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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4295/2020

ATA/143/2021 du 09.02.2021 ( AIDSO ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.03.2021, rendu le 14.12.2021, REJETE, 8C_199/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4295/2020-AIDSO ATA/143/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 février 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Madame A______ est née le ______ 1967.

2) Elle a bénéficié, de manière discontinue, de prestations financières de l'Hospice général (ci-après : hospice) depuis le 1er juin 1994.

3) Lors des entretiens périodiques des 5 mars et 2 avril 2019, l'assistante sociale de Mme A______ lui a indiqué que l'hospice ne pouvait prendre en charge les frais d'un climatiseur.

4) Après avoir consulté sa responsable, l'assistante sociale a encore confirmé ce qui précède à Mme A______ par appel téléphonique du 5 avril 2019.

5) Par courrier du 13 juin 2019, Mme A______ a sollicité de la gestionnaire financière administrative de son dossier la prise en charge précitée. Elle a joint un devis pour un climatiseur à hauteur de CHF 349.90 et un certificat médical du Docteur B______ du 5 juin 2019, selon lequel « Madame a besoin d'un climatiseur. La température de son appartement est trop haute en été. Son état médical nécessite un tel moyen ».

Le même jour, elle a adressé à la responsable d'unité du centre d'action sociale de Saint-Jean (ci-après : CAS) un autre certificat médical du Dr B______ selon lequel : « Je soussigné certifie que pour des raisons médicales impératives, Mme doit pouvoir changer d'assistante sociale le plus rapidement possible ».

6) Par courrier du 22 juin 2019, Mme A______ a informé la gestionnaire financière qu'elle avait dû acheter un climatiseur en urgence. Elle demandait le remboursement de la somme de CHF 449.- déboursée à cet effet.

7) Par décision du 5 juillet 2019, l'hospice a refusé cette demande au motif que la prise en charge d'un climatiseur n'était pas prévue par la loi.

8) Dans son opposition à cette décision, l'intéressée a fait valoir que l'acquisition d'un climatiseur relevait d'un besoin médical dûment attesté, que ses malaises liés à la chaleur avaient induit un arrêt respiratoire ayant engagé son pronostic vital et « dans un passé pas si éloigné » un transport, pris en charge par l'hospice, en ambulance à l'hôpital. Elle était disposée à se soumettre à l'avis du médecin-conseil de l'hospice. La prise en charge se justifiait en tant que « frais pour besoin exceptionnel ».

Selon le certificat médical du Dr B______, elle était en arrêt de travail à
50 % pour maladie du 1er au 30 juin 2019. Elle a également produit une facture de C______SA pour une « intervention sans transport avec soin » le
5 août 2018 de 4h55 à 5h48.

9) Par décision du 16 novembre 2020, l'hospice a rejeté l'opposition.

10) Par acte expédié le 17 décembre 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), Mme A______ a recouru contre cette décision. Elle a conclu au remboursement des frais exposés.

Elle avait régulièrement rencontré des conflits avec les personnes en charge de son dossier. Après l'intervention du Conseiller d'État en charge du département auquel l'hospice était rattaché, les choses s'étaient améliorées. Toutefois, avec le changement de Conseiller d'État, « ses conditions » s'étaient à nouveau « détériorées ». Son ancienne assistante sociale lui avait dit qu'elle pouvait subir toutes les atteintes respiratoires qu'elle voulait et que l'hospice lui paierait avec plaisir toutes les ambulances, mais pas le climatiseur.

Elle habitait dans un studio de 20 m2, divisé par une porte coulissante. Il y avait trois petites fenêtres, orientées plein ouest. En été, la température pouvait atteindre 39° C à 40° C. Il y avait de vieux stores qui chauffaient, et elle ne pouvait ventiler son appartement. Elle proposait qu'un huissier vienne le constater en été 2021. Elle souhaitait l'audition de son médecin, qui pourrait expliquer ses problèmes de santé et leur aggravation en été.

Le climatiseur de premier prix ne relevait pas du luxe. Elle faisait des malaises, notamment des détresses respiratoires, et ne pouvait dormir quand il faisait trop chaud. Madame D______, assistante sociale auprès de
SOS Femmes, qui suivait son dossier depuis 2011, pouvait en témoigner. Elle demandait également l'audition des deux ambulanciers qui étaient intervenus en août 2018.

11) L'hospice a conclu au rejet du recours.

Aucune base légale ou réglementaire n'autorisait la prise en charge par ses soins des frais d'acquisition du climatiseur.

12) Dans sa réplique, Mme A______ a exposé que l'hospice ne tenait pas compte de ses problèmes de santé, de domicile et d'absence d'environnement social. Celui-ci mettait en doute les compétences de son médecin, ce qui était diffamatoire. Elle demandait donc l'audition de celui-ci et réitérait ses autres demandes d'instruction.

13) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante a sollicité l'audition de son médecin-traitant, de son assistante sociale auprès de SOS Femmes et des deux ambulanciers étant intervenus en août 2018 ainsi que l'établissement en été 2021 d'un rapport d'huissier.

a. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Le juge peut toutefois renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140
consid. 5.3). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, les actes d'instruction requis ne paraissent pas pertinents pour trancher le litige. Celui-ci doit déterminer si le refus de l'hospice d'assumer les frais d'un climatiseur est conforme au droit. Or, les actes d'instruction sollicités visent à établir l'état de santé de la recourante, que les températures dans son appartement peuvent être en été très élevées, qu'elle souffre lorsque tel est le cas et qu'elle a appelé, en août 2018, l'ambulance en raison d'un malaise et de difficultés respiratoires. Ces éléments, même s'ils étaient établis, ne sont cependant pas susceptibles de modifier l'issue du litige, dès lors qu'ils ne constituent pas des critères à prendre en considération dans l'examen du bien-fondé de la décision querellée.

Il ne sera donc pas donné suite aux demandes d'actes d'instruction.

3) Est litigieuse la question de savoir si l'hospice doit prendre à sa charge les frais d'acquisition du climatiseur.

a. Aux termes de l'art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

En droit genevois, la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent l'art. 12 Cst., tout en allant plus loin que ce dernier. La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1).

L'art. 9 al. 1 LIASI prévoit ainsi que les prestations d'aide financière versées sont subsidiaires à toute autre source de revenus, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (LPart - RS 211.231), ainsi qu'à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit. Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l'aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en oeuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI).

Selon l'art. 21 al. 1 LIASI, ont droit aux prestations d'aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État.

b. Conformément à l'art. 25 LIASI, peuvent être accordées aux personnes qui, en application des art. 21 à 24 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière, les prestations suivantes : a) les suppléments d'intégration à titre de prestations à caractère incitatif ; b) les autres prestations circonstancielles (al. 1) ; le Conseil d'État définit par règlement ces prestations et fixe leurs conditions d'octroi (al. 2).

Aux termes de l'art. 9 RIASI, en application de l'art. 25 al. 1 let. b LIASI, les autres prestations circonstancielles décrites ci-après sont accordées au bénéficiaire de prestations d'aide financière aux conditions cumulatives et dans les limites suivantes :

- les frais spéciaux, dus à la maladie ou au handicap, dont la couverture n'entre pas dans le cadre de la LAMal, sont pris en charge exclusivement sur prescription médicale attestant que le traitement ou le médicament est indispensable et qu'il n'y a pas d'équivalent remboursé au titre de la LAMal (al. 6) ;

- une participation aux frais d'installation, en cas de besoin justifié, peut être accordée à une ou plusieurs reprises, à concurrence d'un montant cumulé maximal par période de cinq ans de CHF 1'000.- pour une personne sur présentation des factures originales. Ce montant est augmenté de CHF 500.- par personne supplémentaire du groupe familial (al. 16) ;

- un montant de CHF 500.- au maximum par année civile et par dossier peut être accordé pour couvrir des besoins exceptionnels et indispensables (al. 20).

4) En l'espèce, il convient d'examiner si les frais relatifs à l'acquisition climatiseur entrent dans une des catégories précitées, à savoir s'il s'agit de frais « spéciaux », « d'installation » ou « exceptionnels ».

a. La recourante a produit, notamment, une attestation de son médecin indiquant qu'elle avait « besoin d'un climatiseur. La température de son appartement est trop haute en été. Son état médical nécessite un tel moyen ». Or, selon l'art. 9 al. 6 RIASI, seuls des frais spéciaux, dus à la maladie ou au handicap, se rapportant à un traitement ou le médicament sont pris en charge. Il n'est toutefois pas allégué et ne peut être retenu que le climatiseur constitue un traitement ou un médicament.

L'achat de cet appareil ne peut donc pas être pris en charge au titre de « frais spéciaux ».

b. L'hospice a exposé qu'il ne prenait en charge que le strict nécessaire au titre de « frais d'installation », tel que par exemple l'ameublement de base (lit, table, chaises, cuisinière, réfrigérateur etc.) ou l'ouverture des lignes électriques. Cette approche a été jugée conforme au droit (ATA/1182/2020 du 24 novembre 2020 consid. 6b). En effet, l'ameublement de base ou l'ouverture des lignes électriques constituent du matériel et un équipement de première nécessité. Une interprétation contraire, incluant des meubles ne répondant pas à un tel besoin, irait à l'encontre de la volonté du législateur, qui a clairement défini l'aide sociale comme une aide subsidiaire et ne visant pas à satisfaire les besoins de convenance. Vu le principe de subsidiarité de l'aide sociale, l'hospice se doit de hiérarchiser et de définir les objets répondant à un besoin primaire et qu'il doit donc couvrir (ibidem).

Il découle de ce qui précède que l'installation d'un climatiseur ne répond pas à un besoin d'aménagement de base, visant à couvrir un besoin primaire. Il ne répond, en effet, pas à un besoin de première nécessité. Le refus de la prendre en charge le climatiseur au titre de « frais d'installation » est donc fondé.

c. Enfin, se pose encore la question de savoir si les frais relatifs au climatiseur peuvent constituer des « frais exceptionnels ».

Comme indiqué dans l'ATA/1182/2020 précité, bien que la LIASI et la RIASI ne définissent pas la notion de « besoins exceptionnels et indispensables », la systématique de la loi et son texte expriment clairement qu'il doit s'agir d'un besoin constitutif d'une exception ou qui soit extraordinaire. Or, si le climatiseur est, certes, un achat unique, il ne répond pas à un besoin exceptionnel ou extraordinaire. En effet et comme le suggère l'autorité intimée, il existe d'autres moyens pour lutter contre la chaleur estivale, en particulier ceux recommandés par l'Office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP). Cet office préconise, en cas de fortes chaleurs, de fermer les fenêtres pendant la journée (tirer les rideaux, fermer les volets), d'aérer la nuit, de porter des vêtements légers, de rafraîchir l'organisme en prenant des douches froides, de poser des linges froids sur le front et la nuque et des compresses sur les pieds et les mains et de boire beaucoup et manger léger. Par ailleurs, le droit du bail permet de demander au bailleur, à certaines conditions, de remédier aux défauts (art. 259d de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse, CO, Code des obligations - RS 220), dont la chaleur excessive fait partie.

Dès lors que d'autres moyens permettent de lutter contre la chaleur, l'hospice, dont l'action est guidée par le principe de subsidiarité de l'aide sociale, ne saurait in casu prendre en charge les frais liés à l'acquisition d'un climatiseur. Son refus est donc conforme à la loi et ne consacre pas d'abus ou d'excès de son pouvoir d'appréciation.

Le recours, en tous points mal fondé, sera rejeté.

5) Au vu de la nature du litige, il n'est pas perçu d'émolument. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au vu de l'issue du litige (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 décembre 2020 par Madame A______ contre la décision de l'Hospice général du 16 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :