Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/617/2004 du 05.08.2004 ( HG ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/96/2004-HG ATA/617/2004 ARRÊT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF du 5 août 2004 |
dans la cause
Monsieur N. D.
représenté par Me Serge Fasel, avocat
contre
HOSPICE GENERAL
1. M. N. D., né le 30 juin 19.., a été engagé par l’Hospice Général (ci-après : l’hospice), en mai 1994, en qualité de directeur des ressources humaines, après avoir rempli la fonction de chef-adjoint de la division du personnel des hôpitaux universitaires genevois (ci-après : HUG) de 1988 à 1994.
2. Le 11 novembre 2002, pour des raisons ne concernant pas le présent litige, le Conseil d’administration de l’hospice a décidé la suspension immédiate de M. D. et l’ouverture d’une enquête administrative, qu’il a confiée à un ancien magistrat du pouvoir judiciaire. Par décision prise à l’unanimité le 23 juin 2003, il a résilié les rapports de service de l’intéressé, avec effet au 30 novembre 2003.
3. M. D. ayant été en incapacité de travail pour cause de maladie à 100% du 3 au 9 février 2003 (5 jours) et du 20 mars au 16 juin 2003 (89 jours), puis à 50% du 17 juin au 11 août 2003 (56 jours), ladite décision ne lui a été notifiée par lettre-signature que le 14 août 2003. Elle était signée par MM. B. et C.., respectivement vice-président du Conseil d’administration et directeur général de l’hospice. Par la suite, M. D. est retombé en incapacité de travail pour cause de maladie à 100%, du 10 novembre au 15 décembre 2003 (36 jours).
4. En 2002, M. D. a perçu, pour sa fonction de directeur des ressources humaines auprès de l’hospice, colloquée classe 27, position 15, un traitement mensuel brut de CHF 14'497,10. A cette somme, se sont ajoutées deux indemnités mensuelles de CHF 150.- , pour ses frais de téléphone et de déplacement, ainsi que CHF 50.- de participation de l’Etat à la prime d’assurance-maladie.
5. M. D. a perçu son dernier salaire fin novembre 2003. Pendant les 12 mois qu’a duré sa suspension, il a perçu les indemnités susmentionnées.
6. Le 23 décembre 2003, M. D. a prié l’hospice de remplir le formulaire délivré par l’assurance-chômage, attestant de la fin des rapports de service. Cette attestation a été renvoyée à M. D. le 15 janvier 2004. Elle comportait le 30 novembre 2003 comme date de résiliation des rapports de service.
7. Le 16 janvier 2004, M. D. a formé une demande en paiement devant le Tribunal de céans. Le Tribunal devait sommer l’hospice de lui fournir le décompte des vacances prises en 2002. A titre principal, il conclut au paiement de la somme de CHF 47'504,35.
Le demandeur avait droit à son salaire jusqu’au 31 décembre 2003, car il avait été en congé pour cause de maladie du 10 novembre au 15 décembre 2003. En application de l’article 336c alinéas 2 et 3 du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO - RS 220), cette circonstance reportait son délai de congé au 31 décembre 2003. Ce mois ne lui ayant pas été payé, l’hospice lui était redevable de la somme de CHF 14'847,10, laquelle comprenait son traitement, ses indemnités de téléphone et de déplacement, ainsi que la participation de l’Etat à sa prime d’assurance-maladie.
Il avait également droit au paiement d’au moins 5 jours de vacances, non prises en 2002, ainsi qu’à six semaines pour 2003. Bien que suspendu de ses fonctions, il n’avait pu prendre de vacances en 2003, car il avait dû se tenir à disposition de l’hospice pour l’enquête. Il avait également été, pendant de longues périodes, en incapacité de travailler et avait dû engager des démarches en vue de trouver un emploi.
Le droit à ces vacances le rendait créancier de la somme de CHF 24'002,25 (14'847 : 4,33 x 7 semaines).
Enfin, l’hospice n’avait pas rempli à temps l’attestation lui permettant d’obtenir une indemnité de chômage en janvier 2004. Le gain manqué de ce fait se montait à 57,4 % du salaire de M. D., soit à CHF 8'655.-.
8. Par courrier du 31 janvier 2004, l’assurance-chômage française (ci-après : l’Assedic), a informé M. D. qu’il ne serait admis comme bénéficiaire des prestations de chômage en France qu’à compter du 27 avril 2004.
Le point de départ de l’indemnisation prenait en compte :
« -31 jours, à compter du 1er décembre 2003, calculés à titre conservatoires en fonction du préavis dont les indemnités ne vous ont pas encore été versées,
- 35 jours de carence calculés à partir de vos indemnités compensatrices de congés payés,
- 75 jours de carence correspondant à la part de vos indemnités de rupture excédant le minimum légal,
- 7 jours de différé d’indemnisation ».
9. M. D. n’a pas réagi à cette décision.
10. L’hospice s’est déterminé sur la demande en paiement le 26 février 2004.
Il admettait devoir le salaire du mois de décembre 2003 du fait de l’incapacité de travail survenue après la notification du congé, reportant ce dernier au 31 décembre 2003. En revanche, les indemnités complémentaires au traitement, versées mensuellement, et visant au paiement des frais de téléphone et de déplacement, étaient liées à l’activité effective du fonctionnaire. M. D. ayant été libéré de ses fonctions toute l’année 2003, ces indemnités ne lui étaient pas dues.
Le droit à 5 jours de vacances était admis en 2002. Cependant, M. D. ayant été libéré de ses fonctions à partir du 12 novembre 2002, il avait eu un mois et demi pour les prendre, de sorte que l’employeur ne lui en devait plus pour cette année-là. Pour l’année 2003, le droit aux vacances du demandeur devait être réduit, conformément à la clé de réduction appliquée par l’office du personnel de l’Etat, à 26,5 jours, du fait des 177 jours de maladie survenus au cours de cette année-là. M. D. ayant été libéré de ses fonctions pendant tout le reste de l’année, il devait être considéré qu’il avait pris au moins, 26,5 jours ouvrables de vacances sur les 188 jours où il avait été payé sans travailler.
Quant à l’indemnité de chômage, l’hospice avait été retardé dans l’établissement du formulaire demandé à cause de la fermeture des fêtes de fin d’année et à une maladie de son conseil. Le formulaire lui avait été envoyé par M. D. le 23 décembre 2002 et l’hospice le lui avait retourné le 15 janvier 2003. Il comportait une erreur, car il indiquait le 30 novembre 2003 comme date de la fin des rapports de service, au lieu du 31 décembre 2003. Dans la mesure où cette erreur indiquait que la résiliation était intervenue plus tôt et non plus tard, elle n’avait pu porter préjudice à M. D. du point de vue de l’assurance-chômage.
11. Invité par le tribunal à se déterminer sur la réponse de l’hospice, le demandeur a amplifié ses conclusions.
Un nouveau calcul de ses vacances portait à 15 les jours dus pour l’année 2002. L’hospice n’ayant pas fourni de décompte précis pendant la procédure, il fallait admettre ceux-là.
Pour l’année 2003, il était juste d’appliquer la clé de réduction de l’office du personnel de l’Etat. Toutefois, le calcul de l’hospice ne prenait pas en compte le fait que l’incapacité de travailler n’avait été que de 50% du 17 juin au 11 août 2003. Il en résultait que le nombre de jours d’absence total pour l’année 2003 n’était pas de 177 mais de 160 jours. Le droit aux vacances correspondant était donc de 29 jours, et non de 26,5 jours.
Pour les années 2002 et 2003, la somme correspondant aux vacances dues s’élevait à CHF 30'174,25 (et non plus à CHF 24'002,25).
Par ailleurs, contrairement à ce qu’avançait l’hospice, M. D. n’avait pu, à aucun moment, prendre ses vacances en 2003. Il n’avait pu prendre aucun repos, car on avait exigé de lui une disponibilité entière pendant le déroulement de l’enquête. Ensuite, après la notification de son congé, il avait été pleinement occupé par la préparation de son recours et de sa demande en paiement. Il avait également été très occupé par ses recherches d’emploi, rendues compliquées par le refus de l’hospice de lui délivrer un certificat de travail.
Enfin, l’erreur commise sur le formulaire par l’hospice avait eu pour effet que M. D. avait perdu 117 jours d’indemnités. Il n’avait été admis comme bénéficiaire des allocations de chômage qu’à partir du 27 avril 2004. Ce dommage se chiffrait à EUR 18'332,73 (EUR 156,69 x 117 jours), soit à CHF 29'149,04, au taux de change de 1.59. Il appartenait à l’hospice d’assumer ce dommage, qui résultait de la violation de ses obligations légales.
12. L’hospice a dupliqué le 19 avril 2004 en persistant dans ses conclusions.
13. L’hospice a versé à M. D. son traitement du mois de décembre, le 26 mars 2004.
1. Selon l’article 56 G de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ – E 2 05), le Tribunal administratif, siégeant au nombre de 5 juges, connaît en instance unique des actions relatives à des prétentions de nature pécuniaire fondées sur le droit public cantonal, de même que sur la loi fédérale du 24 mars 1995 sur l’égalité entre femmes et hommes, qui ne peuvent pas faire l’objet d’une décision au sens de l’article 56A, alinéa 2, de la présente loi, et qui découlent :
a) des rapports entre l’Etat, les communes, les autres corporations et établissements de droit public et leurs agents publics;
b) des régimes de retraite des agents publics de l’Etat, des communes et des autres corporations et établissements de droit public;
c) d’un contrat de droit public.
2. Sont des prétentions de nature pécuniaire, c'est-à-dire appréciables en argent, celles qui tendent directement à l'octroi de sommes en espèces, notamment au paiement de traitements, d'allocations, d'indemnités ou de prestations d'assurances. Rentrent aussi dans cette catégorie les droits qui sont étroitement liés à un rapport juridique appréciable en argent. Le Tribunal administratif est par exemple compétent pour statuer sur une demande en paiement de la réparation financière de désavantages que le fonctionnaire a subis en raison d'une clause illicite de traitement contenue dans l'acte d'engagement (ATF du 29 janvier 1987, publié in SJ 1988 p. 292) ou encore une demande de versement d'une allocation complémentaire de vie chère (ATA T. du 26 novembre 1974).
3. Ne sont, en revanche, pas des prétentions de nature pécuniaire celles qui ont trait à la création, à l'établissement et à la disparition des rapports de service (ATA/404/2004 du 18 mai 2004), à l'obtention d'une promotion ou d'un avancement (RDAF 1980 p 121), à la reconnaissance d'un diplôme (ATA M. du 11 septembre 1985), à la réintégration dans une classe de fonction antérieure (ATA R. du 2 octobre 1991) et à l'évaluation ou à la réévaluation d'une fonction (ATA G. du 17 octobre 1990) car alors, la prétention a, en réalité, deux objets, l'un pécuniaire et l'autre de nature différente. Comme l'aspect pécuniaire n'est pas susceptible d'être détaché, c'est-à-dire jugé de manière indépendante de l'autre objet pour lequel l'autorité hiérarchique dispose d'un entier pouvoir d'appréciation, personne ne saurait alors exiger d'elle qu'elle accorde une prestation dont l'octroi est laissé à sa discrétion. Dans ces cas, peu importe en définitive que le litige débouche sur l'allocation d'une somme d'argent, celle-ci apparaissant comme secondaire (ATA/404/2004 du 18 mai 2004).
4. Le demandeur conteste avoir pu prendre ses vacances pendant les nombreux mois où il a été suspendu et réclame une compensation en argent des jours de vacances qu’il n’aurait pas pris en 2002 et 2003.
Lorsque le demandeur, dont les rapports de service ont été résiliés, conclut au paiement d’une somme d’argent en compensation de vacances non prises pendant son service, sa prétention est a priori recevable dans le cadre de l’action pécuniaire, dès lors qu’il ne peut plus obtenir de jours de congés (ATA/683/2002 du 12 novembre 2002 ; R. du 13 février 1985 a contrario).
Toutefois, en l’espèce, même en admettant le nombre de jours de vacances comptabilisés par le demandeur (15 jours en 2002 et 29 jours en 2003) et en prenant en compte les mois d’incapacité de travail survenus pendant la suspension (4,5 mois à 100% et 2 mois à 50%), le demandeur était suspendu en pleine capacité de travailler pendant 5 mois et demi. Contrairement à ce qu’il prétend, il ne résulte aucunement du dossier qu’il ait été empêché de prendre ses vacances pendant ces derniers mois. Ainsi, bien qu’elle tende au paiement d’une somme d’argent, cette prétention vise, en réalité, à contester le moment où M. D. a été contraint de prendre ses vacances. Or, cette décision relève de la pure opportunité et ne peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, que ce soit par le biais d’un recours ou par celui d’une action (ATA/332/2000 du 23 mai 2000).
La demande est donc irrecevable sur ce point.
5. Les conclusions du demandeur relatives au paiement du traitement pour le mois de décembre 2003 sont recevables, mais devenues sans objet, ce traitement lui ayant été versé pendant la procédure, en mars 2004.
6. M. D. prétend avoir droit au paiement des deux indemnités mensuelles de CHF 150.- allouées par l’hospice pour les frais de téléphone et de déplacement à ses cadres supérieurs.
Lorsqu'une personne est engagée par l'Etat, elle perçoit un traitement déterminé selon l'article 2 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15).
Les indemnités litigieuses sont accordées de manière discrétionnaire par l’Hospice général à certains de ses cadres (art. 4 des statuts du personnel de l’hospice). Ainsi qu’en atteste le bulletin de salaire du demandeur, elles ne sont pas soumises aux cotisations sociales. Ceci démontre qu’elles ne font pas partie du traitement au sens strict et qu’elles ont pour fonction d’indemniser le fonctionnaire de frais effectivement encourus (ATA/378/2001 du 29 mai 2001). Comme leur nom l’indique, elles ont pour but d’indemniser les personnes dont la fonction exige des déplacements et le recours fréquent aux communications téléphoniques. Il va de soi qu’un fonctionnaire, normalement bénéficiaire de cette indemnité, mais qui n’expose plus ces frais parce qu’il est suspendu de ses fonctions, ne peut plus prétendre à ces indemnités.
M. D. les a néanmoins perçues pendant les 12 premiers mois de sa suspension. Ce n’est que le dernier mois, versé tardivement, qu’elles ne lui ont pas été accordées. Il est malvenu, dans ces circonstances, de les réclamer pour ce dernier mois.
Cette prétention est ainsi mal fondée et sera rejetée.
7. Enfin, le demandeur réclame le paiement de CHF 29'149,04 au titre de dommages-intérêts au motif que l’hospice aurait commis une erreur lui causant un dommage. Les demandes en dommages-intérêts pour les dommages causés par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions sont régies par la loi sur la responsabilité de l’Etat et des communes du 24 février 1989 (LREC – A 2 40). Seul le Tribunal de première instance est compétent pour en connaître (art. 7 LREC).
En conséquence, cette prétention n’est pas recevable devant le tribunal de céans.
8. Au vu de ce qui précède, la demande sera rejetée en tant qu’elle est recevable.
Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.-- sera mis à la charge du demandeur.
à la forme :
déclare recevable la demande déposée le 16 janvier 2004 par Monsieur N. D. contre l’Hospice général en tant qu’elle vise l’octroi de son salaire du mois de décembre et le paiement d’indemnités pour frais divers;
la déclare irrecevable pour le surplus ;
au fond :
la déclare sans objet en tant qu’elle vise au versement du salaire du mois de décembre 2003;
la rejette au surplus en tant qu’elle est recevable;
met à la charge du demandeur un émolument de CHF 500.--;
communique le présent arrêt à Me Serge Fasel, avocat du demandeur ainsi qu'à l'Hospice général.
Siégeants :
Mme Bovy, présidente, MM. Paychère, Schucani, Thélin, juges, M. Bellanger, juge suppléant.
Au nom du Tribunal Administratif :
la greffière-juriste adj:
M. Tonossi |
| la vice-présidente :
L. Bovy |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le :
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| la greffière :
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