, il sollicitait leur audition, ainsi que celle de E______.

Le TAPI avait violé son droit d’être entendu en n’ordonnant pas les auditions sollicitées alors qu’il considérait que les lettres de soutien n’avaient pas de valeur probante. Un tel procédé violait également l’art. 27 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10). Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, l’attestation de E______ n’avait pas été rédigée consécutivement à une demande de renseignements de l’OCPM, puisqu’elle avait été produite à l’appui de sa demande de régularisation.

La cousine de sa mère, et le fils de celle-là, vivaient à Genève. Il entretenait une relation très proche avec eux, sa relation étant « quasi fraternelle » avec son petit cousin. Il vivait encore en concubinage avec C______ et leur relation durait depuis treize ans. Elle n’avait toutefois pas abouti à un mariage, car ils n’accordaient pas d’importance à cette institution. En 2011, après un séjour de quelques mois au Brésil, il avait décidé de s’installer définitivement à Genève avec sa compagne et son cousin. Depuis février 2022, il exploitait un salon de coiffure, ce qui lui permettait de pourvoir aux besoins de sa fille.

Il a notamment produit trois nouvelles attestations, soit de E______, K______ et L______.

b. Par réponse du 3 janvier 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours. La fille du recourant n’était titulaire d’aucun titre de séjour. L’intéressé ne se trouvait par ailleurs pas dans un rapport de dépendance avec son cousin.

c. Le 24 janvier 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions. Le séjour ininterrompu depuis 2011 constituait l’élément central lui permettant l’octroi d’un permis de séjour. Or, si les attestations « sur l’honneur » ne suffisaient pas à le démontrer, il convenait d’entendre les différents témoins.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Le recourant invoque en premier lieu une violation de son droit d’être entendu et sollicite des auditions.

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite aux offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). L'art. 29 al. 2 Cst. n'exclut pas une appréciation anticipée des preuves. L'autorité peut ainsi refuser une mesure probatoire lorsque celle-ci ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves déjà administrées, qu'elle tient pour acquis (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1).

2.2 Selon l’art. 27 LPA, l’autorité peut recueillir des renseignements écrits auprès de particuliers non parties à la procédure, ainsi que demander la production des pièces qu’ils détiennent (al. 1). Elle décide librement si ces renseignements ont valeur de preuve ou s’ils doivent être confirmés par témoignage (al. 2).

2.3 En l’espèce, les témoins J______, K______, I______, L______, M______ et E______ ont tous établi des attestations qui ont été versées à la procédure. Devant le TAPI, le recourant a expliqué que leur témoignage était déterminant pour attester de sa présence continue en Suisse depuis 2011, en particulier durant les années 2012 et 2013. Dans sa décision, le TAPI a cependant retenu que ces témoignages devaient être pris avec circonspection étant donné qu’ils avaient tous été rédigés consécutivement à une demande de renseignements de l’OCPM. Ainsi, compte tenu du motif avancé par la juridiction précédente pour atténuer la valeur probante de ces pièces, force est d’admettre que les auditions sollicitées n’auraient pas permis d’apporter d’éléments pertinents supplémentaires, le recourant n’ayant du reste pas expliqué en quoi celle-ci étaient nécessaires. Le refus d’auditionner les témoins requis par le recourant ne consacre ainsi aucune violation de son droit d’être entendu. Le TAPI était par ailleurs fondé, en application de la libre appréciation des preuves garanti par l’art. 27 al. 2 LPA, de se fonder sur les seuls renseignements écrits.

Il n’y a pas non plus lieu de donner suite aux demandes d’audition formées par le recourant devant la chambre de céans. Outre que les déclarations écrites des témoins sollicités figurent déjà au dossier, sans que le recourant n’expose en quoi leur audition apporterait des éléments supplémentaires pertinents, la question de la présence du recourant en 2012 et 2013 n’est, comme on le verra ci-après, pas décisive (infra consid. 3.5). La chambre administrative dispose ainsi d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

3.             Le litige porte sur le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM l’autorisation de séjour du recourant.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

3.2 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.3 Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1).

Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2).

Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH n'est toutefois pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible selon l'art. 8 § 2 CEDH, pour autant qu'elle soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le refus de prolonger une autorisation de séjour ou d'établissement fondé sur l'art. 8 § 2 CEDH suppose une pesée des intérêts en présence et l'examen de la proportionnalité de la mesure (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 135 II 377 consid. 4.3). L’examen de la proportionnalité sous l’angle de l’art. 8 § 2 CEDH se confond avec celui imposé par l’art. 96 LEI, lequel prévoit que les autorités compétentes doivent tenir compte, dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que ceux de son degré d'intégration (arrêts du Tribunal fédéral 2C_419/2014 du 13 janvier 2015 consid. 4.3 ; 2C_1125/2012 du 5 novembre 2013 consid. 3.1 ; ATA/519/2017 du 9 mai 2017 consid. 10d).

3.4 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.5 En l’espèce, l’intéressé se prévaut principalement de sa longue durée de séjour en Suisse, qui, selon ses dires, remonterait à 2011.

Dans le jugement entrepris, le TAPI a retenu que le recourant ne résidait à Genève de manière ininterrompue que depuis 2014. Aucune fiche de salaire ne venait étayer ses dires selon lesquels il avait travaillé en Suisse de 2011 à 2013. Quant aux attestations de proches, elles devaient être prises avec circonspection, étant donné qu’elles avaient toutes été rédigées consécutivement à une demande de renseignements de l’OCPM. Il ressort certes du dossier que, contrairement à ce qu’a retenu le TAPI, les attestations de E______ ont été établies avant sa demande de régularisation. Il n’en reste pas moins que ces attestations ont été rédigées par le père de sa compagne, de sorte que leur valeur probante doit être relativisée, compte tenu de leur lien de proximité. Les autres pièces versées au dossier ne suffisent pas à démontrer un séjour en 2012 et 2013. Il résulte en particulier du relevé des Transports publics genevois (TPG) que les abonnements mensuels ont cessé en mars 2011 pour reprendre en août 2014. Quant aux lettres de soutien versées au dossier, elles proviennent toutes de personnes proches du recourant et ont été établies après sa demande de régularisation.

Quoi qu’il en soit, et contrairement à ce que soutient le recourant dans sa réplique, cet élément n’est pas, à lui seul, décisif pour l’obtention de son permis de séjour. S’il y a certes lieu d’admettre qu’un séjour en Suisse de douze ans doit être qualifié comme étant de longue durée, force est de constater qu’hormis un séjour linguistique de quelques mois entre 2009 et 2010, l’intégralité de son séjour s’est déroulée dans l’illégalité, voire, depuis sa demande de régularisation du 11 juin 2021, au bénéfice d’une simple tolérance. Or, conformément à la jurisprudence précitée, la durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte.

Le recourant ne saurait dès lors tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission. Il se trouve en effet dans une situation comparable à celle de nombreux étrangers qui sont appelés à quitter la Suisse au terme d'un séjour autorisé ou non et qui, ne bénéficiant d'aucun traitement particulier, restent soumis aux conditions d'admission. Cela étant, il y a lieu d'examiner si des critères d'évaluation autres que la seule durée du séjour en Suisse seraient de nature à faire admettre qu'un départ de ce pays placerait l'intéressé dans une situation excessivement rigoureuse.

En l’occurrence, s’agissant de son intégration professionnelle en Suisse, elle ne saurait être qualifiée d’exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée. Il ressort de son extrait de compte individuel qu’il a travaillé dans le domaine de la coiffure depuis 2018. Il n’apparaît ainsi pas que ses connaissances ou qualifications professionnelles soient à ce point spécifiques à la Suisse qu’il ne pourrait les mettre à profit dans son pays d’origine. S’il est certes indépendant financièrement, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio-professionnelle particulièrement réussie.

Quant à son intégration sociale, elle ne saurait être qualifiée de remarquable. Il maitrise certes le français, ayant atteint en 2010 le niveau B2 à l’écrit et à l’oral. Son comportement ne saurait, toutefois, être qualifié d’irréprochable, puisqu’il a été condamné en février 2021 pour conduite sans permis, séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation. Ainsi que l’a relevé le TAPI, si les infractions de séjour illégal et d’exercice d’une activité lucrative sans autorisation doivent être relativisées puisqu’elles sont inhérentes à son statut de clandestin, tel n’est pas le cas de la conduite sans permis.

S’agissant des possibilités de réintégration du recourant dans son pays d’origine, il y a passé la majeure partie de sa vie, soit toute son enfance, son adolescence, ainsi que le début de sa vie d'adulte. Il devra certes se reconstituer une clientèle ; il pourra cependant mettre à profit l’expérience tant professionnelle que linguistique acquise en Suisse. Sa fille, âgée de trois ans, n’étant pas encore scolarisée à Genève, son réintégration au Brésil ne devrait pas poser de problèmes insurmontables, étant précisé que la compagne du recourant est également brésilienne et qu’il n’apparaît pas, à teneur du dossier, qu’elle disposerait d’un droit de séjour en Suisse. Il dispose enfin toujours d’une famille au Brésil puisque ses parents y résident encore, et cela même s’il indique n’entretenir quasiment plus de contacts avec eux. Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même il ne peut être nié qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur du recourant, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

3.6 Le recourant ne peut pas non plus tirer de droit de l’art. 8 CEDH. Ainsi que l’a retenu le TAPI, et sans que cet élément n’ait été contesté devant la chambre de céans, sa fille B______ ne dispose d’aucun droit de résider durablement en Suisse. Quant à sa relation « fraternelle » avec son petit cousin, et sans minimiser l’importance de leur lien, force est de relever que les relations visées par l’art. 8 CEDH concernent en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1). Le recourant ne se prévaut, au demeurant, d'aucun lien de dépendance entre eux. Le soutien qu’il aurait apporté à son cousin, interné en 2013 en raison d’un burnout, ne suffit, en tous les cas, pas pour rendre sa présence en Suisse nécessaire, ce que l'intéressé ne prétend d'ailleurs pas. 

C’est partant à juste titre que tant l’autorité intimée, qui n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour n’étaient pas remplies.

3.7 Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, il devait prononcer son renvoi. En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Le recourant ne le soutient pas.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er décembre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 octobre 2022 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pedro DA SILVA NEVES, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine Payot Zen-Ruffinen, présidente, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.