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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3051/2022

ATA/16/2023 du 10.01.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3051/2022-AIDSO ATA/16/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 janvier 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Pierre-Bernard Petitat, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1970, a été au bénéfice de prestations financières de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) depuis le 1er octobre 2016. De cette date au 31 décembre 2020, elle a perçu CHF 147'032.25.

2) Les 18 avril 2018, 31 juillet 2019 et 26 mars 2022, elle a signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », par lequel elle s’est notamment engagée à donner immédiatement et spontanément à celui-ci tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune, d’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière. Elle a également pris acte, par sa signature, que l’hospice se réservait de réduire ou de supprimer ses prestations d’aide financière en cas de violation de la loi, notamment de cet engagement.

3) Lors de sa demande d’aide financière, elle a indiqué, le 20 septembre 2016, qu’elle vivait provisoirement chez son frère, étant séparée de son mari, Monsieur B______, père de ses deux enfants, qu’elle avait cessé son activité indépendante en novembre 2015 et ne percevait pas d’indemnité de chômage, que son mari vivait avec leurs enfants à C______ dans leur maison, acquise en 2010 par le couple en copropriété pour EUR 392'000.-, que cette maison avait été mise en vente et qu’elle avait contracté quelques dettes auprès de son frère et n’avait pas de poursuites.

4) Dans le formulaire de demande d’aide, signé le 4 octobre 2016, elle a indiqué ne pas avoir de dettes hypothécaires et coché la case « crédits bancaires » en ajoutant à la main « maison ». Mme A______ a produit la convention de séparation des époux du 1er septembre 2015, prévoyant que le prix de la vente de la maison serait réparti à parts égales entre les conjoints, après remboursement des prêts.

L’assistante sociale a attiré son attention sur le fait qu’en tant que propriétaire d’un bien immobilier ne servant pas de demeure permanente, Mme A______ ne pouvait prétendre à l’aide sociale. Seule une aide financière provisoire et remboursable pouvait être accordée dans l’attente de la vente du bien.

5) À la demande de l’assistante sociale, Mme A______ lui a envoyé, le 13 octobre 2016, copie d’un « mandat de vente » signé le 15 mai 2014 avec D______concernant la villa de cinq pièces au prix de EUR 780'000.-.

6) Le montant lui paraissant très élevé, l’assistante sociale a pris contact avec l’agence précitée qui lui a indiqué que le mandat était échu depuis mai 2015.

7) Lors de la remise du chèque pour les prestations d’octobre 2016, Mme A______ a informé l’assistante sociale que les démarches en vue de la vente de la maison et du divorce suivaient leur cours.

8) Mme A______ a présenté, le 28 juillet 2017, le jugement de divorce prononcé en France le 16 février 2017, homologuant la convention de divorce. Selon celle-ci, les ex-conjoints, propriétaires par moitié de la maison, avaient conclu une convention d’indivision devant notaire afin de faciliter sa vente. M. B______ bénéficiait gratuitement de la jouissance du bien. En contrepartie, il s’acquittait des trois prêts contractés auprès de la E______, des assurances y afférentes et de la taxe foncière. En cas de vente du bien, le solde, après remboursement des prêts bancaires, était réparti de manière égale entre les ex-époux, M. B______ renonçant expressément à revendiquer les avoirs de prévoyance de CHF 45'052.- investis dans le bien. La convention d’indivision retenait une valeur du bien immobilier de EUR 550'000.-.

9) Par courrier du 7 août 2017, l’hospice a rappelé à Mme A______ que l’aide financière accordée depuis octobre 2016, dans l’attente de la liquidation du régime matrimonial, était remboursable.

10) Le 22 février 2018, l’hospice a adressé un avertissement à Mme A______ fondé sur le fait qu’elle ne s’était pas présentée, sans excuse, à un rendez-vous et n’avait pas remis le courrier, sollicité le 18 décembre 2017, de l’agence immobilière confirmant que la maison était toujours en vente.

11) Lors de l’entretien périodique du 18 avril 2018, Mme A______ a confirmé que le bien était toujours en vente, mais n’avait pas trouvé acquéreur. Elle s’est engagée à tenir l’hospice au courant de tout changement relatif à ce bien.

12) Lors des entretiens périodiques des 12 et 25 juin 2018, l’assistante sociale a réitéré sa demande de pièces attestant de la mise en vente de la maison.

13) Le 5 juillet 2018, Mme A______ a remis un « certificat de mise en vente » de F______ du 26 juin 2018, sans mention d’un prix de vente.

14) Le 23 août 2018, l’hospice a demandé à la bénéficiaire de produire en septembre 2018 une nouvelle attestation de mise en vente.

15) Par courrier simple et recommandé du 6 mars 2019, l’hospice a rappelé le caractère exceptionnel et remboursable de ses prestations, allouées pour une durée de trois mois, renouvelable de trois mois en trois mois, au maximum pour douze mois sur production de la preuve des démarches effectuées en vue de la vente de la maison.

16) En réponse à ce courrier, Mme A______ a remis à l’hospice copie d’une attestation de mise en vente, établie le 2 mai 2019 par G______, sans indication de prix.

17) Lors de l’entretien périodique du 3 juin 2019, l’assistante sociale a rappelé le caractère provisoire et remboursable de l’aide, précisant qu’elle prendrait fin au plus fard fin février 2020. Lorsqu’elle a dit à Mme A______ que la maison ne semblait pas avoir été mise en vente, celle-ci avait paru peu concernée, se bornant à indiquer que son ex-mari s’occupait de la vente et payait toutes les charges de la maison. Elle a été invitée à se montrer plus active dans cette vente.

18) En signant le 16 août 2019, comme précédemment, la reconnaissance de dettes portant sur les montants avancés par l’hospice, Mme A______ s’est mise à pleurer, exposant devoir s’endetter pour une maison dont elle ne retirerait jamais rien ; elle voulait « se débarrasser » de cette maison, qui ne lui causait que des soucis.

19) Lors de ses demandes signées les 18 avril 2018 et 31 juillet 2019, elle n’a pas signalé de changement concernant ses dettes.

20) Lors de l’entretien périodique du 26 août 2019, Mme A______ a déclaré qu’elle ne voulait pas entreprendre de démarches pour vendre une maison dans laquelle ses enfants vivaient. Elle préférait avoir des dettes. Son attention a été attirée sur le fait qu’en renonçant à sa part dans la maison, il serait considéré qu’elle se dessaisissait d’un bien au sens de la loi. Il était également précisé qu’il n’était pas surprenant qu’aucun acquéreur ne se trouve pour un prix de vente articulé de EUR 750'000.- pour un bien estimé à EUR 550'000.-.

21) Lors de l’entretien périodique du 2 décembre 2019, Mme A______ a indiqué à l’assistante sociale, qui lui avait expliqué que l’hospice avait fait preuve d’une grande tolérance en versant des prestations depuis octobre 2016, que son ex-mari ne disposait pas des moyens pour lui racheter sa part qu’elle ne souhaitait toutefois pas lui vendre à un prix trop favorable. Elle s’est toutefois engagée à lui parler.

22) Lors de l’entretien périodique du 6 janvier 2020, l’assistante sociale a rappelé la fin imminente de l’aide ordinaire de l’hospice. Dès le 1er mars 2020, seule l’aide d’urgence pendant six mois pourrait être versée.

23) Lors de l’entretien du 3 février 2020, Mme A______ a indiqué que la vente du bien ne lui apporterait rien. Son assistante lui a répondu qu’elle devait choisir entre la conservation du bien et l’aide sociale.

24) Par décision du même jour, l’hospice a rappelé que le délai durant lequel l’aide financière dérogatoire avait été allouée prenait fin le 29 février 2020. Toutefois, pour tenir compte de sa situation, une aide d’urgence remboursable pour une durée maximale de six mois lui était versée, à condition qu’elle poursuive les démarches en vue de la vente de son bien immobilier.

25) Lors de l’entretien périodique du 6 mars 2020, Mme A______ s’est plainte de ne pas pouvoir faire face à ses frais. Elle était convenue avec son mari, auprès duquel elle s’était endettée, de faire le nécessaire auprès du notaire pour régulariser la situation.

26) Lors de l’entretien périodique du 17 avril 2020, l’administrée a annoncé qu’elle avait signé une reconnaissance de dette à son ex-mari, qui lui avait avancé beaucoup d’argent lors de leur séparation afin qu’elle puisse poursuivre son activité indépendante et payer sa part des frais afférents à la maison. En raison de cette reconnaissance de dette, elle n’avait plus de droit sur la maison.

Selon ce document, daté du 10 février 2020, remis à la demande de l’assistante sociale le 20 avril 2020, Mme A______ reconnaissait devoir à son ex-mari la somme de CHF 62'000.-. Le document terminait par « À présent, cette dette ne fait qu’aggraver ma situation financière et mon état de santé général. C’est pourquoi, je décide de céder ma part de la maison à M. B______, afin de rembourser la somme totale de 62'000.- que je lui dois. Je renonce donc à toutes responsabilités liées à la maison ( ) ».

27) À la demande de l’assistante sociale de lui indiquer le montant qui restait à rembourser à la banque en lien avec la maison, Mme A______ a répondu, le 5 mai 2020, « désormais, je n’ai plus rien à voir avec la maison, car Monsieur a investi seul et paie le crédit lui-même. Il a fait des travaux et a investi davantage après mon départ. J’ai renoncé à la maison suite à mes dettes et je ne veux plus avoir de dettes envers personne, car je suis épuisée de cette situation ».

28) Le 8 mai 2020, l’hospice a informé la bénéficiaire qu’elle était toujours propriétaire, de sorte que la seule aide d’urgence lui était octroyée.

29) Par courriel du 24 juin 2020, l’hospice a rappelé à Mme A______ que ses prestations d’aide d’urgence prenaient fin en août 2020. Un rendez-vous au 19 août 2020 était fixé pour discuter de l’avenir.

30) Dans un entretien téléphonique du 6 juillet 2020, Mme A______ s’est plainte de ne pas arriver à couvrir ses charges. Rendue attentive au fait qu’elle pouvait louer la partie de la maison qui lui appartenait, elle a déclaré qu’elle l’avait vendue à son ex-mari ; les documents y relatifs étaient en cours de rédaction par le notaire.

31) L’intéressée a transmis à l’hospice, le 28 août 2020, une attestation du notaire, du 24 août 2020, confirmant avoir été chargé de préparer un acte de liquidation du régime matrimonial selon lequel l’ex-mari restait seul propriétaire de la maison.

32) Par courriel du 9 septembre 2020, l’hospice a informé Mme A______ qu’au vu de la reconnaissance de dettes et du récent courrier du notaire, il apparaissait qu’elle tentait de se dessaisir de son bien immobilier, renonçant ainsi à un élément de fortune. En l’état, elle était toujours propriétaire d’un bien immobilier estimé à EUR 750'000.-. Il lui appartenait de prouver qu’elle était dans l’impossibilité de réaliser ce bien. Dans l’attente d’une telle preuve, une prestation financière au barème réduit lui était versée en septembre 2020. Si elle démontrait qu’il lui était impossible de vendre le bien, l’aide normale était reprise.

33) À la suite d’un courrier du psychiatre de l’intéressée faisant état du désarroi de celle-ci, l’hospice a accepté, à bien plaire, de poursuivre l’aide d’urgence remboursable.

34) Répondant à un courrier de l’avocat de Mme A______, l’hospice a expliqué que la convention de divorce ne mentionnait aucune dette entre les ex-époux et que la moitié du solde après remboursement des prêts bancaires devait revenir à celle-ci. En donnant sans contrepartie sa part de la maison, la bénéficiaire s’en dessaisissait, ce qui pouvait constituer un motif de cessation des prestations.

35) Après avoir été relancée par l’assistante sociale, Mme A______ a produit, le 24 décembre 2020, un document daté du 16 décembre 2020 intitulé « liquidation de communauté entre les époux B______/A______ ». Le bien, évalué à EUR 500'000.-, était attribué à M. B______ pour une soulte de EUR 77'336.47. Cette soulte équivalait aux montants avancés par M. B______ à Mme A______ au titre de remboursement de dettes liées à l’exploitation du magasin de celle-ci et de remboursement « d’emprunt payé par Monsieur pour Madame depuis leur divorce ». Il était encore précisé que les parties ne jugeaient pas nécessaire de détailler davantage le décompte de ces sommes.

36) Par décision du 8 février 2021, l’hospice a réclamé à Mme A______ le remboursement de la somme de CHF 77'336.47 correspondant à sa part du bien immobilier qui aurait dû lui revenir.

37) Dans son opposition, Mme A______ a fait valoir qu’elle avait d’importantes dettes envers son ex-conjoint que la cession immobilière avait permis de solder. Il n’avait pas été possible de trouver un acquéreur de sa part acceptant de cohabiter avec son ex-mari et ses enfants.

38) Depuis le 1er janvier 2021, Mme A______ est au bénéfice de l’aide financière ordinaire dans l’attente de la décision relative à sa demande déposée auprès de l’assurance-invalidité.

39) Le 15 août 2022, l’hospice a rejeté l’opposition.

40) Par acte expédié le 19 septembre 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, dont elle a demandé l’annulation, concluant à ce qu’il soit dit qu’elle ne devait pas restituer la somme réclamée.

Elle avait entrepris de nombreuses démarches en vue de vendre l’immeuble, demeurées toutes infructueuses. Son ex-mari n’avait pas les moyens de lui racheter sa part. Elle vivait séparée de lui depuis de nombreuses années. Il l’avait soutenue financièrement lorsqu’elle exploitait son commerce. L’hospice aurait dû investiguer ce point. Elle n’avait pas eu de moyen de le contraindre à vendre la maison.

41) Dans son complément de recours du 3 octobre 2022, elle a insisté sur le fait qu’aucun acquéreur n’avait pu être trouvé et que son ex-mari ne pouvait être obligé de brader la maison. Celui-ci l’avait beaucoup aidé financièrement, ce qu’elle avait offert à l’hospice de prouver. La chambre administrative pouvait également entendre des témoins à ce sujet. Elle n’avait eu ni les moyens ni la force psychologique pour introduire une procédure en France en vue d’obtenir la réalisation de la maison et percevoir sa part. Enfin, sa part « ne valait guère plus » de CHF 40'000.-, compte tenu des dettes hypothécaires, étant précisé qu’elle devait CHF 40'000.- à son ex-mari.

42) L’hospice a conclu au rejet du recours.

La recourante s’était dessaisie de sa part dans la maison sise en France, de sorte que cette part devait être remboursée à l’hospice.

43) Dans sa réplique, la recourante a indiqué que l’hospice avait réduit de CHF 100.- l’aide accordée en novembre 2020, ce qu’elle trouvait injuste.

44) L’hospice a précisé que la réduction de CHF 100.- correspondait à une retenue sur l’aide de décembre 2020, liée à une avance consentie en novembre 2020.

45) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante propose que des témoins soient entendus en vue d’établir les dettes qu’elle avait envers son ex-mari.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées).

b. En l’espèce, la recourante n’indique pas quels témoins pourraient se prononcer sur les dettes qu’elle allègue avoir contractées auprès de son ex-mari. En outre, pour les raisons détaillées plus bas, quand bien même il conviendrait d’admettre l’existence de ces dettes, cela demeurerait sans conséquences sur l’issue du litige.

La chambre de céans renoncera donc à ces auditions.

3) Est litigieux le remboursement de CHF 77'336.47 réclamé à la recourante.

a. Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (art. 8 al. 1 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (al. 2).

Les prestations d'aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI). L'art. 1 al. 1 let. a du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) prévoit ainsi que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure.

b. Dès lors que la valeur d'un immeuble dépasse pratiquement toujours les limites de fortune fixées à l'art. 1 al. 1 RIASI, une personne propriétaire d'un immeuble n'aura pratiquement jamais droit à des prestations d'aide financière (ATF 146 I 1 consid. 6.4). L'art. 12 al. 2 LIASI prévoit toutefois qu'exceptionnellement une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d'un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l'aide financière accordée est remboursable, l'immeuble pouvant être grevé d'une hypothèque au profit de l'hospice. L'hospice demande le remboursement de ces prestations dès que le bénéficiaire ne remplit plus les conditions du besoin (art. 39 al. 2 LIASI).

La volonté du législateur était d’offrir l’aide de l’hospice à une personne propriétaire de son logement pour éviter que celle-ci soit obligée de réaliser son bien et qu’elle se retrouve sans toit, à certaines conditions notamment que ledit logement constitue sa demeure permanente (MGC 2006-2007/V A - Séance 25 du 23 février 2007 ; ATA/10/2020 du 7 janvier 2020 consid. 2f et les références citées).

c. Selon l'art. 40 al. 1 et 2 LIASI, si des prestations d'aide financière ont été accordées alors que le bénéficiaire s'est dessaisi de ses ressources ou de parts de fortunes, les prestations d'aide financière sont remboursables. Il en est de même lorsque le bénéficiaire est entré en possession d'une fortune importante, a reçu un don, réalisé un gain de loterie ou d'autres revenus extraordinaires ne provenant pas de son travail, ou encore lorsque l'équité l'exige pour d'autres raisons.

d. Les ressources du demandeur d'aide comprennent aussi sa fortune, soit l'argent liquide, les choses mobilières (telles que véhicules privés ou objets de valeur), les immeubles, les créances et autres droits (avoirs bancaires, titres, assurances vie, participation à des sociétés, quote-part d'une succession non partagée), en bref l'ensemble des droits subjectifs ayant une valeur patrimoniale. Ces ressources doivent être prises en compte, conformément aux principes précités, si elles sont immédiatement disponibles ou réalisables à court terme. Sinon, le demandeur d'aide doit les réaliser aussi rapidement que possible. Lorsque l'élément de fortune constitue un bien-fonds, il ne peut en général pas être réalisé à court terme ou à temps pour couvrir les besoins actuels du demandeur d'aide. Dans l'intervalle, celui-ci doit pouvoir compter sur une aide de l'État, qu'il remboursera dès la réalisation des éléments de fortune en question (ATF 146 I 1 consid. 8.2.2 et les références citées).

e. Le Tribunal fédéral reconnaît les normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (ci-après : CSIAS) relatives à la conception et au calcul de l’aide sociale. Il s’agit de recommandations à l’intention des autorités sociales des cantons, des communes, de la Confédération et des institutions sociales privées, non contraignantes mais contribuant à harmoniser la notion de besoin dans l’aide sociale (ATF 146 I 1 consid. 5.2). Élaborées en collaboration avec les cantons, les communes, les villes et les organismes d’aide sociale privée, approuvées par la Conférence suisse des directeurs cantonaux des affaires sociales (ci-après : CDAS) et régulièrement révisées, les normes CSIAS visent à garantir la sécurité juridique et l’égalité de droit (site internet de la CSIAS in : https://skos.ch/fr/les-normes-csias/origine-et-signification, consulté en janvier 2023).

Selon la norme CSIAS D.3.1, dans sa version du 1er janvier 2021, accessible sur le site des normes de la CSIAS in https://rl.skos.ch/lexoverview-home/lex-RL_A_1 (consulté en janvier 2023), font partie de la fortune tous les biens sur lesquels une personne demandant une aide a un droit de propriété. Le besoin d’aide est évalué sur la base des biens effectivement disponibles ou réalisables à court terme (al. 1). Certains biens peuvent ne pas être pris en compte lorsque (al. 2) : une rigueur excessive en résulterait pour les bénéficiaires de l’aide ou leurs proches (let. a), l’utilisation ne serait pas rentable (let. b) ; ou la vente d’objets de valeur ne serait pas raisonnablement exigible pour d’autres raisons (let. c). Un délai approprié doit être accordé pour la vente des actifs réalisables. Si nécessaire, une aide financière est accordée dans l’intervalle (al. 3).

Le commentaire CSIAS de la norme D.3.1 (point c) concernant les biens non réalisables à court terme, comme en cas de copropriété dans une hoirie ou de propriété immobilière, précise qu’il est possible que des personnes demandant une aide possèdent des biens qui doivent être pris en compte et dont la valeur dépasse le montant de la franchise, mais que la réalisation de tels biens peut s’avérer impossible à court terme. Dans de tels cas, malgré la présence d’une fortune, une situation de détresse peut survenir faute de liquidités. Les besoins de base seront alors couverts à titre d’avance. Un délai approprié sera fixé pour la vente des biens en question. De même, le remboursement de prestations d’aide consenties à titre d’avances devra être assuré.

La norme CSIAS D.3.2, dans sa version du 1er janvier 2021, relative à la propriété immobilière dispose que les biens immobiliers en Suisse et à l’étranger font partie de la fortune. Ils sont pris en compte dans l’examen des conditions d’octroi. Il n’existe aucun droit à leur conservation (al. 1). Il est possible de renoncer à la vente d’un bien immobilier dans quatre cas de figure (al. 2), lorsqu’un bien immobilier est occupé par la personne bénéficiaire qui peut y loger aux conditions du marché ou à des conditions plus avantageuses encore (let. a), lorsque l’aide sera vraisemblablement de courte ou de moyenne durée (let. b), lorsque l’aide est d’un montant relativement faible (let. c) ou lorsque le produit de la vente s’avère trop peu élevé en raison des conditions du marché (let. d). Lorsqu’on renonce à la réalisation du bien, des mesures appropriées doivent être prises pour garantir le remboursement (al. 3).

Le commentaire CSIAS de la norme D.3.2 précise que les personnes possédant des biens immobiliers ne doivent pas être mieux loties que celles ayant des biens sous forme de comptes épargne ou de titres, soulignant qu’il n’existe pas de droit de conserver une propriété immobilière (point a). Une aide accordée malgré une propriété immobilière est considérée comme une avance. Le remboursement d’une telle aide consentie à titre d’avance peut être garanti par la constitution d’un gage immobilier (point b).

4) En l’espèce, la recourante a signé, les 18 avril 2018 et 31 juillet 2019, le document intitulé « Mon engagement » résumant ses obligations et, notamment, son engagement à rembourser toute prestation exigible à teneur des dispositions légales en vigueur.

L’hospice lui a clairement indiqué, dès l’octroi de ses prestations, que celles-ci étaient remboursables, compte tenu de la copropriété de la recourante de la maison familiale sise en France.

Celle-ci n’a pas signalé l’existence de dettes contractées auprès de son ex-époux ni au moment de la première demande d’octroi de prestations en 2016, ni en 2017, 2018 et 2019. Ce n’est qu’en 2020, lorsque ses prestations ordinaires ont pris fin, qu’elle a fait état de telles dettes, présentant une reconnaissance de dettes signée quelques jours avant la fin des prestations ordinaires versées par l’hospice. Elle n’a cependant jamais précisé le détail de ces dettes. Celles-ci – antérieures au divorce selon les indications de la recourante – ne sont mentionnées ni dans sa demande de prestations, ni dans la convention de séparation des ex-conjoints ni encore dans la convention relative au divorce. Leur existence est ainsi douteuse. Cela étant, quand bien même l’existence de ces dettes était démontrée, elle demeurerait sans conséquence sur l’issue du litige, comme cela sera développé ci-dessous.

Contrairement à ce que fait valoir la recourante, la vente de la maison n’était pas impossible. D’une part, la volonté des copropriétaires de mettre la maison en vente n’est pas établie. Les pièces produites, bien qu’elles évoquent des mandats de vente, ne mentionnent aucun prix, étant précisé que le seul prix articulé, de EUR 780'000.-, paraît manifestement excessif, comme l’a d’ailleurs reconnu la recourante dans son courriel du 5 mai 2020 ; il était ainsi susceptible de dissuader tout acquéreur. En outre, la recourante a elle-même déclaré, lors de l’entretien périodique du 26 août 2019, qu’elle ne souhaitait pas procéder à la vente du bien immobilier dans lequel son ex-mari et ses enfants vivaient. D’autre part, elle disposait d’une action en partage, conformément au jugement en divorce, selon lequel la moitié du prix de vente lui revenait après remboursement des prêts bancaires contractés pour l’acquisition de ce bien. La vente du bien n’était, donc, pas impossible.

Aux termes de l’acte notarié du 16 décembre 2020, la valeur de la maison a été estimée à EUR 500'000.- et les prêts bancaires non remboursés se montaient à EUR 345'327.06. Ainsi, la moitié du bénéfice, à savoir 0.5 fois (EUR 500'000.- moins EUR 345'327.06) = EUR 77'336.47, devait revenir à la recourante. Cette dernière a cependant choisi de renoncer à sa part afin de désintéresser son ex-mari de dettes qu’elle aurait contractées auprès de lui avant le divorce. Or, même si l’existence de telles dettes était établie, il est relevé qu’il n'appartient pas à la collectivité publique de désintéresser indirectement d'éventuels créanciers de ses bénéficiaires, compte tenu du caractère subsidiaire de l'aide sociale (ATA/823/2021 du 10 août 2021 consid. 4b ; ATA/523/2020 du 26 mai 2020 consid. 4 ; ATA/1719/2019 du 26 novembre 2019 consid. 5). À cela s’ajoute que si des prestations d'aide financière ont été accordées alors que le bénéficiaire s'est dessaisi de ses ressources ou de parts de fortunes, les prestations d'aide financière sont remboursables (art. 40 al. 1 LIASI).

L’hospice aurait ainsi été fondé à réclamer le remboursement de l’ensemble des prestations versées par ses soins. En limitant sa demande au montant auquel la recourante a renoncé en faveur de son ex-mari, l’autorité intimée a pleinement respecté le principe de la proportionnalité.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

5) Vu la nature du litige, il n’y a pas lieu à la perception d’un émolument. La recourante succombant, elle ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

Il est encore observé, en tant que la recourante s’offusque de la délégation de compétence aux juridictions civiles de statuer sur les demandes d’assistance juridique relatives à des causes de nature administrative, que cette délégation repose sur une base légale valable (arrêt du Tribunal fédéral 2D_46/2012 du 16 janvier 2013).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 septembre 2022 par Madame A______ contre la décision de l’Hospice général du 15 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre-Bernard Petitat, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :