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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3005/2022

ATA/1186/2022 du 28.11.2022 ( EXPLOI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3005/2022-EXPLOI ATA/1186/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 novembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Martine Stückelberg, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL



EN FAIT

1) Par courrier du 5 septembre 2022, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a informé Madame A______ et Monsieur B______ qu’il avait constaté qu’ils ne respectaient pas leurs obligations en matière de salaire minimum prévu par le contrat-type de travail de l’économie domestique. Selon ces derniers, aucun rattrapage salarial n’était nécessaire ; ils admettaient uniquement devoir affilier Madame C______ rétroactivement aux assurances sociales. Dès lors que l’instruction était arrivée à son terme, elle était close et la demande de suspension était rejetée. Le délai imparti par courrier de l’OCIRT du 4 juillet 2022 pour se déterminer sur le résultat de l’administration des preuves était cependant prolongé au 26 septembre 2022. Passé ce délai, une sanction serait prononcée.

2) Par acte expédié le 16 septembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ a recouru contre le refus de suspension, concluant à ce que celle-ci soit admise.

Mme C______ et elle divergeaient sur les horaires de travail de celle-ci. L’OCIRT n’avait mené aucune procédure contradictoire, ne procédant ni à son audition ni à celle de l’employée ou de témoins. Depuis le 13 juillet 2022, une procédure prud’homale était pendante à la demande de l’employée. Le refus de suspendre la procédure dans l’attente de l’issue de la procédure prud’homale violait les principes d’unité et de sécurité du droit. La recourante avait un intérêt digne de protection à ne pas être sanctionnée avant que les faits soient établis de manière contradictoire. La question de savoir si les règles relatives au salaire avaient été respectées dépendait des faits que la juridiction des prud’hommes établirait.

3) L’OCIRT a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

Il n’existait aucun risque de préjudice irréparable résultant de la clôture de l’instruction et du refus de suspendre la procédure devant l’OCIRT. Si cet office devait prononcer une sanction, la recourante pourrait la contester.

4) Dans sa réplique, la recourante a insisté sur le fait que la procédure prud’homale présentait des garanties du contradictoire qui faisaient défaut dans la procédure menée par l’OCIRT.

5) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La décision de refus de suspension est une décision incidente.

a. Selon l'art. 57 let. c LPA in initio, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Le préjudice irréparable visé par l’art. 93 al. 1 let. a et b LTF suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1).

c. La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

d. Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

e. Une décision de suspension de la procédure peut causer un préjudice irréparable lorsque le justiciable se plaint, pour cette raison, d'un retard injustifié à statuer sur le fond constitutif d'un déni de justice formel ; il faut à cet égard que le grief fasse apparaître un risque sérieux de violation du principe de célérité (ATF 143 IV 175 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_804/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1.2 et les références citées).

À l'inverse, le refus de suspendre une cause dans l'attente d'une autre procédure et, par conséquent, la poursuite de l'instruction de la cause pendante n'exposent pas le justiciable à un préjudice irréparable de nature juridique dès lors qu'une décision finale qui lui soit favorable sur le fond du litige n'est pas exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1C_25/2018 du 19 janvier 2018 consid. 2.3).

f. La seconde hypothèse de l'art. 57 let. c LPA suppose cumulativement que l'instance saisie puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1 ; ATA/365/2010 du 1er juin 2010 consid. 4c).

g. En l’espèce, il est manifeste que le fait d’admettre la suspension n’est pas de nature à mettre immédiatement un terme à la procédure ni d’éviter à la recourante une procédure longue et coûteuse. La seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA n’est donc pas remplie ; la recourante ne le fait au demeurant pas valoir.

La première hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA n’est pas non plus réalisée. En effet, le fait de refuser de suspendre l’instruction de la procédure menée par l’OCIRT n’est pas susceptible d’entraîner un préjudice difficilement réparable pour la recourante. Cette dernière pourra, en cas de décision au fond qui lui serait défavorable, la contester auprès de la chambre administrative. Il n’en résulterait ainsi pour elle aucun préjudice difficilement réparable. Le refus de suspension ne la prive d’aucun droit dans l’éventuelle procédure de recours qu’elle pourrait intenter contre une décision lui étant défavorable. En particulier, en cas de recours, il lui sera loisible de faire valoir tous les griefs qu’elle estime pertinents, de solliciter l’ensemble des actes d’instruction qui lui semblent utiles et, si elle l’estime opportun, de demander la suspension de la procédure judiciaire dans l’attente de l’issue de la procédure prud’homale. Le refus de suspension ne lui cause donc aucun préjudice irréparable.

Les conditions de l'art. 57 let. c LPA n’étant pas réalisées, son recours doit être déclaré irrecevable.

3) Vu l’issue du litige, la recourante supportera l’émolument de CHF 500.- et ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 16 septembre 2022 par Madame A______ contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 5 septembre 2022 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Martine Stückelberg, avocate de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Deschamps

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :