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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2154/2022

ATA/282/2023 du 21.03.2023 sur JTAPI/1093/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2154/2022-PE ATA/282/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mars 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Jacques Emery, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 octobre 2022 (JTAPI/1093/2022)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 1964, est de nationalité marocaine.

b. M. A______ a été marié une première fois avec une ressortissante française. Les époux ont divorcé après deux ans, à la suite de violences conjugales commises par l’intéressé.

Le 8 juillet 1994, M. A______ a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour à titre de regroupement familial, à la suite de son mariage avec une ressortissante suisse, née en 1947. Les époux ont divorcé en 1999 alors que M. A______ avait déjà entamé une relation avec Madame B______, ressortissante suisse qu’il désirait épouser.

Le 10 mai 1999, M. A______ a tué Mme B______, alors enceinte, d’une dizaine de coups de couteau.

Le 11 septembre 2007, M. A______ a épousé une ressortissante suisse dont il s’est séparé le 25 novembre 2008 et a divorcé le 15 novembre 2011.

Le 6 mai 2013, M. A______ a déposé une demande en vue de se marier avec une ressortissante française née en 1972. La requête a été déclarée irrecevable en l’absence de titre de séjour.

Le 27 octobre 2014, M. A______ a déposé une demande en vue de se marier avec une ressortissante suisse née en 1967. La requête a été déclarée irrecevable pour les mêmes motifs que la précédente.

Le 27 octobre 2014, il a déposé une demande d’autorisation de séjour en vue de mariage laquelle a été refusée par une décision déclarée exécutoire nonobstant recours le 4 mars 2016.

B. a. Par arrêt du 13 septembre 2000, la Cour d'assises l'a condamné à dix ans de réclusion ainsi qu'à dix ans d'expulsion judiciaire ferme du territoire suisse.

Statuant à nouveau le 7 février 2003 après l’admission par le Tribunal fédéral du recours formé par M. A______, la Cour d’assises a réduit la peine à huit ans de réclusion, maintenu l'expulsion judiciaire et suspendu l'exécution de la peine au profit d’un traitement en milieu hospitalier.

b. Par arrêt du 28 juin 2004, la Chambre pénale a confirmé une condamnation à six mois d’emprisonnement prononcée par le Tribunal de police pour menaces de mort proférées par M. A______ envers son ex-épouse et la fille de celle-ci.

c. Par décision du 3 octobre 2006, la commission de libération conditionnelle a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ le 30 octobre 2006 moyennant la continuation de sa prise en charge thérapeutique au Maroc selon des conditions à définir, lui a imparti un délai d'épreuve de cinq ans et a ordonné l'exécution immédiate de la mesure d'expulsion du territoire suisse dont il faisait l'objet. Ce dernier point a été annulé par arrêt du 9 janvier 2007 (ATA/3/2007) de l'ancien Tribunal administratif, dont les compétences ont été transférées à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

d. Le 30 octobre 2006, M. A______ est sorti de prison. Dans le courant de l'année 2007, M. A______ a commencé à travailler en qualité de monteur-électricien.

e. La poursuite du traitement ambulatoire a été régulièrement ordonnée par le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) par jugements des 14 mai 2008, 22 mars 2011, 6 décembre 2012, 30 juin 2016, 25 janvier 2018, 18 février 2020 et 3 février 2022.

C. a. Par décision du 7 juin 2007, confirmée en dernier lieu, le 20 octobre 2008, par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_397/2008), l'office cantonal de population (devenu l'office cantonal de la population et des migrations, ci-après : OCPM) a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de M. A______ et prononcé son renvoi en lui impartissant un délai pour quitter la Suisse. La décision était motivée par les faits graves qui lui étaient reprochés et les condamnations pénales dont il avait fait l'objet, constitutifs de motifs d'expulsion. Le service de l'application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) était prêt à effectuer les démarches nécessaires à la poursuite de son traitement au Maroc.

b. Par décision du 23 janvier 2009, déclarée exécutoire nonobstant recours, confirmée le 30 juin 2011) par le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF), l'office fédéral des migrations, devenu depuis lors le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), a étendu la décision de renvoi de l'OCPM du 7 juin 2007 à tout le territoire de la Confédération, M. A______ devant immédiatement quitter la Suisse. La thérapie prodiguée pouvait être poursuivie dans son pays d'origine au regard de l'affection dont il souffrait et de la médication prescrite, ce pays comptant des psychiatres et des hôpitaux aptes à prendre en charge les affections liées à un état dépressif profond.

c. Le 21 septembre 2011, M. A______ a déposé auprès de l'OCPM une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité. Il en remplissait les conditions au regard de la durée de son séjour en Suisse, sa parfaite intégration, sa situation financière irréprochable, son obligation de soins en Suisse et l'impossibilité objective pour lui de retourner au Maroc.

Par décision du 13 août 2013, confirmée le 14 janvier 2014 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande de M. A______ du 21 septembre 2011, traitée comme une demande de reconsidération, et l’a enjoint à quitter immédiatement la Suisse. La décision du 7 juin 2007, par laquelle il avait refusé de prolonger l'autorisation de séjour et prononcé le renvoi de Suisse de l'intéressé, avait acquis l'autorité de force de chose jugée, le SEM ayant au demeurant étendu le renvoi à tout le territoire de la Confédération. Les arguments et explications qu'il fournissait n'étaient pas de nature à modifier sa position. Le fait que le TAPEM ait ordonné la poursuite, pour cinq ans supplémentaires, de son traitement ambulatoire n'étant ni un fait nouveau, ni un fait important.

d. Par décision du 19 novembre 2013, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande reconsidération de cette même décision formée le 6 novembre 2013.

e. Par décision du 4 mars 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la requête de M. A______ tendant à l'octroi d'un titre de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, considérée comme une demande de reconsidération de sa décision du 7 juin 2007, et a refusé de lui octroyer une attestation et une autorisation de séjour en vue de son mariage, lui impartissant un délai au 4 avril 2016 pour quitter la Suisse. Cette décision a été confirmée, en dernier lieu par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_198/2018 du 25 juin 2018).

f. Par décision du 19 octobre 2018, exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération du 26 septembre 2018. Il a également confirmé sa décision du 4 mars 2016 en rappelant que M. A______ était tenu de quitter la Suisse d’ici au 30 octobre 2018.

g. Par décision du 7 novembre 2018, exécutoire nonobstant recours, l’OCPM, après avoir constaté que M. A______ n’avait pas l’âge requis pour bénéficier de l’autorisation de séjour pour rentier sollicitée le 31 octobre 2018, a prononcé une nouvelle fois son renvoi, en application de l’art. 64 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Partant, il était tenu de quitter la Suisse sans délai. Cette décision a été confirmée, en dernier lieu par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_200/2019 t 2C_882/2019 du 31 octobre 2019).

h. Par courrier du 1er avril 2019, l’OCPM a accusé réception de la nouvelle demande de reconsidération du 12 mars 2019 de l’intéressé, lui rappelant que sa décision du 19 octobre 2018 était exécutoire et qu’il était toujours enjoint de quitter la Suisse dans un délai au 30 avril 2019.

i. Par décision du 30 juin 2020, faisant suite à son courrier d’intention du 6 mai 2020 et aux observations de M. A______ du 2 juin 2020, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur sa demande de reconsidération relevant que sa situation n’avait pas changé de manière notable depuis ses décisions et leur entrée en force et qu’il restait tenu de quitter sans délai la Suisse.

j. Par décision exécutoire nonobstant recours du 12 avril 2022, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de M. A______ du 24 mars 2022, en tant qu’il la comprenait comme une demande de reconsidération de sa décision de refus d’octroi d’une autorisation de séjour et de renvoi du 7 juin 2007, relevant notamment l’absence de faits nouveaux importants et que ladite décision, tout comme les décisions de reconsidération des 13 août 2013, 4 mars 2016, 18 (recte : 19) octobre 2018 et 30 juin 2020 étaient entrées en force. Il transmettait pour le surplus le dossier au service compétent afin qu’il statue sur la demande, en tant qu’elle portait sur une autorisation de séjour pour rentier. Cette décision est en force.

k. Par décision exécutoire nonobstant recours du 30 mai 2022, l'OCPM a refusé l'octroi d'une autorisation de séjour sans activité lucrative pour rentier en faveur de M. A______. Son renvoi ayant déjà été prononcé, il lui était rappelé qu’il était tenu de quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l'Union européenne (UE) et des États associés à Schengen (Liechtenstein, Islande, Norvège) sans délai.

Ses moyens financiers étaient insuffisants, l’intéressé disposant d'un revenu mensuel de CHF 2'139.70. Renseignements pris auprès du service cantonal des prestations complémentaires (ci-après : SPC), le subside de l'assurance maladie de CHF 300.- n'était pas inclus dans le calcul du droit aux prestations complémentaires. Par ailleurs, le fait qu'il pourrait obtenir une rente en France ne permettait pas de constater que son revenu dépasserait le montant autorisant un citoyen suisse et éventuellement les membres de sa famille à percevoir des prestations complémentaires conformément à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC - RS 831.30). Ce n'était pas le fait de solliciter les services sociaux qui était problématique, mais le fait d'avoir des moyens financiers insuffisants dans la mesure où ceux-ci lui donnaient l'accès aux prestations complémentaires. Par ailleurs, ses attaches avec la Suisse devaient être relativisées pour les motifs déjà invoqués, étant rappelé qu’il faisait l’objet d'une décision de renvoi exécutoire depuis le 20 octobre 2008, qu’il n’avait eu de cesse de remettre en question et à laquelle il n’avait jamais obtempéré. Ce n'était ainsi pas tant la condamnation dont il avait fait l'objet il y avait dix-neuf ans qui était problématique, vu le temps écoulé depuis, mais bien son comportement en lien avec la décision de renvoi.

Il exerçait encore des activités, même à titre bénévole, ce qui n’était pas possible pour un rentier, à l’exception de la gestion de sa propre fortune dans la mesure où le bénévolat était associé à une activité lucrative au sens de l’art. 11 al. 2 LEI. Le fait qu’il ne puisse pas exporter sa rente au Maroc n’était pas un motif d’octroi d’une autorisation de séjour pour rentier.

D. a. Par acte du 30 juin 2022, M. A______, a recouru devant le TAPI contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour renouvelable d’une durée de cinq ans (permis B), subsidiairement, d’une année renouvelable (permis F).

Seuls les éléments à charge avaient été retenus à son encontre. Il paraissait arbitraire de ne pas tenir compte de l’ensemble de la situation et de limiter la réflexion à sa vie conjugale entre 1994 et 1998. Il devrait percevoir des prestations AI françaises, de manière rétroactive depuis 2015, eu égard à sa période d'activité dans ce pays en qualité de monteur électricien. Une demande en ce sens avait été déposée en octobre 2021. Il n'entendait pas solliciter les services sociaux pour contribuer à son entretien.

Il souffrait d'une atteinte grave et continue à sa santé qui avait directement impacté sa capacité de travailler. Retenir d'une manière abstraite qu’il avait « attenté de manière répétée à la sécurité et l'ordre publics » sans prendre en compte sa situation psychologique et physique particulière le rendant particulièrement vulnérable, était « purement lacunaire ». Dans ces conditions, le renvoyer dans son pays d'origine, en dépit de sa situation médicale fragile et alors que les rapports de divers experts mettaient l'accent sur l'importance de maintenir un suivi accru, paraissait d'emblée disproportionné et en contradiction avec la décision du TAPEM du 3 février 2022. Il n’avait plus commis d’infractions depuis 2003, ce qui démontrait sa volonté de se conformer aux règles, et il s'efforçait, malgré sa condition physique et psychologique fragile, de se rendre utile à la société. Dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, l’OCPM ne pouvait faire l'économie de l'examen des principes fondamentaux et notamment celui de la proportionnalité. Ainsi, sa vulnérabilité devait être prise en compte et en particulier le fait qu’il souffrait d'une Kératose palmoplantaire depuis 2007 qui se développait progressivement dans son corps en sus de sa fragilité psychologique. Un renvoi au Maroc, dans son village d’origine, rendrait de facto un suivi médical et psychiatrique accru inenvisageable avec, notamment, pour possibles conséquences, la surdité et la perte de la vue. Il fallait encore tenir compte du fait qu’il séjournait en Suisse depuis 1989, soit presque trente-trois ans et qu’il consacrait son temps à des activités bénévoles, notamment auprès de l'Armée du Salut. Sa requête devait dès lors être réévaluée à lumière de ces éléments.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. L’intéressé n’a pas souhaité répliquer.

d. Par jugement du 18 octobre 2022, le TAPI a rejeté le recours. L’objet du recours ne portait que sur la décision de refus d'octroi d'une autorisation de séjour sans activité lucrative pour rentier, le renvoi de l’intéressé ayant déjà été prononcé, par décision en force et sa situation, notamment sous l’angle du cas de rigueur, ayant déjà été examinée à de multiples reprises, dans le cadre de nombreux jugements, arrêts et décisions administratives, entrés en force.

L'art. 28 LEI étant rédigé en la forme potestative, il n'existait aucun droit à l'octroi d'une autorisation de séjour pour rentier. Si l’intéressé était certes désormais âgé de plus de 55 ans, il ne disposait pas des moyens financiers suffisants au sens de
l'art. 25 al. 4 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Ses revenus se montaient à CHF 2'139.70, montant qui lui donnait accès aux prestations complémentaires. Il importait peu qu’il ne les demande pas. Cette condition cumulative n’étant pas remplie, la requête fondée sur l'art. 28 LEI pouvait être rejetée pour ce seul motif. La condition de l'art. 28 let. b LEI, relative à l’existence de liens personnels particuliers avec la Suisse, n’était pas non plus satisfaite. La décision de renvoi était exécutoire depuis le 20 octobre 2008. Il n’avait, depuis lors, jamais disposé d’une autorisation de séjour. Depuis son arrivée en Suisse, en 1989, le recourant avait fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, non seulement pour entrées et séjour illégaux en Suisse, mais également pour meurtre et menaces. Il n’avait en outre jamais obtempéré à la décision de renvoi qu’il n’avait eu de cesse de remettre en cause par le biais de multiples demandes de reconsidération. Ces nombreux prononcés pénaux et administratifs dénotaient un non-respect manifeste de sa part à l'égard de l'ordre juridique suisse. Le TAPEM avait pour le surplus relevé que la mesure de traitement ambulatoire mise en place le concernant était adéquate, utile et nécessaire afin de prévenir un éventuel risque de récidive, considérant ainsi que l’intéressé présentait toujours une menace pour la sécurité. Au vu de ces différents éléments, l’intégration en Suisse de l’intéressé s'avérait lors pour faire obstacle à son retour au Maroc.

Il ne ressortait pas du dossier que le suivi psychiatrique, psychothérapeutique et le traitement médicamenteux de M. A______ ne pourraient pas être mis en place ou ne seraient pas disponibles au Maroc. Les mesures adéquates pourraient au demeurant être prises en amont afin de préparer au mieux sa réinstallation. L’intéressé n’était pas indigent et les prestations LPP qu’il pourrait continuer de percevoir au Maroc lui permettraient d’y mener une vie confortable. Dans ces conditions, l’exécution de son renvoi apparaissait toujours possible, licite et raisonnablement exigible. Partant, il n’y avait pas lieu de proposer son admission provisoire au SEM en application de l’art. 83 al. 6 LEI.

E. a. Par acte du 20 novembre 2022, M. A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative. Il a conclu à son annulation et au renvoi de la cause à l’OCPM.

Les faits avaient été mal établis. Le TAPI avait considéré que son renvoi au Maroc était exigible dès lors qu’il pourrait continuer à bénéficier du suivi psychiatrique et des traitements médicamenteux exigés par la mesure ordonnée par le TAPEM. Or, il n’y avait aucun accord entre la Suisse et le Maroc qui permettait de penser qu’une collaboration avec les autorités locales pourrait être mise en place et pallier notamment le risque de décompensation psychique susceptible d’entraîner une récidive et une mise en danger de la vie d’autrui et de lui-même. Le TAPI avait sous-estimé les motifs à l’appui desquels les mesures ordonnées par le TAPEM avaient été prolongées malgré l’avis du Ministère public et du SAPEM, ceux-ci sollicitant la levée du traitement ambulatoire en raison de son succès. Le fait que le SAPEM ne s’oppose pas à ce que le traitement soit entrepris au Maroc n’autorisait pas le TAPI à violer un jugement du TAPEM, entré en force le 3 février 2022.

L’art. 83 al. 4 LEI avait été violé. Il était établi qu’il avait non seulement besoin d’un suivi médical extrêmement strict et qu’il n’était pas capable de se soumettre par lui-même à un tel traitement. Il existait un risque concret de décompensation en cas de renvoi. De surcroît, son passeport n’était plus en cours de validité. Il n’était pas en mesure de le renouveler. La question des conditions nécessaires pour l’octroi d’un permis de rentier pouvait demeurer indécise dans la mesure où de toute façon, si le renvoi pouvait être exécuté, il devrait être mis au bénéfice de l’admission provisoire.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours. Il prenait acte que le recourant ne semblait plus remettre en cause le fait qu’il ne remplissait pas les conditions pour un permis de séjour pour rentier.

L’impossibilité du renvoi en raison de l’absence de passeport valable n’était pas pertinente. Il était attendu de chaque étranger qu’il se procure une pièce de légitimation ou collabore avec les autorités pour en obtenir une. L’obtention d’un laissez-passer pouvait être envisagée. Le recourant ne démontrait pas que son traitement (entretien à quinzaine et traitement médicamenteux) ne serait pas disponible au Maroc. La poursuite du traitement ordonnée par le juge pénal n’empêchait pas l’exécution du renvoi.

c. Dans sa réplique, le recourant a persisté à conclure à l’octroi d’un permis pour rentier. Il était indépendant financièrement, n’émargeait pas à l’aide sociale et était bénévole à l’armée du salut.

Contrairement à ce que mentionnait l’OCPM, si de simples rendez-vous à quinzaine chez un psychiatre et une prise de traitement étaient suffisants pour pallier le risque de récidive, la mesure aurait été levée depuis longtemps. C’était précisément sa fragilité psychologique et son manque de stabilité qui poussaient le TAPEM à systématiquement reconduire la mesure de peur que celui-ci ne décide subitement de l’arrêter. S’agissant de la présence de structures médicales, le SAPEM n’était pas aussi catégorique que l’OCPM, puisqu’il ressortait d’une correspondance du 26 février 2016 que celui-ci avait confié ne pas être en mesure de se prononcer sur l’existence de structures adaptées. Il était issu d’un village berbère dans lequel il n’existait aucun établissement médical Un renvoi impliquerait qu’il fasse deux heures de route afin de trouver un médecin qui accepte de le suivre pour espérer qu’il ne commette pas de nouvelles infractions. Il ne pouvait être exigé cela de lui, au vu de la fragilité de sa santé mentale.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recours porte sur le refus de l’OCPM d’octroyer un permis de séjour pour rentier au recourant.

Comme relevé à juste titre par le TAPI, le litige ne porte pas sur le bienfondé du renvoi du recourant. La décision du 7 juin 2007, par laquelle l’OCPM avait refusé de prolonger l'autorisation de séjour et prononcé le renvoi de Suisse de l'intéressé, a acquis l'autorité de force de chose jugée, le SEM ayant au demeurant étendu le renvoi à tout le territoire de la Confédération.

Le litige ne porte pas non plus sur une admission provisoire. La décision querellée du 13 avril 2022 n’en traite pas. Si le TAPI en a fait mention, c’était uniquement pour relever, à juste titre, qu’aucun élément nouveau n’est intervenu depuis la dernière décision en force, soit celle de l’OCPM du 12 avril 2022. Le recourant n’invoque en effet aucun fait nouveau et important, datant de ces derniers mois, qui n’aurait pas déjà été pris en compte par les autorités administratives et judiciaires.

3.             Le recourant fait grief au TAPI d’avoir mal établi les faits, son renvoi n’étant pas exigible.

Outre qu’il ne s’agit pas de l’objet du litige, considérer qu’un renvoi est exigible n’est pas un fait, mais le résultat d’une appréciation. Il se plaint en conséquence d’une mauvaise application du droit, grief analysé ci-dessous.

4.             Dans un second grief, le recourant invoque une violation de l’art. 83 al. 4 LEI au motif que l’exécution de son renvoi ne serait pas exigible.

4.1 L’exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

Outre qu’il ne s’agit pas de l’objet du litige, le renvoi de l’intéressé a été ordonné par décision du 7 juin 2007, exécutoire depuis le 20 octobre 2008. Il n’a pas été entré en matière sur les demandes de reconsidération par décisions des 13 août 2013, 19 novembre 2013, 4 mars 2016, 19 octobre 2018, 7 novembre 2018, 30 juin 2020 et 12 avril 2022. Toutes ces décisions sont définitives et exécutoires. Il n’est pas allégué que la situation médicale du recourant se soit péjorée de façon importante ces derniers mois, la kératose plantaire consistant uniquement en un épaississement de la peau. De même, il n’est pas allégué que le système de santé marocain se soit modifié ces derniers mois. L’existence d’une convention entre les deux pays n’est pas une condition nécessaire au renvoi. Par ailleurs aucune disposition légale n’interdit le renvoi tant qu’un traitement ambulatoire en application de l’art. 63 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) est en cours.

Le grief sera écarté pour autant qu’il soit recevable.

5.             Dans sa réplique, le recourant soutient qu’il remplit les conditions d’un permis de séjour pour rentier.

5.1 Le droit de réplique déduit des art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) n’a en effet pas vocation à permettre à la partie recourante de présenter des arguments nouveaux ou des griefs qui auraient déjà pu figurer dans l’acte de recours (ATF 143 II 283 consid. 1.2.3 ; 135 I 19 consid. 2.1).

Formulé uniquement dans la réplique, le grief est irrecevable.

5.2 Même à l’analyser, l’issue du litige ne serait pas différente.

5.2.1 À teneur de l’art. 28 LEI, un étranger qui n’exerce plus d’activité lucrative peut être admis aux conditions suivantes : a) il a l’âge minimum fixé par le Conseil fédéral ; b) il a des liens personnels particuliers avec la Suisse ; c) il dispose des moyens financiers nécessaires.

Un rentier est réputé disposer des moyens financiers nécessaires si ceux-ci dépassent le montant donnant droit (à un résidant suisse) au versement de prestations complémentaires pour lui-même et éventuellement pour les membres de sa famille. Autrement dit, il devra être quasiment certain d’en bénéficier jusqu’à sa mort (rentes, fortune), au point que l'on puisse pratiquement exclure le risque qu’il en vienne à dépendre de l'assistance publique (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er juillet 2022, ch. 5.3).

5.2.2 En l’espèce, le TAPI a détaillé les conditions légales et règlementaires pour pouvoir bénéficier d’une autorisation de séjour. À juste titre, il a relevé que le recourant ne remplissait pas, à tout le moins, une des conditions à savoir celle de disposer des moyens financiers nécessaires. Le recourant ne fait qu’alléguer, sans démontrer, avoir les moyens financiers nécessaires. Or, le cumul de ses rentes AVS et LPP, d’un total de CHF 2'139,70 mensuels, lui ouvre le droit à des prestations complémentaires, ce que le recourant ne conteste pas. Il ne remplit en conséquence pas la condition, nécessaire et cumulative, de disposer des moyens financiers nécessaires (art. 28 let. c LEI). Point n’est dès lors besoin d’analyser les let. a et b dudit article.

En tous points infondé le recours sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400,- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87
al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 novembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Emery, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.