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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/10/2018

ATA/751/2018 du 18.07.2018 sur JTAPI/269/2018 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2018, rendu le 04.10.2018, REJETE, 2C_824/2018
Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; REGROUPEMENT FAMILIAL ; AUTORISATION DE SÉJOUR ; DÉLAI ; RECONSIDÉRATION ; MODIFICATION DES CIRCONSTANCES ; INTÉRÊT DE L'ENFANT
Normes : LPA.48; LEtr.47; CEDH.8; LEtr.47.al4; OASA.75; CDE.3; Cst.13; LEtr.83
Résumé : Les raisons familiales majeures invoquées par les recourants ne permettant pas d'autoriser un regroupement familial différé. Le dossier ne laisse pas apparaître d'éléments qui tendraient à démontrer que l'exécution du renvoi de l'enfant au Pérou serait impossible, illicite ou inexigible. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/10/2018-PE ATA/751/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juillet 2018

2ème section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineur, agissant par son père Monsieur B______

et

Monsieur B______
représentés par Me Michel Celi Vegas, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2018 (JTAPI/269/2018)


EN FAIT

1) Monsieur B______, né le ______ 1979, est ressortissant péruvien.

2) Entré illégalement en Suisse le 1er avril 2002, il a fait, le 24 juin 2002, l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, valable jusqu'au 23 juin 2004.

3) Selon le formulaire d'annonce de sortie, il a quitté la Suisse le 23 mai 2002.

4) Il est le père d'A______, de nationalité péruvienne, né le ______ 2004 à Genève de son union avec Madame C______, de nationalité péruvienne également.

5) Le 28 août 2006, M. B______ et Madame D______, ressortissante suisse née le ______ 1938, ont déposé une demande en exécution de la procédure préparatoire du mariage auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

6) Faisant suite à une demande de renseignement de cet office, M. B______ a indiqué, par pli du 10 octobre 2006, être revenu en Suisse le 28 août 2006.

7) À teneur du courrier adressé le 5 décembre 2006 à l'OCPM par l'ambassade suisse à Lima, M. B______ avait déclaré, lors de son audition du même jour, avoir vécu en Suisse jusqu'en septembre 2006. Il avait étudié dans son pays puis obtenu un diplôme de technicien informatique. Il était propriétaire d'un hôtel à E______ (Pérou) depuis deux ans, dont la mère de son fils, Mme C______, s'occupait. Il possédait également une société qui fournissait du poisson aux grands magasins de Lima. Sa famille se composait de ses parents, de deux soeurs et d'un demi-frère, étant précisé qu'aucun d'eux ne vivait en Suisse. Il avait vécu entre la Suisse et la France entre 2002 et 2006, notamment à Genève avec la mère de son fils. Il avait séjourné en Europe, soit en France, en Italie et en Suisse, jusqu'en septembre 2006. Il vivait grâce aux gains de ses entreprises et son fils séjournait au Pérou avec Mme C______.

8) Lors de son audition par l'OCPM le 7 décembre 2006, Mme D______ a notamment indiqué qu'elle se rendrait au Pérou en mars 2007 afin d'y retrouver son fiancé. Ce dernier avait un fils, A______, qui vivait à E______ avec sa mère.

9) M. B______ a épousé Mme D______ à Genève, le _______ 2007.

10) À la suite du mariage, le précité a bénéficié d'une autorisation de séjour au titre de regroupement familial, régulièrement prolongée. Le 14 mai 2012, une autorisation d'établissement lui a été octroyée.

11) Par requête du 21 avril 2016, M. B______ a sollicité auprès de l'ambassade suisse à Lima la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur de son fils A______ afin que ce dernier vienne vivre avec lui à Genève et puisse y poursuivre « la formation scolaire requise pour son insertion sociale et professionnelle » dès fin août 2016.

12) Faisant suite à une demande de renseignements de l'OCPM, M. B______ a indiqué, par courrier du 24 juin 2016, qu'il avait toujours gardé contact avec son fils depuis son départ de Genève. Il avait, depuis la naissance de cet enfant, subvenu à son entretien, comme le démontraient les justificatifs de paiement pour les années 2012 à 2016 faisant état d'un versement total de CHF 18'500.-, étant précisé qu'il avait même versé CHF 800.- par mois durant les premières années. Il s'était rendu chaque année au Pérou, la dernière fois en février 2013, parlait par téléphone à son fils environ une fois par semaine, lui envoyait des cadeaux par la poste et communiquait avec lui par le biais de Skype. Son fils vivait avec sa mère à E______, étant précisé que cette dernière pouvait subvenir à son entretien pour autant qu'il lui envoie l'argent nécessaire. Ce versement n'avait jamais été officiellement formalisé mais il s'occuperait toujours de son fils, quelle que soit la situation. Le regroupement familial était requis car A______ ayant terminé l'école primaire au Pérou, il était temps de consolider sa scolarité et sa future formation professionnelle. Il n'était pas en mesure de produire un document attestant qu'il possédait la garde officielle de son fils, dès lors que le Pérou n'attribuait jamais la garde d'un enfant à l'un des parents, sauf en cas de décès de l'autre parent. Il était cependant entièrement responsable d'A______ et l'avait reconnu auprès de la représentation consulaire péruvienne à Genève et de l'état civil genevois. Depuis qu'il avait quitté la Suisse à l'âge de 9 mois avec sa mère, A______ n'y était pas revenu. La mère, la grand-mère maternelle, les grands-parents paternels, les oncles et les tantes de cet enfant, qui était fils unique et souhaitait très vivement venir s'installer avec lui à Genève, vivaient au Pérou.

Il ressort d'un document émanant de F______ SA que l'intéressé a envoyé à Mme C______, entre février 2012 et mai 2016, un montant total de CHF 18'222.50. Selon un courrier de Mme D______ du 24 juin 2016, elle se réjouissait d'accueillir le fils de son époux. M. B______ a également produit un contrat de bail conclu par Madame G______, fille et beau-fils de Mme D______, portant sur un logement de cinq pièces à H______ ainsi qu'un courrier explicatif de M. B______ indiquant que son épouse avait réglé sa succession avant leur mariage en faisant don de sa maison sise à I______ à sa fille. Son épouse avait donc vécu, à compter de 2006, en sa compagnie, dans l'appartement sis à H______ et Mme et M. G______ vivaient dans la maison à I______.

13) Par pli du 4 août 2016, M. B______ a indiqué à l'OCPM n'avoir pas eu connaissance du délai légal pour le regroupement familial, faute de quoi il aurait déposé sa demande avant que son fils atteigne l'âge de 12 ans. Ce dernier parlait français avec sa mère, de sorte que la langue ne serait pas un obstacle à sa scolarité. Les raisons personnelles majeures suivantes pouvaient être relevées : Mme C______ s'étant remariée, elle désirait refaire sa vie avec son nouvel époux, de sorte que l'intégration sociale de son fils au Pérou semblait fortement compromise. Il était ainsi préférable que celui-ci vive avec lui plutôt qu'avec sa mère et son beau-père, et il souhaitait faire ménage commun avec son fils. Dès 2007, il avait été engagé en qualité de chauffeur-livreur de nuit pour travailler de 10 h à 24 h. Son fils étant alors âgé de 4 ans, il aurait été irresponsable de sa part de le faire venir en Suisse, ce d'autant que son épouse, qui souffrait alors d'un cancer du côlon, n'aurait pu s'en occuper et que Mme C______ pensait que leur fils avait besoin d'elle. Après des années de conflits avec Mme C______, tous deux avaient décidé qu'A______ effectuerait ses premières années d'études au Pérou puis viendrait poursuivre sa scolarité en Suisse à ses côtés, étant précisé qu'il avait toujours, entre 2007 et 2013, rendu visite à son fils et payé une pension en sa faveur. Depuis mars 2013, il travaillait de 5h à 15h, de sorte qu'il était entièrement disponible, avec l'aide précieuse de son épouse, pour s'occuper de son fils. Cet enfant bénéficierait d'une chambre et d'un bureau dans leur appartement, qui se trouvait à proximité du cycle d'orientation J______, dans lequel il serait scolarisé.

14) Par courrier du 29 juillet 2016, l'OCPM a informé M. B______ de son intention de refuser de délivrer une autorisation de séjour au titre de regroupement familial en faveur de son fils et lui a imparti un délai pour faire usage de son droit d'être entendu.

15) M. B______ a fait usage de ce droit en expliquant notamment sa situation et les démarches entreprises pour faire venir son fils en Suisse.

16) Par décision du 21 septembre 2016, l'OCPM a refusé la demande de regroupement familial. Alors que le père avait obtenu un titre de séjour à caractère durable dès le 23 août 2007, la requête de regroupement familial en faveur de son fils n'avait été déposée que le 10 mai 2016 auprès de la représentation suisse à Lima, soit hors du délai légal. Dès lors que l'existence de raisons familiales majeures justifiant un regroupement familial différé n'avait pas été démontrée, la requête était tardive, en application notamment des art. 43 et 47 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

17) Par requête du 10 octobre 2017, M. B______ a demandé à l'OCPM la reconsidération de sa décision du 21 septembre 2016 et la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur de son fils au titre de regroupement familial.

La décision dont la reconsidération était requise était arbitraire, partielle et disproportionnée. Né à Genève, son fils y avait passé les neuf premiers mois de sa vie, avant de retourner vivre au Pérou avec sa mère, le 30 octobre 2004, jusqu'au 18 octobre 2016. Mme C______ s'était remariée en avril 2015, et A______ avait souffert de cette situation, à un tel point que la précitée et lui-même avaient décidé que leur fils viendrait vivre à Genève avec lui. La longueur des démarches administratives auprès des autorités judiciaires au Pérou l'avait poussé à demander le regroupement familial en faveur de son fils le 21 avril 2016 auprès de l'ambassade suisse à Lima. A______ était arrivé légalement en Suisse le 18 octobre 2016, dès lors que depuis mars 2016, les ressortissants péruviens n'avaient plus besoin de visa pour pénétrer sur le territoire helvétique. Nonobstant le fait qu'il n'était pas autorisé à rester en Suisse au-delà de trois mois, au vu de l'« abandon matériel et émotionnel de sa mère », il avait été contraint d'obtenir une décision judiciaire péruvienne lui octroyant la garde de son fils. Ainsi, un acte de conciliation, rendu par le conciliateur extra-judiciaire le 27 juin 2017, lui octroyait la garde d'A______, ce qui constituait un fait nouveau. De même, sur la base d'une application analogique de la législation européenne et du règlement CEE n° 1612/68 - afin d'éviter la discrimination de ressortissants d'un pays tiers - son fils étudiait à Genève, où il était pleinement intégré. Ses centres d'intérêts, voire sa résidence habituelle, se trouvaient en Suisse, et il devait être autorisé à y demeurer jusqu'à la fin de sa formation. Il disposait lui-même d'un permis d'établissement et bénéficiait d'un horaire de travail confortable, qui lui permettrait de s'occuper de son fils de manière effective et sans difficulté.

La présence d'A______ sur le territoire suisse constituait également un fait nouveau. Mme C______ ne pouvait être responsable de l'éducation et de la garde de leur fils au Pérou, où il ne pouvait pas davantage suivre une éducation adaptée à ses besoins. Cet enfant avait fréquenté, durant l'année scolaire 2016-2017, la classe d'accueil du cycle d'orientation K______, puis pendant l'année scolaire 2017-2018, une classe de 9ème année « regroupement R2 » dans le même établissement. Depuis son arrivée, A______ avait énormément progressé, sur les plans académique, physique et psychologique et pouvait se prévaloir d'une intégration exemplaire en Suisse. Un retour au Pérou constituerait un préjudice insurmontable pour sa stabilité émotionnelle et sa formation équilibrée, et aurait pour conséquence de lui imposer, pour la seconde fois, une période d'adaptation dans un autre pays. En pleine adolescence, son fils avait besoin de lui pour maintenir sa stabilité et préparer son avenir.

Selon la traduction française d'un « acte de cession de garde » établi en espagnol par une conciliatrice extrajudiciaire péruvienne le 27 juin 2017, Mme C______ cédait au père la garde de leur fils afin que ce dernier vive et étudie en Suisse et « qu'il puisse avoir de meilleures possibilités d'études, de formation et d'avenir ». Tous les frais relatifs à A______ seraient pris en charge par le père et l'enfant irait rendre visite à sa mère au Pérou une fois par an. Enfin, « dans l'éventualité où A______ ne s'habituerait pas à sa nouvelle résidence et à son régime de vie », le père s'engageait « à le ramener au Pérou où sa mère assumera[it] à nouveau sa garde ».

18) M. B______ a été employé de juillet 2007 à début 2017 en qualité de chauffeur-livreur. Depuis lors, il est responsable logistique et réalise un salaire annuel brut de CHF 63'600.-, soit un salaire mensuel net de CHF 4'679.70.

À teneur de l'extrait du registre des poursuites du 15 septembre 2017, M. B______ ne faisait l'objet d'aucune poursuite ni acte de défaut de biens.

19) Par décision du 6 novembre 2017, exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande de reconsidération de sa décision du 21 septembre 2016 et a imparti un délai au 8 janvier 2018 à A______ pour quitter la Suisse, étant précisé qu'en l'absence d'organisation de ce départ dans le délai imparti, l'OCPM se verrait dans l'obligation de mandater les services de police pour l'exécution de son renvoi.

La décision dont la reconsidération était demandée était désormais définitive et exécutoire. L'arrivée d'A______ à Genève, l'obtention de la garde du précité ainsi que l'accord de Mme C______ pour que cet enfant vive en Suisse n'avaient pas pour conséquence que la situation s'était modifiée de manière notable. La présence de l'enfant à Genève était le résultat du non-respect de la décision dont la reconsidération était demandée. L'obtention par le père de la garde de son fils depuis le 27 juin 2017 ne modifiait pas la décision de refus sur le fond, au vu du non-respect des délais légaux pour requérir le regroupement familial et du fait que l'accord des parents à ce que leur enfant vienne en Suisse pour bénéficier de meilleures possibilités d'études, de formation et d'avenir qui n'était pas une raison personnelle majeure. Enfin, les dispositions de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) ne s'appliquaient pas dans le présent cas.

20) Par décision du 16 octobre [recte : novembre] 2017 annulant et remplaçant la décision du 6 novembre 2017, exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a rejeté la demande de reconsidération de sa décision du 21 septembre 2016 et a imparti un délai au 8 janvier 2018 à A______ pour quitter la Suisse, étant précisé qu'en l'absence d'organisation de ce départ dans le délai imparti, l'OCPM se verrait dans l'obligation de mandater les services de police pour l'exécution de son renvoi.

Le séjour en Suisse de l'enfant depuis le 18 octobre 2016, l'obtention de la garde de ce dernier ainsi que l'accord de Mme C______ pour que cet enfant vienne vivre en Suisse constituaient des faits nouveaux et importants justifiant qu'il soit entré en matière sur la demande de reconsidération.

Toutefois, la présence en Suisse d'A______ une fois le délai de séjour de nonante jours non soumis à autorisation passé n'était que le résultat du non-respect de la décision du 21 septembre 2016 dont la reconsidération était requise, étant rappelé que M. B______ avait fait venir son fils en Suisse en toute connaissance de cause. De plus, l'obtention par M. B______ de la garde de son fils depuis le 27 juin 2017 ne modifiait pas la décision de refus sur le fond, au vu du non-respect des délais légaux pour requérir le regroupement familial et du fait que l'accord des parents à ce que leur enfant vienne en Suisse pour bénéficier de meilleures possibilités d'études, de formation et d'avenir n'était pas une raison familiale majeure. Enfin, les dispositions de l'ALCP ne s'appliquaient pas dans le présent cas.

21) Par acte du 3 janvier 2018, M. B______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre de cette décision, concluant, à titre préalable, à sa comparution personnelle ainsi qu'à l'audition de son épouse et de son fils en qualité de témoin et, principalement, à l'admission du recours, à l'annulation de la décision attaquée et à la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur d'A______ au titre de regroupement familial et de cas de rigueur.

Son fils poursuivant des études à Genève, son renvoi, qui aurait pour conséquence de l'empêcher de les suivre, violerait ses droits fondamentaux à l'éducation. Dès lors qu'il disposait, par décision des autorités péruviennes, des droits parentaux sur A______, une éventuelle séparation provoquerait un traumatisme irréversible pour le développement psychologique et matériel du mineur. La mère était dans l'incapacité morale et matérielle de s'occuper d'A______. Ce dernier ne représentait pas une menace pour la sécurité, nonobstant les allégations de l'OCPM, qui avait omis d'analyser sa remarquable évolution et sa réinsertion sociale.

Le père avait accepté, par gain de paix, de laisser la mère quitter la Suisse avec leur fils alors âgé de 9 mois, mais cette décision avait été difficile. Il s'était adressé à de nombreuses occasions à l'OCPM afin de connaître les démarches à effectuer pour déposer une demande de regroupement familial. A______ vivait dans « une situation insoutenable » au Pérou. Suivant les recommandations de cet office, il avait déposé sa requête au Pérou, étant précisé que les démarches y relatives avaient été « longues et lourdes ». Au vu des difficultés traversées par A______ avec sa mère au Pérou, il avait entamé une procédure afin de disposer de la garde et de l'autorité parentale exclusive sur son fils. Même si ce dernier n'était pas autorisé à rester en Suisse au-delà de trois mois, il avait été contraint, au vu de l'abandon matériel et émotionnel de l'enfant par sa mère, d'obtenir une décision sur la garde de celui-ci. Ainsi, à la suite de ce fait nouveau, il avait déposé une demande de reconsidération en octobre 2017, dont le but principal était l'intérêt général et la protection de son fils. Ce dernier était actuellement inscrit au cycle d'orientation K______ et progressait de manière satisfaisante.

A______ remplissait les conditions légales du cas de rigueur, de sorte qu'un permis de séjour devait lui être délivré sur cette base. Les liens de cet enfant avec sa famille s'étaient détendus au fil du temps et ses perspectives personnelles et professionnelles au Pérou étaient incertaines, alors qu'il se sentait bien intégré en Suisse, où se trouvait son seul soutien matériel et émotionnel, soit lui-même. Actuellement scolarisé au cycle d'orientation K______, où il obtenait de très bons résultats, il parlait couramment le français et était particulièrement apprécié de ses camarades et professeurs.

La décision dont la reconsidération était requise violait son droit d'être entendu, dès lors qu'il n'avait pas été entendu avant le prononcé de cette dernière, notamment quant à la nouvelle situation de son fils. La situation n'ayant pas été correctement analysée par l'OCPM, le respect de son droit d'être entendu aurait permis d'appliquer à son fils « les nouvelles dispositions et les considérations d'ordre évolutif du traitement des étrangers en Suisse ». Les difficultés auxquelles serait confronté A______ en cas de retour au Pérou n'avaient pas été prises en considération. Au vu des efforts fournis par son fils pour s'intégrer en Suisse, son retour au Pérou constituerait un déracinement et il ne pourrait s'y réintégrer sans difficultés, ce d'autant plus que ses attaches étaient lâches avec son pays, de sorte que son intérêt privé à demeurer en Suisse prévalait sur l'intérêt public à son éloignement. Son renvoi serait également susceptible de remettre en cause les acquis de l'enseignement suivi à Genève, de compromettre sérieusement toute future formation professionnelle et de faire perdre à l'enfant le bénéfice de tout ce qu'il avait construit en Suisse, ne bénéficiant par ailleurs d'aucun soutien, ni matériel ni émotionnel, de sa mère au Pérou.

La décision querellée violait également la CEDH. La possibilité d'octroyer à A______ un permis de séjour pour cas de rigueur n'avait pas été examinée par l'OCPM, alors qu'un tel examen était le seul qui permettait de protéger son fils afin que tous deux ne soient pas séparés. Les différents instruments internationaux applicables aux mineurs devaient être pris en compte dans le cadre de l'analyse de la situation d'A______. Le père seul était à même d'apporter du soutien à son fils et il ne pourrait assurer le même équilibre, tant psychologique que matériel, si son fils retournait au Pérou. Par conséquent, le renvoi de ce dernier était en contradiction avec les engagements pris par la Suisse en matière de protection internationale des enfants et avec les prescriptions européennes. Enfin, le refus de délivrer à A______ une autorisation de séjour entraverait la poursuite d'une relation stable et durable entre un mineur et son père et compromettrait l'intérêt supérieur du premier à un développement affectif, psychique, moral et intellectuel harmonieux, en violation de l'art. 8 CEDH, de sorte que l'intérêt de la famille à demeurer en Suisse était primordial.

Selon une attestation établie le 28 novembre 2017 par le directeur du cycle d'orientation K______, A______ était inscrit dans son établissement depuis le 11 novembre 2016. Alors qu'il avait intégré une classe d'accueil en 2016-2017, il avait déjà rejoint, depuis le 28 août 2017, une classe ordinaire. L'enfant était un élève consciencieux qui avait rapidement montré des progrès, notamment en français, et s'était très bien intégré dans le système scolaire genevois. Il avait tout à fait sa place au cycle d'orientation K______, progressait de manière très satisfaisante et était rigoureusement suivi sur le plan scolaire par son père et sa belle-mère.

Était également produit un texte rédigé en français par A______ le 2 avril 2017, pour lequel il avait obtenu la note de 6 et un « bravo ».

22) Par décision du 19 janvier 2018, le TAPI a admis la demande de restitution de l'effet suspensif au recours en ce qu'elle concernait le renvoi prononcé à l'égard d'A______ et rejeté la demande de mesures provisionnelles pour le surplus.

23) L'OCPM a proposé le rejet du recours.

Il n'était pas contesté que l'état de fait s'était modifié depuis le prononcé de la décision du 21 septembre 2016, raison pour laquelle il était entré en matière sur la demande de reconsidération du recourant. Cependant, les motifs pour lesquels la demande de regroupement familial avait été refusée devaient être confirmés, dès lors que les conditions de l'art. 47 al. 4 LEtr n'étaient manifestement pas réalisées.

Il n'avait pas été allégué que la prise en charge d'A______ ne pouvait plus être assurée au Pérou. L'accord conclu entre les parents pour modifier l'attribution du droit de garde ne constituait pas une raison familiale majeure. De même, le recourant ne pouvait se prévaloir de la scolarisation de son fils à Genève alors qu'il avait fait venir ce dernier en Suisse un mois après avoir reçu une décision négative relative à sa demande de regroupement familial, comportement à l'égard duquel il convenait de se montrer strict. Sans mettre en doute les liens créés entre le recourant et son fils depuis l'arrivée de ce dernier à Genève, il convenait de relever que celui-ci avait toujours vécu auprès de sa mère et des autres membres de sa famille au Pérou, où il avait également effectué la majeure partie de sa scolarité. Ainsi, l'enfant, qui résidait en Suisse depuis moins de dix-huit mois, ne devrait pas connaître de difficultés insurmontables pour se réintégrer au Pérou.

24) Par jugement du 22 mars 2018, le TAPI a rejeté le recours.

L'obtention de la garde du père sur le fils, l'accord de la mère pour que l'enfant vienne vivre en Suisse et le séjour de ce dernier sur le territoire helvétique depuis le 18 octobre 2016 ne constituaient pas des raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEtr.

A______ avait passé la majeure partie de sa vie dans son pays. Il parlait espagnol, avait débuté sa scolarité au Pérou et en connaissait les us et coutumes. Il y possédait des attaches familiales. Le père n'avait nullement démontré que la prise en charge de son fils ne pouvait plus être assurée au Pérou. Le fait que la mère soit d'accord que celui-ci vienne vivre en Suisse et que le père avait obtenu la garde de son fils ne signifiaient pas que la précitée n'était plus en mesure de s'en occuper. La cession de la garde était fondée sur le fait que l'enfant devait « avoir de meilleures possibilités d'études, de formation et d'avenir ». S'il devait ne pas s'habituer à sa nouvelle vie en Suisse, il retournerait au Pérou où sa mère assumerait à nouveau sa garde.

L'allégation selon laquelle A______ avait souffert du remariage de sa mère en 2015 avec pour conséquence que son intégration au Pérou était compromise, n'était pas prouvée. Cet argument n'avait été invoqué qu'à compter d'août 2016, soit après que le père avait été informé que sa requête ne respectait pas le délai légal. Avant cette date, le motif allégué du regroupement familial était celui de la formation scolaire et professionnelle. Or, le regroupement familial ne pouvait valablement être motivé par des tels arguments. Le fait que - sans avoir attendu son autorisation de séjour depuis l'étranger - A______ séjournait en Suisse sans autorisation et soit intégré scolairement à satisfaction depuis octobre 2016 ne pouvait être pris en considération, dès lors que le père avait mis les autorités devant le fait accompli.

Le père avait vécu séparé de son fils durant plus de dix ans alors que l'enfant avait fait ménage commun avec sa mère durant toute cette période. Le recourant pouvait maintenir les relations mises en place avec son fils avant l'arrivée de ce dernier en Suisse, qui consistaient, selon ses explications, en une visite annuelle au Pérou, des appels téléphoniques hebdomadaires et des contacts par le biais de Skype. En outre, il pouvait continuer à participer à l'entretien de son enfant depuis la Suisse comme il l'avait fait par le passé.

Le bien d'A______, en l'absence de modification importante de sa prise en charge éducative, commandait qu'il puisse continuer à séjourner dans le pays dans lequel il avait passé la plus grande partie de sa vie, où vivait sa mère qui s'est chargée de son éducation et avec laquelle il avait cohabité jusqu'en octobre 2016, dans lequel il avait débuté sa scolarité et passé son enfance et où il possédait ses attaches, notamment familiales, plutôt que de devoir, à l'âge qui était alors le sien, s'intégrer dans un pays qu'il connaissait peu, avec toutes les difficultés qu'un tel déracinement pouvait entraîner.

Partant, le recourant, qui avait librement décidé de venir en Suisse, d'y vivre séparé de son fils durant de nombreuses années, qui avait entretenu avec son enfant des contacts moins étroits que la mère et qui aurait la possibilité de maintenir avec ce dernier les relations existantes avant son arrivée en Suisse, ne pouvait pas se prévaloir d'un droit au regroupement familial.

Enfin, rien n'indiquait que l'exécution du renvoi d'A______ serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible au sens de l'art. 83 LEtr.

25) Par acte expédié le 8 mai 2018 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. B______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l'annulation. Il a conclu à l'annulation de la décision du 16 novembre 2017 et, principalement, à l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial en application de l'art. 47 LEtr, subsidiairement, au renvoi du dossier à l'OCPM pour révision, en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur les art. 30 al. 1 let. b et 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Il convenait de procéder à l'audition du père et du fils, comme déjà requis devant le TAPI. Le changement du droit de garde constituait un fait nouveau. Un regroupement familial ne pouvait être refusé que si celui-ci était manifestement contraire à l'intérêt de l'enfant. Les deux parents devaient avoir les mêmes possibilités de s'occuper de l'enfant. L'intérêt de l'enfant, qui se trouvait en pleine adolescence, soit à un âge où la figure modèle et affective du père était importante, commandait qu'il reste auprès de ce dernier. Un retour au Pérou créerait un traumatisme irréversible pour l'enfant. Sa scolarité était faite en français, selon les programmes suisses ; il se trouverait en difficulté de s'adapter au système éducatif péruvien. Par ailleurs, son retour au Pérou entraverait sa relation stable et durable avec son père et compromettrait son développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel.

26) L'OCPM a conclu au rejet du recours. Le regroupement familial partiel ne pouvait avoir lieu que s'il intervenait dans les délais prévus à l'art. 47 LEtr. La jurisprudence citée par le recourant se référait à des situations différentes (deux parents en Suisse ou père suisse ayant un second enfant de nationalité suisse), non applicables en l'espèce.

27) Par décision du 4 juin 2018, l'effet suspensif au recours a été restitué en ce qui concernait le renvoi de l'enfant, et la requête de mesures provisionnelles tendant à l'octroi de l'autorisation de séjour rejetée.

28) Lors de l'audience, qui s'est tenue le 29 juin 2018 devant la chambre de céans, A______ a expliqué qu'il avait terminé l'année avec une moyenne générale de 3,9 et intégrerait, à la rentrée scolaire, le cycle d'orientation en 10 CT, qui était une classe préparant aux métiers techniques. À partir de septembre 2018, il suivrait, en sus, des cours à la L______ le mercredi après-midi et le samedi dans la perspective d'un apprentissage en informatique. Il avait des contacts téléphoniques, via Skype, une fois par semaine avec sa mère ; il ne parlait alors pas à son beau-père, qui se montrait indifférent à son égard. Ses cousins étaient beaucoup plus âgés et avaient des enfants ; il n'avait pas tellement de contacts avec eux. Il avait des contacts avec ses grands-parents via Skype. Il s'entendait bien avec sa belle-mère, qui l'aidait à faire ses devoirs, lui apprenait le piano et regardait parfois la télévision avec lui. Il suivait des cours de piano au conservatoire le lundi et jouait au basket le mercredi, dans le cadre des activités proposées par le parascolaire. Il était en bonne santé. Il appréciait sa vie en Suisse, aimait être aux côtés de son père et de sa belle-mère. Il s'entendait bien avec tout le monde.

L'adolescent a précisé que sa situation professionnelle ne s'était pas modifiée. Il avait cependant postulé chez M______ et attendait une réponse. Il avait cédé sa part dans la pension de famille exploitée par son ex-épouse. Cette dernière et lui étaient convenus que celle-ci reviendrait à leur fils. La L______ offrait également une formation aboutissant à un CFC de commerce, ce qui représentait une alternative à l'apprentissage en informatique. A______ avait eu quelques absences pendant l'année pour cause de maladie. Deux absences n'étaient pas justifiées : A______ avait une fois courbé un cours d'allemand. La seconde fois, A______ s'était rendu à l'école, mais n'y était pas entré et avait appelé son père en étant très perturbé. Ce dernier avait quitté son travail pour le rejoindre. L'enfant venait de voir l'avis de sortie établi par l'OCPM et son père lui avait alors expliqué la procédure.

À l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La chambre de céans a donné suite à la demande du recourant que lui-même et son fils soient entendus, comme il l'avait déjà requis en première instance. Aucun autre acte d'instruction n'ayant été sollicité, la cause est en état d'être jugée.

3) Il convient, en premier lieu, de déterminer l'objet du litige.

a. Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a). Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non pas la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

b. En l'espèce, la décision objet du recours est celle du 16 novembre 2017, par laquelle l'OCPM est entré en matière sur la demande de reconsidération de la décision du 21 septembre 2016 - qui se rapportait à la demande d'autorisation de séjour en faveur d'A______, fondée sur le regroupement familial - et l'a rejetée.

Cette décision est fondée sur le fait que les délais prévus à l'art. 47 LEtr pour requérir l'autorisation de séjour en faveur de l'enfant sont dépassés et que les motifs invoqués, à savoir que le consentement des parents à ce que leur fils vienne s'installer en Suisse pour pouvoir bénéficier de meilleures possibilités d'études, de formation et d'avenir, ne constituent pas une raison familiale majeure au sens de la LEtr. La procédure de recours est donc limitée à l'examen du bienfondé de cette décision.

Ainsi, la chambre de céans ne peut se prononcer sur le chef de conclusions tendant à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur, cette question n'ayant pas fait l'objet d'une décision de l'OCPM ni d'ailleurs de l'examen du TAPI.

4) Le recourant se plaint de la violation des art. 47 al. 4 LEtr, 73 et 75 al. 1 et 3 OASA, ainsi que de l'art. 8 CEDH.

a. Aux termes de l'art. 8 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Pour autant, les liens familiaux ne confèrent pas de manière absolue un droit d'entrée et de séjour, ni non plus, pour un étranger, le droit de choisir le lieu de domicile de sa famille. Ainsi, lorsqu'un étranger a lui-même pris la décision de quitter sa famille pour aller vivre dans un autre État, ce dernier ne manque pas d'emblée à ses obligations de respecter la vie familiale s'il n'autorise pas la venue des proches du ressortissant étranger ou la subordonne à certaines conditions. Une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH est possible aux conditions de l'art. 8 § 2 CEDH. La question de savoir si, dans un cas d'espèce, les autorités compétentes sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence. S'agissant d'un regroupement familial, il convient de tenir compte dans la pesée des intérêts notamment des exigences auxquelles le droit interne soumet celui-ci. Il n'est en effet pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, un étranger qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par les art. 42 ss LEtr ne soient réalisées (ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; 139 I 330 consid. 2 ; 137 I 284 consid. 2.6).

Selon l'art. 47 LEtr, le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans et, pour les enfants de plus de douze ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois (al. 1). Ces délais commencent à courir, pour les membres de la famille d'étrangers, lors de l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement ou lors de l'établissement du lien familial (al. 3 let. b).

Les limites d'âge et les délais prévus à l'art. 47 LEtr visent à permettre une intégration précoce et à offrir une formation scolaire en Suisse aussi complète que possible. Les délais prévus à l'art. 47 LEtr ont également pour objectif la régulation de l'afflux d'étrangers. Ces buts étatiques légitimes sont compatibles avec la CEDH (ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; 139 I 330 consid. 2.2 ; 137 I 284 consid. 2.4-2.6). Passé ces délais, le regroupement familial différé n'est autorisé que pour des raisons familiales majeures. Si nécessaire, les enfants de plus de 14 ans sont entendus (art. 47 al. 4 LEtr).

b. En l'espèce, il n'est pas contesté que la demande de regroupement familial a été déposée tardivement. Seule demeure donc ouverte la possibilité offerte par l'art. 47 al. 4 LEtr de bénéficier d'un regroupement familial différé pour des raisons familiales majeures.

5) a. Les raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEtr et 73 OASA peuvent être invoquées, selon l'art. 75 OASA, lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. C'est l'intérêt de l'enfant, non les intérêts économiques (prise d'une activité lucrative en Suisse), qui prime. Selon la jurisprudence, il faut prendre en considération tous les éléments pertinents du cas particulier, parmi lesquels se trouve l'intérêt de l'enfant à maintenir des contacts réguliers avec ses parents, ainsi que l'exige l'art. 3 § 1 de la convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE - RS 0.107), étant précisé que les dispositions de la convention ne font toutefois pas de l'intérêt de l'enfant un critère exclusif, mais un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 5.2 et 5.3 et les références citées).

D'une façon générale, il ne doit être fait usage de l'art. 47 al. 4 LEtr qu'avec retenue. Les raisons familiales majeures doivent toutefois être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (art. 13 Cst. et 8 CEDH; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.3 ; 2C_467/2016 du 13 février 2017 consid. 3.1.2).

Il existe une raison majeure lorsque la prise en charge nécessaire de l'enfant dans son pays d'origine n'est plus garantie, à la suite par exemple du décès ou de la maladie de la personne qui s'en occupait. Lorsque le regroupement familial est demandé en raison de changements importants des circonstances à l'étranger, il convient toutefois d'examiner s'il existe des solutions alternatives permettant à l'enfant de rester où il vit. De telles solutions correspondent en effet mieux au bien-être de l'enfant parce qu'elles permettent d'éviter que celui-ci ne soit arraché à son milieu et à son réseau de relations de confiance. Cette exigence est d'autant plus importante pour les adolescents qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine, dès lors que plus un enfant est âgé, plus les difficultés d'intégration qui le menacent apparaissent importantes. Il ne serait toutefois pas compatible avec l'art. 8 CEDH de n'admettre le regroupement familial différé qu'en l'absence d'alternative. Simplement, une telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé et que la relation avec le parent vivant en Suisse n'est pas (encore) trop étroite (ATF 137 I 284 consid. 2.2 ; 133 II 6 consid. 3.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3).

b. En l'espèce, les circonstances ne permettent pas de retenir l'existence de raisons familiales majeures telles qu'exigées par l'art. 47 al. 4 LEtr.

En effet, A______ a passé la majeure partie de sa vie dans son pays. Il y est arrivé à l'âge de 9 mois et y a vécu jusqu'à l'âge de 12 ans et 6 mois. Il parle espagnol et a suivi sa scolarité jusqu'en octobre 2016 au Pérou. Il connaît donc les us et coutumes de ce pays ainsi que son système éducatif. Par ailleurs, il n'est ni allégué ni a fortiori établi que sa mère, qui a assumé sa prise en charge quotidienne pendant plus de dix ans, ne serait plus en mesure de continuer à l'assurer. L'accord des parents relatif au droit de garde indique que le changement de garde a pour but pour l'enfant d'« avoir de meilleures possibilités d'études, de formation et d'avenir ». Ledit accord précise, en outre, que si A______ devait ne pas s'habituer à sa nouvelle vie en Suisse, il retournerait au Pérou où sa mère assumerait à nouveau sa garde. Cette précision confirme que la mère ne rencontre aucune difficulté dans la prise en charge de son fils. Si A______ a évoqué l'indifférence que lui témoigne son beau-père, il n'a pas fait état d'autres problèmes rencontrés du fait de la présence de ce dernier aux côtés de sa mère. Au demeurant, aucun autre élément au dossier ne permet de retenir que celle-ci serait, d'une quelconque manière, empêchée de s'occuper de manière adéquate de son fils.

Ce dernier possède, par ailleurs, d'autres attaches familiales au Pérou, notamment avec sa grand-mère maternelle et ses grands-parents paternels, qui y vivent. Lors de son audition, il a décrit des relations vivantes et régulières avec ses grands-parents, qu'il appelait via Skype. Son grand-père paternel allait, en outre, passer l'été 2018 en Suisse.

En outre, la demande de regroupement familial déposée en avril 2016 était fondée sur le souhait qu'A______ poursuive en Suisse sa « formation scolaire requise pour son insertion sociale et professionnelle ». En juin 2016, le recourant a indiqué à l'OCPM avoir requis le regroupement familial, car son fils avait terminé l'école primaire au Pérou et devait désormais consolider sa scolarité et sa future formation professionnelle. Il apparaît ainsi que l'intéressé désire avant tout faire bénéficier son fils de meilleures conditions de vie et de formation, voire de travail, en Suisse. De tels motifs, bien que parfaitement compréhensibles, ne permettent pas de justifier le regroupement familial différé. En effet, il s'agit de motifs économiques, visant à améliorer les perspectives professionnelles de l'enfant. Ils ne sont toutefois pas considérés par la jurisprudence comme des raisons familiales majeures.

Certes, A______ vit désormais en Suisse où il est scolarisé depuis près de deux ans. Il a, pendant ce laps de temps, renforcé ses liens avec son père et sa belle-mère et s'est familiarisé avec les us et coutumes locaux. Ces éléments, bien que d'une importance certaine pour le développement de l'enfant, ne sauraient cependant répondre à eux seuls aux raisons familiales impératives exigées pour l'octroi d'un regroupement familial au sens de l'art. 47 al. 4 LEtr. En effet, ils sont la conséquence du fait que l'arrivée d'A______ a placé les autorités devant le fait accompli et ne sauraient, à ce titre, constituer à eux seuls un élément décisif. De même, l'éventuelle difficulté de réintégration qu'en cas de retour au Pérou l'enfant pourrait, selon le recourant, rencontrer dans ses apprentissages et sa formation à venir sont la conséquence du choix opéré par ses parents de le faire venir en Suisse sans s'assurer qu'il pouvait y séjourner légalement.

Compte tenu du fait qu'A______ a passé la majeure partie de sa vie au Pérou avec sa mère où il a tissé des attaches sociales et culturelles, un retour en ce pays - après un séjour d'environ deux ans en Suisse - apparaît envisageable. Rien ne s'oppose à ce qu'A______ puisse continuer à séjourner dans le pays dans lequel il a passé la plus grande partie de sa vie, où vit sa mère avec qui il a cohabité jusqu'en octobre 2016, où il a suivi sa scolarité, possède ses attaches, notamment familiales et culturelles. Son bien ne semble pas compromis par son retour dans un univers, qui lui est bien plus familier que celui dans lequel il évolue depuis deux ans et qui constitue un véritable déracinement.

L'enfant est en bonne santé et pourra valoriser au Pérou les connaissances acquises en Suisse. Par ailleurs, le recourant et son fils pourront continuer à entretenir des relations par des visites touristiques et l'usage de divers moyens de communication, comme ils l'ont fait avant l'arrivée en Suisse d'A______. Le retour au Pérou ne privera donc nullement l'adolescent de la figure paternelle. En outre, le père pourra contribuer à l'entretien de son enfant par des versements d'argent réguliers.

Au vu de ce l'ensemble des circonstances, l'OCPM était fondé, tout en respectant les art. 8 CEDH et 3 CDE et sans violer le droit fédéral, de conclure à l'absence de raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEtr.

6) Le renvoi d'un étranger ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEtr). L'exécution du renvoi n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEtr). Elle n'est pas licite lorsque le renvoi serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEtr). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

En l'espèce, il n'est, à juste titre, pas allégué que l'exécution du renvoi de l'enfant au Pérou serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l'art. 83 LEtr ; le dossier ne laisse pas apparaître d'éléments qui tendraient à démontrer que ce serait le cas.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 8 mai 2018 par Monsieur B______, en son nom personnel et en tant que représentant de son enfant mineur A______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2018 ;

met l'émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Celi Vegas, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Junod, présidente, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.