Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/137/2023

ATA/322/2023 du 28.03.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/137/2023-AIDSO ATA/322/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mars 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES intimé



EN FAIT

A. a. Madame A______, née le ______ 1963, perçoit une rente mensuelle de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) de CHF 1'431.-. Depuis le 28 février 2023, elle vit dans un foyer d’urgence et est prise en charge par le collectif d’associations pour l’urgence sociale (ci-après : Le CausE).

b. Séparée de fait de son époux, Monsieur B______, depuis le 1er décembre 2021, le divorce du couple a été prononcé par jugement du Tribunal de première instance du 19 octobre 2022. Il était notamment donné acte aux époux de ce qu’ils avaient valablement renoncé au partage de leur prévoyance professionnelle.

c. Au 31 décembre 2021, elle était titulaire d’un compte de libre passage
UBS 648804 de CHF 36'295.51 et d’un avoir de vieillesse auprès de Gastrosocial de CHF 3'824.15.

B. a. Le 3 décembre 2021, Mme A______ a déposé, auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC), une demande de prestations complémentaires à l’AVS/AI. Elle n’avait aucune fortune et avait fait faillite. Elle était fiscalement taxée d’office.

Le même jour, elle a déposé une demande d’aide sociale auprès du SPC. Elle était au bénéfice de prestations de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) depuis le 1er décembre 2020.

b. Le 24 mai 2022, le SPC a demandé à Mme A______ copie de la décision de la rente de prévoyance professionnelle. Il précisait « veuillez faire opposition à la décision de Gastrosocial, il semblerait que leurs informations soient erronées (survenance de l’invalidité = 05.01.2019) ».

c. Le 24 mai 2022, Mme A______ a confirmé avoir engagé un juriste de l’Association suisse des assurés (ci-après : ASSUAS) pour faire opposition et le suivi de son dossier contre Gastrosocial.

d. Par décision du 28 juin 2022 (ci-après : « décision aide sociale »), le SPC a rejeté la demande d’aide sociale, la fortune étant supérieure aux normes légales en vigueur. Selon le plan de calcul annexé, Mme A______ bénéficiait de rentes AI pour un montant de CHF 17'172.- et d’un capital LPP de CHF 40'119.65. Il était fait mention de biens dessaisis d’une valeur de CHF 618'223.-.

Une décision de refus des prestations complémentaires (ci-après : « décision PC ») lui a été notifiée le même jour.

C. a. Mme A______ a fait opposition à la « décision aide sociale » le 15 juillet 2022. Le montant de CHF 618'223.- provenait de la vente de son appartement. Il avait été utilisé pour le remboursement de ses dettes ainsi que pour un investissement dans une entreprise gérée par son époux. Il ne s’agissait pas d’un dessaisissement sans contre-prestations appropriées.

Le même jour, elle a fait opposition à la « décision PC ».

b. Par décision sur opposition du 2 décembre 2022, le SPC a rejeté l’opposition à la « décision aide sociale ». Le montant du dessaisissement n’était pas pris en compte dans le calcul de l’aide sociale. Mme A______ était toutefois au bénéfice d’un capital LPP de CHF 40'119.65 sur un compte de libre passage. Invalide à 100 % et au bénéfice d’une rente invalidité, elle pouvait le percevoir. Le montant de sa fortune étant supérieur à CHF 4'000.-, aucune aide sociale ne pouvait lui être octroyée.

Le même jour, le SPC a rejeté l’opposition à la « décision PC ». Un recours contre cette décision est actuellement pendant devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice.

D. a. Par courrier du 16 janvier 2023, Mme A______ a interjeté recours contre la décision sur opposition en aide sociale devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle se trouvait dans une situation difficile, ne pouvant pas bénéficier de son deuxième pilier. Sur les conseils du SPC, elle avait entamé des poursuites contre Gastrosocial pour obtenir une rente LPP. Le refus du SPC n’était pas compréhensible compte tenu, d’une part, du fait qu’il connaissait la situation et, d’autre part, qu’il lui avait conseillé d’entreprendre ces démarches.

b. Le SPC a conclu au rejet du recours. L’intéressée n’invoquait aucun élément nouveau dans son recours.

c. Dans sa réplique, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. Lors de l’audience du 2 mars 2023, Mme A______ ne s’est pas présentée.

e. Dans le délai imparti pour fournir des documents complémentaires, elle a précisé n’avoir pas reçu la convocation, ayant déménagé dans un foyer d’urgence. Elle souhaitait qu’une nouvelle audience soit convoquée.

f. Lors de l’audience du 23 mars 2023, elle a confirmé avoir accès au compte UBS de libre passage, mais ne pas souhaiter entamer le capital. Gastrosocial refusant de rendre une décision sur son droit à une rente invalidité du deuxième pilier, elle avait demandé l’assistance juridique et mandaté un avocat. Si Gastrosocial rendait une décision favorable, elle transfèrerait le montant détenu sur le compte UBS à Gastrosocial.

À l’issue de l’audience, avec l’accord des parties, la cause a été gardée à juger immédiatement.

g. Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante conteste que le montant de CHF 40'119.65 puisse être considéré comme une fortune compte tenu de la demande, formulée par le SPC, de contester une décision de Gastrosuisse.

2.1 Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 ; 136 I 254 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013
consid. 5.1 ; ATA/457/2017 du 25 avril 2017 consid. 9a et les arrêts cités).

L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) reprend ce principe en prévoyant que toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle.

2.2 En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent l’art. 12 Cst. (ATA/457/2017 précité consid. 9b), tout en allant plus loin que ce dernier.

La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel
(art. 1 al. 1 LIASI), ainsi que de soutenir les efforts des bénéficiaires de la loi à se réinsérer sur le marché du travail et dans la vie sociale en général. Elle vise aussi à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 LIASI). Ses prestations sont fournies sous forme d’accompagnement social, de prestations financières et d’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

2.3 L'hospice est l’organe d’exécution de la LIASI (art. 3 al. 1 LIASI).

Le SPC gère et verse les prestations d’aide sociale notamment pour les personnes au bénéfice d’une rente de l'assurance invalidité (ci-après : AI), au sens de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20 ; art. 3 al. 2
let. b LIASI ; art. 22 al. 1 RIASI).

2.4 Aux termes de l’art. 8 LIASI, ont droit à des prestations d’aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (al. 1) ; ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (al. 2).

Ont droit aux prestations d’aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par le RIASI (art. 21 al. 1 LIASI).

Sont prises en compte la fortune et les déductions sur la fortune prévues aux art. 6 et 7 LRDU, sous réserve d’exceptions non pertinentes en l’espèce (art. 23 al.  1 LIASI). Le Conseil d'État fixe par règlement les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière (art. 23 al. 5 LIASI)

La limite de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière est de CHF 4'000.- pour une personne seule (art. 1 al. 1 let. a RIASI).

2.5 Conformément à l’art. 6 LRDU, le socle du revenu déterminant unifié comprend les éléments de fortune immobilière et mobilière énumérés aux let. a à g, dont : c) l’argent comptant, les dépôts dans les banques, les soldes de comptes courants ou tous titres représentant la possession d’une somme d’argent ; g)  tout autre élément de fortune, à l’exclusion des meubles meublants et du capital versé à titre d’épargne à une institution de prévoyance.

2.6 Si l’assuré perçoit une rente entière d’invalidité de l’assurance fédérale et si le risque d’invalidité n’est pas assuré à titre complémentaire au sens de l’art. 10 al. 2 et 3, deuxième phrase, condition non pertinente en l’espèce, la prestation de vieillesse lui est versée plus tôt, sur sa demande (art. 16 al. 2 de l’ordonnance sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 3 octobre 1994 [ordonnance sur le libre passage, OLP - RS 831.425]).

2.7 Il ressort des normes édictées par la Conférence suisse des institutions d'action sociale (ci-après : normes CSIAS) et en particulier de la norme D.3.3. relative à la fortune et la prévoyance professionnelle que les avoirs de la prévoyance professionnelle (pilier 2) et individuelle (pilier 3a) seront, par principe, libérés au moment de l’octroi d’une rente AVS anticipée ou d’une rente AI complète (al. 3). Les avoirs libérés de la prévoyance vieillesse font partie de la fortune à prendre en compte. Ils doivent être utilisés pour les dépenses d’entretien courantes et futures (al. 5).

2.8 En l’espèce, la recourante ne conteste pas détenir un compte de libre passage UBS 648804 de CHF 36'295.51. Elle ne conteste pas que ce montant lui est accessible et que son refus d’entamer ledit capital résulte de son espoir d’obtenir une rente invalidité du deuxième pilier servie par Gastrosuisse. L’avoir étant à sa disposition, c’est à bon droit que le SPC a retenu le montant comme fortune au sens de l’art. 23 LIASI. L’avoir étant supérieur à CHF 4'000.-, la recourante ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l’aide sociale (art. 23 LIASI et 1 al. 1 let. a RIASI).

La question du statut du montant de CHF 3'824.15 détenu au titre d’avoir de prévoyance auprès de Gastrosocial, notamment à la suite de la requête du 24 mai 2022 du SPC contraignant la recourante à former opposition contre une décision non versée au présent dossier, peut demeurer en l’état indécise, n’ayant pas d’incidence sur l’issue du litige.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. La recourante succombant, elle ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 janvier 2023 par Madame A______ contre la décision du service des prestations complémentaires du 2 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :