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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/39/2023

ATA/481/2023 du 09.05.2023 ( LIPAD ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.06.2023, rendu le 18.12.2023, REJETE, 1C_291/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/39/2023-LIPAD ATA/481/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 mai 2023

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

COMMISSION DE GESTION DU POUVOIR JUDICIAIRE intimée



EN FAIT

A. Par décision du 9 décembre 2022, la commission de gestion du pouvoir judiciaire de la République et canton de Genève (ci-après : la commission de gestion), sous la plume de son président a refusé d’accéder à la demande d’A______, née le ______1943, et B______, né le ______1929 (ci-après : les époux) de consultation des « codicilles et documents originaux manuscrits, et non pas les copies certifiées conformes, en rapport avec la succession de C______, dite C______, décédée le ______1996 ».

Les délais de protection n’étaient pas échus, de sorte que le dossier n’était pas consultable, sauf si les époux pouvaient justifier d’un intérêt prépondérant. Or, ils expliquaient qu’ils agissaient en qualité d’amis de parents de la défunte et de représentants de nombreux membres de la famille D______ de Genève. Les nombreux documents en leur possession pourraient faire aboutir une action en nullité contre le défenseur de mauvaise foi au vu des nombreuses irrégularités de certaines procédures qui n’avaient pas été réalisées dans les règles de l’art. Les documents sollicités leur seraient utiles au motif que la fortune de C______ dépassait les CHF 25'000'000.- et que « le notaire impliqué dans la succession était tout d’abord le notaire des époux AB______, puis [était] devenu l’exécuteur testamentaire pour les possessions personnelles de C______, ainsi que membre, puis secrétaire de la Fondation E______ (ci-après : la fondation). Une triple casquette qui s[emait] évidemment le doute quant à la bonne exécution des dernières volontés de la défunte ». 

Les époux avaient déjà entrepris en 2002, auprès de la Justice de paix, de nombreuses démarches pour obtenir une copie du dossier de la succession de la défunte. Cette demande n’avait toutefois pas abouti. Ils ne fournissaient aucun élément nouveau permettant d’autoriser la consultation des documents dont l’accès leur avait déjà été refusé. Les époux se contentaient de relever dans leur plus récent courrier qu’ils détenaient de nombreux documents démontrant de nombreuses irrégularités et prouvant que certaines procédures n’avaient pas été réalisées dans les règles de l’art. Ils n’apportaient toutefois pas le moindre élément probant permettant de démontrer que l’action en nullité contre le défenseur de mauvaise foi pourrait aboutir. Les éléments exposés dans ledit courrier ne suffisaient pas pour conclure à l’existence d’un intérêt prépondérant qui autoriserait à transmettre des informations relatives à des tiers.

B. a. Les époux ont, le 6 janvier 2023, adressé un courrier recommandé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) se référant à la « décision d’Olivier JORNOT [ ] reçue le 14 décembre 2022 ».

b. Le 16 janvier 2023, ils ont expédié un « recours dans les délais légaux de 30 jours » annulant et remplaçant celui du 6 janvier 2023.

C’était à tort que la commission de gestion prétendait qu’il n’y avait aucun élément nouveau dans leur démarche. Ils n’avaient pas été déboutés, puisqu’il n’y avait jamais eu de procès. La commission de gestion retenait qu’ils n’avaient pas produit de preuve, alors même qu’elle ne leur en avait pas demandé la production.

L’intérêt privé prépondérant était dû à leur lien familial « en tant que AB______ ». Ils étaient les plus proches parents de la défunte, avec laquelle ils s’entendaient très bien. Sous le titre « Moyens de preuve », ils ont relevé que la modification des statuts de la fondation n’avait pas respecté l’exigence de l’acte authentique. Elle reposait uniquement sur des statuts raturés et tronqués par le notaire en charge de sa création. Or, F______ avait, dans un courrier du 17 mars 1982, confirmé que « la Fondation E______ avait été constituée dans le but de sauvegarder la propriété de [s]es clients sise à G______, afin que cette grande parcelle échappe au morcellement [ ] les époux AB______ [avaient] l’intention de laisser la plus grande partie de leur fortune à la fondation », mais pas toute leur fortune. Le codicille manuscrit que la fondatrice, C______, veuve, avait rédigé le 14 mars 1984 pour sa fondation, dans lequel elle précisait « le comité ne peut en aucun cas changer les statuts ni les directives données par la testamentaire, ni traduites ou expliquées dans un sens différent de ce qui est nettement exprimé. La testamentaire est en ceci complètement en accord avec les directives que lui a laissées son époux le Dr H______ [ci-après : H______]. Ces directives doivent être respectées absolument ».

La forme authentique était une obligation à laquelle les notaires étaient soumis afin de garantir l’impératif d’impartialité. La modification irrégulière des buts réels de la fondation posait donc un problème de véracité et de fiabilité, car l’acte authentique faisait foi pour les registres publics. La fortune de la défunte dépassant les CHF 24'000'000.- et la propriété I______ de G______, que les fondateurs voulaient sauvegarder mesurant 35’000 m2 et abritant d’importantes colonies de chauves-souris, de même que de très rares crapauds sonneurs à ventre jaune, correspondaient à l’importance de la valeur en jeu telle qu’exigée pour le bon fonctionnement notamment du registre foncier. Ce dernier devait disposer de pièces justificatives qualitativement irréfutables, faute de quoi il était tenu de « débouter les déclarations déposées ». Le non-respect de l’acte authentique au moment de la modification des statuts de la fondation était un élément probant, « car il demeur[ait] un vice de forme qui remet[tait] en question la fiabilité des actes notariés ». Cela devait convaincre la chambre administrative de l’importance d’une transparence sans failles de la part des services de l’État.

La décision de la commission de gestion du 9 décembre 2022 devait être annulée et ils devaient être autorisés à consulter tous les codicilles et documents originaux manuscrits demandés, non pas les copies certifiées conformes, en rapport avec la succession de C______, notamment le codicille manuscrit de la rue J______ à Genève, bien immobilier qu’elle leur avait acheté en 1993.

Les époux ont produit treize pièces à l’appui de cette écriture. Figurent également au dossier les trois pièces annexées à leur acte du 6 janvier 2023 précité.

c. La commission de gestion a conclu, le 23 février 2023, au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Elle est revenue sur les échanges d’écritures entre A______ et la justice de paix en 2002 et son issue, à savoir une décision du 3 juin 2003 confirmant que l’accès aux documents sollicités était refusé et mentionnant les voies de droit. Elle n’avait pas recouru contre cette décision. Celle-ci rappelait que dans la mesure où A______ avait pu produire 36 pièces en médiation, elle était déjà en possession des informations utiles pour l’éventuelle défense de ses droits devant l’autorité compétente. En outre, elle s’était vue remettre par l’exécuteur testamentaire une copie de l’entier d’un codicille, alors même qu’un légataire, étant précisé qu’il n’était pas établi qu’elle l’était, ne pouvait recevoir qu’une copie des dispositions le concernant. Cette décision n’avait pas été contestée par A______.

Les époux avaient indiqué à la base de leur demande d’accès du 15 décembre 2021 « éventuelle action en nullité des dispositions du défunt qui se prescrit sous 30 ans contre les défenseurs de mauvaise foi au sens de 519 et 521 al. 2 et 3 CC », évoquant en complément, le 4 août 2022, la triple casquette du notaire qui selon eux semait le doute quant à la bonne exécution des dernières volontés de la défunte.

La demande d’accès des époux était peu précise, en particulier s’agissant du « codicille original de la rue J______ à Genève ». Les informations données ne lui permettaient pas de trouver les documents correspondants dans le dossier de la succession de la défunte. Elle avait par conséquent analysé la demande comme une demande d’accès aux testaments et avenants originaux, contenus dans le dossier de la succession. Or, ce dossier était toujours soumis au délai de protection de l’art. 12 al. 4 de la loi sur les archives publiques du 1er décembre 2000 (LArch - B 2 15), de sorte que sa consultation ne pouvait intervenir par des tiers qu’après une pesée des intérêts en présence.

Ils se prévalaient d’un lien de famille avec la défunte mais n’avaient jamais apporté le moindre élément le prouvant. Il ressortait des pièces produites qu’ils n’en étaient ni héritiers légaux ni institués. Ils devaient ainsi être considérés comme des tiers. Par conséquent, leur éventuel lien de parenté avec la défunte ne leur permettait pas d’obtenir une copie des dispositions testamentaires ni de consulter les dispositions pour cause de mort de cette dernière.

La modification des statuts de la fondation l’avait été selon les modalités prévues à l’art. 1A du règlement d’exécution de la loi sur le notariat du 11 décembre 1989 (RNot - E 6 05.01). Ces statuts avaient de plus été établis en 1981, soit quinze ans avant le décès de C______, le 22 avril 1996, de sorte que les arguments soulevés n’avaient aucun lien avec le décès. Il en allait de même des documents datant de 1982 et 1984 qui démontreraient que les actes du notaire ne seraient pas fiables. Ainsi, de toute évidence, les recourants n’apportaient aucun élément probant nouveau permettant de démontrer leur intérêt prépondérant à consulter les documents sollicités. Ils ne démontraient en outre ni ne rendaient vraisemblable que l’action en annulation des dispositions pour cause de mort de la défunte pourrait aboutir en raison de leur contenu illicite ou immoral, ou de l’incapacité de leur auteur.

Au terme de la pesée des intérêts, il convenait de leur refuser l’accès aux codicilles et documents originaux de la succession de la défunte.

d. Dans un courrier du 13 mars 2023, les époux ont maintenu leur « amendement du 16 janvier 2023 ». De plus, ils demandaient où avait été enregistré le décès de leur petit-cousin H______, survenu le 16 octobre 1982 à G______, juste après que son épouse eut été victime d’un très grave accident de la circulation et hospitalisée aux Hôpitaux universitaires de Genève. Ce décès n’apparaissait ni aux archives d’État, ni au registre d’avertissement en matière de succession à G______, ni sur les microfiches de l’état civil portant sur les années 1980 – 1985. Ils demandaient des éclaircissements au sujet de cet enregistrement et l’accès aux documents manuscrits de H______ les concernant.

Ils ont joint à cet écrit une liste d’annexes concernant « deux lots de justificatifs » (comportant plusieurs centaines de pages), classés par ordre chronologique et par thèmes, à savoir les liens familiaux et les bonnes relations familiales entretenues avec les défunts C______et H______, la Fondation E______, l’immeuble de la rue J______, « les anomalies dans l’exécution des volontés de la défunte depuis son décès jusqu’à la vente aux enchères du 11 février 1997 », et le legs «  Madame A______» notifié le 18 mars 1997 par la « JP ».

e. Après que les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, les époux ont déposé le 21 mars 2023 un document dactylographié de douze pages, annulant la courrier « liste d’annexes du 13 mars 2023 », qu’il remplaçait par une nouvelle liste et rectifiant quelques imprécisions.

Ils souhaitaient savoir pour quel motif le décès de H______, avait été enregistré à K______, sa commune d’origine, sous trois prénoms italiens, alors qu’il n’était pas italien et avait de la parenté allemande, sa femme ayant quant à elle des origines zurichoises. Ils voulaient savoir qui avait demandé l’inscription. Il ne pouvait s’agir de son épouse, alors hospitalisée, des suites de son grave accident. Ils souhaitaient « recevoir toutes les informations que vous pourriez avoir sur notre petit cousin nous concernant », notamment tous les actes, codicilles et documents manuscrits originaux déposés chez le notaire, relatifs à la succession de leurs petits cousins.

f. Le 25 avril 2023, à la demande de la juge déléguée, la commission de gestion a apporté des précisions sur la manière dont elle avait calculé le dies a quo des délais de protection de l’art. 12 al. 3 et 4 LArch.

g. Les parties ont été informées, le 25 avril 2023, que la cause était gardée à juger.

h. La teneur des pièces figurant au dossier sera pour le surplus reprise ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             L’objet du litige est la décision de la commission de gestion du 9 décembre 2022 refusant aux recourants l’accès à des documents en rapport avec la succession d’une femme (ci-après : la défunte), décédée le 22 avril 1996 à Genève, dont ils disent être les petits cousins.

Ainsi, les conclusions articulées par les recourants les 13 et 21 mars 2023, tendant à obtenir des informations en lien avec le décès de l’époux de la défunte, sont irrecevables, car sans rapport avec l’objet du litige.

3.             3.1 La loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) régit l'information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Elle s'applique notamment aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire cantonaux ainsi qu'à leurs administrations et aux commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. a LIPAD). Selon l'art. 3 al. 1 du règlement d'application de la LIPAD du 29 décembre 2011 (RIPAD - A 2 08.01), les institutions publiques auxquelles s'applique la LIPAD – dont le pouvoir judiciaire et son administration – font l'objet d'une liste établie et publiée par le pouvoir dont elles dépendent ; le pouvoir judiciaire s'y est conformé (http://ge.ch/justice/acces-aux-documents-officiels-et-protection-des-donnees).

3.2 Dans le cadre de l'information du public (Titre II chapitre II LIPAD), l'accès aux procédures judiciaires closes est régi par l'art. 20 al. 3 LIPAD. Selon cette disposition, lorsqu'une procédure est close, l'information en est donnée sous une forme appropriée dans la mesure où un intérêt prépondérant le justifie, en veillant au respect des intérêts légitimes des parties (art. 20 al. 3 LIPAD).

Par ailleurs, les arrêts et décisions définitifs et exécutoires des juridictions de jugement et des autres autorités judiciaires doivent être accessibles au public auprès d'un service central dépendant du pouvoir judiciaire ou du greffe des institutions dont ils émanent, dans une version ne permettant pas de connaître les données personnelles des parties et des tiers qui y sont mentionnés. Le caviardage de ces données n'est pas nécessaire s'il ne répond, dans l'immédiat ou à terme, à aucun intérêt digne de protection (art. 20 al. 4 LIPAD). Les arrêts et décisions des juridictions de jugement et des autres autorités judiciaires sont publiés sous une forme appropriée respectueuse des intérêts légitimes des parties, si et dans la mesure où la discussion et le développement de la jurisprudence le requièrent (art. 20 al. 5 LIPAD).

3.3 Selon l'art. 20 al. 6 LIPAD, la commission édicte les directives nécessaires à la mise en œuvre des mesures de publication et de protection des intérêts légitimes prévues à l'art. 20 al. 4 et 5 LIPAD. Elle est habilitée, après consultation du préposé cantonal, à apporter à ces mesures les dérogations qui s'imposeraient pour garantir une bonne administration de la justice et la protection de la sphère privée.

Sur cette base-là, la commission de gestion a adopté le règlement du pouvoir judiciaire sur l'accès aux documents et aux données personnelles du 1er novembre 2021, entré en vigueur le 1er janvier 2022 (RADPJ - E 2 05.52), dont le but est de déterminer les mesures d'organisation générales et les procédures nécessaires d'accès aux documents judiciaires ou administratifs et aux données personnelles traités par le pouvoir judiciaire, à l'exclusion du Conseil supérieur de la magistrature et de la Cour d'appel du Pouvoir judiciaire (art. 1 RADPJ).

4.             4.1 La conservation et l'archivage des documents sont régis par la LArch (art. 29 al. 1 LIPAD). L'accès aux documents versés aux Archives d'État de Genève ou que des institutions sont chargées d'archiver elles-mêmes en lieu et place des Archives d'État de Genève est régi par la LArch (art. 29 al. 2 LIPAD).

L’art. 11 LArch pose le principe de la consultation libre et gratuite des archives publiques. La consultation des archives administratives est régie par la LIPAD et celle des archives historiques par la LArch (cf. Projet de loi sur les archives publiques - PL 8182 – séance du 17 février 2000 (soir), p. 1153). La LArch est ainsi appliquée de façon coordonnée avec la LIPAD (art. 1 al. 4 LArch).

Selon l’art. 3 al. 6 LArch, les archives historiques sont, par opposition aux archives administratives (art. 3 al. 5 LArch), l’ensemble des documents qui ne sont plus utiles pour l’expédition courante des affaires et qui sont conservés en raison de leur valeur archivistique définie par les principes et dispositions de la LArch.

4.2 Selon l’art. 12 LArch, dont le titre est « Consultation des archives historiques », les documents versés aux Archives d'État ou que des institutions sont chargées d'archiver elles-mêmes ne peuvent en principe être consultés qu'à l'expiration des délais de protection figurant aux al. 3 et 4 (al. 1). Ils demeurent toutefois accessibles pendant 5 ans dès leur archivage lorsque le requérant aurait pu y avoir accès auparavant en vertu de la LIPAD (al. 2). Le délai général de protection est de 25 années à compter de la clôture du dossier. Le dernier apport organique est déterminant pour définir l'année au cours de laquelle les dossiers ont été clos (al. 3). Les documents classés selon des noms de personnes et qui contiennent des données personnelles sensibles ou des profils de la personnalité ne peuvent être consultés que 10 ans après le décès de la personne concernée, à moins que celle-ci n'en ait autorisé la consultation. Si la date de la mort est inconnue ou n'est déterminable que moyennant un travail disproportionné, le délai de protection expire 100 ans après la naissance. Si ni la date du décès, ni celle de la naissance ne peuvent être déterminées, le délai de protection expire 100 ans à compter de l'ouverture du dossier (al. 4).

Il ressort de l’art. 12 al. 5 LArch que le Conseil d’État, soit pour lui la chancellerie d'État, peut autoriser la consultation des archives avant l’expiration des délais prévus aux al. 3 et 4, si aucun intérêt public ou privé prépondérant digne de protection ne s’y oppose, en particulier : si la consultation est faite dans l’intérêt prépondérant de la personne touchée ou de tiers (let. a), ou si les documents sont nécessaires à l’exécution d’un projet de recherche déterminé; dans ce cas, il peut être exigé que les données personnelles soient rendues anonymes (let. b). La compétence prévue à l’al. 5 appartient, pour les archives du pouvoir judiciaire, à la commission de gestion du pouvoir judiciaire, soit pour elle à son président (al. 6). À l'expiration des délais de protection figurant aux al. 3 et 4, l'accès aux archives en question peut encore être limité, par les autorités visées aux al. 5 et 6, en considération d'un intérêt public ou privé majeur et manifestement prépondérant qui s'y opposerait (al. 7).

4.3 Selon l’art. 3 al. 2 RADPJ, l'accès aux documents judiciaires de procédures archivées est régi par la LArch et le RADPJ. S'il est de nature judiciaire, un dossier est considéré comme archivé dès que la décision mettant fin à la procédure est définitive (art. 2 al. 1 let. b RADPJ). Les délais de protection prévus par l'art. 12 al. 3 et 4 LArch correspondent à la durée pendant laquelle la consultation des archives est en principe interdite. Ils courent dès l'archivage (art. 2 al. 6 RADPJ).

4.4 Aux termes de l’art. 15 al. 1 RADPJ, l'accès aux documents judiciaires de procédures archivées depuis plus de cinq ans est en principe interdit jusqu'à l'expiration des délais de protection, sauf si aucun intérêt public ou privé prépondérant digne de protection ne s’y oppose, en particulier : si la consultation est faite dans l’intérêt prépondérant de la personne touchée ou de tiers (let. a) ou si les documents sont nécessaires à l’exécution d’un projet déterminé de recherche scientifique à caractère académique (let. b) ou s'il s'agit d'une décision judiciaire non publiée. Il peut encore être refusé à l'expiration du délai de protection, en présence d'un intérêt public ou privé majeur et manifestement prépondérant (let. c) ; (art. 15 al. 2 RADPJ).

4.5 En l’espèce, les recourants ne remettent à juste titre pas en cause le fait que les documents dont ils demandent la consultation ressortissent au domaine des archives historiques et non pas administratives, de sorte que seule la LArch s’applique.

La commission de gestion doit être suivie lorsqu’elle constate que leur demande d’accès est peu précise, point qui n’a pas été éclairci au terme des écritures qu’ils ont déposées devant la chambre de céans, pas plus que par la production de très nombreuses pièces en lien avec leur arborescence familiale, les relations entretenues avec la défunte et son époux, la fondation et un immeuble de la rue J______qu’ils ont à l’époque acquis avec la défunte. Au vu des informations dont disposait la commission de gestion au moment du prononcé de la décision litigieuse, ce qui est encore le cas à ce jour, il ne saurait lui être fait grief d’avoir considéré la demande comme visant les testaments et avenants originaux contenus dans le dossier de la succession de la défunte.

Il ressort des déterminations de la commission du 25 avril 2023 que le dossier de cette succession a été clôturé le 15 mai 1998 par la Justice de paix. Elle doit être suivie en cela que les échanges intervenus entre cette juridiction et les recourants entre 1998 et 2004 ne modifient pas le point de départ du délai général de protection de 25 ans, qui court donc jusqu’au 15 mai 2023.

Le dossier de cette succession ne sera alors pas pour autant et sans autre accessible, puisqu’il contient, selon la commission de gestion dont il n’y a pas lieu de remettre en cause le constat, des testaments olographes comportant le nom de plusieurs personnes, dont elle relève que les dates de naissance et de décès ne peuvent être établies aisément. L’intimée doit être suivie lorsqu’elle considère que de telles données personnelles relèvent de la sphère privée de ces personnes, autrement dit sont sensibles au sens de l’art. 12 al. 4 LArch. Ce n’est ainsi probablement pas avant le délai de 100 ans, courant au plus tôt à compter de l’ouverture du dossier de succession de la défunte, soit le 22 avril 2096, qu’expirera le délai de protection prévu par cette disposition, sauf intérêt prépondérant que les recourants auraient démontré pour y avoir accès.

Or, comme justement retenu dans la décision attaquée, ces derniers se sont vu refuser l’accès au dossier en question par la Justice de paix en 2002 et n’ont pas fait recours contre cette décision. Ils n’apportent aucun élément nouveau et important qui justifierait de revenir sur ce refus. Il sera encore relevé qu’ils reconnaissaient eux-mêmes avoir été mis en possession de copies conformes de documents dont ils demandent simplement à voir les orignaux.

Dans ces conditions, c’est conformément à la loi et sans abuser de son pouvoir d’appréciation qu’au terme de la pesée des intérêts en présence la commission de gestion est parvenue à la conclusion que les recourants n’ont pas démontré un intérêt prépondérant à la consultation du dossier de la défunte.

La décision querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 janvier 2023 par A______et B______ contre la décision de la commission de gestion du pouvoir judiciaire du 9 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______ ainsi qu'à la commission de gestion du pouvoir judiciaire.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, Philippe KNUPFER, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :