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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4011/2020

ATA/191/2021 du 23.02.2021 ( DIV ) , REJETE

Descripteurs : ACCUEIL PARASCOLAIRE;GARDERIE;ENFANT;MAMAN DE JOUR;PRISE EN CHARGE DE L'ENFANT;PLACEMENT À LA JOURNÉE
Normes : LSAPE.9; LSAPE.12; RSAPE.11.al1; RSAPE.16
Résumé : Le canton a la charge de la formation initiale à plein temps et en cours d'emploi ainsi que de la formation continue du personnel de la petite enfance. Les personnes qui sollicitent une autorisation d'accueillir des enfants dans leur cadre familial doivent suivre une formation à l'activité d'accueil familial de jour d'une durée de quarante cinq heures ou pouvoir faire valoir des acquis équivalents. Le non-respect notamment des conditions des autorisations peut entraîner la suspension de ces dernières. Si les défauts ne sont pas corrigés au terme d'un délai donné par l’autorité, les autorisations sont révoquées.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4011/2020-DIV ATA/191/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 février 2021

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Thomas Barth, avocat

contre

OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SERVICE D'AUTORISATION ET DE SURVEILLANCE DE L'ACCUEIL DE JOUR



EN FAIT

1) Madame A______, de nationalité suisse, née le ______ 1963, est mère de trois enfants, nés respectivement en 1992, 1997 et 2001 de son union avec Monsieur B______. La famille habite un appartement de cinq pièces, sans espace extérieur, au ______ à Genève.

2) a. Après un agrément du 3 septembre 2003 et une évaluation sociale des conditions d'accueil du 23 novembre 2004 de l'office de l'enfance et de la jeunesse (ci-après : OEJ) du département chargé de la jeunesse, devenu le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou le département), Mme A______ a obtenu, entre décembre 2004 et février 2020, des autorisations d'accueil d'enfants à son domicile. Le nombre d'enfants accueillis ensemble variait entre deux et trois, âgés de zéro à quatre ans, comprenant parfois un ou deux enfants de moins de dix-huit mois. Les deux premières autorisations s'étendaient à son époux. Certaines autorisations avaient été assorties de recommandations particulières relatives à la sécurité des lieux, à la transmission d'informations administratives concernant les enfants accueillis et aux visites d'évaluation non annoncées.

b. Dès le début de l'activité de Mme A______, l'OEJ lui a conseillé de suivre des cours de formation continue en vue d'améliorer son français et sa manière d'accueillir et de prendre en charge les enfants.

c. En 2004, la fondation Pro Juventute Genève (ci-après : Pro Juventute) a procédé au signalement de Mme A______ auprès de l'OEJ pour avoir excédé sa capacité d'accueil autorisée. En avril 2014, les parents d'une fillette accueillie avaient dénoncé l'intéressée à l'OEJ pour avoir excédé la capacité d'accueil autorisée et avoir entretenu avec eux des relations conflictuelles au sujet de leur enfant.

d. Des collaboratrices du service d'autorisation et de surveillance de l'accueil de jour (ci-après : SASAJ) ont effectué plusieurs visites annoncées et d'autres impromptues au domicile de l'intéressée.

Des rapports établis, il ressort que Mme A______ semblait avoir beaucoup d'expérience et de plaisir à s'occuper des enfants. Ceux-ci semblaient avoir un bon lien avec elle. Elle se montrait attentive à leurs besoins. La collaboration avec le SASAJ était satisfaisante. De plus, la dynamique relationnelle et la collaboration avec les enfants accueillis et les parents placeurs étaient adéquates. L'espace d'accueil, l'alimentation, l'hygiène, la sécurité, le matériel de jeux, les activités et les sorties étaient jugés adéquats également.

Néanmoins, des carences avaient été constatées, notamment le dépassement de la capacité d'accueil autorisée et des lacunes dans la surveillance des enfants. Les sorties en promenades et les jeux proposés aux enfants étaient insuffisants. Il manquait aussi des espaces et du matériel de sieste. Des informations sur l'identité des enfants accueillis et de leurs personnes de contact étaient lacunaires. En outre, Mme A______ avait des difficultés à gérer seule le nombre d'enfants autorisé. Elle avait recours à une organisation favorisant l'aspect pratique au détriment du besoin de l'enfant ou faisait appel à des tiers pour l'aider, notamment à sa fille ou à l'un de ses fils.

Le SASAJ avait formulé plusieurs exigences à la suite des lacunes constatées. L'intéressée devait améliorer son attitude éducative et relationnelle avec les enfants, notamment en leur proposant des sorties et des jeux adaptés et en aménageant des lieux de sieste personnalisés. Elle devait également investir des moments d'accueil dans un but éducatif, utiliser du matériel à disposition de manière à répondre aux besoins de stimulation et d'autonomie de l'enfant, prévoir plus de matériel adapté à l'âge des enfants accueillis et répondant spécifiquement à leurs besoins, mobiliser et développer l'accompagnement éducatif de l'enfant durant ses activités, déployer une pratique éducative respectueuse de l'enfant, améliorer la relation avec l'autorité et les parents placeurs.

Mme A______ devait aussi effectuer une formation de rappel du cours de premiers secours et une formation continue obligatoire par année.

3) Le 24 avril 2014, le département a révoqué avec effet immédiat l'autorisation d'accueil de jour de Mme A______ à la suite du signalement précité de parents d'une fillette accueillie et de carences constatées lors des évaluations du SASAJ. Le 11 juin 2014, les parties ont trouvé un accord sur une proposition du service qui demandait à l'intéressée notamment de fournir une attestation certifiant avoir suivi le cours de premiers secours.

4) Le 19 septembre 2018, le centre de formation de Pro Juventure (ci-après : le centre) a confirmé l'inscription de Mme A______ à trois cours de deux heures, les 28, 11 et 25 février 2019 sur le thème « Choisissons nos mots ». L'intéressée n'a néanmoins pas validé la formation, n'ayant suivi que deux heures sur les six prévues.

5) Le 11 mars 2019, Mme A______ a eu un entretien au SASAJ duquel il ressort qu'elle devait suivre la formation initiale prévue pour les candidats à l'accueil de jour si elle souhaitait obtenir le renouvellement de son autorisation.

6) a. Le 26 mars 2019, le SASAJ a adressé à Pro Juventute une demande d'inscription de l'intéressée à la formation initiale précitée. Celui-ci a confirmé l'inscription le 28 mars 2019.

b. Le 28 mars 2019, le SASAJ a imparti à Mme A______ un délai au 20 juin 2019 pour obtenir une attestation de la phase I de la formation initiale et au 31 décembre 2019 pour effectuer et réussir la phase II. Parmi d'autres exigences posées par le service, Mme A______ devait aussi améliorer sa prestation d'accueil en s'ajustant constamment aux besoins des enfants et à leur âge, en adaptant le matériel pour les différents moments de la journée (jeux, repas, siestes), en différenciant les espaces d'accueil selon les activités proposées ; interagir de manière professionnelle et collaborante avec le SASAJ, en acceptant de discuter calmement sur les points observés et évalués comme nécessitant une amélioration.

c. Par courriel du 28 mars 2019, Mme A______ a demandé au SASAJ des informations sur la formation et les plannings de la phase I de la formation initiale en vue de s'organiser.

7) L'autorisation de pratiquer délivrée à Mme A______ le 9 avril 2019, valable jusqu'au 31 janvier 2021, intégrait les conditions d'obtention de l'attestation de la phase I de formation initiale au 20 juin 2019 et de la phase II au 31 décembre 2019.

8) Le 30 avril 2019, le centre a confirmé à l'intéressée son inscription à la phase I prévue en juin 2019.

9) Le 23 mai 2019, Mme A______ a demandé au SASAJ la reconsidération de la décision du 9 avril 2019. Elle a aussi indiqué être disposée à suivre la formation initiale exigée, même si elle la considérait comme une sanction au vu de son expérience.

10) Le 20 juin 2019, Mme A______ a réussi la phase I de la formation initiale. Elle s'est ensuite inscrite à la phase II prévue à la fin 2019.

11) Le 14 août 2019, le SASAJ a refusé de reconsidérer sa décision du 9 avril 2019 tout en saluant les efforts de collaboration de Mme A______.

Il reconsidérerait la situation lorsque tous les objectifs fixés seraient atteints. La formation initiale n'était pas une sanction. Elle était exigée dans la perspective de fournir à Mme A______ des outils professionnels lui permettant de mobiliser les améliorations attendues dans sa pratique d'accueillante de jour.

12) a. Le 27 août 2019, le centre a informé Mme A______ de son inscription à la session 1 de novembre 2019 de la phase II de la formation initiale.

b. Le 10 décembre 2019, il a informé le SASAJ de l'échec de Mme A______ à trois modules de la phase II, à savoir « Alimentation de l'enfant », « Développement de l'enfant » et « Adopter une posture bientraitante envers les enfants ».

c. Le 24 février 2020, le SASAJ a imparti à Mme A______ un ultime délai pour suivre et réussir les cours non réussis.

L'intéressée devait s'inscrire jusqu'au 9 mars 2020 aux cours se déroulant les 12, 19, 21, 31 mars et 7 avril 2020. Elle devait aussi fournir une attestation de français de niveau B1 jusqu'au 31 mars 2020. Le non-respect ou la non-réussite de l'un des cours entraînerait la suspension immédiate de son autorisation. Aucun nouvel accueil d'enfants ne pouvait intervenir dans l'intervalle.

13) Par courrier du 17 mars 2020, annoncé comme une mise en demeure, le SASAJ a informé Mme A______ que les cours de la phase II étaient reportés au 28 mai 2020 en raison de la situation sanitaire due à la COVID-19.

14) Les 19 et 20 mars 2020, Mme A______ a sollicité une reconsidération de l'exigence de suivre la formation initiale. Son niveau de français ne lui permettait pas de la réussir.

Elle disposait uniquement d'un niveau de français oral suffisant. En outre, la formation exigée ne se justifiait pas au vu des acquis équivalents dont elle disposait en raison de son expérience. Elle avait depuis 2014 amélioré ses prestations par des aménagements dans ses activités. Elle donnait satisfaction aux parents placeurs.

15) Par une nouvelle mise en demeure du 15 avril 2020, le SASAJ a confirmé à Mme A______ les termes de ses courriers des 24 février et 17 mars 2020.

16) Le 2 juillet 2020, il a imparti à l'intéressée un ultime délai au 3 août 2020 pour expliquer son absence aux cours du 9 juin 2020, à défaut son autorisation serait suspendue, le temps pour elle de suivre et de réussir la formation exigée.

17) Les 3 août 2020 et 21 octobre 2020, Mme A______ s'est opposée à l'exigence de suivre les cours de la phase II.

L'obligation qui lui était faite de suivre une formation, de plus en langue française écrite, violait les principes de la légalité et de la bonne foi.

18) Par décision du 26 octobre 2020, déclarée exécutoire nonobstant recours, le SASAJ a suspendu avec effet immédiat l'autorisation de pratiquer l'accueil familial de jour de Mme A______ et lui a imparti un délai au 31 mars 2021 pour se mettre en conformité avec les exigences légales, à défaut, l'autorisation serait révoquée.

Plusieurs demandes de mise en conformité lui avaient été adressées en 2015, 2016, 2017 et 2019. L'exigence de suivre et de réussir les deux phases de la formation initiale avait été posée sur la base de lacunes récurrentes observées. L'intéressée s'était engagée à suivre et réussir cette formation. Elle avait effectué la phase I à la session de juin 2019 et décidé de participer à la phase II de fin 2019. Elle avait échoué aux cours portant sur l'alimentation, le développement de l'enfant et l'adoption d'une posture bientraitante envers les enfants. Certes, son niveau de français pouvait être une difficulté additionnelle à la réussite de la formation. Toutefois, elle n'avait échoué qu'à une partie des modules. De plus, il existait une concordance entre les lacunes observées et deux des trois cours non réussis. Les conditions permettant le maintien d'une autorisation n'étaient dès lors plus remplies.

19) Par acte expédié le 27 novembre 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation et à ce qu'elle soit autorisée à exercer l'accueil familial de jour, conformément à l'autorisation du 9 avril 2019 en tant qu'elle autorisait une capacité d'accueil de deux enfants, dont l'un de plus de dix-huit mois à quatre ans révolus. Préalablement, elle a sollicité la restitution de l'effet suspensif.

L'accueil de jour constituait son activité principale et son unique source de revenu. Son intérêt privé à pouvoir accueillir à nouveau des enfants et bénéficier du revenu relatif à la garde de ces derniers l'emportait sur l'intérêt public à ce que des enfants puissent être gardés, ceux-ci n'étant exposés à aucun danger chez elle.

Le SASAJ avait violé le droit applicable et abusé de son pouvoir d'appréciation. Le 9 avril 2019, il avait renouvelé pour deux ans son autorisation. Il lui avait néanmoins imposé notamment d'obtenir une attestation de formation initiale. Elle exerçait son métier depuis dix-sept ans et avant 2018, personne ne lui avait demandé de réussir un quelconque examen. Les personnes qui sollicitaient une autorisation d'accueillir des enfants étaient dispensées de suivre les cours si elles pouvaient faire valoir des acquis équivalents. Exerçant depuis 2003, elle disposait d'une expérience en la matière. Des problèmes d'alimentation, de développement de l'enfant et de la maltraitance envers les enfants ne lui avaient jamais été reprochés dans les rapports d'évaluation, particulièrement la question de l'alimentation. Elle avait déjà suivi le cours imposé sur le développement de l'enfant le 2 juin 2015 lors de la formation sur « le rôle du jeu dans le développement de l'enfant de 0-4 ans au quotidien ». La première partie de la formation initiale imposée était consacrée aux premiers secours. Or, son diplôme des premiers secours était encore valable. L'exigence de suivre et réussir un certain nombre d'examens nécessitait la maîtrise de la langue française écrite, exigence n'apparaissant pourtant pas dans les conditions prévues par la législation dans le domaine qui prévoyait uniquement la maîtrise orale de la langue française. Disposant du seul niveau de français oral suffisant, elle ne pouvait pas s'exprimer par écrit, ce que le SASAJ savait. Il ne s'en était jamais plaint et avait toléré ce fait pendant plus de dix-sept ans. Au demeurant, ne pas maîtriser la langue française écrite n'empêchait pas de s'occuper correctement des enfants.

Le principe de la légalité était aussi violé. Dans la mesure où elle n'avait pas sollicité une autorisation d'accueillir des enfants, l'obligation de suivre la formation initiale ne pouvait pas lui être imposée. Elle exerçait le métier depuis 2003 et disposait d'acquis équivalents aux formations requises. Le principe de la bonne foi était également violé. En traitant de manière différente les autres accueillantes familiales de jour exerçant le métier depuis des nombreuses années - avant 2018 -, le comportement du SASAJ était contradictoire. L'exigence de suivre et de réussir une formation n'avait pas été imposée aux mamans de jour se trouvant dans une situation similaire à la sienne.

20) Le SASAJ a, sur la restitution de l'effet suspensif, conclu à son rejet, et au fond, au rejet du recours.

Certes, des progrès importants avaient été observés dans la pratique d'accueil de l'intéressée. Toutefois, de nombreuses demandes de mises en conformité avaient été formulées depuis 2015. En outre, des réserves subsistaient quant à la compétence de Mme A______ à s'ajuster et adapter constamment sa pratique éducative et son matériel aux besoins et âges des enfants accueillis. Elles subsistaient également au sujet de son attitude éducative et relationnelle visant le bien-être des enfants. L'intéressée avait également des difficultés à recevoir et accepter des remarques et remettre en question ses pratiques, à adopter une posture collaborante suscitant la confiance. La formation exigée visait à combler les lacunes récurrentes observées depuis 2015. La protection de l'intérêt supérieur des enfants accueillis commandait la mesure de suspension de l'autorisation de l'intéressée après plusieurs demandes de mise en conformité et de mise en demeure. Les motivations économiques de l'accueillante familiale ne constituaient pas le motif principal de l'octroi de l'autorisation.

Le cadre socio-éducatif offert par l'intéressée depuis 2014 n'était pas suffisamment adéquat et exigeait un accompagnement. La décision attaquée reposait sur l'échec de la phase II de la formation initiale et sur l'ensemble des lacunes observées. Mme A______ devait disposer d'un niveau B1 de français parlé et d'une compréhension du français écrit.

21) Mme A______ a, dans sa réplique, relevé que ses relations avec le SASAJ avaient commencé à se détériorer en 2014. Depuis lors, les rapports d'évaluation comportaient des erreurs et reflétaient rarement la réalité. De plus, elle n'avait pas été suffisamment et correctement informée au sujet de la formation exigée à laquelle elle avait été inscrite contre son gré. Elle avait en vain demandé un délai de réflexion afin de prendre sa décision de suivre ou non les cours. De plus, elle avait, dans le cadre des formations continues, suivi la quasi-totalité des cours dispensés dans la formation initiale.

22) Ensuite de quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile, devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5).

2) Le litige porte sur la suspension de l'autorisation de pratiquer l'accueil familial faute pour la recourante d'avoir effectué et réussi la phase II de la formation initiale pour accueillantes familiales de jour.

3) Selon l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (al. 1 let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4) La recourante reproche d'abord à l'autorité intimée d'avoir violé l'art. 16 du règlement sur les structures d'accueil de la petite enfance et sur l'accueil familial de jour du 21 décembre 2005 (RSAPE - J 6 29.01).

a. Les règles sur le placement d'enfants sont énoncées au niveau fédéral dans l'ordonnance sur le placement d'enfants du 19 octobre 1977 (OPE - RS 211.222.338). À Genève, l'accueil de jour est réglé notamment dans la loi sur l'accueil préscolaire du 12 septembre 2019 (LAPr - J 6 28), qui a remplacé l'ancienne loi sur les structures d'accueil de la petite enfance et sur l'accueil familial de jour du 14 novembre 2003 (aLSAPE - J 6 29), ainsi que dans le RSAPE, qui reprennent les principes énoncés par la législation fédérale.

b. Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu'un changement de droit intervient au cours d'une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l'angle du nouveau ou de l'ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, s'il s'agit de tirer les conséquences juridiques d'un événement passé constituant le fondement de la naissance d'un droit ou d'une obligation, le droit applicable est celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATA/918/2018 du 11 septembre 2018 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 403 ss).

c. En l'espèce, la LAPr est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. L'exigence de suivre une formation initiale d'accueillante familiale de jour, qui fonde la décision attaquée, ayant été formulée par l'autorité intimée le 11 mars 2019, c'est l'aLSAPE qui s'applique au présent litige. Au demeurant, la LAPr reprend les dispositions topiques de l'ancienne loi précitée en matière de formation des accueillantes familiales de jour.

5) a. L'accueil à la journée des enfants de zéro à douze ans est assuré par des personnes pratiquant l'accueil familial de jour employées par une structure de coordination ou directement engagées ou mandatées par les parents (art. 9
al. 1 aLSAPE). Les personnes qui publiquement s'offrent à accueillir régulièrement des enfants dans leur foyer, à la journée et contre rémunération, sont soumises à autorisation du département (al. 2). Le département subordonne l'octroi de l'autorisation au respect des normes de l'OPE, ainsi qu'à celles de la loi et de son règlement d'application. Elles visent en particulier à assurer la sécurité et le bien-être des enfants (al. 3). La surveillance des personnes pratiquant l'accueil familial de jour est exercée par le département conformément aux normes fédérales et cantonales (al. 4). Les compétences accordées au département sont exercées par le SASAJ (art. 2 al. 1 RSAPE).

L'autorisation ne peut être délivrée que si les qualités personnelles, les aptitudes éducatives, l'état de santé de la personne pratiquant l'accueil familial de jour et des autres personnes vivant dans son ménage ainsi que les conditions de logement offrent toute garantie que l'enfant placé bénéficie de soins adéquats, d'une prise en charge respectant ses besoins fondamentaux et favorisant son développement et que le bien-être des autres enfants vivant dans la famille est sauvegardé (art. 10 al. 3 RSAPE). Par ailleurs, la personne pratiquant l'accueil familial de jour doit être majeure, avoir l'expérience de l'éducation d'enfants, présenter un extrait du casier judiciaire, maîtriser la langue française parlée et répondre aux exigences de formation de l'art. 16 (al. 4).

b. Le canton a la charge de la formation initiale à plein temps et en cours d'emploi ainsi que de la formation continue du personnel de la petite enfance, y compris les responsables de structures d'accueil (art. 12 al. 1 aLSAPE). Le règlement détermine les exigences de formation des personnes pratiquant l'accueil familial de jour (al. 4). Le Conseil d'État édicte les dispositions nécessaires à l'application de la loi (art. 19 aLSAPE).

Le canton assume la charge de la formation initiale ou en cours d'emploi. Il assume également la formation continue du personnel de la petite enfance y compris celle des responsables de structures d'accueil (Projet de loi sur les structures d'accueil de la petite enfance et sur l'accueil familial à la journée du 5 mars 2003 [PL 8952], http://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL08952.pdf, p. 9, consulté le 18 février 2021). Il convient d'offrir aux parents une certaine diversité permettant si possible à chacun de choisir la solution qui convienne le mieux à son enfant ou encore à sa capacité financière. Il est essentiel de placer l'enfant au centre des préoccupations. Dans cette optique, la formation du personnel chargé de la petite enfance est une question importante. Elle doit être améliorée et il faut également augmenter les effectifs de personnel qualifié. Il est inadmissible de faire prendre le risque d'une garde mal assurée à des enfants en bas âge (Rapport du 28 août 2003 de la Commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier le PL 8952, https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL08952A.pdf, p. 10, consulté le 18 février 2021).

Dans sa détermination écrite au PL 8952 et lors de son audition devant la commission précitée, Pro Juventute, qui avait reçu mandat de l'OEJ d'assurer la formation des accueillantes familiales de jour, a insisté sur le fait que la formation de base devait être renforcée. Il y avait une nécessité d'une formation de base dite de « premier secours » afin d'obtenir des parents d'accueil des réactions adéquates en cas d'accident. La formation des parents d'accueil répondait à un minimum en matière de sécurité. Son exigence serait en cours dès 2004 pour toutes les nouvelles familles d'accueil. Elle était nécessaire pour l'obtention de l'agrément ou du ré-agrément. Une autorisation provisoire d'un an était envisageable, moyennant l'obligation de suivre les modules de formation, faute de quoi l'autorisation ne devait pas être renouvelée (Rapport précité de la commission, p. 16 et 70).

Les personnes qui sollicitent une autorisation d'accueillir des enfants dans leur cadre familial doivent suivre une formation à l'activité d'accueil familial de jour d'une durée de quarante-cinq heures ou pouvoir faire valoir des acquis équivalents (art. 16 al. 1 RSAPE). Cette formation a lieu en deux phases (al. 2). Une autorisation provisoire est délivrée par l'autorité de surveillance à la condition que la personne pratiquant l'accueil familial de jour ait suivi avec succès la première phase de la formation (al. 3). L'autorisation définitive n'est accordée qu'à l'issue de la seconde phase de la formation, qui doit également avoir été suivie avec succès et dans un délai d'un an à compter de la délivrance de l'autorisation provisoire (al. 4). En cas de besoin, l'autorité de surveillance peut exiger d'une personne pratiquant l'accueil familial de jour qu'elle suive tout ou partie de cette formation à l'activité alors même qu'elle est déjà titulaire d'une autorisation valable (al. 5). Les personnes pratiquant l'accueil familial de jour doivent participer à des activités de formation continue au moins une fois par année (al. 6).

c. L'autorité de surveillance fait, au domicile des personnes pratiquant l'accueil familial de jour, des visites aussi fréquentes que nécessaires, mais au moins une visite par an. Elle peut, en tout temps, effectuer des visites domiciliaires impromptues. La personne pratiquant l'accueil familial de jour doit collaborer avec l'autorité de surveillance et notamment lui donner accès à son domicile pour lui permettre d'effectuer ces visites (art. 11 al. 1 RSAPE). L'autorité de surveillance s'assure que les conditions auxquelles est subordonnée l'autorisation sont remplies (art. 11 al. 2 phr. 1 RSAPE). La visite fait l'objet d'un rapport écrit, incluant d'éventuelles recommandations ou injonctions. Ce rapport est communiqué à la personne titulaire de l'autorisation avec, cas échéant, copie à la structure de coordination à laquelle la personne pratiquant l'accueil familial de jour est rattachée (art.11. al. 3 RSAPE).

d. Le non-respect des lois et règlements ou des conditions des autorisations peut entraîner la suspension de ces dernières (art. 14 al. 1 RSAPE). Si ces défauts ne sont pas corrigés au terme d'un délai donné par le département, les autorisations sont révoquées (al. 2).

6) En l'espèce, la recourante a été autorisée à exercer l'activité d'accueil familial des enfants à titre personnel depuis décembre 2004. L'exigence d'une formation de base prévue dans l'aLSAPE lui était dès lors applicable. Lors de l'entretien du 11 mars 2019, elle ne s'est pas opposée à l'exigence précitée. Elle a confirmé sa disponibilité le 23 mai 2019. Elle a au demeurant suivi avec succès la phase I de la formation initiale. Ce n'est qu'à la suite de son échec à la phase II qu'elle a remis en cause le principe même de sa formation. Elle soutient que son expérience vaut acquis équivalent à une formation initiale et que celle-ci ne peut pas lui être imposée dans la mesure où elle n'a pas requis d'autorisation.

a. Le SASAJ a accordé à la recourante une autorisation soumise à une durée limitée et renouvelable. À chaque renouvellement, l'autorité peut examiner si les conditions de l'octroi sont toujours réalisées. Dans ce cadre, elle peut exiger notamment de suivre une formation lorsque des évaluations montrent que la prise en charge des enfants présente des carences objectives en compétences ou en outils professionnels permettant d'améliorer la pratique d'accueillante familiale.

Il ressort du dossier que, depuis ses premières évaluations, le SASAJ a conseillé à la recourante de suivre des cours de formation continue en vue d'améliorer son français et sa manière d'accueillir les enfants. Les nombreux rapports consécutifs aux visites annoncées ou impromptues à son domicile soulignent plusieurs lacunes dans la prise en charge des enfants. Le SASAJ a formulé des recommandations et lui a fait part des améliorations attendues, notamment sur la qualité de l'encadrement des enfants, des activités qui leur étaient proposées et sur leur sécurité. Il l'a rendue attentive à l'exercice de son activité dans l'intérêt supérieur des enfants accueillis. La recourante n'a cependant pas respecté les exigences de l'autorité intimée.

Certes, elle a obtenu un diplôme de premiers secours et suivi une formation continue en vue de renouveler celui-ci. Elle a également suivi un autre module de formation continue consacré au thème « Choisissons nos mots » qu'elle n'a néanmoins pas validé faute d'avoir accompli l'intégralité des cours exigés. Elle a aussi réussi la phase I de la formation initiale. Selon les dispositions légales applicables, le SASAJ pouvait autoriser provisoirement la recourante à continuer à pratiquer l'accueil familial de jour durant un an depuis la réussite de cette phase. La recourante ayant réussi la phase I le 20 juin 2019, l'autorisation du 9 avril 2019 ne pouvait pas perdurer au-delà du 20 juin 2020 si elle n'effectuait pas et ne réussissait pas entretemps la phase II. Le non-respect des conditions de son autorisation entraînait ainsi la suspension de celle-ci.

En exigeant de la recourante de réussir la phase II de la formation initiale, l'autorité intimée n'a partant pas violé l'art. 16 RSAPE ni abusé de son pouvoir d'appréciation.

Le grief de la recourante sera dès lors écarté.

b. La recourante reproche aussi à l'autorité intimée de lui avoir demandé de fournir un certificat de français de niveau B1.

Le RSAPE exige la maîtrise orale de la langue française pour exercer l'activité d'accueillante familiale. En revanche, l'exigence d'un niveau B1 de français ne ressort ni de l'aLSAPE ni du RSAPE. La directive sur laquelle se fonde l'autorité intimée ne constitue pas du droit et ne lie pas la chambre de céans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.3.1 ; ATA/1303/2019 du 27 août 2019) pour imposer à la recourante une condition supplémentaire. Néanmoins, la décision attaquée ne se fonde pas sur l'exigence du niveau B1 en français, mais sur l'échec de la recourante à la phase II de la formation initiale. Par ailleurs, l'intéressée ayant réussi des modules de la phase II précitée, il ne peut pas être établi de lien entre les épreuves échouées et son niveau de français. Elle soutient en outre sans être contredite par le SASAJ avoir un niveau de français oral suffisant. Rien au dossier n'indique au demeurant que les épreuves échouées sont des examens écrits.

Sous cet angle, le grief de la recourante doit être écarté également.

7) La recourante soutient également que la décision attaquée viole le principe de la légalité sous l'angle de l'inégalité de traitement.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances (ATF 138 V 176 consid. 8.2 et les références citées). Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 138 I 225 consid. 3.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_582/2013 du 2 mai 2014 consid. 6.2.1).

En l'espèce, il ressort des considérants qui précèdent que la décision de l'autorité intimée repose sur une base légale suffisante pour exiger de la recourante d'effectuer et de réussir la phase II de la formation initiale. La comparaison avec les autres accueillantes familiales, que la recourante allègue avoir été dispensées de suivre la formation initiale, ne s'appuie sur aucun élément tangible permettant à la chambre de céans d'apprécier si elle a été victime d'une inégalité de traitement au sens de la jurisprudence précitée, imposant notamment des situations similaires, ses seules affirmations à ce sujet n'étant pas suffisantes.

Le grief de la recourante sera ainsi écarté.

b. La décision attaquée ne viole pas non plus le principe de la proportionnalité qui exige que les mesures mises en oeuvre soient propres à atteindre le but visé - règle de l'aptitude - et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante - règle de la nécessité - ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis - principe de la proportionnalité au sens étroit -, impliquant une pesée des intérêts (art. 5 al. 2 Cst. ; ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 134 I 221 consid. 3.3) et commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2).

L'autorité intimée a effectué une pesée des intérêts entre celui de la recourante à accueillir des enfants à la journée à titre personnel et celui de ces derniers à être placés en conformité avec les exigences légales. Tenant compte de tous les éléments du dossier, elle a suspendu l'autorisation d'accueillir des enfants jusqu'à la réussite de la phase II de la formation initiale. La mesure prise est propre à sauvegarder le bien-être des enfants en les protégeant d'un accueil familial qui les exposait à des conditions d'encadrement inappropriées. Elle permet aussi à la recourante de pouvoir bénéficier du renouvellement de son autorisation d'accueillante familiale lorsqu'elle aura satisfait aux exigences légales.

Dans ces conditions, la décision querellée justifiée par un intérêt public prépondérant de protection du bien-être des enfants est conforme au droit.

Le grief de la recourante sera dès lors écarté.

c. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

Le présent arrêt sur le fond rend sans objet la demande de restitution de l'effet suspensif.

8) Malgré l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante qui bénéficie de l'assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA ; art. 13 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 novembre 2020 par Madame A______ contre la décision de l'office de l'enfance et de la jeunesse - service d'autorisation et de surveillance de l'accueil de jour du 26 octobre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thomas Barth, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office de l'enfance et de la jeunesse - service d'autorisation et de surveillance de l'accueil de jour.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Tombesi, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :