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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4191/2020

ATA/327/2021 du 16.03.2021 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4191/2020-FORMA ATA/327/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 mars 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______, enfant mineure, agissant par son père Monsieur B______

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES



EN FAIT

1) Par demande du 26 août 2019, Madame A______, née le ______ 2004, a sollicité une bourse auprès du service des bourses et prêt d'études (ci-après : SBPE). Elle avait commencé en août 2019 sa première année au collège ______ et vivait avec son père, employé auprès du théâtre « C______ », dans un appartement de cinq pièces, dont le loyer était de CHF 1'900.- par mois. Sa mère n'avait pas de revenus. Elle avait quatre frères et soeurs en formation et un demi-frère.

2) Par décision du 13 novembre 2019 le SBPE lui a alloué une bourse de CHF 3'291.- pour l'année scolaire 2019 - 2020.

3) Le 23 août 2020, Mme A______ a sollicité une bourse pour sa deuxième année de collège.

4) Par décision du 11 septembre 2020, le SBPE a refusé de lui allouer une bourse ou un prêt d'études pour l'année scolaire 2020 - 2021. Ses recettes étaient suffisantes pour couvrir ses dépenses pendant l'année scolaire en cours. Le découvert total était en dessous de la limite de CHF 500.-.

5) Par courriel du 27 septembre 2020, Monsieur B______, père de l'étudiante, a formé une réclamation contre cette décision.

Il totalisait un revenu de CHF 5'925.10 bruts par mois, représentant CHF 71'101.- par année. Une prime entre CHF 3'000.- et 4'000.- bruts était parfois allouée en mars. Il était probable qu'il n'y en ait pas en 2020 compte tenu de la pandémie de COVID-19.

6) Après avoir sollicité des documents complémentaires, le SBPE a, le 2 novembre 2020, notifié à M. B______ une décision de restitution de la bourse 2019 - 2020 de sa fille A______. Le montant de CHF 3'291.- avait été versé à tort.

7) Par décision du même jour, le SBPE a refusé une bourse ou un prêt d'études pour sa fille pour l'année 2020.

8) Le 9 novembre 2020, M. B______ a adressé une réclamation au SBPE contre la décision du 2 novembre 2020 relative à l'année scolaire 2019-2020. Sa situation financière était difficile. Il demandait l'annulation de la demande de restitution de CHF 3'291.-.

9) Par décision sur réclamation du 26 novembre 2020, le SBPE a maintenu sa décision du 2 novembre 2020 et a proposé à M. B______ de solliciter un arrangement pour le remboursement du montant concerné.

10) Par acte du 10 décembre 2020, M. B______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision sur réclamation du 2 novembre 2020.

Son but n'était « pas d'attaquer la législation, mais de demander votre modération pour que ma famille (six enfants et ma compagne) n'ait pas à souffrir des conséquences de cette dette soudaine ».

Il ne contestait pas que A______ pouvait être exclue de la possibilité de recevoir une bourse si l'on comparait les procès-verbaux des calculs effectués par le SBPE. Cet écart était dû à la différence entre son revenu déterminant établi par le SBPE en 2019 sur la base de son avis de taxation 2018 et celui établi également par le SBPE sur la base de ses fiches de salaire pour la période concernée. Cette différence entre CHF 67'117.- selon l'avis de taxation 2018 et CHF 62'597.- retenus dans le procès-verbal de calcul du SBPE avait peut-être justifié la suppression de la bourse. Elle avait par contre créé une dette difficile à assumer. Il sollicitait une remise. Il vivait actuellement avec sa compagne et quatre de ses six enfants. Il assumait aussi le fils de sa compagne arrivé du Sénégal quelques années auparavant. Sa compagne travaillait en qualité d'auxiliaire de nettoyage chez D______ à l'aéroport de Genève. Depuis le mois de mars 2020 et le début de la pandémie, ses heures s'étaient toutefois très fortement réduites. Elle avait récemment commencé un nouveau travail à temps partiel chez E______ pour le déplacement de personnes à mobilité réduite. Il s'agissait de très peu d'heures, très mal rémunérées. Elle était dans l'impossibilité de lui venir en aide financièrement. Il se trouvait seul à assumer toutes les charges courantes de la famille, dont le loyer annuel de CHF 23'760.- au lieu des CHF 11'388.- retenus. Sa réalité était en conséquence différente du calcul effectué par le SBPE. De surcroît, le fils de sa compagne était également à sa charge, mais était exclu du calcul. Toutefois, ses décomptes bancaires pouvaient prouver qu'il l'entretenait.

Il assumait par ailleurs les frais d'études, de nourriture et de déplacement de A______, laquelle était au bénéfice d'une exonération à 90 % des écolages du ______.

De surcroît, sa situation personnelle devait être prise en compte, notamment le fait qu'il était proche de l'âge de la retraite, avec un très faible avoir de prévoyance. Dans le meilleur des cas, il toucherait CHF 1'745.- par mois de rente AVS et CHF 594.10 de deuxième pilier. Ces éléments étaient dus à un travail à temps partiel pratiquement toute sa vie active et à son divorce en 2016. Or, il devrait vivre avec environ CHF 2'339.- bruts par mois avec une compagne dont les revenus étaient bas et des enfants à charge, notamment de 12 et 17 ans. Il veillerait à épargner durant les six années qui le séparaient de sa retraite. Le contexte de la pandémie avait aussi fait planer des risques sur son emploi principal. L'année 2021 risquait ainsi d'être fortement perturbée et les risques de « réduire la voilure » étaient existants.

Il convenait enfin de prendre en compte sa bonne foi. Il n'avait pas pris connaissance du règlement qui l'obligeait à annoncer un changement de situation et avait fourni spontanément tous les justificatifs demandés par le SBPE.

Il sollicitait, à titre exceptionnel, l'allègement de la demande de restitution en CHF 3'291.-.

11) Le 23 décembre 2020, M. B______ a transmis à la chambre de céans une décision de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) lui demandant le remboursement intégral de l'allocation 2020. Le calcul du SBPE tenant compte de l'allocation logement, il espérait que celui-ci devrait par ricochet être modifié.

12) Le SBPE a conclu au rejet du recours. Même à tenir compte de la demande de remboursement de l'OCLPF et en déduisant, par voie de conséquence, l'allocation logement pour la période de février à août 2020, la décision de restitution restait fondée. Il demeurait toutefois disposé à trouver un arrangement financier qui permette au débiteur de rembourser sa dette de manière à prendre en compte sa situation financière.

Selon les pièces produites, le revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) du recourant, pour la période de septembre 2019 à août 2020, initialement fixé à CHF 62'597.- avait été modifié à CHF 78'375.-. Il se montait à CHF 82'305.- pour la période de septembre 2020 à août 2021.

13) M. B______ n'ayant pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la demande de remise du recourant de la somme de CHF 3'291- versée au titre de bourse d'études pour sa fille pour l'année scolaire 2019-2020.

3) Aux termes de l'art. 27 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20), la personne en formation qui bénéficie d'une aide financière à laquelle elle n'a pas droit doit la restituer sur la base d'une décision du service (al. 1) ; les modalités de restitution tiennent compte des circonstances de chaque cas, notamment de la situation financière et de la bonne foi de la personne qui a reçu l'aide financière ; elles sont définies dans le règlement (al. 2) ; l'obligation de restituer s'éteint à l'expiration du délai d'une année à compter du jour où le service a connaissance des faits qui justifient la restitution ; dans tous les cas, elle s'éteint cinq ans après l'octroi de l'aide (al. 4).

Selon l'art. 19 du règlement d'application de la loi sur les bourses et prêts d'études du 2 mai 2012 (RBPE - C 1 20.01), le montant de l'aide indûment perçue à restituer doit être versé dans les trente jours après l'entrée en force de la décision du service (al. 1). Le montant à restituer peut faire l'objet d'une compensation avec le montant d'une nouvelle aide financière au sens de la loi (al. 2). En cas de difficultés financières avérées, les versements peuvent être répartis en principe sur vingt-quatre mois (al. 3). L'échéance de la restitution peut être reportée à l'année qui suit la fin des études si la personne en formation démontre que sa situation financière ne lui permet pas de restituer dans les délais et qu'un remboursement durant la formation compromettrait la poursuite de sa formation (al. 4). Si les conditions de restitution et les modalités de paiement prévues aux al. 1 à 4 ne sont pas respectées par la personne débitrice, il est tenu compte, dans le cadre d'une poursuite au sens de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889, d'un intérêt de 5 % l'an sur le montant total à restituer (al. 5).

4) En l'espèce, la révision du revenu RDU, à la hausse, pour tenir compte des revenus effectivement perçus par le recourant, entraîne la modification du droit à la bourse et l'obligation de restituer les montants indûment perçus.

Il est certes évident que le remboursement d'un montant versé il y a de cela plus d'une année et déjà entièrement dépensé aura un impact financier sur la situation du recourant et de sa famille.

Aucune base légale ou règlementaire ne permet toutefois de prendre en considération, notamment la situation financière invoquée par le recourant, quant au principe de la restitution du montant d'aide perçu indûment.

Les art. 27 al. 2 LBPE et 19 RBPE n'autorisent que l'adaptation des modalités de la restitution à la situation financière du recourant, notamment au moyen d'une répartition des versements sur deux ans, d'un report, voire d'une compensation avec le montant d'une nouvelle aide financière au sens de la loi. De telles modalités ont été évoquées par l'autorité intimée dans ses écritures devant la chambre de céans.

Il appartiendra donc au recourant de solliciter la mise au bénéfice desdites modalités prévues par les art. 27 al. 2 LBPE et 19 RBPE.

Le recours sera rejeté.

5) Aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure au sens de l'art. 87 al. 2 LPA ne sera allouée au recourant, qui n'a pas obtenu gain de cause et agit en personne.

*****

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2020 par A______, enfant mineure, agissant par son père Monsieur B______, contre la décision sur réclamation du service des bourses et prêts d'études du 26 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur B______insi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :