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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2995/2020

ATA/1039/2020 du 15.10.2020 sur JTAPI/807/2020 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2995/2020-MC ATA/1039/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 octobre 2020

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Jérôme de Montmollin, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 septembre 2020 (JTAPI/807/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______, également connu sous d'autres identités, se prétend né le ______ 1992 et se dit originaire du Niger. Il est toutefois dépourvu de tout document d'identité. M. A______ a déposé une demande d'asile en Suisse, l'une en 2011, l'autre en 2013, lesquelles ont fait l'objet de décisions de non-entrée en matière et de renvoi.

2) M. A______ a fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse notifiée le 19 janvier 2012 valable jusqu'au 19 janvier 2014 et a été renvoyé trois fois en Italie, soit les 20 janvier 2012, 28 juin 2012 et 8 avril 2013.

3) Entre le 18 novembre 2011 et le 12 mai 2014, M. A______ a été condamné cinq fois en Suisse pour entrée illégale et séjour illégal et délits contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

4) Le 5 décembre 2019, M. A______ s'est vu notifier une interdiction de pénétrer sur le territoire genevois pour une durée de douze mois, cela en relation avec une condamnation de la veille pour une transaction portant sur une boulette de cocaïne.

5) Le 3 février 2020, M. A______ a été à nouveau arrêté à Genève dans le cadre d'un trafic de cocaïne portant sur vingt boulettes vendues entre le 1er et le 31 janvier 2020. Il a été condamné par le Tribunal de police le 2 avril 2020 pour infraction à la LStup, voies de fait, dommage à la propriété, entrée illégale, séjour illégal et non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée. Il a été condamné à huit mois fermes et son expulsion du territoire suisse a été ordonnée pour une durée de cinq ans. Ce jugement retenait que M. A______ était revenu en Suisse à plusieurs reprises pour se livrer au trafic de stupéfiants et qu'il était resté à Genève après sa condamnation du 4 décembre 2019 en sachant qu'il lui était interdit de pénétrer dans ce canton. Par ailleurs, M. A______ s'en était également pris à l'intégrité physique d'une dame qui était accompagnée de ses jeunes enfants. Selon ce jugement, l'intéressé avait été condamné deux fois en Italie à des peines de 8 et 10 mois de réclusion pour des infractions en matière de stupéfiants, ainsi que trois fois en Allemagne pour les mêmes délits, dont deux fois à une peine privative de liberté de plus d'une année.

6) Libéré le 24 septembre 2020 à la fin de l'exécution de sa peine, M. A______ s'est vu notifier le même jour un ordre de mise en détention administrative pour une durée de six mois, ordre essentiellement motivé par sa participation au trafic de stupéfiants.

Selon cette décision, le 20 juillet 2020 les services de police avaient effectué en faveur de M. A______ une demande de réadmission auprès des autorités italiennes. Celles-ci avaient, par courrier du 1er septembre 2020, refusé sa réadmission sur leur territoire.

7) Ayant interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. A______ a été entendu par ce tribunal le 25 septembre 2020. À cette occasion, son avocat a conclu à sa mise en liberté immédiate et subsidiairement à la réduction de la durée de la détention administrative. Le représentant du commissaire de police a expliqué que les démarches en vue d'une éventuelle reconnaissance de M. A______ par les autorités du Niger n'étaient qu'à leur début et qu'une audition centralisée ne pourrait pas avoir lieu avant 2021. Toutefois, en parallèle, le commissaire de police avait commencé des démarches pour un éventuel refoulement de M. A______ vers un autre pays Dublin. La procédure Dublin auprès de différents pays pouvait se dérouler sur une durée d'environ un mois, étant précisé que la complexité du dossier découlait de la pluralité des pays concernés.

8) Par jugement du 24 septembre 2020, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative du 24 septembre 2020 pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 24 décembre 2020.

9) Par acte mis à la poste le 5 octobre 2020, M. A______ a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement concluant à son annulation avec suite de frais et dépens à la charge de l'État de Genève, ainsi qu'à une indemnité de procédure. Le Niger était un pays très dangereux marqué par de nombreuses menaces pour la sécurité depuis plusieurs années. L'intéressé s'opposait fermement à son renvoi au Niger et rappelait que l'autorité fédérale ne pourrait pas tenir des auditions à ce sujet avant l'année 2021. Le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) avait indiqué qu'il procéderait à l'exécution de son expulsion en direction de la France, de l'Allemagne, de la Belgique ou de l'Italie.

Le commissaire de police avait indiqué devant le TAPI que cette procédure pouvait prendre environ un mois. Dès lors, la détention administrative de trois mois était clairement disproportionnée. L'intéressé souhaitait recouvrer sa liberté et pouvoir recommencer sa vie avec un travail stable dès que possible et s'engageait à ne pas se livrer à des activités illicites. La priorité devait être mise sur la procédure Dublin permettant une durée de détention la plus courte possible. Il habitait dans l'espace Dublin depuis presque dix ans et avait quitté son pays d'origine en raison des dangers que présentait cette région. Il n'avait aucune attache avec son pays d'origine. Par ailleurs, il posséderait un permis de séjour échu en Italie qu'il souhaitait renouveler, ce qui justifiait un renvoi prioritairement en Italie.

10) Dans son audition du 24 septembre 2020 pour cas Dublin catégorie 3, M. A______ a expliqué être resté en Italie jusqu'en 2014, puis être retourné en Suisse pendant environ un mois avant de se rendre en Allemagne. En 2018, il avait quitté l'Allemagne pour aller en Belgique jusqu'en 2019 et ensuite se rendre en France. Il était finalement arrivé en septembre 2019 en Suisse afin de récupérer son permis de séjour italien qui s'était trouvé chez un ami aux Pâquis. Il avait obtenu un permis de séjour en Italie. Il s'était toutefois opposé à l'idée de retourner en Italie de même qu'en Allemagne, en Belgique ou en France.

11) Le 9 octobre 2020, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Compte tenu de ses antécédents pénaux, il ne faisait aucun doute que le recourant remplissait les conditions de l'art. 76 et 76a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Par ailleurs, l'intéressé n'ayant aucun lieu de vie à Genève, aucune autre mesure n'était à même de garantir la mise en oeuvre de son expulsion de Suisse et son refus d'obtempérer aux instructions données par les autorités et notamment la longue période où il avait demeuré illégalement dans le canton sans ressources financières faisait craindre qu'une fois libéré, il tomberait dans la clandestinité. Au vu de la dernière peine de huit mois, il ne faisait aucun doute que l'intérêt public à la mise en oeuvre effective de son expulsion judiciaire était supérieur à l'intérêt personnel à ne pas être privé de sa liberté. Quant à la durée de la détention administrative, le délai d'un mois indiqué au TAPI était celui de l'obtention d'une réponse de l'un des pays Dublin concernés, mais qu'en cas de réponse positive, il convenait encore dans un deuxième temps d'obtenir les modalités de transfert de l'intéressé dans le pays concerné auprès du SEM.

12) Dans sa réplique du 13 octobre 2020, le recourant a réitéré son souhait de recommencer sa vie et a prétendu que ses délits devaient être considérés comme des actes ponctuels. Au vu du délai énoncé devant le TAPI par le commissaire de police, il estimait que la détention ne devait pas dépasser un mois.

13) Sur ce la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile - c'est-à-dire dans le délai de dix jours - devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 5 octobre 2020 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

3) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 § 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1).

4) a. En vertu des art. 75 al. 1 let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion au sens de la LEI ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si elle a été condamnée pour crime.

b. En l'occurrence, pour ce qui est du principe de la détention administrative, et comme l'a retenu le TAPI, l'intéressé a été condamné à plusieurs reprises pour trafic de stupéfiants, la dernière peine étant de huit mois pour un trafic portant sur vingt boulettes de cocaïne. Il a par ailleurs été condamné à des lourdes peines pour le même type de délit en Italie et en Allemagne par le passé. Dès lors, le recourant remplit les conditions de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 4 LEI, de même que, pour la détention dans le cadre de la procédure Dublin, de l'art. 76a al. 1 let. a et al. 2 let. b LEI. De plus, il présente un risque de fuite et de disparition dans la clandestinité dans la mesure où il s'oppose catégoriquement, dans ses déclarations, à tout renvoi vers le Niger, ainsi que vers les autres pays européens où il a déjà séjourné. Par ailleurs, il est dépourvu de moyens d'existence et n'a aucun lieu de résidence ni aucune attache avec la Suisse, de sorte que l'assurance de son départ de Suisse doit être garantie et répond à un intérêt public certain. Dès lors, la détention administrative est justifiée dans son principe.

5) a. La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

Conformément à l'art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder. Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune démarche n'est plus accomplie en vue de l'exécution du renvoi par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l'étranger lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Aux termes de l'art. 79 LEI, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l'art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total (al. 1).

La durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d'espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3). Le principe de la proportionnalité interdit non seulement que la mesure administrative en cause soit plus incisive que ce qui est nécessaire, mais aussi qu'elle soit insuffisante pour atteindre son but (arrêts du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.2.2 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.3.3).

b. En l'espèce, c'est en vain que le recourant soutient que le principe de la célérité a été violé, les autorités ayant entrepris très rapidement les démarches en vue de l'exécution de son renvoi. Le SEM les ayant informées du fait que le renvoi du recourant en son pays n'était pour l'instant pas possible, des démarches ont été entamées pour obtenir de l'un des pays concernés par le recourant une réponse afin de pouvoir le renvoyer selon la procédure Dublin. Le recourant s'étant opposé à son renvoi tant au Niger que dans les autres pays européens, la détention est en conséquence apte à atteindre le but voulu par le législateur et s'avère nécessaire compte tenu de l'attitude adoptée par le recourant. En outre, la durée de la détention administrative, ramenée à trois mois par le TAPI, apparaît nécessaire compte tenu des démarches complexes à effectuer pour obtenir qu'un pays européen, que soit la France, la Belgique ou l'Allemagne accepte d'accueillir le recourant, étant précisé que l'Italie s'est déjà déclarée défavorable.

Vu ce qui précède, le jugement querellé, confirmant l'ordre de mise en détention administrative pour trois mois, est en tous points conforme au droit et le recours sera rejeté.

6) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10 et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l'issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 octobre 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 septembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

 

communique le présent arrêt à Me Jérôme de Montmollin, avocat du recourant, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au l'Établissement fermé de Favra, pour information.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :