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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/811/2021

ATA/1122/2022 du 08.11.2022 sur JTAPI/80/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/811/2021-PE ATA/1122/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 novembre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par le Centre social protestant,

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 janvier 2022 (JTAPI/80/2022)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1987 et ressortissante de Thaïlande, est arrivée en Suisse en 2012 munie d'un visa de type D, motifs professionnels, pour une durée de 240 jours, délivré par l'ambassade de Suisse à Bangkok.

Selon ses explications, elle serait restée à Genève à l’échéance de son autorisation et aurait travaillé quatre ans comme garde d’enfant dans une famille genevoise qui l’hébergeait.

2) En juin 2016, il lui a été diagnostiqué un cancer du sein gauche, lequel a nécessité un traitement médical consistant en chimiothérapie, chirurgie, puis radiothérapie. Depuis mai 2017, elle suit un traitement d'hormonothérapie qui doit durer au minimum cinq ans et nécessite des contrôles réguliers.

3) Le 5 octobre 2017, Mme A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité.

4) Dans le cadre de cette demande, Mme A______ a notamment transmis à l’OCPM un rapport médical des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) daté du 4 août 2020, attestant de ce qu’elle présentait un carcinome canalaire invasif du sein gauche de stade IIIC pour lequel elle était au bénéfice d'un traitement d'hormonothérapie adjuvante par suppression de la fonction ovarienne par goséréline (Zodalex) ajouté à un inhibiteur stéroïdien de l'aromatase (exémestane) depuis le mois de mars 2017. Elle bénéficiait d'un contrôle clinique tous les trois mois dans le service d'oncologie des HUG. Le pronostic sans traitement était mauvais étant donné le stade du cancer. Les traitements n’étaient pas disponibles dans le pays d'origine.

5) Par décision du 1er février 2021, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse, constatant au surplus que l'exécution du renvoi était raisonnablement exigible.

Mme A______ ne remplissait pas les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

La continuité de son séjour depuis son arrivée en Suisse semblait a priori démontrée, ce qui constituait un séjour de neuf ans. Cette durée devait toutefois être fortement relativisée, dans la mesure où l’intéressée était arrivée en février 2012 à l'âge de 25 ans et qu'elle avait donc vécu toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte en Thaïlande. Par ailleurs, elle ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée. Enfin, le traitement médical nécessité par son état de santé était disponible en Thaïlande, comme cela ressortait d’un rapport du secrétariat d'État aux migrations (SEM/consulting médical) du 16 novembre 2020. Elle émargeait à l'aide sociale depuis le 1er décembre 2017 pour un montant global de plus de CHF 51'000.- et faisait l'objet de cinq actes de défaut de bien pour un total de CHF 8'304.-.

6) Par acte du 3 mars 2021, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), en concluant principalement à son annulation et à ce qu'il soit constaté qu'elle remplissait les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour. Subsidiairement, elle a conclu au constat que son renvoi était inexigible et au renvoi du dossier à l'OCPM pour nouvelle décision.

Elle avait été contrainte d'arrêter de travailler à l'annonce de sa maladie. Depuis lors, elle avait été hébergée chez son frère, titulaire d'une autorisation d'établissement, et avait dû s'adresser à l'Hospice général (ci-après : l’hospice). Dès que son état de santé lui avait permis de recommencer à travailler, elle avait repris un emploi, qu'elle occupait depuis septembre 2019 comme serveuse au restaurant le « B______ ». Son taux d'activité limité de 30 % résultait de sa situation médicale, mais elle souhaitait l’augmenter dès que possible. Elle était très appréciée par son employeur, ainsi qu'en attestait celui-ci par une lettre de soutien du 15 décembre 2020 qu'elle annexait à son recours. Elle entretenait par ailleurs une relation de couple avec Monsieur C______ depuis 2012, comme en attestait sa lettre du 18 décembre 2020.

S'agissant des traitements médicaux qui seraient disponibles en Thaïlande, elle a précisé que sa famille vivait à Si Chiang Mai, ville située à plus de 660 km de Bangkok. En cas de renvoi en Thaïlande, actuellement capable de travailler seulement à 30 %, elle n'aurait d'autres choix que de s'installer auprès de sa mère et devrait effectuer un voyage important en vue de recevoir son traitement, un contrôle clinique étant nécessaire tous les trois mois. Outre les coûts de traitement, elle devrait prendre en charge les frais de transport et éventuellement de nuitées à Bangkok, ce qui risquerait de rendre inaccessible l'accès aux soins qui lui étaient nécessaires.

7) Par courrier du 5 août 2021, le TAPI a invité le département d’oncologie des HUG à préciser pourquoi en cas de retour en Thaïlande, Mme A______ ne pourrait pas se procurer les traitements dont elle bénéficiait en Suisse.

8) Le Centre du sein des HUG a répondu par courrier du 18 août 2021.

Mme A______ était une très jeune patiente âgée de 34 ans qui avait été diagnostiquée à l'âge de 29 ans d'un carcinome agressif du sein. Cette tumeur avait été prise en charge de manière curative et actuellement la patiente était sous traitement par double inhibition anti-hormonale. Malgré le fait que l'on se trouvait à quatre ans de la fin du traitement de la radiothérapie, mais en raison du risque élevé de récidive avec un stade initial de la maladie (IIIC), il lui avait été proposé de poursuivre le traitement actuel pour une durée d'au moins encore trois ans. En ce qui concernait les soins oncologiques actuels, il n'était pas possible de répondre à la question de savoir s'ils étaient disponibles en Thaïlande, mais il était souhaitable, dans la mesure du possible, de pouvoir continuer le suivi médical rapproché au service d'oncogynécologie médicale des HUG.

9) Par courrier du 14 septembre 2021, le TAPI a invité l'OCPM à préciser si les traitements dont Mme A______ avait besoin étaient disponibles à Chiang Mai.

10) Le 22 septembre 2021, l'OCPM a produit un courriel du 21 septembre 2021 que lui avait adressé l'ambassade de Suisse en Thaïlande. Il en résulte qu’il n'y avait pas d'hôpital public à Chiang Mai pour le traitement de Mme A______. Il était en revanche possible de le commander, étant précisé que l’ambassade ne savait pas si ce médicament était pris en charge par l'assurance de base en Thaïlande.

11) Invité à se prononcer sur les informations susmentionnées, l'OCPM, par courrier du 7 octobre 2021, a confirmé qu'un traitement idoine était disponible à Chiang Mai. Par ailleurs, comme le SEM l'avait confirmé dans son rapport du 16 novembre 2020, il restait possible de se soigner à Bangkok moyennant la prise de dispositions organisationnelles. Enfin, dans la mesure où cela était réalisable, l'intéressée avait la possibilité de se constituer une réserve de médicaments avant son départ de Suisse, notamment afin de ne pas compromettre la continuité de son traitement, le temps que sa nouvelle prise en charge se fasse dans son pays d'origine.

12) Par courrier du 13 octobre 2021, Mme A______ a relevé que sa famille vivait à Si Chiang Mai, ville éloignée de plus de 600 km de Chiang Mai, soit à plus de 10 heures de route en voiture. Le problème de la distance se poserait de la même manière que pour un traitement à Bangkok. Il existait donc un risque avéré qu'elle n'ait pas accès aux traitements qui lui étaient nécessaires en cas de retour en Thaïlande.

13) Par jugement du 28 janvier 2022, le TAPI a partiellement admis le recours de l’intéressée et renvoyé le dossier à l’OCPM afin qu’il le soumette au SEM avec un préavis favorable à une admission provisoire.

C’était à bon droit que l’OCPM avait refusé de lui octroyer un permis de séjour pour cas individuel d’extrême gravité. La durée de son séjour en Suisse était certes assez longue, mais insuffisante pour que son renvoi constitue un profond déracinement par rapport aux attaches qu’elle s’était constituées en Suisse. Sur le plan professionnel, son intégration pouvait être qualifiée d’ordinaire. Il en allait de même de son intégration sociale, étant relevé, même si cela était imputable à sa maladie, qu’elle avait entièrement dépendu de l’aide sociale de 2017 à 2019 et qu’elle continuait à en dépendre dans une certaine mesure, son emploi à un taux de 30 % ne lui permettant pas de subvenir entièrement à ses besoins. Sur le plan professionnel et social, le TAPI ne voyait pas en quoi un retour en Thaïlande entraînerait pour elle, plus que pour n’importe quel autre compatriote, des conséquences particulièrement graves, étant précisé qu’elle avait encore sa famille dans son pays d’origine. Enfin, une problématique médicale ne saurait en principe justifier à elle seule l’octroi d’un permis de séjour pour cas individuel d’extrême gravité.

Mme A______ remplissait en revanche les conditions d’une admission provisoire. Si l’on prenait en considération la faible capacité de travail qu’elle avait en raison de son état de santé, il apparaissait évident qu’elle serait concrètement exposée, en cas de retour dans son pays, au risque de ne pas pouvoir assumer financièrement son traitement, quand bien même celui-ci serait dans une certaine mesure à charge du système de santé national.

14) Par acte du 3 mars 2022, Mme A______ a recouru par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation partielle et qu’il soit constaté qu’elle remplit les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour.

Sa situation était constitutive d’un cas d’extrême gravité. Elle vivait désormais en Suisse depuis dix ans, ce qui avait été considéré comme un séjour de longue durée permettant de prétendre à une autorisation de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus ». Elle était parfaitement intégrée : elle parlait très bien le français qu’elle continuait à perfectionner, elle était en couple avec un ressortissant suisse et elle y avait de nombreux amis, ainsi que son frère, chez qui elle vivait. Ses proches lui apportaient un soutien précieux dans le combat qu’elle menait contre la maladie. Concernant son intégration professionnelle, elle avait travaillé jusqu’en 2016 puis avait dû cesser son activité en raison des traitements. Étant donné son incapacité de travail, sa dépendance à l’aide sociale depuis décembre 2017 ne pouvait pas lui être reprochée, conformément à l’art. 58a al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 77 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Elle avait par ailleurs recommencé à travailler dès que possible, au taux d’activité maximal autorisé par son médecin, et ce malgré la fatigue et les douleurs engendrées par les traitements médicaux. Son activité ne lui permettait pas d’être totalement indépendante financièrement mais réduisait de manière significative le montant de l’aide versée par l’hospice. Son employeur était par ailleurs très satisfait de son travail et louait ses qualités tant humaines que professionnelles. Il ne faisait du reste aucun doute qu’elle exercerait une activité à plein temps quand son état de santé le lui permettrait. Enfin, sa maladie nécessitait qu’elle puisse continuer à vivre en Suisse et à y recevoir les traitements adéquats.

15) Le 5 avril 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Une grave maladie ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d’un cas de rigueur, l’aspect médical ne constituant que l’un des éléments, parmi d’autres, à prendre en considération. Or, Mme A______ n’avait pas démontré jouir de liens avec la Suisse d’une intensité telle qu’ils justifieraient l’octroi d’un titre de séjour pour cas d’extrême gravité.

16) Par réplique du 5 mai 2022, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

Elle exerçait une activité professionnelle correspondant au maximum de ses capacités eu égard à sa maladie et aux effets secondaires des lourds traitements suivis. Son intégration professionnelle était de ce fait remarquable et démontrait sa volonté de participer à la vie économique genevoise.

17) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige consiste à déterminer si la situation de la recourante relève du cas de rigueur justifiant un séjour sur le fondement de l’art. 30 let. b LEI. .

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Selon l’art. 31 al. 5 OASA, dans sa teneur au moment des faits, si le requérant n’a pu, jusqu’à présent, exercer une activité lucrative en raison de son âge, de son état de santé ou d’une interdiction de travailler en vertu de l’art. 43 LAsi, il convient d’en tenir compte lors de l’examen de sa situation financière et de sa volonté de prendre part à la vie économique (al. 1, let. d).

c. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une intégration professionnelle ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

S’agissant de l'intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 précité consid. 6c et l'arrêt cité).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur ; le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêts du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-2712/2012 du 9 juillet 2014 consid. 5.7 ; C-3216/2010 du
29 janvier 2014 consid. 3.6 ; C-5710/2011 du 13 décembre 2013 consid. 5.1). En d'autres termes, une grave maladie (à supposer qu'elle ne puisse pas être soignée dans le pays d'origine) ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens des dispositions précitées, l'aspect médical ne constituant qu'un élément parmi d'autres (durée du séjour, intégration socioprofessionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d'enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l'étranger, etc.) à prendre en considération (ATF 128 II 200 consid. 5.4 ; arrêts du TAF F-4125/2016 du
26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ; C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ;
C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6.4). Les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi au sens de l'art. 83 al. 4 LEI et une personne qui ne peut se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (arrêts du TAF F-4125/2016 précité consid. 5.4.1 ; C-912/2015 précité consid. 4.3.2 ; C-5450/2011 précité consid. 6.4).

d. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L’« opération Papyrus » s’est terminée le 31 décembre 2018.

3) En l'espèce, il n’est pas contesté que la recourante est arrivée en Suisse en 2012 et qu’elle y a séjourné de manière continue jusqu’à ce jour. Si un tel séjour peut être considéré comme étant d’assez longue durée, au sens de la jurisprudence précitée, il doit être fortement relativisé puisqu’il était illégal dès la fin de l’année 2012. On précisera d’ailleurs que, contrairement à ce que soutient la recourante, un tel séjour ne lui aurait pas permis de prétendre à une autorisation de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus », puisqu’au moment du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour, en 2017, la recourante n’avait séjourné en Suisse que depuis cinq ans.

Son intégration professionnelle ne peut être qualifiée de remarquable au sens de la jurisprudence précitée. Contrairement à ce que prétend la recourante, le fait qu’elle a repris le travail à un taux de 30 % conformément aux prescriptions de sa médecin traitante, ne suffit pas à considérer que son intégration professionnelle est exceptionnelle. S’il convient certes de tenir compte de son état de santé lors de l’examen de sa volonté de prendre part à la vie économique (art. 31 al. 5 OASA qui évoque toutefois la situation dans laquelle le requérant n’a encore pas pu exercer une activité lucrative), il n’en reste pas moins que ni l’activité de serveuse à 30 % exercée depuis 2019, ni celle de garde d’enfant exercée de 2012 à 2016, ne sont constitutives d'une ascension professionnelle remarquable. Il n’est d’ailleurs pas contesté que ces activités n’ont pas conduit l’intéressée à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'elle ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. Enfin, s’agissant de l’art. 58a al. 2 LEI invoqué par la recourante, force est de relever que cette disposition ne s’applique pas à sa situation dès lors qu’elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2019, soit après sa demande d’autorisation de séjour (consid. 2a).

La recourante fait valoir qu’elle parle le français et s'est créée un cercle d'amis en Suisse. Il n’apparait toutefois pas qu’elle ait tissé en Suisse des liens amicaux ou affectifs particulièrement forts qu’elle ne pourrait continuer à entretenir par le biais des moyens de télécommunication modernes. L’intéressée allègue certes entretenir une relation de couple avec un ressortissant suisse depuis 2012. Or, hormis une lettre de soutien de ce dernier datée de décembre 2020, la recourante ne fournit aucune pièce à l’appui de l’existence d’une relation stable avec ce dernier. Elle admet d’ailleurs que ce dernier vit avec ses parents et qu’une « vie commune de couple n’est pas envisagée ». Ainsi, même à supposer qu’il soit établi, ce seul élément ne revêtirait pas le degré d’intensité suffisante pour fonder à lui seul un cas de rigueur. Par ailleurs, la recourante ne démontre pas ni n’allègue qu’avant la survenance de sa maladie, elle se serait investie dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Il sera donc retenu que la recourante ne peut pas se targuer d’une intégration sociale particulièrement marquée.

Pour le reste, arrivée en Suisse à l'âge de 25 ans, la recourante a vécu son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, soit les années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Elle connaît les us et coutumes de son pays, dont elle maîtrise la langue et où vit encore sa famille. Sa réintégration sociale ne devrait ainsi pas poser de problèmes particuliers. Dans ces conditions, sa réintégration socio-professionnelle ne paraît pas fortement compromise. Si elle traversera une nécessaire phase de réadaptation à son retour, aucun élément ne permet de retenir qu’elle se retrouvera face à d’importantes difficultés de réintégration.

En définitive, et comme l’a retenu le TAPI, le seul critère qui peut être retenu au sens de l’art. 31 al. 1 OASA est son état de santé. Or, ainsi que l’a relevé le Tribunal fédéral, une grave maladie ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas de rigueur, l'aspect médical ne constituant qu'un élément parmi d'autres. Ainsi, bien que les problèmes de santé de la recourante paraissent revêtir une gravité non négligeable, force est de constater que les autres éléments d’appréciation au sens de l’art. 31 al. 1 OASA ne parlent pas en faveur de la reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité. Comme déjà exposé, la recourante, dont la durée de son séjour en Suisse doit être fortement relativisée, ne peut se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle dans ce pays. Il s’impose d’ailleurs de rappeler que les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l’exécution du renvoi au sens de l’art. 83 al. 4 LEI. Le TAPI l’a d’ailleurs admis, retenant que la recourante serait concrètement exposée, en cas de retour dans son pays, au risque de ne pas pouvoir assumer financièrement son traitement. Il a dès lors renvoyé le dossier à l’OCPM afin qu’il le soumette au SEM avec un préavis favorable à une admission provisoire.

Au vu de ces circonstances, prises dans leur ensemble, la situation de la recourante ne réalise pas les conditions très strictes permettant d'admettre l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, comme l'a retenu à juste titre l'autorité intimée, confirmée en cela par le TAPI, qui n'a ainsi pas mésusé de son large pouvoir d'appréciation en lui refusant une autorisation de séjour pour cas de rigueur aux sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Cette conclusion s’impose même en faisant abstraction du critère de la situation financière de la recourante, dont la dépendance à l’aide sociale parait en grande partie due à sa maladie survenue en 2016.

Mal fondé, le recours sera partant rejeté.

4) S’agissant enfin de la décision de renvoi (art. 64 al. 1 let. c LEI), les parties ne remettent pas en cause l’appréciation du TAPI selon laquelle la recourante remplit les conditions d’une admission provisoire. Le jugement sera dès lors également confirmé sur ce point.

5) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le jugement attaqué confirmé.

6) La recourante, qui succombe, étant au bénéfice de l’assistance juridique, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 mars 2022 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 janvier 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au Centre social protestant, mandataire de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.