Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3512/2022

ATA/385/2023 du 18.04.2023 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONFORMITÉ À LA ZONE;PROPORTIONNALITÉ;GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ;ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL;PROTECTION DES MONUMENTS;MESURE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE;PLAN DIRECTEUR;PLAN D'AFFECTATION
Normes : LAT.14.al2; LAT.18; LAT.24ss; OAT.33; LaLAT.13.al1.letc; LaLAT.22; Cst.5.al2; Cst.26.al1; Cst.36.al1; Cst.3; LPMNS.38.al2.letb
Résumé : Rejet d’un recours déposé contre l’adoption d’un plan de site des hameaux de Petit et Grand Sionnet. La zone de hameau est une zone spéciale destinée à la protection et non au développement. La notion de site englobe également celle des constructions. Dans le rapport d’examen du 18 janvier 2021 de la Confédération concernant l’approbation de la 1ère mise à jour du plan directeur cantonal 2030, le canton était invité à veiller à ne délivrer dans les périmètres des hameaux, que des autorisations conformes au droit fédéral, ce qui excluait toute nouvelle construction. Examen des griefs des recourants contre l’interdiction d’augmentation de l’emprise au sol prévue par le règlement du plan de site. Examen de la collocation d’un bâtiment dans une catégorie prévue par le règlement pouvant impliquer sa destruction. L’art. 33 OAT permet des changements d’affectation et des transformations allant au-delà des possibilités prévues par les art. 24ss LAT applicable en zone agricole.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3512/2022-AMENAG ATA/385/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 avril 2023

 

dans la cause

 

Mme et M. A______
représentés par Me Claire Bolsterli, avocate

contre

CONSEIL D'éTAT

 



EN FAIT

1) Mme et M. A______ sont copropriétaires des parcelles nos 1'100 de 74 m2, 1’101 de 79 m2 et 1'229 de 1’396 m2, sises sur le territoire de la commune de B______. M. A______ est également propriétaire de la parcelle no 1'097 de 5'660 m2. Les parcelles nos 1'100 et 1'101 ainsi que les parties bâties des parcelles nos 1'229 et 1'097 sont entièrement incluses dans le périmètre de la zone de hameaux, selon le plan de zone no 1______ adopté par le Grand Conseil le 20 mai 2022 au lieu-dit du C______. Le solde non bâti des parcelles nos 1'229 et 1'097 est colloqué en zone agricole.

Un bâtiment d’habitation à un logement de 179 m2 (no 145) est construit sur la parcelle no 1'097 ainsi qu’un bâtiment de 13 m2 (no 1'370) et un autre de 56 m2 (no 1'077). La parcelle no 1'229 contient un bâtiment d’habitation à un logement de 171 m2 (no 150) ainsi que deux autres bâtiments de 34 m2 (nos 1'069 et 190). Un bâtiment d’habitation à un logement de 65 m2 (no 146) est construit sur la parcelle no 1'101.

2) a. Par résolutions du Conseil municipal de la commune des B______ des 12 juin 2017, 7 septembre 2020 et de celle du Conseil municipal de la commune de D______ du 7 février 2019, l’engagement d’un plan de site sur les hameaux de E______ et C______, situés sur les communes de B______ et D______, a été approuvé.

b. Un projet de plan de site no 2______ a été établi par la commune de B______ le 31 octobre 2017, modifié les 24 mai et 5 décembre 2019, le 5 février 2021 et le 3 mars 2022. Ce plan englobait notamment le solde non bâti des parcelles nos 1'229 et 1'097.

Le plan et son règlement fixaient notamment le statut des bâtiments existants ainsi que les règles de protection du site.

c. Le projet de plan a site été mis à l’enquête publique du 28 septembre au 28 octobre 2020 et a été préavisé favorablement sous réserve de diverses modifications par le conseil municipal de la commune de B______ le 1er mars 2021 et par celui de D______, le 11 mars 2021, sous les mêmes réserves.

Les époux A______ ont fait part de leurs observations au département du territoire, déplorant les restrictions inadmissibles à leur droit de propriété. La commune de B______ y a répondu le 2 mars 2021.

d. Le projet de plan de site a été modifié selon les demandes des communes et la procédure d’opposition a été ouverte du 10 novembre au 10 décembre 2021.

e. Le 10 décembre 2021, les époux A______ ont fait opposition au projet de plan de site ainsi qu’au projet de modification des limites de zones no 1______ dont la procédure d’opposition était ouverte simultanément, pour les motifs déjà développés dans leurs observations produites pendant l’enquête publique.

3) Par arrêté du 21 septembre 2022, le Conseil d’état a approuvé le plan de site des hameaux du E______ et C______ et son règlement et rejeté l’opposition formée par les époux A______.

Le plan directeur cantonal (ci-après : PDCn 2030) ouvrait la possibilité de procéder à un classement en zone de hameaux dont l’objectif visait le maintien d’une petite entité bâtie qui avait perdu l’essentiel de sa vocation agricole mais dont la conservation se justifiait pour ses qualité historiques et architecturales. Les autorités communales et cantonales avaient convenu de l’ouverture d’une procédure d’adoption d’une zone de hameaux couplée à un plan de site qui la réglemente.

Les E______ et C______ étaient deux hameaux répertoriés dans l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance cantonale à protéger en Suisse (ci-après : ISOS) établi au début des années 1980 révisé en 2019 et entré en vigueur le 1er mai 2021. L’ISOS retenait un objectif de sauvegarde A pour les deux hameaux, la sauvegarde de la substance, sauvegarde de l’état existant en tant qu’espace agricole ou libre. Les bâtiments des hameaux figuraient également dans le recensement architectural du canton de Genève (ci-après : RAC). Le plan directeur communal de B______ adopté le 7 mars 2011 et approuvé par le Conseil d’État le 15 juin 2011 recommandait dans la fiche de coordination A3 de préserver la substance patrimoniale des hameaux dans le cadre de la zone agricole.

4) Par acte déposé le 24 octobre 2022 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), les époux A______ ont interjeté recours contre les arrêtés du Conseil d’état approuvant le projet de plan de site des hameaux du E______ et C______ et rejetant leur opposition, en concluant à leur annulation. Subsidiairement, ils ont conclu à la modification de l’art. 4 al. 2 du règlement du plan de site par suppression de sa seconde phrase ainsi qu’à la modification de l’art. 5 modifiant l’intégration du couvert accolé au bâtiment no 190 dans la catégorie des « autres bâtiments/autres couverts ». Préalablement, ils ont conclu à un transport sur place.

Le bâtiment no 145 avait été construit avant la fin du XIXème siècle et était équipé d’une chaudière à mazout. Ils projetaient de s’équiper d’un système combinant pompe à chaleur géothermique et système photovoltaïque avec batteries. Pour réaliser ce projet, ils envisageaient la construction d’un bâtiment annexe au bâtiment no 145, celui-ci ne disposant ni de cave ni de garage pouvant accueillir ces installations. Ce bâtiment serait d’une surface d’environ 20 m2 et semi-enterré et comporterait également un garage. Il serait situé contre le bâtiment no 145, serait orienté du côté nord/est en contrebas d’environ 15 m par rapport au terrain du propriétaire de la parcelle voisine no 1'098 et ne serait pas visible depuis le chemin de Sionnet et le centre du hameau, ni depuis la parcelle voisine dont il était séparé par une haie épaisse et dont le propriétaire avait donné son accord selon l’acte notarié de divisions, cessions, ajustements et constitutions de servitudes des 28 juillet, 28 août et 8 septembre 1998. Dans le plan de site, ce bâtiment no 145 figurait dans la catégorie des « bâtiments maintenus » pour lequel le règlement prévoyait que la « délivrance d’une autorisation de construire sera subordonnée à la suppression d’éléments nuisant à la qualité patrimoniale du bâtiment appelé à être transformé ».

Le bâtiment no 190 abritait l’ancienne écurie et avait été construit avant la fin du XIXème siècle, il était indissociable de la ferme et de son histoire. Le couvert qui le prolongeait à l’ouest avait été reconstruit suite à un incendie début des années 70. Il n’était pas cadastré et utilisé pour l’entreposage de bottes de paille et matériel agricole pendant des décennies. En cas de transformation du bâtiment no 150, le couvert actuel serait d’une grande utilité car il permettrait d’abriter des locaux secondaires, tels que local technique, cave, couvert à véhicule, buanderie ou encore local à vélos ou poussettes ainsi que des installations permettant la sortie des énergies fossiles.

Un faisceau d’indices permettait de conclure qu’une seule et unique structure reliait très certainement à l’origine les bâtiments nos 150, 148, 1’077 et 146.

Seul le bâtiment no 147, qui ne leur appartenait pas, bénéficiait d’une mesure de protection patrimoniale individuelle puisqu’il était inscrit à l’inventaire genevois des immeubles dignes d’être protégés.

L’ISOS n’excluait pas les constructions dans la zone bâtie, les volumes, matérialité et le rapport en façade de vides et de pleins devaient faire l’objet d’une attention particulière. Le RAC ne privilégiait pas non plus l’interdiction totale des nouvelles constructions comme mesure de protection, quelles que soient les caractéristiques du projet de construction visé et son intégration potentielle dans l’environnement architectural. Leur projet, élaboré par le bureau d’étude Helios Énergies SA, ne dénaturerait pas les qualités paysagères et architecturales du hameau.

Le bâtiment no 190 appartenait à la catégorie « autres bâtiments » pouvant être démolis, transformés ou reconstruits dans les mêmes implantations et gabarits et le couvert accolé appartenait à la catégorie dont la démolition pouvait être demandée en contrepartie d’une transformation située sur la parcelle concernée. Or, le maintien de ce couvert ne remettait pas en cause le cône de vue identifié sur la plan, situé entre les bâtiments nos 150 et 148.

Si le plan était adopté, ils seraient privés de toute possibilité d’aménagement et de construction impliquant une augmentation des emprises au sol sur leurs parcelles, contrairement à ce que prévoyait le régime de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). L’interdiction de l’augmentation des emprises au sol violait l’art. 24c LAT lequel prévoyait le principe de la garantie de situation acquise hors de la zone à bâtir ainsi que les possibilités offertes par l’art. 42 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1).

Leur projet de remplacement des installations à usage d’énergie fossile par des énergies renouvelables poursuivait un intérêt public mais était mis en péril par l’absence de possibilité d’aménagement et de construction impliquant une augmentation des emprises au sol sur leurs parcelles. Ils seraient aussi privés de la possibilité de rénover et d’agrandir la surface des bâtiments nos 145 et 190.

Pour pouvoir obtenir une autorisation de construire, ils seraient dans l’obligation de démolir certains bâtiments annexes existants, notamment le bâtiment no 190. Ceci de manière surprenante, ce couvert étant accolé au bâtiment et formant avec lui une unité architecturale. En cas de transformation du bâtiment no 150, ils seraient dans l’obligation de démolir le couvert. De facto, le plan avait un effet expropriatoire et l’atteinte à la garantie de la propriété était disproportionnée. Le couvert devait figurer dans la catégorie « autre couvert » et pouvoir être rénové.

5) Le 25 novembre 2022, l’office du patrimoine et des sites a conclu au rejet du recours au nom du Conseil d’État.

L’ISOS avait identifié les qualités spatiales présentes dans les deux hameaux, à l’intérieur des noyaux bâtis, chacun étant formé d’un espace-rue aux séquences et perspectives visuelles riches ainsi qu’à l’extérieur des noyaux, ceux-ci entretenant un intense dialogue visuel l’un avec l’autre. La présence de qualités historico-architecturales était relevée grâce aux fermes régionalistes bien préservées ainsi qu’aux dépendances rurales, datant des XVIIIème et XIXème siècles, voire antérieurement à ces périodes.

Lors de l’enquête technique, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) avait préavisé favorablement l’avant-projet de plan de site sous diverses conditions dont il avait été tenu compte. Le préavis avait ensuite été confirmé le 30 mai 2018 par la CMNS dans sa composition plénière.

La zone de hameau n’était pas une zone à bâtir mais une zone spéciale destinée à la protection et non au développement. La notion de site englobait non seulement les sites au sens courant du terme mais également des constructions notamment.

La mesure de protection litigieuse était fondée sur les dispositions légales en la matière.

Les exceptions au régime de la zone agricole ne s’appliquaient pas directement à la zone de hameau et même dans ce cas, la législation cantonale pouvait restreindre les prescriptions fédérales, notamment par l’adoption d’un plan de site.

Le PDCn 2030 n’autorisait plus la possibilité de constructions nouvelles dans une zone de hameaux, cette option étant contraire au droit fédéral. Quant à la zone agricole, elle s’opposait notamment à la césure paysagère remarquable relevée par l’ISOS. La poursuite du même intérêt public de protection du patrimoine que le plan de site fondait ces décisions. Les préavis de la CMNS allaient également dans ce sens.

Le plan de site ne faisait pas obstacle aux travaux destinés à obtenir une meilleure efficience énergétique et son règlement prévoyait de tenir compte des enjeux liés à cette préoccupation.

Quant au couvert prolongeant le bâtiment no 190, les raisons historiques invoquées n’étaient pas convaincantes et son maintien pour ce motif ne se justifiait pas.

6) Le 31 janvier 2023, les recourants ont répliqué.

L’autorité intimée avait exposé que le traitement de la zone de hameaux sur le territoire genevois différait de celui des zones de hameaux dans d’autres cantons. Ce raisonnement n’était appuyé par aucun élément de doctrine ou de jurisprudence. Le principe de la situation acquise devait s’appliquer en zone de hameaux.

Selon l’autorité intimée, la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) autorisait des prescriptions plus contraignantes que celles prévues par le régime dérogatoire de la zone agricole. Or, vu la configuration de leur bâtiment, ils n’avaient pas d’autre choix que de faire construire un bâtiment annexe permettant d’abriter une pompe à chaleur, leur bâtiment ne comportant ni cave ni garage.

Ils maintenaient leur raisonnement concernant la mesure disproportionnée et contraire à l’intérêt public lié au développement des énergies renouvelables prévue à l’art. 4 al. 3 du règlement du plan de site s’agissant de la destruction obligatoire du couvert accolé au bâtiment no 190.

7) Le 1er février 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants sollicitent un transport sur place. Ils n’exposent toutefois pas expressément dans quel but mais il ressort de leurs écritures que celui-ci permettrait de constater l’absence de visibilité d’un bâtiment qu’ils prévoient de construire depuis le chemin de Sionnet.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; ATA/965/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a et les références citées).

Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_90/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1.2 ; ATA/907/2021 du 6 septembre 2021 consid. 4a).

b. En l’espèce, le dossier contient notamment les données ainsi que les nombreuses photographies de l’étude du plan de site et celles accessibles sur le site d’information du territoire genevois (SITG).

Ces éléments sont suffisants pour trancher le litige et le transport sur place requis n’est pas susceptible d’apporter d’autres éléments pertinents nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause, l’objet du litige étant un plan de site et non le projet de construction des recourants.

En conséquence, il ne sera pas donné suite à la demande de transport sur place.

3) a. Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA, par renvoi de l’art. 35 al. 5 let. b loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 -LaLAT - L 1 30 et art. 40 al. 9 LPMNS). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al.2 LPA).

b. S'agissant plus particulièrement de l'opportunité, il découle de l'art. 33 al. 3 let. b LAT que les plans d'affectation doivent pouvoir être soumis, sur recours, à une autorité jouissant d'un libre pouvoir d'appréciation.

La chambre administrative n'étant pas habilitée à examiner l'opportunité des mesures d'aménagement dont elle a à connaître sur recours (art. 61 al. 2 LPA et 35 LaLAT, elle ne contrôle pas l’opportunité des plans d’affectation qui sont soumis à une procédure d’opposition préalable devant le Conseil d’État, comme en l’espèce (art. 40 al. 7 LPMNS). L’exigence de l’art. 33 al. 3 let. b LAT est ainsi satisfaite (ATA/1438/2019 du 1er octobre 2019 consid. 4 ; ATA/784/2016 du 20 septembre 2016 consid. 3b et les références citées ; Thierry TANQUEREL, Droit du territoire, de l'énergie et de l'environnement/Le contrôle des plans d’affectation par les tribunaux cantonaux ; in Le droit public en mouvement, mélange en l'honneur du Professeur Etienne POLTIER, 2020, p. 1041-1042).

4) Les recourants font grief au plan de site de violer l’art. 24c LAT en les privant de toute possibilité d’aménagement et de construction impliquant une augmentation des emprises au sol sur leurs parcelles, notamment en lien avec des préoccupations d’ordre énergétique.

a. Selon la LAT, le territoire est divisé en zones à bâtir, en zones agricoles et en zones à protéger (art. 14 al. 2 LAT). D'autres zones, dites spéciales, peuvent être prévues par les cantons (art. 18 al. 1 LAT).

b. En application de ces dispositions, l'art. 22 al. 1 LaLAT énonce que lorsque les circonstances le justifient, notamment lorsqu’une partie importante d'un hameau sis en zone agricole n’est manifestement plus affectée à l’agriculture, le Grand Conseil peut la déclasser en zone de hameau. Ce déclassement se fonde sur une étude d’aménagement élaborée par la commune ou par le département, en collaboration, et après consultation des commissions concernées. Cette étude définit notamment les mesures propres à sauvegarder le caractère architectural et l’échelle du hameau, ainsi que le site environnant (let. a), les conditions relatives aux constructions, transformations et installations à propos notamment de leur destination, de leur implantation, de leur gabarit et de leur volume (let. b), les limites de cette zone selon un périmètre tracé au plus près des constructions existantes, soit à 6 m des façades, sauf situation particulière résultant d'éléments naturels ou construits (let. c).

c. Les zones spéciales sont aussi soumises aux principes établis par la loi, notamment en ce qui concerne la séparation des terrains bâtis ou à bâtir et de ceux qui ne le sont pas (Message du 27 février 1978 concernant la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, FF 1978 I 1029 ch. 22 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_483/2012 du 30 août 2013 consid. 3.1 et 3.2.2). S’agissant des zones de hameaux, elles sont sises hors de la zone à bâtir puisque l’art. 33 OAT indique que pour assurer le maintien de petites entités urbanisées sises hors de la zone à bâtir, des zones spéciales au sens de l’art. 18 LAT, telles que les zones de hameaux ou les zones de maintien de l’habitat rural, peuvent être délimitées si la carte ou le texte du plan directeur cantonal le prévoit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_483/2012 précité consid. 3.3 ; ATA/1296/2022 du 20 décembre 2022 consid. 6).

L'art. 22 al. 2 LaLAT rappelle que les zones de hameaux sont des zones spéciales au sens de l'art. 18 LAT, vouées à la protection des hameaux. La délivrance d'une autorisation de construire est subordonnée à l'adoption d'un plan de site, dont la procédure se déroule en principe simultanément à celle relative à la création de la zone de hameau. Selon l’al. 3, sauf dispositions particulières fixées par le plan de site, les normes de la 4ème zone rurale sont applicables (art. 22 al. 3 LaLAT).

d. Selon la fiche C05 du PDCn 2030, le principal objectif d’un classement en zone de hameau vise la protection des hameaux et non pas leur développement. L’art. 33 OAT permet à cette fin des changements d’affectation et des transformations allant au-delà des possibilités prévues par les art. 24 ss LAT.

Dans le rapport d’examen du 18 janvier 2021 de la Confédération concernant l’approbation de la 1ère mise à jour du PDCn 2030, le canton est invité à veiller à ne délivrer, dans les périmètres des cinq zones de hameaux existantes à cette date, que des autorisations conformes au droit fédéral, ce qui exclut toute nouvelle construction. Il notifiera en outre à l’office du développement territorial (ARE) les éventuelles autorisations relatives à de nouvelles constructions délivrées dans ces périmètres. Le canton est invité à réexaminer les dispositions qui régissent les cinq zones de hameaux existantes, et en particulier celles qui autorisent les nouvelles constructions, dans un délai de quatre ans à compter de cette approbation.

e. S’agissant de la constructibilité dans une zone de hameau, sis hors zone à bâtir à teneur de l’art. 33 OAT, les modalités pour d’éventuelles constructions sont prévues par le plan de site, comme l’indiquent l’art. 38 al. 2 let. b LPMNS et l’art. 22 al. 2 LaLAT lequel indique que la délivrance d’une autorisation de construire est subordonnée à l’adoption d’un tel plan, dont la procédure se déroule en principe simultanément à celle relative à la création de la zone de hameaux et qui précise que sauf dispositions particulières fixées par le plan, les normes de la 4ème zone rurale sont applicables.

Les travaux préparatoires relatifs à l’art. 22 LaLAT le rappellent : « [ ] dès le moment où existe un plan de site, l'on sait exactement ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. La discussion sur d'éventuelles libertés prises par les propriétaires n'a dès lors plus lieu d'être » (MGC 2002-2003/X D/60 3366).

f. Les plans de site de la LPMNS constituent des plans d'affectation spéciaux précisant l'affectation et le régime d'aménagement des terrains compris à l'intérieur d'une ou plusieurs zones (art. 13 al. 1 let c LaLAT). Ils déploient des effets contraignants pour les particuliers (Thierry TANQUEREL, La participation de la population à l'aménagement du territoire, 1988, pp. 259 et 260). S’ils comprennent des restrictions du droit de propriété garanti par l’art. 26 al. 1 Cst., celles-ci, pour être admises doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 et 3 Cst.).

g. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public – (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2).

5) En l’espèce, c’est en vain que les recourants invoquent une violation du principe de la situation acquise au sens de l’art. 24c LAT, s’agissant d’une zone spéciale de hameau, laquelle a soustrait le périmètre à la zone agricole en vue de la conservation des lieux.

L’interdiction d’augmenter l’emprise au sol, tant pour les bâtiments déclarés maintenus que pour les autres bâtiments, avec une exception pour ces derniers si cela permet d’éviter la construction d’un nouveau bâtiment en surface d’assolement (art. 4 al. 2 et art. 5 du règlement), est justifiée par des motifs de protection du patrimoine bâti et partant répond pleinement à un intérêt public.

En effet, comme développé dans l’arrêté litigieux rejetant l’opposition des recourants, les fiches ISOS consacrées aux hameaux des E______ et C______ ont confirmé la qualité de la structure bâtie des deux hameaux. Les qualités spatiales du hameau de C______ étant particulièrement renforcées par les espaces non bâtis et les trames relativement lâches qui offraient de belles échappées vers l’extérieur. Pour ces raisons, un objectif de sauvegarde de la substance a été fixé par la conservation de l’état existant. Quant au RAC, il classifie les corps principaux des bâtiments des recourants en valeur 4+, soit bien intégré (volume et substance) alors que leurs bâtiments ou couverts adjacents sont recensés en valeur 6, sans intérêt ou 7, altère le site.

Le choix fait dans le plan de site de ne pas admettre d’augmentation des emprises au sol est donc parfaitement justifié sur ces bases, fruit d’un examen minutieux des caractéristiques des lieux. La restriction est ainsi justifiée et répond à un intérêt public. Le même raisonnement s’appliquant en outre, à de nouvelles constructions dans le périmètre de la zone de hameaux.

Finalement et surtout sur ce point, depuis l’approbation de la mise à jour du PDCant 2030 par la Confédération, l’autorité fédérale a considéré qu’il n’était désormais plus possible de prévoir des constructions nouvelles dans une zone de hameaux. Les mentions liées aux possibilités de constructions nouvelles dans ces zones ont été supprimées de la fiche C05 du schéma directeur cantonal, les zones de hameaux existantes devant être revues dans un délai de quatre ans à compter de la décision d’approbation.

S’agissant de la proportionnalité de la mesure de protection, il est indéniable que celle-ci est apte à atteindre les objectifs de protection recherchés et le maintien des bâtiments des recourants dans leurs gabarits actuels n’est pas de nature à produire des effets insupportables pour eux et ils ne subissent pas de préjudice particulier par rapport aux autres propriétaires.

Quant au projet des recourants en matière d’énergies renouvelables, rien ne permet de retenir que le plan de site fait obstacle à de tels travaux et cela ne saurait être déduit du seul fait que l’agrandissement ou les nouvelles constructions ne sont pas admises par le plan, comme l’affirment les recourants. S’agissant plus spécifiquement du projet de construction que les recourants font valoir, ils perdent de vue que l’objet du litige n’est pas un refus d’autorisation de construire mais un plan de site, et ils ne démontrent pas non plus que cette construction aurait été autorisée sans l’adoption du plan litigieux.

En conséquence, les griefs doivent être écartés.

6) Les recourants font encore grief au plan de site d’avoir colloqué le couvert prolongeant le bâtiment no 190 dans la catégorie impliquant sa destruction obligatoire ce qui générerait de facto une expropriation matérielle.

Le bâtiment no 190 est un volume bâti, avec une emprise maçonnée, ouvert sur sa partie haute et abrité par une toiture continue qui s’étend également sur l’espace ouvert et non cadastré désigné comme « couvert ».

Les parties divergent sur le point de savoir s’il existe une unité architecturale entre les deux éléments qui ont été colloqués dans deux catégories différentes.

Il appert que le RAC leur a attribué deux valeurs différentes et l’étude du plan de site a relevé que le couvert péjorait la lisibilité de la structure d’origine du bâtiment principal. Le règlement prévoit donc que la démolition du couvert peut être demandée en contrepartie d’une transformation sur un autre bâtiment.

Les recourants ne peuvent être suivis dans leur analyse visant à prouver que les deux bâtiments forment une unité, laquelle constituait à l’origine une structure reliant deux bâtiments, qui est contredite par les constatations faites tant dans le RAC que par l’étude du plan de site. Ils perdent également de vue que la zone de hameaux qui est matérialisée par le plan de site confère aux propriétaires des possibilités que le maintien en zone agricole ne pourrait leur offrir, à moins de bénéficier d’un régime dérogatoire et donc exceptionnel, notamment celui de transformer certains bâtiments avec possibilité de créer de nouvelles surfaces habitables, comme c’est le cas pour le bâtiment no 150 sis sur la même parcelle que le couvert litigieux (étude du plan de site - 10 - potentiel d’évolution du bâti).

Il ne peut donc être retenu que le classement du couvert dans la catégorie pouvant impliquer sa destruction constitue une expropriation matérielle.

En tous points infondé, le recours doit être rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge conjointe des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 octobre 2022 par Mme et M. A______ contre les arrêtés du Conseil d’État du 21 septembre 2022 approuvant le plan de site no 2______ – Hameaux du E______ et C______ (B______-D______) et statuant sur l’opposition formées par Mme et M. A______ contre le projet du plan de site no 2______ – Hameaux du E______ et C______ (B______-D______) ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge conjointe de Mme et M. A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Claire Bolsterli, avocate des recourants, au Conseil d'État ainsi qu'à l'office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, M. Mascotto, juges, M. Hofmann, juge suppléant.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :