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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/320/2021

ATA/975/2021 du 21.09.2021 sur DITAI/358/2021 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Parties : ALESSANDRI Nicodème, ALESSANDRI Renate et Nicodème / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE LA PELOUSE SA, ASSOCIATION INSTITUT DE LANCY ET CONSORTS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/320/2021-LCI ATA/975/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 septembre 2021

3e section

 

dans la cause

Madame Renate et Monsieur Nicodème ALESSANDRI
représentés par Me Yves Magnin, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

ASSOCIATION INSTITUT DE LANCY

et

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE LA PELOUSE SA

représentées par Me Daniel UDRY, avocat

_________


Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 19 juillet 2021 (DITAI/358/2021)



EN FAIT

1) La Société immobilière La Pelouse SA (ci-après : la SI) est propriétaire des parcelles nos 4'317 et 4'318, contiguës, situées entre l’avenue des Communes-Réunies n° 11 et l’avenue Eugène-Lance n° 24 au Grand-Lancy. La parcelle n° 4'317 abrite l’Institut international de Lancy, soit une école privée (ci-après : l’école) exploitée par l’Association institut de Lancy.

2) Le 30 janvier 2020, l’école a déposé au département du territoire (ci-après : le département ou DT) une demande d’autorisation de construire pour l’édification d’un bâtiment scolaire avec surface pour activité sportive, sonde géothermique et abattage d’arbres, enregistrée sous le no DD 113'376.

La demande était accompagnée d’un rapport géotechnique établi par le bureau Géotechnique Appliquée Deriaz SA (ci-après : GADZ).

3) L’ensemble des préavis se sont montrés favorables au projet, avec ou sans réserve.

Le 7 décembre 2020, le service de géologie, sols et déchets de l’office de l’environnement (ci-après : GESDEC) a préavisé favorablement l’octroi de l’autorisation, après avoir examiné notamment les rapports géotechniques communiqués, fixant une série de conditions pour assurer l’adoption et le respect de toutes les mesures de précaution nécessaires.

Les 13 février, 31 juillet et 26 octobre 2020, la direction des autorisations de construire a rendu des préavis favorables, sans observation.

4) Le 14 décembre 2020, le département a octroyé l’autorisation de construire DD 113'376.

5) Madame Renate et Monsieur Nicodème ALESSANDRI (ci-après : les époux ALESSANDRI) sont propriétaires de la parcelle n° 1'322 sise 11, avenue Eugène-Lance, en face de l’école, et habitent la villa que celle-ci abrite.

6) Le 28 janvier 2021, les époux ALESSANDRI ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l’autorisation de construire, concluant à son annulation. Préalablement, l’apport de l’intégralité du dossier du département, incluant notamment les préavis des différents offices et services ainsi qu’un transport sur place devaient être ordonnés.

Des travaux de reconstruction des bâtiments scolaires avaient été conduits, en plusieurs phases, depuis 2007.

La seconde phase, qui s’était déroulée en 2009 et 2010, avait occasionné d’importants dégâts d’affaissement et de fissuration sur leur maison et sur celle de leurs voisins, aux numéros 13, 15, 27 et 27B de l’avenue Eugène-Lance. Ils avaient conclu en 2011 une convention d’indemnisation, et reçu une somme de CHF 290'000.- au titre de dédommagement.

De nouveaux travaux, conduits de 2015 à 2017, avaient occasionné de nouveaux dommages, soit en particulier, sur le studio indépendant jouxtant leur villa, des fissures largement ouvertes aux angles droits des murets de retenue. En 2018, des travaux de remise en état avaient été exécutés aux frais de l’entreprise générale. Les fissures, ainsi que d’autres, additionnelles, étaient malheureusement réapparues.

Ils avaient fait établir des constats d’huissier et de géomètre, qui avaient établi les dommages ainsi que l’affaissement général du terrain de 1 mm à 3 cm entre 2016 et 2018. Ils avaient mandaté des entreprises spécialisées dans la stabilisation des sols et des bâtiments, respectivement dans l’expertise géologique, hydrogéologique et géotechnique, lesquelles avaient constaté que la restructuration de l’école avait causé un dessèchement du sol, qui avait probablement entraîné les tassements des ouvrages et le tassement général du sol, qui à son tour avait causé de nombreuses fissures ouvertes parfois larges de plusieurs millimètres à plus de 3 cm sur les ouvrages fondés superficiellement et autour de la maison, cette dernière, probablement fondée plus profondément, étant épargnée. Les dommages étaient la conséquence de la suite des travaux de terrassement et de construction en sous-sol sur la parcelle de l’école et de la modification des écoulements de la nappe phréatique superficielle en direction du versant sur lequel se situait leur parcelle.

L’école avait à nouveau mandaté GADZ pour établir une contre-expertise.

La situation ne cessait d’empirer. Le 25 octobre 2020, un câble électrique avait subi une rupture, vraisemblablement imputable au glissement du terrain, ce qui avait provoqué une panne électrique dans tout le secteur.

Le 6 novembre 2020, ils avaient obtenu du Tribunal civil, dans le cadre d’une procédure de preuve à futur fondée sur l’art. 158 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), qu’il ordonne une expertise provisionnelle qui : dresse un constat de tous les affaissements et fissures subies ; décrive tous les travaux effectués par l’école depuis 2007 et les dispositions prises pour préserver les parcelles avoisinantes ; détermine si les travaux entrepris avaient modifié la configuration de leur parcelle ou porté atteinte à sa substance ; dise si les techniques utilisées étaient adaptées à la configuration géologique locale, si le vibro-fonçage des palplanches avait provoqué des glissements de couches géologiques, si le rideau de palplanches et le drainant avaient provoqué ou provoquaient des modifications hydrogéologiques avec tassement des couches géologiques et si les travaux avaient été effectués conformément aux normes applicables ; détermine la causalité des affaissements constatés sur leur parcelle, et dans l’hypothèse où elle serait multiple indique la proportion imputable aux travaux réalisés par l’école ; dise s’il existait un risque de péjoration ou d’aggravation des fissures et des affaissements ; détermine les mesures et les travaux nécessaires ou utiles à entreprendre pour réparer les fissures et pallier les affaissements, et chiffre le coût de ceux-ci.

Le 10 décembre 2020, une importante fuite de gaz s’était produite sur une conduite des services industriels genevois (ci-après : SIG) vers l’entrée de l’école, ce qui avait provoqué le bouclement du secteur, l’évacuation des véhicules et la fermeture de la route.

Les travaux autorisés le 14 décembre 2020 accroîtraient encore les désordres déjà causés et mettraient davantage en danger la sécurité de leur parcelle et des parcelles voisines, ce qui constituait des inconvénients graves au sens de l’art. 14 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

7) Le 12 février 2021, l’école a conclu au retrait de l’effet suspensif au recours.

L’affaissement était sans rapport avec les travaux, et probablement imputable aux déficits plus géométriques des quatre dernières années. Les prétentions des époux ALESSANDRI étaient pendantes devant la justice civile. Le rapport d’expertise était attendu pour le mois d’avril 2021.

Les griefs soulevés par les époux ALESSANDRI ne visaient que des autorisations antérieures à celle qu’ils attaquaient, et le recours avait pour seul intérêt de servir la cause civile.

Tous les préavis nécessaires avaient été recueillis. Celui du GESDEC était favorable, sous réserve que l’ensemble des mesures préconisées par GADZ soient entreprises.

La suspension des travaux engendrerait un préjudice économique et une atteinte forte à l’image commerciale et au sérieux de l’école. Ces intérêts étaient gravement menacés par l’effet suspensif et elle bénéficiait d’un intérêt prépondérant à ce que celui-ci soit retiré.

8) Le 23 février 2021, le département s’en est rapporté à justice quant au retrait de l’effet suspensif.

9) Le 26 février 2021, les époux ALESSANDRI ont conclu au rejet de la requête de retrait de l’effet suspensif.

Aucune urgence ne justifiait cette mesure. L’ouverture des travaux ferait disparaître l’état de fait qu’un expert avait été chargé par le Tribunal civil d’établir.

10) Le 5 mars 2021, le TAPI a rejeté la requête tendant au retrait de l’effet suspensif.

Les préjudices économique et d’image allégués par l’école n’étaient appuyés par aucune pièce, et il était difficile d’imaginer que dans le cadre d’un tel projet un certain retard n’avait pas été envisagé dans le plan financier et dans les engagements pris, d’autant qu’une opposition à une autorisation de construire ne constituait pas un contretemps imprévisible.

11) Le 1er avril 2021, l’école a conclu au rejet du recours.

Les travaux devaient débuter le 8 février 2021 et s’achever au mois d’août 2022, pour la rentrée scolaire.

L’indemnisation de 2011 avait été consentie par son assureur, sans préjudice de la question de sa responsabilité civile et à la décharge complète de l’Association institut de Lancy.

Les dommages dont se plaignaient les époux ALESSANDRI étaient sans rapport avec les travaux déjà entrepris, et les travaux à entreprendre ne pouvaient causer des inconvénients graves vu l’ensemble des préavis favorables recueillis par le département.

12) Le 19 avril 2021, le département a conclu au rejet du recours.

Le prétendu danger invoqué par les époux ALESSANDRI n’était nullement documenté, et se basait sur la seule appréciation purement hypothétique de ceux-ci et sur le prétendu impact qu’auraient eu de précédents travaux, sans lien avec l’autorisation querellée, et qui n’étaient pas localisés au même emplacement.

Il ne relevait pas du département, mais des mandataires et des propriétaires, et un éventuel problème de stabilité du terrain et des constructions avoisinantes relevaient du droit privé et ne pouvait remettre en cause la licéité de l’autorisation de construire. Les éventuels problèmes de stabilité découlant du chantier n’étaient ainsi pas des nuisances au sens de l’art. 14 LCI et n’étaient pas de la compétence du TAPI.

Le projet avait quoiqu’il en soit fait l’objet d’un examen consciencieux de la part du GESDEC. Cette instance spécialisée avait examiné le dossier à deux reprises. L’école avait fourni deux rapports géotechniques, des 26 novembre 2019 et 16 juillet 2020, qui étaient détaillés, déterminaient la nature du terrain, les eaux souterraines, les mesures constructives adéquates et les mesures de précaution à prendre afin que le chantier se déroule sans encombre pour elle et pour son voisinage. Le préavis du GESDEC, puis l’autorisation de construire, reprenaient les conditions visant à empêcher notamment tout impact de l’ouvrage sur les eaux souterraines et par conséquent sur la stabilité du terrain. Un suivi hydrogéologique était par ailleurs imposé avant, pendant et après le chantier et il était exigé que toutes les mesures soient prises pour éviter tout effet de barrage sur la nappe d’eau souterraine.

La construction litigieuse était projetée en bordure de l’avenue des Communes-Réunies, soit à la plus grande distance de la parcelle des époux ALESSANDRI, de sorte que l’éventuel impact des travaux prévus sur leur construction paraissait d’autant moins évident.

13) Le 28 mai 2021, les époux ALESSANDRI ont persisté dans leurs conclusions en annulation de l’autorisation. Préalablement, l’instruction de la procédure devait être suspendue dans l’attente du rapport d’expertise ordonné par le Tribunal civil. Un complément d’étude devait être ordonné, incluant l’installation d’au minimum deux piézomètres additionnels à l’aval, une série de mesures piézométriques à basses et hautes eaux, et une simulation numérique tridimensionnelle afin de comprendre le comportement de la nappe phréatique. Un couplage hydromécanique montrant l’influence d’une modification de la saturation sur le comportement mécanique des argiles devait en outre être réalisé. Un transport sur place ainsi que l’audition de l’auteur du rapport de la société Aquageo devaient en outre être ordonnés.

Les rapports de GADZ ne leur avaient jamais été remis. Ils n’y avaient eu accès que très récemment et les avaient soumis à leur expert Aquageo, qui n’avait pas ménagé ses critiques, portant en particulier sur la méconnaissance du contexte hydrogéologique particulièrement délicat de la zone de construction et la sensibilité à la dessiccation des argiles en présence des graviers qui les saturaient, avec pour conséquence la création d’un risque étendu pour le voisinage.

Le système de palplanches de parois moulées proposée par GADZ, et destiné à rester en place pour le drainage du bâtiment, était en totale contradiction avec le concept de libre écoulement de la nappe phréatique.

14) Le 14 juin 2021, le département s’est opposé à la suspension de la procédure.

L’expertise qui serait produite dans le cadre de la procédure civile représenterait une expertise privée, et ne constituerait pas un moyen de preuve mais exprimerait uniquement l’avis des recourants. Elle ne concernerait pas les travaux projetés et litigieux, mais ceux déjà réalisés, et ne présenterait par conséquent que peu d’intérêt.

15) Le 30 juin 2021, l’école a conclu au rejet de la demande de suspension.

Celle-ci poursuivait un but dilatoire. La sur-expertise produite par les époux ALESSANDRI était suffisante pour permettre au TAPI de poursuivre l’instruction de manière contradictoire.

16) Par décision du 19 juillet 2021, le TAPI a rejeté la demande de suspension.

L’école et le département y étaient opposés. La recevabilité du recours était en l’état réservée.

L’art. 14 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) était une disposition potestative qui ne prévoyait pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu’une autorité civile, pénale ou administrative était parallèlement saisie.

L’expertise sollicitée par les époux ALESSANDRI était une expertise privée, qui n’avait donc aucune valeur probante si ce n’était un simple allégué de partie, contesté par les intimés, de sorte qu’il ne pouvait être retenu que le sort de la procédure en dépendait.

17) Par acte remis à la poste le 2 août 2021, les époux ALESSANDRI ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que la suspension de l’instruction soit ordonnée dans l’attente du rapport d’expertise à produire dans la procédure civile.

L’expertise devait être remise le 31 août 2021 au Tribunal civil, de sorte que la suspension n’entraînerait aucun retard.

Elle devait démontrer les problèmes de géotechniques et les graves désordres qui avaient résulté des précédents travaux, similaires à ceux projetés, en particulier en termes d’écoulement des eaux.

Des carences affectaient la validité des préavis rendus dans le cadre de l’octroi de l’autorisation et démontraient un manque de transparence suspect, une violation du principe de la bonne foi ainsi que l’absence de toute indépendance et de neutralité de GADZ.

Les travaux affecteraient l’écoulement des eaux, et les blindages, parois moulées et autres palplanches étanches ne pourraient plus être supprimés une fois les immeubles construits.

L’expertise judiciaire était de nature à conduire immédiatement à une décision finale et éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Si elle démontrait que les désordres constatés avaient bien été provoqués par les précédents travaux, l'autorisation requise ne pourrait qu'être annulée, puisque portant sur des travaux en tous points similaires.

Ils étaient retraités, avaient dû avancer CHF 64'000.- pour l’expertise et n’étaient pas en mesure de faire face aux réparations portant sur plusieurs centaines de milliers de francs que l’école refusait de prendre en charge suite aux précédents travaux.

18) Le 17 août 2021, le département a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

Le refus d’ordonner la suspension était une décision incidente qui ne causait aucun préjudice irréparable aux recourants. L’expertise était attendue pour le 30 août 2021, soit très vraisemblablement avant que le TAPI ne rende un jugement.

L’admission du recours n’était en outre pas de nature à conduire immédiatement à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse, dès lors qu’il avait pour objet la suspension de l’instruction exclusivement.

Sur le fond, la procédure civile portait sur les travaux anciens ne concernant aucunement ceux visés par l’autorisation querellée, de sorte que le sort de la procédure administrative ne pouvait dépendre de celle pendante devant le Tribunal civil.

19) Le 18 août 2021, l’école a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

Les recourants n’exposaient pas en quoi ils seraient exposés à un préjudice irréparable.

Le sort de la procédure ne dépendait pas de l’issue de la procédure de preuve à futur pendante devant le Tribunal civil.

20) Le 13 septembre 2021, les recourants ont répliqué et persisté dans leurs conclusions.

Les travaux précédents, similaires, avaient causé des dommages sur leur parcelle.

L’expert du Tribunal civil s’était rendu sur place le 31 août 2021, et les parties attendaient toujours son rapport.

L’expertise, ordonnée par le Tribunal civil, n’était pas privée.

21) Le 14 septembre 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile, c’est-à-dire dans le délai de dix jours s’agissant d’une décision incidente (art. 4 al. 2 LPA) car prise pendant le cours de la procédure et ne représentant qu’une étape vers la décision finale (ATA/613/2017 du 30 mai 2017 et les arrêts cités), et devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3, 57 let. c, 62 al. 1 let. b et
63 al. 1 let. a LPA).

2) En vertu de l’art. 57 let. c LPA, sont susceptibles d’un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et à la lumière de laquelle l’art. 57 let. c LPA doit être interprété (ATA/12/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4 et les arrêts cités), un préjudice est irréparable au sens de
l’art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF - RS 173.110) lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ;
134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/12/2018 précité consid. 4). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de
celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

Lorsqu’il n’est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d’expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

3) En l’espèce, les recourants font valoir que la connaissance de l’expertise attendue par le Tribunal civil serait indispensable au TAPI pour pouvoir décider en toute connaissance de l’application de l’art. 14 LCI à l’autorisation de construire querellée. Poursuivre l’instruction sans disposer de ce rapport d’expertise leur causerait un préjudice irréparable.

La procédure civile de preuve à futur a pour objet de recueillir des preuves dans le cadre de ou en vue d’une action civile. Le tribunal civil administre les preuves en tout temps lorsque la loi confère le droit d’en faire la demande ou lorsque la mise en danger des preuves ou un intérêt digne de protection est rendu vraisemblable par le requérant (art. 158 CPC).

Il ressort de l’ordonnance du Tribunal civil du 6 novembre 2020 que la requête d’expertise s’inscrit dans le conflit opposant les recourants à l’école et à son entreprise générale au sujet des dommages que les travaux conduits depuis 2007, soit des travaux passés, auraient causé à leur parcelle et aux bâtiments que celle-ci abrite. Les réponses de l’expert seront cas échéant susceptibles de fonder une demande civile en réparation du dommage.

L’expertise attendue par le Tribunal civil ne porte donc pas sur les travaux futurs et leur autorisation, objet de la procédure devant le TAPI. Ce dernier a ainsi conclu à bon droit que, les objets étant différents, le sort de la procédure administrative ne dépendait pas de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant celle-ci, au sens de l’art. 14 al. 1 LPA.

Les recourants soutiennent cependant que les travaux, du moins de terrassement, et leurs conséquences, seraient identiques. Ils se bornent toutefois à l’alléguer, sans le démontrer. Il peut être observé que les travaux à réaliser concernent un autre bâtiment et un autre emplacement sur la parcelle de l’école, plus distants de la leur, ce qui constitue déjà une différence notable s’agissant de troubles allégués au voisinage. Les recourants ne sauraient ainsi être suivis lorsqu’ils prétendent extrapoler à des travaux futurs les nuisances qu’ils imputent à des travaux passés.

Cela étant, l’autorisation de construire querellée par les recourants est fondée sur les préavis des services et offices spécialisés du département, eux-mêmes basés sur des rapports établis par des sociétés spécialisées. L’autorisation, les préavis et les rapports portent précisément sur les travaux futurs. Les recourants ont produit leurs rapports et les critiques de leurs experts privés. La poursuite de l’instruction devant le TAPI leur permettra de développer leurs arguments et de réclamer tous les actes d’instruction qu’ils jugeront nécessaires. L’instruction sera ainsi complète, et à défaut un éventuel vice pourra être porté devant la chambre de céans. Le refus d’ordonner la suspension, et partant la poursuite de l’instruction sans disposer du rapport d’expertise civil, ne saurait ainsi causer aux recourants de préjudice, et encore moins de préjudice irréparable au sens de l’art. 57 let. c LPA.

Les recourants soutiennent que l’admission de leur recours permettrait cependant de conduire immédiatement à une décision finale et d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

Ils ne sauraient être suivis. L’admission de leur recours entraînerait la suspension de l’instruction devant le TAPI jusqu’à la remise de l’expertise civile. Or, celle-ci n’étant ni déterminante ni même nécessaire à l’instruction de la cause pendante devant le TAPI, son versement au dossier ne pourrait conduire à une décision. Le serait-elle qu’elle ne constituerait qu’une pièce parmi d’autres à prendre en compte par le TAPI, le Tribunal civil n’ayant pas encore jugé de prétentions en paiement du dommage ni même été saisi de conclusions à ce sujet et n’ayant donc pu trancher une éventuelle question préjudicielle, si bien que l’instruction devant le TAPI devrait également se poursuivre. Ainsi, en toute hypothèse, l’apport de l’expertise civile ne serait pas de nature à conduire immédiatement à une décision finale au sens de de l’art. 57 let. c LPA.

Le recours sera déclaré irrecevable.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 900.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de CHF 1'000.-, à la charge solidaire des recourants, sera allouée à l’Association Institut de Lancy et à la Société immobilière la Pelouse SA, prises conjointement, qui y ont conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 2 août 2021 par Madame Renate et Monsieur Nicodème ALESSANDRI contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 19 juillet 2021 ;

met un émolument de CHF 900.- à la charge solidaire de Madame Renate et Monsieur Nicodème ALESSANDRI ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à l’Association Institut de Lancy et à la Société immobilière la Pelouse SA, prises conjointement, à la charge solidaire de Madame Renate et Monsieur Nicodème ALESSANDRI ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Magnin, avocat des recourants, à Me Daniel Udry, avocat des intimées, au département du territoire - OAC, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

I. Semuhire

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :