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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4610/2019

ATA/895/2021 du 31.08.2021 sur JTAPI/269/2021 ( LCI ) , REJETE

Parties : LADOR Rita-Maria & CONSORTS, WEGMÜLLER Pierre, WEGMULLER Evelyne, DZIKOWSKI Maurice, FRISCHKNECHT Marianne, JÄGER Pierre, JÄGER Marie, SANCHEZ José Vicente, SANCHEZ Estelle, MCLAUGHLIN Chris, MCLAUGHLIN Charlotte, MARTINS Jason Louis, MARTINS-MAAG Nicole, WANG Vivian Xiaowen, RENEVEY Gilles, RENEVEY Sarunya, BRUNETTI Giancarlo, JACOT BRUNETTI Véronique, FERNANDEZ DE MELLO E SOUZA Pablo, CALAZANS ALBUQUERQUE Daniela, DUC Olivier, AESCHBACH DUC Florence, TORRISI Jessica, WEGMÜLLER Julien / DEL GAUDIO-SIEGRIST Caroline, TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIERE INSTANCE, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, VILLE DE VEYRIER, LAKEFRONT SA ET MADAME JACQUELINE PERRETEN, PERRETEN Jacqueline Germaine
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4610/2019-LCI ATA/895/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 août 2021

3ème section

 

dans la cause

 

Madame Florence AESCHBACH DUC et Monsieur Olivier DUC
Madame Véronique JACOT BRUNETTI et Monsieur Giancarlo BRUNETTI
Madame Daniela CALAZANS ALBUQUERQUE
Monsieur Maurice DZIKOWSKI
Monsieur Pablo FERNANDEZ DE MELLO E SOUZA
Madame Marianne FRISCHKNECHT
Madame Marie et Monsieur Pierre JÄGER
Madame Rita-Maria LADOR
Madame Nicole MARTINS-MAAG et Monsieur Jason Louis MARTINS
Madame Charlotte et Monsieur Chris MCLAUGHLIN
Madame Sarunya et Monsieur Gilles RENEVEY
Madame Estelle et Monsieur José Vicente SANCHEZ
Madame Jessica TORRISI
Madame Xiaowen Viviane WANG
Madame Evelyne WEGMÜLLER
Monsieur Julien WEGMÜLLER
Monsieur Pierre WEGMÜLLER

représentés par Me Serge Patek, avocat

contre

Madame Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

et

VILLE DE VEYRIER
représentée par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat

et

Madame Jacqueline Germaine PERRETEN
LAKEFRONT SA
représentés par Me Saskia Ditisheim, avocate

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 mars 2021 (JTAPI/269/2021)


EN FAIT

1) a. Madame Jacqueline Germaine PERRETEN est propriétaire de la parcelle n° 3'501 de la commune de Veyrier (ci-après : la commune) à l’adresse chemin des Rasses 82, sise en 5ème zone à bâtir, d’une surface de 1'220 m2.

b. Le 21 septembre 2018, par le biais de l’entreprise Lakefront SA, Mme PERRETEN a déposé une demande d’autorisation de construire auprès du département du territoire (ci-après : le département ou le DT) pour la construction d’un habitat groupé avec parking souterrain et abattage d’arbres.

La demande a été enregistrée sous la référence DD 111'928.

2) Par décision du 11 novembre 2019, le département a délivré l’autorisation de construire sollicitée.

3) Le 10 décembre 2019, Madame Florence AESCHBACH DUC et Monsieur Olivier DUC, Madame Véronique JACOT BRUNETTI et Monsieur Giancarlo BRUNETTI, Madame Daniela CALAZANS ALBUQUERQUE, Monsieur Maurice DZIKOWSKI, Monsieur Pablo FERNANDEZ DE MELLO E SOUZA, Madame Marianne FRISCHKNECHT, Madame Marie et Monsieur Pierre JÄGER, Madame Rita-Maria LADOR, Madame Nicole MARTINS-MAAG et Monsieur Jason Louis MARTINS, Madame Charlotte et Monsieur Chris MCLAUGHLIN, Madame Sarunya et Monsieur Gilles RENEVEY, Madame Estelle et Monsieur José Vicente SANCHEZ, Madame Jessica TORRISI, Madame Xiaowen Viviane WANG, Madame Evelyne WEGMÜLLER, Monsieur Julien WEGMÜLLER
et Monsieur Pierre WEGMÜLLER (ci-après : BRUNETTI & Consorts) ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du 11 novembre 2019.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/4622/2019.

4) Par acte du 11 décembre 2019, la commune a également interjeté recours auprès du TAPI. Ledit recours a été enregistré sous la référence n° A/4610/2019.

5) Après un double échange d’écritures, le TAPI a, par jugement du 17 mars 2021, déclaré recevable les recours interjetés par la commune et par BRUNETTI & Consorts, joint les procédures A/4610/2019 et A/4622/2019 sous le numéro de procédure A/4610/2019, rejeté les recours et confirmé l’autorisation de construire DD 111'928. Suivait le traitement des émoluments et frais.

a. Le point 16 en fait comprenait quatre lignes en caractère gras. Il détaillait, en cinq paragraphes, les dupliques du département et de Mme PERRETEN et Lakefront SA. Le passage en gras mentionnait « Enfin, les élévations maximales de la zone 5 étaient largement respectées, que l’on prenne en considération comme base de calcul le pied de la butte ou son sommet. À examiner par les assesseurs ». Les cinq derniers mots étaient soulignés.

b. En page 32, le considérant 43 en droit traitait du grief des BRUNETTI & Consorts relatif au défaut d’intégration du projet dans son environnement, en particulier en raison du fait qu’il comporterait trois niveaux (R + 2) alors que la majorité des villas alentour n’en compterait que deux (R + 1).

Suivait l’avis du DT selon lequel le projet s’intégrait dans un terrain en pente et prévoyait un gabarit en escalier, ce qui impliquait qu’il s’agissait en réalité d’un projet pour partie en R + 1. Le TAPI indiquait : « Avec le département, il doit être observé que les dispositions en matière de gabarit de hauteur sont respectées et qu’en particulier, le bâtiment projeté ne dépassera en aucun point les 8,75 m de haut, de sorte qu’il respecte le maximum légal fixé à 10 m (art. 61 al. 4 loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05). À vérifier par juges assesseurs en prenant en compte le terrain naturel ». La dernière remarque, relative à la vérification par les juges assesseurs, était en caractère gras et grisée.

c. Au considérant 56 en droit, en page 39 du jugement, dans le cadre de l’analyse du grief en lien avec l’art. 14 LCI, le TAPI mentionnait notamment que : « Par ailleurs, on observera en particulier que les dimensions et l’emplacement de la place de travail destinée aux engins de sauvetage du service du feu figurant sur le plan "toiture et aménagement paysager" sont suffisants – la construction litigieuse n’étant pas "un bâtiment de grande longueur" au sens de la directive – respectent les prescriptions du ch. 7.5 de cette dernière ». Les termes « plan " toiture et aménagement paysager " » étaient grisés et en italique.

Le dispositif du jugement indique qu'ont siégé Madame la juge Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, ainsi que Mesdames Saskia VOLPI RICHARDET et Diane SCHASCA, juges assesseurs. Le dispositif porte la signature manuscrite de Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST ainsi que du greffier du TAPI.

6) Par communication du 19 mars 2021, reçue le 22 mars 2021 par BRUNETTI & Consorts en l'étude de leur avocat, le TAPI a notifié aux parties une version du jugement annulant et remplaçant la précédente. La date du jugement et son numéro étaient inchangés, de même que le dispositif et le corps du jugement, sous réserve de la disparition des phrases « À examiner par les assesseurs » qui figurait à la fin du quatrième paragraphe du considérant 16 de la partie en fait, « À vérifier par juges assesseurs en prenant en compte le terrain naturel » au considérant 43 de la partie en droit et le grisé de la page 39.

Cette nouvelle notification était accompagnée d'un courrier du greffe du TAPI du 19 mars 2021, précisant que la nouvelle version annulait et remplaçait son précédent envoi du 18 mars 2021 et que le délai de recours de trente jours courrait à compter de la notification de l'envoi du 19 mars 2021.

7) Par acte du 23 mars 2021, BRUNETTI & Consorts ont saisi Monsieur le juge Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, en sa qualité de vice-président du TAPI, d'une demande de récusation de Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente du TAPI. Ils ont conclu préalablement à la suspension « de la présente procédure » jusqu'à droit jugé sur la demande de récusation. À titre principal, la récusation de Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST devait être prononcée dans la procédure A/4610/2019, et le jugement JTAPI/269/2021 rendu le 17 mars 2021 dans cette dernière procédure, annulé.

La mention « À vérifier par juges assesseurs en prenant en compte le terrain naturel » qui figurait dans la première version du jugement « laiss[ait] de toute évidence entendre [que Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST] n'a[vait] pas consulté les juges assesseurs avant de rejeter le grief formulé par les recourants ». De la sorte, le droit constitutionnel à une composition correcte du TAPI n'avait pas été respecté. Il en découlait également objectivement une apparence de prévention. Il apparaissait que les deux assesseurs n'avaient pas pris connaissance ni approuvé le jugement litigieux. Quant à l'apparence de prévention de Mme DEL
GAUDIO-SIEGRIST, cela découlait du fait qu'elle avait acquis une opinion sur l'issue à donner au litige avant même d'avoir obtenu les avis spécialisés des juges assesseurs. La communication du nouveau jugement étant intervenue un jour plus tard, soit le 19 mars 2021, il était hautement invraisemblable que
Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST ait pu recueillir à temps les avis spécialisés des deux juges assesseurs dans l'intervalle.

8) Par téléphone du 24 mars 2021, M. BINDSCHEDLER TORNARE a informé l'avocat des BRUNETTI & Consorts du fait que le jugement du 17 mars 2021 avait été délibéré avec les deux juges assesseurs. La pratique du TAPI consistait à expédier aux juges assesseurs les projets de jugement à délibérer à une date ultérieure. Dans ce cadre, il se pouvait qu'un projet contienne des mentions qui n'étaient pas destinées à figurer dans la version définitive du jugement, mais à faire l'objet d'une discussion plus spécifique au moment de la délibération. En l'occurrence, lors de l'envoi du jugement, le lendemain de la délibération, le greffe avait expédié le projet mis en délibération et non pas le jugement lui-même. En s'en apercevant le jour même, Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST avait donné l'ordre de notifier le jugement dans sa version définitive en annulant et remplaçant le précédent envoi. Compte tenu de ces explications, l'avocat des BRUNETTI & Consorts était invité à préciser s'il maintenait sa demande de récusation.

9) Par courrier du 24 mars 2021, ce dernier a confirmé que tel était le cas. En outre, les BRUNETTI & Consorts sollicitaient l'annulation de toutes les opérations auxquelles avait participé Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST.

10) Par jugement du 7 avril 2021, le TAPI a déclaré irrecevable la requête de récusation du 23 mars 2021 et transmis la cause à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour raison de compétence.

L’art. 15 B al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) prévoyait que, si un motif de récusation n’était découvert qu’après la clôture de la procédure, les dispositions sur la révision étaient applicables.

Selon l’art. 80 let. e LPA, il y avait lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaissait que la juridiction qui avait statué n’était pas composée comme la loi l’ordonnait ou que les dispositions sur la récusation avaient été violées.

En l’espèce, la procédure devant le TAPI s’était terminée par le jugement du 17 mars 2021. La demande de récusation était dès lors à ce titre irrecevable. Il ne pouvait par ailleurs s’agir d’une demande de révision, le délai de recours n’étant pas échu ni d’une autre demande pour laquelle le TAPI pourrait être compétent.

Dès lors, dans la mesure où le délai de recours était encore ouvert, les critiques émises portant sur la composition du TAPI qui avait rendu le jugement ou la prévention de l’un de ses membres ne pouvaient s’exprimer que dans ce cadre.

À toutes fins utiles et dans la mesure où les intéressés concluaient à l’annulation du jugement du 17 mars 2021, leur acte du 23 mars 2021 était transmis à la chambre administrative pour raison de compétence.

Il n’était pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure.

11) Interpellés par le juge délégué de la chambre administrative sur la suite que les intéressés entendaient donner à la procédure, les BRUNETTI & Consorts ont maintenu leur demande de récusation de Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST.

12) Aucun recours n’a été déposé à l’encontre des jugements du TAPI des 17 mars 2021 et 7 avril 2021.

13) Invitée à se déterminer, la commune s’en est rapportée à justice quant à la demande de récusation de Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST.

14) Lakefront SA a conclu à l’irrecevabilité de l’acte du 24 mars 2021. Le motif de récusation avait été soulevé après la clôture de la procédure devant le TAPI, la seconde notification étant intervenue avant la requête des recourants. Il en découlait que les dispositions sur la révision étaient les seules applicables. Or, une telle demande devait être adressée par écrit à la juridiction qui avait rendu la décision. La chambre administrative n’était donc pas compétente et la requête irrecevable.

Le jugement du 17 mars 2021, dans sa teneur telle que notifiée le 22 mars 2021, avait acquis force de chose jugée en l’absence de tout recours. Seule demeurait ouverte la demande en révision, qui devait être traitée par le TAPI.

Subsidiairement, la requête en récusation était manifestement dénuée de tout fondement. L’omission de supprimer une note interne dans la rédaction d’un rapport, devenu définitif suite à son adoption en collège, fût-ce par la voie de la circulation, aussi regrettable soit-elle, ne constituait pas un tel motif. Pareille expérience était déjà arrivée aussi bien au Tribunal fédéral, l’arrêt n’étant toujours pas corrigé sur le site, qu’à la chambre administrative. Elle mentionnait les références aux arrêts. Que le juge professionnel s’appuie, pour traiter une question technique, sur ses assesseurs, dont la présence était précisément voulue en raison de leurs compétences professionnelles particulières, s’inscrivait au contraire dans le plein respect des règles de procédure applicables. Au final, les recourants avaient en réalité sauté sur l’occasion d’une informalité qu’ils savaient vaine pour tenter, encore un peu plus, d’obérer dans le temps la réalisation de leur projet parfaitement conforme au droit de la construction.

Ils réservaient tous leurs droits en raison du caractère abusif de la démarche.

15) Selon le DT, la composition prescrite par les art. 143 LCI et 115 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) avait été respectée. La demande de récusation formulée à l’encontre de Mme DEL
GAUDIO-SIEGRIST devait être rejetée.

16) Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST a conclu au rejet de la demande de récusation. Selon la pratique du TAPI, les deux assesseurs d’une composition recevaient au plus tard une semaine avant la date de l’audience de délibération un ordre du jour indiquant les procédures à traiter ainsi que, le plus souvent, les projets de jugement. Ils étaient également invités à consulter le ou les dossiers sur lesquels ils devaient se prononcer. Dans ce cadre, il n’était pas rare que le jugement soumis aux assesseurs contienne des mentions à l’attention de ces derniers, soulignant les points destinés à faire l’objet d’une discussion plus spécifique au moment de la délibération. Au terme de l’audience, un procès-verbal de délibération était adopté et signé par le juge qui présidait la composition. Enfin, lorsque le projet était validé par la majorité de la composition, il était notifié aux parties.

En l’occurrence, préalablement à l’audience de délibération du mercredi 17 mars 2021 et conformément à son ordre du jour, elle avait adressé aux assesseures une version annotée du projet de jugement dans la procédure A/4610/2019, lequel avait été validé lors de cette audition comme l’attestait le procès-verbal de délibération. L’ordre du jour et le procès-verbal de délibération étaient joints. C’était par erreur que la version avec les mentions avait été signée et notifiée aux parties. Le 19 mars 2021, s’étant aperçue que les annotations destinées aux assesseurs n’avaient pas été supprimées, elle avait demandé au greffe d’adresser une nouvelle version aux parties, annulant et remplaçant le précédent envoi du 18 mars 2021. Le grief d’apparence de prévention tombait à faux. S’il était évident qu’elle pouvait avoir une opinion sur l’issue à donner au recours en proposant une solution aux assesseures, il n’en demeurait pas moins que celles-ci avaient dûment exprimé leur position lors de l’audience de délibération, après avoir préalablement consulté le dossier et pris connaissance du projet de jugement. Pour ces mêmes raisons, le jugement du 17 mars 2021 avait été pris dans une composition correcte telle que prévue par la loi. Les suppositions émises par les recourants, lesquelles dénotaient d’une méconnaissance, en soi compréhensible, du fonctionnement d’une juridiction siégeant avec des assesseurs, étaient infondées.

17) Le président de la délégation du TAPI en matière de récusation a relevé que le jugement prononcé dans la cause A/1081/2021 n’ayant pas fait l’objet d’un recours, la question de la récusation de Mme DEL GAUDIO-SIEGRIST était en mains de la chambre administrative, par application du droit d’office.

18) Dans leur réplique, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. Il ne ressortait pas du procès-verbal de la délibération du 17 mars 2021 que les juges assesseures auraient approuvé la solution à la question, essentielle, de savoir si le bâtiment projeté respectait le gabarit légal. Il était ainsi possible que la question soit demeurée ouverte à l'issue de la délibération et que les assesseures aient souhaité vérifier cette question, comme l'indiquait le premier jugement notifié aux parties.

19) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) a. Une demande de récusation formée contre un magistrat au motif d'une prévention ressortant d'un jugement au fond relève d'un grief de violation de la garantie d'un tribunal indépendant et impartial (arrêt du Tribunal fédéral 8C_583/2013) et doit être traité dans le cadre du recours (art. 61 ss LPA).

b. En l'espèce, les parties ne le contestent pas, aucun recours n'ayant été formé contre le jugement du TAPI transmettant la « demande de récusation » à la chambre administrative (cause A/1081/2021) pour raison de compétence.

Le demande de récusation doit en conséquence être traitée comme un recours dans la cause A/4610/2019, pour violation de la garantie constitutionnelle de la composition régulière de l'autorité (art. 132 al. 2 LOJ).

Aucun autre recours contre le jugement dans la cause A/4610/2019 n'étant parvenu à la chambre de céans, l'objet du litige est limité à cette question.

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 LOJ ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

3) La garantie d'un juge indépendant et impartial telle qu'elle résulte des art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101) et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) – lesquels ont, de ce point de vue, la même portée – permet, indépendamment du droit de procédure, de demander la récusation d'un magistrat dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation uniquement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de la part du juge ne peut être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat ; cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles n'étant pas décisives
(ATF 144 I 162 et les références citées).

4) a. En droit administratif genevois, l'art. 15A LPA prévoit que les juges doivent notamment se récuser s'ils ont un intérêt personnel dans la cause (let. a), s'ils ont agi dans la même cause à un autre titre, notamment comme membre d'une autorité, comme conseil juridique d'une partie, comme expert, comme témoin ou comme médiateur (let. b) et s'ils pourraient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d'un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son représentant (let. f). Les juges, les membres des juridictions et les membres du personnel des juridictions qui se trouvent dans un cas de récusation sont tenus d'en informer sans délai le président de leur juridiction (art. 15A al. 3 LPA). La demande de récusation doit en outre être présentée sans délai et par écrit à la juridiction compétente (art. 15A al. 4 LPA).

b. Les art. 15 et 15A LPA sont calqués sur les art. 47 ss du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272 ; ATA/987/2019 du 4 juin 2019 consid. 2b ; ATA/578/2013 du 3 septembre 2013 consid. 7c, avec référence au MGC 2008-2009/VIII A 10995), ces derniers, tout comme les art. 56 ss du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), avec lesquels ils sont harmonisés, étant calqués, à l'exception de quelques points mineurs, sur les art. 34 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF - RS 173.110), si bien que la doctrine, et la jurisprudence rendue à leur sujet, valent en principe de manière analogique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841 ss, spéc. 6887 ad art. 45 [devenu l'art. 47 CPC] ; Message du Conseil fédéral sur l'unification de la procédure pénale, FF 2005 1125 s.).

Seules des circonstances exceptionnelles permettent de justifier une récusation, lorsque, par son attitude et ses déclarations précédentes, le magistrat a clairement fait apparaître qu'il ne sera pas capable de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction des opinions qu'il a précédemment émises (ATF 138 IV 142 consid. 2.3). Ainsi, même à l'aune de l'art. 30 Cst., si des décisions ou des actes de procédure, se révélant ensuite erronés, peuvent fonder une apparence de prévention, seules les erreurs particulièrement graves des devoirs du magistrat et dénotant en outre objectivement que celui-ci est prévenu, justifient de retenir sa partialité (ATF 138 IV 142 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_761/2020 du 8 février 2021 consid. 5.2.2).

Selon un principe général, la partie qui a connaissance d’un motif de récusation doit l’invoquer aussitôt, sous peine d’être déchue du droit de s’en prévaloir ultérieurement (art. 15 al. 3 LPA ; ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; 138 I 1 consid. 2.2), dès lors qu’il serait contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière de l’autorité pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable de la procédure (ATF 136 III 605 consid. 3.2.2).

5) a. Le TAPI siège dans la composition d’un juge unique. Dans les cas prévus par la loi, il s’adjoint le nombre indiqué de juges assesseurs (art. 115 al. 1 et 2 LOJ).

b. Lorsqu’il est compétent pour statuer en matière de constructions, le TAPI siège dans la composition d’un juge, qui le préside, et de deux juges assesseurs spécialisés en matière de construction, d’urbanisme et d’hygiène publique (art. 143 LCI).

6) Le système dit du juge rapporteur est caractérisé par le fait qu'un juge de la cour appelée à trancher est désigné comme rapporteur. Dans cette fonction, il lui appartient de parcourir et d'étudier l'ensemble des pièces du dossier et de se faire, sur cette base, une opinion provisoire sur toutes les questions qui se posent, qu'elles soient de nature formelle ou matérielle. Cette formation d'opinion provisoire constitue une étape du processus de la compréhension et se caractérise par la pesée du pour et du contre des positions qui s'opposent et se rapporte aussi bien à des questions de fait qu'à des questions de droit de nature formelle ou matérielle. L'opinion qui en résulte repose exclusivement sur les dossiers et n'est dès lors aucunement déterminée par des éléments étrangers à l'affaire. Elle réserve de même l'audience de recours (avec l'audition des parties et les plaidoiries du défenseur) ainsi que la discussion et la formation de l'opinion au sein du collège. Cette opinion provisoire condensée dans une proposition à la Cour constitue par ailleurs le point de départ pour la poursuite du processus de compréhension. L'issue de la procédure reste ainsi ouverte et ne peut pas être considérée comme prédéterminée de manière décisive. La formation provisoire de l'opinion et la proposition faite à la Cour sur cette base ne constituent en elles-mêmes aucunement l'expression d'une prévention et sont compatibles avec la garantie de procédure judiciaire des art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH. C'est ainsi que le système largement répandu en Suisse du juge rapporteur a été jugé admissible aussi sous l'angle constitutionnel (arrêt du Tribunal fédéral 1P.687/2005 du 9 janvier 2006, consid. 7.1 et les références citées). En outre une appréciation provisoire de la situation procédurale influencera également l'instruction du procès et aura son importance par rapport à la question de la mise en œuvre d'un échange d'écritures, de l'octroi de l'assistance judiciaire (ATF 134 I 328 consid. 2.3 = JT 2009 IV 95).

Après une étude approfondie de tous les dossiers, une communication reproduit simplement une étape du processus de la compréhension comme c'est le propre du système du juge rapporteur. D'ailleurs le juge rapporteur, pour garantir sa crédibilité au sein du collège, ne s'exprimera dès le départ que si, après avoir étudié le dossier, il parvient à une conclusion claire. Cela ne signifie toutefois pas que dans une procédure de rejet du recours il faudrait se prononcer sur les chances de succès ou sur leur absence totale. Est déterminante la question de savoir à qui la communication relative à la proposition sur l'issue de la procédure est faite. Il est inhérent au système du juge rapporteur que ce dernier donne connaissance de son opinion et de sa proposition aux juges qui vont siéger avec lui (ATF 134 I 328 précité consid. 2.4).

7) En l'espèce, le contenu des observations sujettes à éventuelle prévention est établi avec précision s'agissant de remarques écrites. Elles ont été rédigées par le juge rapporteur, à l'attention exclusive des deux juges assesseures appelées à trancher le litige, soit de deux spécialistes, s'agissant d'un litige en matière de construction.

Le contenu des remarques litigieuses porte sur deux passages distincts du projet de jugement. Le juge rapporteur a, dans son projet de jugement adressé aux deux assesseures, à deux reprises, mentionné « à vérifier par les assesseurs ». Ce contenu fait état du doute du rédacteur avec la solution proposée. Solliciter expressément l’avis des autres magistrats du collège sur une proposition de jugement constitue précisément l’inverse d’une partialité. De surcroît, les deux passages litigieux portent sur des questions techniques de construction pour lesquelles, précisément, la LCI prévoit l'apport des connaissances spécifiques des spécialistes en la matière.

Ainsi, le but recherché par l'auteur des remarques consistait à l'évidence à attirer l'attention des autres magistrats siégeant dans la cause sur son incertitude sur la solution proposée aux deux problématiques techniques. Le grief de partialité du juge rapporteur n’est pas fondé.

Par ailleurs, et contrairement à ce que soutiennent les recourants, il ne peut être déduit du fait que le jugement rectifié ait été notifié le lendemain de celui comportant les mentions litigieuses, que le juge rapporteur aurait tranché, seul, le litige, sans attendre l'avis des assesseurs. Il est établi par les pièces du dossier que les trois magistrats ont délibéré ensemble le projet le 17 mars 2021, répondant ainsi à la demande de vérification des deux points techniques soulevés par le juge rapporteur. Le fait que le texte soit identique à la version précédente est sans incidence.

Enfin, c'est à tort que les recourants ébauchent l'hypothèse que le TAPI aurait laissé la question des gabarits ouverte à l'issue de la délibération du 17 mars 2021, le résultat de la procédure (rejet, avec la mention de l’émolument et l’indemnité) ressortant expressément du procès-verbal de délibération, dans lequel n'a pas à figurer la prise de position de chacun des membres du collège, compte tenu du secret des délibérations (art. 77A LPA).

Le grief de composition incorrecte du tribunal au sens de l'art. 30 Cst. ne trouve aucun fondement dans le dossier.

Infondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge, solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée aux propriétaires, pris solidairement (art. 87 al. 2 LPA).

Conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative, il ne sera pas alloué d’indemnité à la commune, qui compte plus de dix mille habitants (ATA/1023/2020 du 13 octobre 2020 consid. 10 ; ATA/528/2020 du 26 mai 2020 consid. 6 et les références citées).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 mars 2021 par Madame Florence AESCHBACH DUC et Monsieur Olivier DUC, Madame Véronique JACOT BRUNETTI et Monsieur Giancarlo BRUNETTI, Madame Daniela CALAZANS ALBUQUERQUE, Monsieur Maurice DZIKOWSKI, Monsieur Pablo FERNANDEZ DE MELLO E SOUZA, Madame Marianne FRISCHKNECHT, Madame Marie et Monsieur Pierre JÄGER, Madame Rita-Maria LADOR, Madame Nicole MARTINS-MAAG et Monsieur Jason Louis MARTINS, Madame Charlotte et Monsieur Chris MCLAUGHLIN, Madame Sarunya et Monsieur Gilles RENEVEY, Madame Estelle et Monsieur José Vicente SANCHEZ, Madame Jessica TORRISI, Madame Xiaowen Viviane WANG, Madame Evelyne WEGMÜLLER, Monsieur Julien WEGMÜLLER
et Monsieur Pierre WEGMÜLLER contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 mars 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de Madame Florence AESCHBACH DUC et Monsieur Olivier DUC, Madame Véronique JACOT BRUNETTI et Monsieur Giancarlo BRUNETTI, Madame Daniela CALAZANS ALBUQUERQUE, Monsieur Maurice DZIKOWSKI, Monsieur Pablo FERNANDEZ DE MELLO E SOUZA, Madame Marianne FRISCHKNECHT, Madame Marie et Monsieur Pierre JÄGER, Madame Rita-Maria LADOR, Madame Nicole MARTINS-MAAG et Monsieur Jason Louis MARTINS, Madame Charlotte et Monsieur Chris MCLAUGHLIN, Madame Sarunya et Monsieur Gilles RENEVEY, Madame Estelle et Monsieur José Vicente SANCHEZ, Madame Jessica TORRISI, Madame Xiaowen Viviane WANG, Madame Evelyne WEGMÜLLER, Monsieur Julien WEGMÜLLER
et Monsieur Pierre WEGMÜLLER ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- àMadame Jacqueline Germaine PERRETEN et Lakefront SA, prises solidairement, à la charge solidaire de Madame Florence AESCHBACH DUC et Monsieur Olivier DUC, Madame Véronique JACOT BRUNETTI et Monsieur Giancarlo BRUNETTI, Madame Daniela CALAZANS ALBUQUERQUE, Monsieur Maurice DZIKOWSKI, Monsieur Pablo FERNANDEZ DE MELLO E SOUZA, Madame Marianne FRISCHKNECHT, Madame Marie et Monsieur Pierre JÄGER, Madame Rita-Maria LADOR, Madame Nicole MARTINS-MAAG et Monsieur Jason Louis MARTINS, Madame Charlotte et Monsieur Chris MCLAUGHLIN, Madame Sarunya et Monsieur Gilles RENEVEY, Madame Estelle et Monsieur José Vicente SANCHEZ, Madame Jessica TORRISI, Madame Xiaowen Viviane WANG, Madame Evelyne WEGMÜLLER, Monsieur Julien WEGMÜLLER et Monsieur Pierre WEGMÜLLER ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Serge Patek, avocat des recourants, à Madame Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, à Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat de la Ville de Veyrier, à Me Saskia Ditisheim, avocate de Madame Jacqueline Germaine PERRETEN et Lakefront SA, au département du territoire – OAC, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :