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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2310/2020

ATA/813/2020 du 26.08.2020 ( MARPU ) , REFUSE

Parties : SERVICE DÉPANNAGE GENÈVE SA / DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES DE L'ETAT, GARAGE S.V.P. SA, AUTO DÉPANNAGE ADG SÀRL
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2310/2020-MARPU ATA/813/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 26 août 2020

Sur octroi de l'effet suspensif

 

dans la cause

 

SERVICE DÉPANNAGE GENÈVE SA
représentée par Me Jacques Roulet, avocat

contre

AUTO DÉPANNAGE ADG SÀRL

et

GARAGE SVP SA

et

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES DE L'ÉTAT



Attendu en fait que :

1) Service Dépannage Genève SA (ci-après : SDG) est une société inscrite au registre du commerce de Genève, qui poursuit sous cette raison sociale depuis 2002 le but social de « service de dépannage d'automobiles à l'enseigne 'SDG' », devenu en 2013 « service de dépannage d'automobiles et prestations de services en rapport avec cette activité ». Elle a pour administrateurs Messieurs Steeve et John CHATELANAT.

2) La centrale commune d'achats auprès de la direction générale des finances du département des finances et des ressources humaines de l'État de Genève (ci-après : CCA) a publié le 2 avril 2020 sur le site www.simap.ch et sous le numéro d'annonce 1128277 un appel d'offres en procédure ouverte, non-soumis à l'accord
GATT-OMC, respectivement aux accords internationaux, portant sur une prestation d'enlèvement de véhicules sur la voie publique et leur garde, répartis en neuf lots. Le délai de clôture était arrêté au 18 mai 2020 à midi et la publication précisait qu'aucun délai supplémentaire ne serait accordé.

3) À la date limite du 18 mai 2020, SDG n'avait pas déposé d'offre.

Le 28 mai 2020, SDG a expliqué à la CCA et à la Commandante de la Police que la soumission était échue la semaine précédente, sans qu'elle en ait eu connaissance, sa direction étant affairée à maintenir ses sociétés à flot en essayant de ne pas faire appel à l'État pour garder tous ses collaborateurs.

SDG a demandé à être réintégrée dans la procédure et à pouvoir présenter son offre.

4) Le 15 juin 2020, la CCA a répondu que, le droit des marchés publics étant formaliste, il ne lui était pas possible d'intégrer dans la procédure d'appel d'offres en cours une offre de SDG déposé postérieurement à la date limite fixée pour le dépôt des offres.

5) Le 26 juin 2020, SDG a recouru à la chambre administrative de la cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision de la CCA du 15 juin 2020, a conclu à son annulation et demandé l'octroi de l'effet suspensif à son recours, ce qui a donné lieu à l'ouverture de la procédure A/1847/2020 (ci-après : procédure 1).

6) Par décision du 10 juillet 2020 dans la procédure 1, la présidente de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours et levé l'interdiction de conclure le contrat d'exécution prononcée le 29 juin 2020.

Le droit des marchés public était très formaliste : l'offre d'un soumissionnaire était par exemple écartée d'office par une décision d'exclusion lorsqu'elle était tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences du cahier des charges (art. 42
al. 1 let. a du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 ; RMP - L 6 05.01). Ces conséquences rigoureuses découlaient de l'application des principes à la fois d'égalité de traitement entre concurrents et de transparence (ATA/307/2019 du 26 mars 2019 consid. 4). En l'espèce, la recourante soutenait s'être trouvée dans un cas de force majeure dû à la pandémie, et avoir pensé de bonne foi que la procédure ne serait pas lancée durant la pandémie. Toutefois, il apparaissait que le site simap avait continué de publier des appels d'offres durant la période considérée et que sept concurrents avaient déposé leurs offres pour le marché litigieux dans le délai imparti par la CCA. Les chances de succès du recours paraissaient ainsi - à première vue et sans qu'il y ait lieu à ce stade se prononcer sur le fond - insuffisantes pour permettre à la chambre de céans d'octroyer l'effet suspensif. Il n'y avait pas lieu de procéder à une pesée des intérêts en présence (Cléa BOUCHAT, l'effet suspensif en procédure administrative, 2015, n. 1006 et 1020L ; ATA/579/2020 du 11 juin 2020, consid. 7).

7) Le 17 juillet 2020, SDG a informé la CCA qu'elle déposait un recours avec requête superprovisoire sur effet suspensif auprès du Tribunal fédéral dans la procédure 1, et a invité cette dernière à ne pas progresser dans la soumission publique aussi longtemps que le Tribunal fédéral n'aurait pas statué.

8) Le 20 juillet 2020, SDG a recouru au Tribunal fédéral dans la procédure 1 contre la décision du 10 juillet 2020, et conclu à l'octroi de l'effet suspensif à son recours.

9) Le 21 juillet 2020, la CCA a indiqué à la chambre administrative qu'elle allait pouvoir procéder aux adjudications.

10) Le 22 juillet 2020, la chambre administrative a transmis à SDG une copie du courrier de la CCA du 21 juillet 2020.

11) Le 23 juillet 2020, la CCA a publié sur le site www.simap.ch l'adjudication des neuf lots le 20 juillet 2020, et en particulier celle du lot n° 5 (projet n° 202487, annonce 1147011) en faveur de Auto Dépannage ADG Sàrl et Garage SVP SA.

12) Par acte remis au guichet le 3 août 2020, SDG a recouru à la chambre administrative contre la décision de la CCA du 20 juillet 2020 d'attribuer le lot n° 5 (projet n° 202487, annonce 1147011) à Auto Dépannage ADG Sàrl et Garage SVP SA, concluant à l'annulation de la décision d'adjudication et à ce qu'il soit ordonné à la CCA d'intégrer sa soumission à la procédure d'adjudication et de reprendre
celle-ci ab initio. Préalablement SDG a conclu à (1) la jonction des huit autres recours formés contre les huit autres adjudications, (2) la restitution de l'effet suspensif au recours, (3) la suspension de la procédure dans l'attente de la décision au fond du Tribunal fédéral dans le cadre de la procédure 2D_31/2020 et de la décision au fond de la chambre administrative dans le cadre de la procédure A/1847/2020, et (4) que lui soit réservé le droit de compléter ses écritures une fois la procédure reprise.

L'autorité intimée avait reconnu qu'elle n'entreprendrait aucune démarche en vue de la conclusion des contrats avec les adjudicataires jusqu'à décision sur la question de la restitution de l'effet suspensif par le Tribunal fédéral dans le cadre de la précédente procédure administrative. Elle admettait par conséquent que l'effet suspensif devait être restitué, respectivement qu'aucun intérêt public ou privé ne s'y opposait. Même si le Tribunal fédéral ne restituait pas l'effet suspensif au recours qui lui était soumis, celui-ci devait être restitué dans la présente procédure dans l'attente que la question de l'exclusion de SDG du marché public soit définitivement tranchée.

Le recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/2310/2020
(ci-après : procédure 2).

13) Par ordonnance du 6 août 2020 dans la procédure 2D_31/2020, le président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif dans la procédure 1.

Les chances de succès des griefs exposés par la recourante n'étaient pas à ce point manifestes qu'il fallait conclure avec une grande vraisemblance que le recours devrait être admis.

14) Le 11 août 2020, Auto Dépannage ADG Sàrl et Garage SVP SA se sont opposées à l'octroi de l'effet suspensif dans la procédure 2.

15) Le 14 août 2020, la CCA s'est opposée à l'octroi de l'effet suspensif au recours, ainsi qu'à la suspension de la procédure dans la procédure 2.

La recourante n'avait pas fait partie de la procédure de marchés publics. Contrairement à ce que la recourante prétendait, la CCA ne s'était pas empressée d'adjuger le marché, puisqu'elle avait reçu le 15 juillet 2020 la décision du 10 juillet 2020 de la chambre administrative refusant d'octroyer l'effet suspensif, et prononcé les décisions d'adjudication le 20 juillet 2020. L'offre de SDG n'étant pas une offre valablement déposée, il n'y avait pas lieu d'attendre que son recours soit tranché sur le fond pour procéder aux adjudications, sans que cela ne soit contraire au principe de la bonne foi ou abusif. Le Tribunal fédéral avait lui-même estimé que le recours formé par SDG était dépourvu de chances de succès. L'intérêt privé des adjudicataires était prépondérant à l'intérêt privé de la recourante.

16) La CCA a déposé ses observations sur le fond dans la procédure 1 le 17 août 2020, et SDG sa réplique le 21 août. La cause a été gardée à juger le
24 août 2020.

17) Le 24 août 2020, SDG a répliqué et persisté dans ses conclusions dans la procédure 2.

Les chances de succès du recours ne pourraient être connues qu'en en instruisant le fond. La décision d'exclusion n'était pas sans incidence sur la décision d'adjudication. L'un des adjudicataires avait d'ailleurs relevé que le sort des adjudications aurait été différent si la recourante n'avait pas été exclue.

L'instruction de la cause devait être suspendue et l'effet suspensif restitué.

18) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur octroi de l'effet suspensif dans la procédure 2, ce dont les parties ont été informées.

Considérant, en droit, que :

1) Interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, le recours est de prime abord recevable sur ces points (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05) et 56 al. 1 RMP). La question de la recevabilité restera pour le surplus indécise à ce stade de la procédure.

2) La présidente de la chambre administrative a compétence pour statuer seule sur les requêtes de mesures provisionnelles (art. 21 et 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 mai 2020).

3) Aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif. Toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, accorder cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose.

L'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; le but est alors de refuser l'effet suspensif au recours manifestement dépourvu de chances de succès, dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/1581/2017 du 7 décembre 2017 consid. 2, et les arrêts cités ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, pp. 311-341, p. 317 n. 15).

L'octroi de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics, et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1581/2017 précité consid. 2, et les arrêts cités).

4) Le droit des marchés public est très formaliste : l'offre d'un soumissionnaire est par exemple écartée d'office par une décision d'exclusion lorsqu'elle est tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences du cahier des charges (art. 42 al. 1
let. a RMP). Ces conséquences rigoureuses découlent de l'application des principes à la fois d'égalité de traitement entre concurrents et de transparence (ATA/307/2019 du 26 mars 2019 consid. 4).

5) Dans la procédure 1, la recourante soutenait s'être trouvée dans un cas de force majeure dû à la pandémie, et avoir pensé de bonne foi que la procédure ne serait pas lancée aussi longtemps que celle-ci durerait. Toutefois, il était apparu que le site simap avait continué de publier des appels d'offres durant la période considérée et que sept concurrents de la recourante avaient déposé leurs offres pour le marché litigieux dans le délai imparti par la CCA.

Dans sa décision du 10 juillet 2020 refusant l'octroi de l'effet suspensif dans la procédure 1 (A/1847/2020), la présidente de la chambre administrative avait estimé que les chances de succès du recours paraissaient - à première vue et sans qu'il y ait lieu à ce stade se prononcer sur le fond - insuffisantes pour permettre l'octroi de l'effet suspensif.

Le même raisonnement doit être appliqué à la présente espèce.

Si le Tribunal fédéral a refusé d'octroyer l'effet suspensif, c'est qu'il considérait que les chances étaient faibles qu'il annule la décision du 10 juillet 2020 refusant elle-même l'octroi de l'effet suspensif dans la procédure 1.

Ainsi, au stade des mesures provisionnelles et sous l'angle de la vraisemblance, il est toujours aussi peu probable que le premier recours de la recourante (procédure 1) tendant à lui permettre de participer au marché public soit admis sur le fond.

De la sorte, la probabilité que le second recours de la recourante (procédure 2), tendant à l'annulation des adjudications et dépendant du sort du premier recours, soit admis sur le fond apparaît à tout le moins aussi ténue - à première vue et sans qu'il y ait lieu à ce stade se prononcer sur le fond.

Il n'est certes pas exclu que, comme elle le suggère dans sa réplique, si la recourante avait été admise à participer au marché, le sort des adjudications aurait pu être modifié. Cette simple hypothèse est toutefois sans effet sur les chances de son recours, qui s'examinent au regard des règles strictes et formalistes du droit des marchés publics sur l'observation des délais.

d. Le présent recours dans la procédure 2 apparaissant de prime abord dénué de chances de succès, il n'y a pas lieu de procéder à une pesée des intérêts en présence (Cléa BOUCHAT, l'effet suspensif en procédure administrative, 2015, n. 1006 et 1020L ; ATA/579/2020 du 11 juin 2020, consid. 7).

La requête d'octroi de l'effet suspensif sera rejetée.

6) Il sera statué ultérieurement sur les requêtes de suspension et de jonction des procédures.

7) Il sera statué sur les frais de la présente décision avec l'arrêt au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d'octroyer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Jacques Roulet, avocat de la recourante, à Auto Dépannage ADG Sàrl, au Garage SVP SA, ainsi qu'à la direction générale des finances de l'État.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :