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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/390/2021

ATA/1094/2022 du 01.11.2022 ( TAXE ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.01.2023, rendu le 25.01.2024, REJETE, 9C_707/2022, 2C_978/2022
Recours TF déposé le 29.11.2022, rendu le 01.01.2023, SANS OBJET, 9C_707/2022, 2C_978/2022
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/390/2021-TAXE ATA/1094/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er novembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DE LA TAXE D'EXEMPTION DE L'OBLIGATION DE SERVIR


et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1984, a été naturalisé le 30 mai 2017, à l’âge de 33 ans.

2) Par décisions du 23 octobre 2020, il a été assujetti à la taxe d’exemption militaire (ci-après : TEO) pour 2018 et 2019.

3) Dans sa réclamation contre ces décisions, M. A______ a exposé qu’il voulait effectuer son service militaire et avait pris la décision d’écrire à l’armée pour présenter son dossier.

4) Par décision du 25 novembre 2020, sa réclamation a été rejetée par le service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : STEO). La loi fédérale sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 12 juin 1959 (LTEO - RS 661), modifiée avec effet au 1er janvier 2019, s’appliquait dès le 1er janvier 2018. Les personnes n’ayant pas payé ou terminé de payer les onze TEO à l’âge de 30 ans devaient s’en acquitter jusqu’à l’âge de 37 ans.

5) Le 28 janvier 2021, le STEO a sommé M. A______ de s’acquitter de la TEO 2018.

6) Par courriel du 1er février 2021, ce service a adressé à M. A______ copie de la décision du 25 novembre 2020 que l’intéressé avait indiqué ne pas avoir reçue.

7) Par acte expédié le 4 février 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre cette décision.

Ses revenus avaient fortement baissé en 2020. L’effet rétroactif de la décision, qui le taxait sur la base de revenus réalisés deux ans plus tôt, le lésait. Après sa naturalisation, il avait demandé à effectuer le service militaire. Il ne comprenait ainsi pas pourquoi il devait s’acquitter de la TEO. Il demandait « si ce n’était de lui accorder une exonération de payer les taxes de compensation pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021 [ ], de [lui] accorder le droit d’être imposé au montant de 3% de [son] salaire actuel tel qu’il sera en hausse ou en baisse durant les années indiquées ».

8) La question du respect du principe de la non-rétroactivité des lois ayant fait l’objet d’un arrêt de principe de la chambre administrative, contesté devant la Tribunal fédéral, la procédure a été suspendue le 11 mai 2021 dans l’attente de l’arrêt à rendre dans la cause en question (2C_339/2021).

9) Par arrêt du 4 mai 2022, le Tribunal fédéral a retenu que le recourant qui, âgé de « 33/34 ans » en 2018, n’était alors ni incorporé dans une formation de l'armée ni astreint au service civil, était selon le nouvel art. 3 al. 1 et 2 LTEO assujetti à la TEO, puisqu'il n'avait pas encore atteint l'âge de 37 ans. Toutefois, à défaut d’une base légale claire prévoyant expressément l’application rétroactive de la modification législative de l’art. 3 al. 1 et 2 LTEO entrée en vigueur le 1er janvier 2019, l’assujettissement pour l’année 2018 prononcé en 2019 et fondé sur des faits relatifs à l'année 2018 était contraire au principe de non-rétroactivité des lois.

10) Invité à se déterminer après cet arrêt, le recourant a insisté sur le fait qu’il avait présenté une demande d’incorporation en 2020 et qu’âgé de plus de 30 ans en 2018, il avait été libéré de l’obligation de s’acquitter de la taxe. En faisant renaître une obligation éteinte, « cette situation » avait « enfreint » le droit. La taxe venant remplacer un service qu’il n’aurait pas pu effectuer, il ne pouvait y être soumis. La taxe violait le principe de l’égalité de traitement et de non-discrimination, dès lors qu’il n’existait pas d’alternative au paiement. Il laissait au Tribunal fédéral la responsabilité « d’assurer la légalité de l’application » de la TEO.

11) Le STEO a conclu à l’annulation de la TEO 2018 et à la confirmation de celle de 2019.

Né en 1984, le recourant était astreint à l’obligation de servir en 2019. N’ayant pas accompli cette obligation en 2019 ni versé onze TEO, il restait soumis au paiement d’une compensation militaire. Le fait que sa candidature pour un recrutement en 2020 ait été rejetée n’avait pas d’effet sur l’année 2019.

Bien qu’au moment de sa naturalisation, le recourant ne fût pas assujetti à la TEO, son statut de citoyen suisse déployait des effets en 2019. La révision entrée en vigueur en 2019 avait modifié la répartition dans le temps de la possibilité d’accomplir le service militaire. Elle soumettait uniquement les hommes entre 31 ans et 37 ans qui n’avaient pas déjà payé onze TEO à s’en acquitter, peu importait qu’ils n’aient pas atteint ce nombre à l’âge de 37 ans.

Enfin, le montant dû était déterminé en fonction du revenu net tel que fixé par la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11). C’était ce qui avait été fait in casu.

12) L’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH), qui avait demandé à être invitée à s’exprimer dans le cadre du présent litige, a conclu à l’admission du recours en ce qui concernait l’année 2018 et à son rejet en ce qui concernait l’année 2019.

À la suite de la révision de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l’armée et l’administration militaire (LAAM – RS 510.10), la limite d’âge de l’obligation de servir avait été déterminée, dès 2018, jusqu’à la 12ème année après l’accomplissement de l’école de recrue, école devant être accomplir avant l’âge de 25 ans révolu. Cela impliquait que la durée des obligations miliaires s’étendait jusqu’à l’âge de 37 ans.

La LTEO avait été adaptée à cette modification. Ainsi, l’assujettissement à la TEO commençait désormais au plus tôt l’année au cours de laquelle l’homme atteignait l’âge de 19 ans et s’éteignait au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de 37 ans. Les conditions d’astreinte au paiement de la TEO n’avaient pas changé, mais uniquement la répartition dans le temps de l’assujettissement. Avec la révision, celui-ci était devenu flexible, dès lors qu’il n’avait plus forcément lieu, comme auparavant, pour tous les hommes l’année de leurs 20 ans et jusqu’à 30 ans.

Le fait de ne plus pouvoir, à l’âge de 30 ans, accomplir onze ans de service militaire ne permettait pas de retenir l’absence d’assujettissement à la TEO. En tant que nouveau citoyen, le recourant était soumis aux modifications législatives entrées en vigueur en 2018 et 2019. Il ne pouvait se prévaloir du principe de la protection de la bonne foi, aucune assurance ne lui ayant été donnée que la loi ne lui serait pas applicable. Il n’y avait pas non plus d’inégalité de traitement, dès lors qu’il était traité comme les autres hommes suisses soumis à la TEO.

L’obligation constitutionnelle de servir ne créait pas un droit au service militaire. L’intéressé devait cependant chercher activement à accomplir un service militaire ou de protection civile, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce.

13) Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

14) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). En l’absence de la preuve par le STEO de la date de la réception de la décision attaquée avant son nouvel envoi au recourant par courriel le 1er février 2021, cette date de notification sera retenue (ATF 129 I 8 consid. 2.2). Formé le 4 février 2021, le recours a été interjeté en temps utile (art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La décision querellée ne portant que sur les années d’assujettissement 2018 et 2019, il n’y a pas lieu de se prononcer sur les années 2020 et 2021, qui ne font pas l’objet du litige.

Le recours est donc uniquement recevable en tant qu’il porte sur les TEO 2018 et 2019.

2) Les intimés ont acquiescé au chef de conclusions visant à l’annulation de la TEO 2018. Il en sera ainsi donné acte au STEO.

3) Alors que dans son recours, l’intéressé s’est plaint des montants des TEO, il a ensuite contesté le principe même de la perception de cette taxe. Il convient, donc, en premier lieu de déterminer s’il est assujetti à la TEO.

a. Tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire (art. 59 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; art. 2 al. 1 LAAM). L'obligation générale du service militaire pour les hommes concrétise le principe de l'armée de milice. Elle trouve son fondement dans la considération politique selon laquelle le fardeau du service militaire doit être réparti si possible d'égale façon, de manière à ce que l'intérêt général pour la chose militaire soit ancré dans le sentiment populaire. Elle n'est pas absolue et sans restriction, mais relative. Il appartient à la législation et à la jurisprudence de définir plus précisément la notion d'obligation de servir. La loi peut en outre prévoir des exceptions, qui doivent toutefois respecter le principe de l'égalité devant la loi (Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale [ci-après : Message 1996], FF 1997 I 1ss, p. 242-243).

b. La révision de la LAAM, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, a prévu que l'obligation de servir dans l'armée s'éteint pour les militaires de la troupe et les sous-officiers à la fin de la douzième année après l'achèvement de l'école de recrues (art. 13 al. 1 let. a LAAM). Les personnes astreintes au service militaire accomplissent l'école de recrues au plus tôt au début de l'année au cours de laquelle elles atteignent l'âge de 19 ans et au plus tard pendant l'année au cours de laquelle elles atteignent l'âge de 25 ans. Le moment est déterminé par les besoins de l'armée. Les souhaits des conscrits sont pris en compte dans la mesure du possible (art. 49 al. 1 LAAM). Les conscrits qui n'ont pas accompli l'école de recrues à la fin de l'année au cours de laquelle ils atteignent l'âge de 25 ans sont libérés de l'obligation d'accomplir le service militaire (al. 2). Les personnes astreintes au service militaire accomplissent des cours de répétition chaque année (art. 51 al. 1 1ère phr. LAAM).

Selon l’art. 49 aLAAM en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017, les personnes astreintes au service militaire accomplissaient l’école de recrues en règle générale pendant l’année au cours de laquelle elles atteignaient 20 ans (al. 1). Les conscrits, qui n’avaient pas accompli l’école de recrues à la fin de l’année au cours de laquelle ils avaient atteint l’âge de 26 ans, n’étaient plus astreints au service militaire (al. 2). Le Conseil fédéral pouvait prévoir l’accomplissement ultérieur de l’école de recrues. Les intéressés devaient avoir donné leur accord (al. 3).

Selon l’art. 7 LAAM, non modifié au 1er janvier 2018, intitulé « conscription » et figurant sous le chapitre « définition des obligations militaires », les personnes astreintes au service militaire sont enrôlées au début de l’année au cours de laquelle elles atteignent l’âge de 18 ans (al. 1). Elles s’annoncent aux autorités militaires compétentes pour être inscrites aux rôles militaires et fournir les données visées à l’art. 27. L’obligation de s’annoncer s’éteint à la fin de l’année au cours de laquelle elles atteignent l’âge de 29 ans (al. 2). L’art. 27 al. 1 LAAM, également non modifié au 1er janvier 2018, impose l’obligation aux conscrits et personnes astreintes au service militaire de communiquer spontanément au commandant d’arrondissement de leur canton de domicile certaines données personnelles les concernant.

Selon l’art. 9 LAAM, modifié le 1er janvier 2018, les conscrits passent le recrutement au plus tôt au début de leur 19ème année et au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle ils atteignent l’âge de 24 ans. Le Conseil fédéral peut prévoir un recrutement ultérieur si les services d’instruction obligatoires (art. 42) peuvent encore être accomplis dans les limites d’âge visées à l’art. 13. Le recrutement ultérieur est soumis au consentement des personnes concernée (art. 9 al. 3 LAAM).

À leur demande, le « cdmt Instr » peut prévoir un recrutement ultérieur pour les Suissesses et les Suisses qui n’ont pas été convoqués au recrutement jusqu’à la fin de l’année au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de 24 ans ou qui n’ont pas fait l’objet d’une décision définitive quant à leur aptitude dans ce délai, pour autant que les conditions de l’art. 9 al. 3 LAAM soient remplies et que le besoin de l’armée soit avéré. La demande ne peut être déposée qu’une seule fois (art. 12 al. 2 ordonnance sur les obligations militaires du 22 novembre 2017 - OMi - RS 512.21, entrée en vigueur le 1er janvier 2019).

Les limites d’âge prévues à l’art. 13 LAAM sont fonction du grade militaire. Pour les militaires de la troupe et les sous-officiers, cette limite est fixée à la fin de la douzième année après l’achèvement de l’école de recrues (al. 1 let. a). Jusqu’au 31 décembre 2017, cette obligation s’éteignait à l’âge de 30 ans (art. 13 al. 1 let. a aLAAM). Pour les soldats, les appointés, les caporaux, les sergents et les sergents-chefs n’accomplissant pas de service long, les obligations militaires durent jusqu’à la fin de la dixième année civile suivant leur promotion au grade de soldat (art. 19 al. 1 OMi, inchangé en 2018).

c. Les personnes astreintes au service militaire qui ne peuvent concilier ce service avec leur conscience accomplissent sur demande un service civil de remplacement (service civil) d’une durée supérieure au sens de la présente loi (art. 1 de la loi fédérale sur le service civil du 6 octobre 1995 - LSC - RS 824.0). L’astreinte au service civil commence dès que la décision d’admission au service civil entre en force. L’obligation de servir dans l’armée s’éteint simultanément (art. 10 al. 1 LSC). L’astreinte au service civil prend fin dès l’instant où la personne astreinte est libérée ou exclue du service civil (art. 11 al. 1 LSC). La libération du service civil a lieu pour les personnes qui n’étaient pas incorporées dans l’armée, douze ans après le début de l’année suivant l’entrée en force de la décision d’admission (art. 11 al. 2 let. a LSC). Tout homme astreint au service civil qui ne remplit pas, ou ne remplit qu’en partie, ses obligations sous forme de service personnel, doit fournir une compensation pécuniaire (art. 15 al. 1 LSC).

d. Celui qui n'accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement doit s'acquitter d'une taxe (art. 59 al. 3 Cst.). Ce principe est rappelé à l'art. 1 LTEO, selon lequel les citoyens suisses qui n'accomplissent pas ou qu'en partie leurs obligations de servir sous forme de service personnel (service militaire ou service civil) doivent fournir une compensation pécuniaire.

Le service militaire comprend les services prévus par la législation militaire (art. 7 al. 1 LTEO). En font partie les services d'instruction, qui comprennent notamment l'école de recrues (art. 12 let. a, 41 al. 1 et 49 LAAM). Le service civil comprend les jours de service pris en compte conformément à la LSC (art. 7 al. 1bis LTEO). Le service militaire est réputé non effectué lorsque l'homme astreint au service militaire n'a pas accompli un service entier au cours de l'une des années qui suivent celle au cours de laquelle il a effectué l'école de recrues (art. 8 al. 1 LTEO). Le service civil est, quant à lui, réputé non effectué lorsque l'homme astreint n'a pas accompli au moins vingt-six jours de service imputables au cours de l'une des années qui suivent celle au cours de laquelle la décision d'admission est entrée en force (art. 8 al. 2 LTEO). Par ailleurs, si les conditions de l'assujettissement à la taxe sont remplies au cours de l'année d'assujettissement, ce dernier subsiste pour l'année entière (art. 9 LTEO).

La taxe prévue à l'art. 59 al. 3 Cst. est le corollaire du non-accomplissement de l'obligation de servir personnelle. Elle présuppose une obligation de servir. C'est le service militaire ou civil non accompli qui provoque l'obligation de verser la taxe d'exemption. Les citoyens suisses qui n'accomplissent pas ou qui n'accomplissent que partiellement leur service personnel doivent acquitter une taxe d'exemption, réserve faite des exceptions admises par la loi (Message 1996, FF 1997 I 1ss, p. 242-243). Celle-ci est calculée sur les bases de l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD), étant entendu, d'une part, que le revenu imposable de l'assujetti à la taxe est déterminant, d'autre part, que l'année de taxation est celle qui suit l'année d'assujettissement, ce qui implique que la taxe est perçue en fonction du service militaire ou civil effectué l'année précédente (Message 2017, FF 2017 5837, p. 5840).

L'objectif poursuivi par la taxe n'est pas de sanctionner un comportement, mais d'astreindre celui qui n'accomplit pas ses obligations militaires à une contribution publique de remplacement (ATF 121 II 166 consid. 4 ; ATA/640/2020 du 30 juin 2020 ; ATA/741/2016 du 30 août 2016). La taxe militaire a pour but d'éviter, parmi les personnes soumises aux obligations militaires, les inégalités criantes entre celles qui effectuent un service et celles qui n'en font pas. Elle constitue à ce titre une contribution de remplacement. Le militaire qui est dispensé d'un service en tire normalement un avantage par rapport aux autres astreints de sa classe d'âge. La perception d'une taxe doit compenser cet avantage, sous la forme d'une prestation financière (ATA/766/2005 du 15 novembre 2005). Le rapport entre le service militaire et l'obligation de s'acquitter d'une taxe d'exemption de celui-ci est purement formel. Celui qui est astreint au service militaire doit payer une taxe parce que et aussi longtemps que, pour une raison quelconque, il ne peut accomplir ce service. Le paiement de la taxe n'est toutefois nullement comparable au service militaire et ne peut être raisonnablement tenu pour l'accomplissement, sous une autre forme, de celui-ci. La taxe d'exemption est imposée pour des motifs d'équité et d'égalité devant la loi. Tels sont son sens et son but (ATF 118 IV consid. 3b = JdT 1994 IV 89 ; 115 IV 66 consid. 2b = JdT 1990 IV 70).

e. Sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l'étranger et qui, au cours d'une année civile (année d'assujettissement) ne sont, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l'armée ni astreints au service civil (art. 2 al. 1 let. a LTEO) et n'effectuent pas le service militaire ou le service civil qui leur incombent en tant qu'hommes astreints au service (let. c). La LTEO modifiée prévoit, comme jusqu’en 2018, que sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service militaire ou au service civil qui sont libérés de l'obligation de servir sans avoir accompli la totalité des jours de service obligatoires (art. 2 al. 1bis LTEO). L'assujettissement à la taxe commence au plus tôt au début de l'année au cours de laquelle l'homme astreint atteint l'âge de 19 ans. Il se termine au plus tard à la fin de l'année au cours de laquelle il atteint l'âge de 37 ans (art. 3 al. 1 LTEO). Il dure onze ans (art. 3 al. 2 LTEO).

Conformément à une tradition ancienne, le citoyen suisse participe aux opérations de recrutement au cours de sa 19ème année et accomplit son école de recrues l'année suivante (Message du Conseil fédéral du 13 septembre 1978 concernant la modification de la LTEO [ci-après : Message 1978], FF 1978 II 933, p. 941). Les hommes astreints au service militaire sont incorporés pendant douze ans au plus dans l'armée, année d'accomplissement de l'école de recrues non comprise, et effectuent leur service entre leur 19ème et leur 37ème année. Les hommes astreints au service civil accomplissent nouvellement leur service entre leur 20ème et leur 37ème année. La durée de l'assujettissement doit ainsi être modifiée de façon qu'elle s'étende de la 19ème à la 37ème année comprise. Durant cette période seront perçues onze taxes d'exemption au plus. Comme la période durant laquelle l'obligation de servir peut être accomplie s'étendra de la 19ème à la 37ème année comprise, il est garanti que les hommes recrutés seulement au cours de la 24ème année par exemple et déclarés inaptes au service acquittent aussi les onze TEO prescrites (Message 2017, FF 2017 5837, p. 5843 à 5845).

L'un des objectifs poursuivis par la modification de la LTEO était d'harmoniser la durée du service militaire et du service civil introduite par les modifications des bases légales du DEVA à celle de l'assujettissement à la TEO. Ces modifications-là auraient une incidence sur la TEO un an après leur entrée en vigueur. La mise en œuvre du DEVA étant prévue à partir du 1er janvier 2018, l'entrée en vigueur de la modification de la LTEO devait ainsi intervenir le 1er janvier 2019. La taxation de la première année d'assujettissement 2018 aurait lieu l'année suivante. Les premières décisions de taxation selon la nouvelle législation seraient rendues au 1er mai 2019 (Message 2017, FF 2017 5837, p. 5840 s. et 5851-52).

Lors de l'examen de la modification de la LTEO au Conseil national, le rapporteur de la majorité de la commission chargée de l'examiner a souligné que celle-ci intervenait principalement en raison de la révision de la LAAM et de la LSC qui était intervenue dans le cadre du DEVA. Or, le DEVA devait entrer en vigueur le 1er janvier 2018 et commencer à concerner la TEO dès le 1er janvier 2019. Il y avait donc lieu de procéder assez rapidement à l'adaptation de la base légale de la TEO. Une conseillère nationale, membre de l'une des minorités à la commission a, à son tour, rappelé qu'avec l'entrée en vigueur des modifications apportées dans le cadre du DEVA, des adaptations de la LTEO étaient nécessaires (Conseil National, session d'hiver 2017, séance du 13 décembre 2017, Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale 2017, p. 2108 ss, https://www.parlament.ch/centers/ documents/de/01-NR_5011_1712.pdf). Il n'y a pas de divergences entre les Chambres fédérales sur ce point.

f. La LTEO modifiée est entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Avec cette entrée en vigueur, a été abrogé l'al. 2 de l'art. 49 LTEO qui prévoyait que « Le droit ancien continue à régir les taxes dues pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi et leur remboursement, ainsi que les peines et amendes encourues en raison d'une infraction commise avant cette entrée en vigueur ». Les dispositions transitoires relatives à la modification du 16 mars 2018 prévoient que la TEO finale est perçue pour la première fois auprès des hommes astreints au service qui sont libérés de l'obligation de servir au cours de l'année qui suit celle où entre en vigueur la LTEO modifiée (al. 1). Elles prévoient aussi que sont régies par l'ancien droit les procédures de réclamation ou de recours qui sont pendantes au moment de l'entrée en vigueur de la présente modification (al. 2).

g. Dans l'arrêt Glor c. Suisse du 30 avril 2009, la CourEDH a notamment jugé que, à la lumière du but et des effets de la taxe litigieuse, la différence opérée par les autorités suisses entre les personnes inaptes au service exemptées de ladite taxe et celles qui étaient néanmoins obligées de la verser était discriminatoire et violait l'art. 14 CEDH cum art. 8 CEDH. Le fait que le contribuable avait toujours affirmé être disposé à accomplir son service militaire, mais qu'il avait été déclaré inapte audit service par les autorités militaires compétentes, était essentiel. La discrimination résidait dans le fait que, contrairement à d'autres personnes qui souffraient d'un handicap plus grave, l'intéressé n'avait pas été exempté de la taxe litigieuse – son handicap n'étant pas assez important – et que, alors qu'il avait clairement exprimé sa volonté de servir, aucune possibilité alternative de service ne lui avait été proposée. La CourEDH a souligné l'absence, dans la législation suisse, de formes de service adaptées aux personnes se trouvant dans la situation du requérant (arrêt Glor, par. 96 ; résumé in arrêt du Tribunal fédéral 2C_170/2016 du 23 décembre 2016 consid. 6.1).

h. Dans l’arrêt Ryser, la CourEDH a considéré que la similarité avec la cause Glor et l’absence de différences factuelles ne justifiaient pas de s’écarter du résultat concernant l’arrêt Glor. Elle prenait note des changements apportés à la législation à la suite de l’arrêt Glor, mais observait qu’ils étaient postérieurs aux faits pertinents de l’affaire Ryser et n’étaient, donc, pas applicables à ce dernier (arrêt Ryser précité § 61 et 62).

i. À teneur de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Aux termes de l'art. 9 Cst., toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.

4) En l'espèce, il convient de déterminer si le recourant était, en 2019, astreint au service militaire. La TEO étant une taxe causale, de remplacement, elle ne saurait en effet être perçue en 2019, si le recourant n’était alors plus astreint au service militaire ou civil.

Le recourant a été naturalisé en 2017 à l'âge de 33 ans. Il n’était, selon le droit alors en vigueur, plus astreint à l’obligation de servir. Avec l’introduction de la LAAM révisée, le 1er janvier 2018, bien qu’âgé de 33 ans, étant né le 10 janvier 1984, il demeurait soumis à ses obligations militaires. En effet, celles-ci s’adressent à tout citoyen suisse astreint au service militaire. Avec la modification de la LAAM, la période durant laquelle ces obligations doivent être accomplies a été étendue jusqu’à l’âge de 37 ans. Selon le nouveau droit, l’âge pendant lequel les citoyens suisses sont astreints au service militaire s’étend de la 19ème année à la 37ème année, le recrutement pouvant avoir lieu au plus tôt au début de leur 19ème année et au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle ils atteignent l’âge de 24 ans et prenant fin, au plus tôt, la douzième année après l’achèvement de l’école de recrues (art. 13 al. 1 let. a LAAM). Le fait d’avoir dépassé l’âge auquel un recrutement peut avoir lieu ne délie pas ipso facto les citoyens suisses, suisses de naissance ou naturalisés, de leurs obligations militaires. En 2018, le recourant restait ainsi tenu à des obligations militaires. Le recourant pouvait, au demeurant, demander à pouvoir accomplir le service militaire (art. 9 al. 3 et 13 LAAM). De la même manière, il pouvait solliciter d’accomplir un service civil. Or, il n’a proposé ni l’un ni l’autre en 2018.

Cet état de fait était le même en 2019. Les conditions de l’astreinte au service militaire n’ont pas subi de modifications en 2019. Le recourant n’a pas non plus, en 2019, demandé à pouvoir accomplir le service militaire ou civil, cette démarche n’ayant été effectuée qu’au cours de l’année 2020. La LTEO a, certes, été modifiée, toutefois uniquement afin d’être harmonisée avec les modifications de la LAAM, entrées en vigueur en 2018. N’ayant pas accompli son obligation militaire sous forme de prestation personnelle en 2019, le recourant restait ainsi tenu au paiement de la TEO en 2019.

Il est encore relevé qu’une autre solution introduirait une inégalité de traitement injustifiée entre les citoyens suisses naturalisés, âgés au moment de leur naturalisation entre 24 ans et 36 ans, et les citoyens suisses (ou devenus suisses avant leurs 24 ans) du même âge. En outre, aucun élément ne permet de retenir que des assurances auraient été données au recourant par un service de l’État qu’il serait libéré du paiement de la TEO en 2019.

L’assujettissement du recourant à la TEO 2019 a donc été retenu à juste titre.

5) Reste encore à examiner le montant de la TEO 2019.

a. Selon l’art. 11 LTEO, la taxe est perçue, selon la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), sur le revenu net total que l’assujetti réalise en Suisse et à l’étranger. La taxe s’élève à CHF 3.- par CHF 100.- du revenu soumis à la taxe, mais à CHF 400.- au moins (art. 13 al. 1 LTEO). La taxe est calculée sur la base de la décision de taxation définitive pour l’impôt fédéral direct (art. 26 al. 2 LTEO). L’année de taxation est, en règle générale, l’année civile qui suit l’année d’assujettissement (art. 25 al. 2 LTEO).

b. En l’espèce, le STEO a déterminé le montant de la TEO en se fondant sur le revenu net retenu dans le bordereau de taxation pour l’IFD de l’année 2019 (CHF 175'400.-), dont il a déduit les revenus de l’épouse liés à immeuble (1/2 de CHF 26'056.-) et y a ajouté les déductions liées à celle-ci (déduction de la part de l’épouse liée aux frais d’entretien de l’immeuble de CHF 1'303.- et aux intérêts hypothécaires de CHF 5'462.- et déduction des frais de perfectionnement de l’épouse de CHF 780.-). Le revenu net du recourant, selon la LIFD, s’est ainsi élevé en 2019 à CHF 169'917.- (CHF 175'400.-, moins CHF 13'028.-, plus CHF 1'303.-, CHF 5'462.- et CHF 780.-). La TEO se monte, par conséquent, à CHF 5'097.- (3 % de CHF 169'917.-). Conformément à l’art. 25 al. 2 LTEO, la taxation pour la TEO a eu lieu en 2020, soit l’année civile qui a suivi la taxation en IFD 2019.

Au vu de ce qui précède, la décision de taxation 2019 est conforme au droit. Le recours dirigé contre celle-ci est donc infondé.

6) Le recourant obtenant partiellement gain de cause, dès lors que la TEO 2018 est annulée, un émolument réduit, de CHF 100.-, sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA). Plaidant en personne et n’ayant pas allégué ni démontré qu’il avait exposé des frais pour sa défense, il ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

donne acte au service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir de l’annulation des décisions relatives à la taxe d’exemption de l’obligation de servir pour l’année 2018 ;

rejette pour le surplus, en tant qu’il est recevable, le recours formé le 4 février 2021 par Monsieur A______ contre la décision du service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 25 novembre 2020 ;

met un émolument de CHF 100.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, au service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir ainsi qu’à l’administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :