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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3569/2014

ATA/913/2015 du 08.09.2015 ( EXPLOI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3569/2014-EXPLOI ATA/913/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 septembre 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

1) Le 13 janvier 2011, le service du commerce a autorisé Monsieur A______ à exploiter la buvette permanente accessoire de l’association « B______ », à l’adresse C______ à Vernier. Cette buvette avait une surface d’exploitation de 55 m2, au rez-de-chaussée.

L’autorisation était strictement personnelle et intransmissible.

2) Selon un rapport du poste de police de Blandonnet, daté du 20 avril 2012, une animation musicale et danse avait été organisée dans la buvette, sans autorisation, le samedi 24 décembre 2011 à 01h13. Le responsable de la soirée, identifié sur place, était Monsieur D______.

3) Le 11 janvier 2013, le service du commerce (ci-après : Scom) a interpellé M. A______. Il disposait d’un délai, échéant au 24 janvier 2013, pour se déterminer par écrit sur les faits qui lui étaient reprochés.

4) Le 22 janvier 2013, M. A______ s’est déterminé, reconnaissant qu’une erreur avait été commise.

5) Par décision du 23 octobre 2014, le Scom a infligé à M. A______ une amende de CHF 1'200.-.

6) Le 21 novembre 2014, B______, sous la signature de M. A______, directeur, et d’une juriste, ont formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à son annulation.

7) Le 16 janvier 2015, le Scom a conclu au rejet du recours, reprenant et développant les éléments figurant dans la décision initiale.

8) Le 23 février 2015, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.

9) M. D______ a été entendu en qualité de témoin le 4 mai 2015.

Il avait loué à deux ou trois reprises la salle en question, qu’il devait rendre le lendemain, propre et sans dégâts.

Au terme de l’audience, le Scom a persisté dans sa décision.

10) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, avec l’accord des parties.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) régit l’exploitation à titre onéreux d’établissements voués à la restauration et au débit de boissons à consommer sur place (art. 1 let. a LRDBH).

3) En cas d’infraction à la LRDBH, le département peut infliger une amende de CHF 100.- à CHF 60'000.-, indépendamment des autres sanctions prévues par cette loi (art. 74 al. 1 LRDBH).

4) a. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/282/2015 du 17 mars 2015 consid. 6b ; ATA/774/2014 du 30 septembre 2014 consid. 9b ; ATA/14/2011 du 11 janvier 2011 ; ATA/788/2010 du 16 novembre 2010 ; ATA/571/2010 du 31 août 2010 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, Les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 2011, ch. 1.4.5.5 p. 160 ss).

b. Ni la LRDBH ni la LPA ne contiennent de disposition réglant la question de la prescription. Il s’agit d’une lacune proprement dite, dès lors que le législateur s’est abstenu de régler un point qu’il aurait dû fixer et qu’aucune solution ne se dégage du texte ou de l’interprétation de la loi, laquelle doit être comblée par le juge (ATA/297/2015 du 24 mars 2015 et le références citées).

c. En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP).

Afin de maintenir la cohérence voulue par la chambre de céans entre les règles du droit pénal général et celles du droit pénal administratif (cf. notamment ATA/324/2008 du 17 juin 2008 ; ATA/934/2004 du 30 novembre 2004) et faute d’une base légale de droit cantonal réglant expressément de manière différente la question de la prescription pour les amendes administratives, il y a lieu de faire application, par analogie, de l’art. 109 CP.

5) a. Pour les contraventions, la prescription de l’action pénale est de trois ans (art. 109 CP). Elle court, alternativement, dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable, dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises ou encore dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (art. 98 CP).

b. Elle cesse de courir si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu (art. 97 al. 3 CP).

c. La prescription est une question de droit matériel qu’il y a lieu d’examiner d'office lorsqu'elle joue en faveur de l’administré (ATF 138 II 169 consid. 3.2 p. 171).

6) En l’espèce, l’infraction à la LRDBH sanctionnée par l’amende litigieuse a été constatée par la police le 24 décembre 2011. La prescription était acquise trois ans plus tard, soit le 24 décembre 2014, dès lors qu’aucun jugement n’avait été prononcé à cette date, et que la décision du Scom n’était pas devenue définitive du fait du recours.

En conséquence, le recours sera admis, et la décision litigieuse sera annulée.

7) Au vu de cette issue, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant, (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée dès lors qu’il n’y a pas conclu et qu’il n’a pas exposé de frais (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 novembre 2014 par Monsieur A______ contre la décision du service du commerce du 23 octobre 2014 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du service du commerce du 23 octobre 2014;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :