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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/154/2001

ATA/378/2001 du 29.05.2001 ( IP ) , REJETE

Descripteurs : ACTION PECUNIAIRE; FONCTIONNAIRE ET EMPLOYE; ENSEIGNANT; INDEMNITE(EN GENERAL); IP
Normes : LTrait.2
Résumé : Des dommages-intérêts fondés sur le refus du DIP d'augmenter le temps de travail d'une enseignante ne sont pas des prétentions de nature pécuniaire. L'indemnité pour maîtrise de classe ne fait pas partie du salaire au sens strict. L'enseignante, en arrêt maladie, n'y a pas droit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 29 mai 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

Madame N. D.

représentée par Me Monica Kohler, avocate

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

 



EN FAIT

 

1. Madame N. D., née le 26 janvier 1960, a obtenu une licence en droit en 1983 et une demi-licence en lettres en 1987. Elle enseigne depuis 1985 au centre d'enseignement technique et artisanal (ci-après : CEPTA).

 

A l'origine, elle donnait neuf heures de cours par semaine; son taux d'activité a été augmenté à un trois quarts de temps en 1989. Elle a été nommée maîtresse dans l'enseignement secondaire par le Conseil d'Etat le 4 mai 1992, avec garantie d'un demi-poste, soit dix à douze leçons hebdomadaires.

 

Mme D. a obtenu, en juin 1991, le certificat d'aptitude à l'enseignement secondaire pour la culture générale enseignée au CEPTA exclusivement; en revanche, elle a échoué à l'examen pour l'obtention du certificat d'aptitude à l'enseignement du droit au niveau secondaire en juin 1992 et en 1995.

 

2. Mme D. a sollicité une augmentation de son temps de travail à de nombreuses reprises.

 

a. En 1992, une augmentation de son temps de travail lui a été refusée. Selon le courrier que lui a adressé le directeur du CEPTA, le 24 juin 1992, les problèmes de santé qu'elle avait connus, et les longues absences que ces derniers avaient entraînées, avaient considérablement perturbé l'enseignement. Il était douteux qu'elle fût en état physique d'assumer un poste d'enseignement à plein temps.

 

b. Le 26 juin 1995, Mme D. a réitéré sa demande pour l'obtention d'un poste à plein temps, tout en s'étonnant de ne pas avoir reçu de réponse aux demandes similaires qu'elle avait formées en septembre 1993 et 1994.

 

c. Le 6 juillet 1995, la direction du CEPTA lui a indiqué que les deux demandes précédentes avaient fait l'objet d'un préavis négatif. Les motifs lui avaient été communiqués, en tout cas oralement. Sur les seize heures que comportait son poste, la direction avait constaté, en novembre 1993, que cinq heures figuraient sous le code "santé"; seules onze heures hebdomadaires étaient effectivement données.

 

La demande du mois d'octobre 1994 avait été classée dans l'attente de sa deuxième tentative d'obtenir le CAES de droit. La politique de l'école était d'exiger deux branches d'enseignement, et les augmentations de garantie d'emploi étaient préavisées négativement si cette condition n'était pas remplie. Ce préavis était maintenu, au vu de l'échec à ce certificat de juin 1995.

 

d. Le 12 juillet 1996, Mme D. a réitéré sa demande. Selon son médecin traitant, sa santé était excellente. Aucun des enseignements qu'elle donnait n'avait fait l'objet de critiques. A cette lettre était joint un certificat médical confirmant que Mme D. était apte à travailler à plein temps. Elle avait été opérée d'une hernie discale en 1989, sans séquelles.

 

e. Dès le 1er septembre 1997, Mme D. a obtenu qu'un enseignement à plein temps avec une maîtrise de classe lui soit attribué.

 

3. Dès le 23 août 1997, Mme D. a été en arrêt de travail pour cause de maladie. Elle n'a jamais repris les cours, à l'exception de la semaine de vacances du mois d'octobre, où son médecin l'a déclarée apte au "travail".

 

4. Au vu de cette situation, la direction de l'enseignement secondaire a émis une nouvelle fiche d'engagement annuel, datée du 1er novembre 1997 : Mme D. était toujours titulaire d'un poste 20/24 heures, avec une garantie d'emploi pour un poste 13/15 heures. Cependant, elle n'avait plus de maîtrise de classe.

 

5. Par acte du 15 janvier 2001, Mme D. a saisi le Tribunal administratif d'une action pécuniaire. Elle conclut à ce que les indemnités pour la maîtrise de classe qui lui avait été accordée, puis retirée, durant l'année 1997/1998 lui soient versées. Alors même que la maîtrise de classe ne lui avait été retirée qu'au mois de novembre 1997, elle n'avait pas reçu d'indemnités pour le mois d'octobre 1997. Au total, le département de l'instruction publique (ci-après : le département) devait lui verser à ce titre la somme de CHF 1'906.-, avec intérêts dès le 1er mars 1998.

 

D'autre part, elle a demandé à ce que des dommages et intérêts lui soient versés afin de compenser le poste à plein temps qui ne lui avait pas été accordé pendant les années 1994/1995, 1995/1996 et pour les mois de septembre et octobre 1996, soit au total CHF 41'832,20, avec intérêts.

 

6. Les 16 mai 1995, pour l'année scolaire 1995/1996 et 26 avril 1996, pour l'année scolaire 1996/1997, le département et la fédération des associations d'enseignants ont signé un accord dont la lettre "b" a la teneur suivante :

 

"Les augmentations des taux d'activité, qui tiendront compte des heures disponibles, seront prioritairement accordées aux maîtres nommés, notamment à ceux qui n'avaient pas obtenu satisfaction antérieurement."

 

7. Le département a conclu à l'irrecevabilité de l'action en ce qu'elle concernait les dommages et intérêts dus au refus de l'augmentation du taux d'activité, et au rejet de l'action s'agissant des indemnités pour maîtrise de classe.

 

L'augmentation du temps de travail était une notion en lien avec la création, l'établissement et la disparition d'un rapport de service; l'autorité hiérarchique disposait d'un entier pouvoir d'appréciation. Le refus d'une augmentation du temps de travail, comme le refus d'engagement, ne pouvaient faire l'objet d'une action pécuniaire.

 

Subsidiairement, si le Tribunal administratif entrait en matière sur cette demande, le département concluait à son rejet. Les éventuelles priorités à l'engagement accordées à des suppléants (art. 65 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant du 25 juillet 1979 - statut B 5 10 04) ou le texte des accords ne permettait pas de déroger aux principes généraux. L'article "a" alinéa 1 des accords réservait expressément la question de conditions d'engagement non remplies, de non poursuite des études et de prestations insuffisantes. Il était nécessaire, pour que l'autorité engage un enseignant ou augmente son taux d'activité, que ce dernier remplisse les conditions d'engagement, en particulier de santé, lui permettant de remplir sa fonction. Mme D. s'était vu retirer les heures d'enseignement de droit, en raison de ses échecs au CAES et de ses prestations d'enseignement insuffisantes; elle ne remplissait pas les conditions de santé nécessaires à une augmentation du temps de travail.

 

Quant aux indemnités pour maîtrise de classe, elles ne devaient être versées que lorsque le fonctionnaire exerçait une maîtrise de classe, ce qui n'avait pas été le cas de Mme D.. L'horaire qui lui avait été communiqué avant la rentrée des classes était provisoire et c'était à tort que CHF 158,85 lui avaient été versés à ce titre en septembre 1997.

 

 

EN DROIT

 

1. Déposée en temps utile devant la juridiction compétente, la demande est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Le Tribunal administratif connaît en instance unique des actions relatives à des prétentions de nature pécuniaire, fondées sur le droit public cantonal, qui ne peuvent pas être l'objet d'une des décisions énumérées aux articles 56 et suivants LOJ et qui découlent des rapports entre l'Etat, les communes, les autres corporations et établissements de droit public et leurs agents publics (art. 56f LOJ).

 

3. a. Sont des prétentions de nature pécuniaire, c'est-à-dire appréciables en argent, celles qui tendent directement à l'octroi de sommes en espèces, notamment au paiement de traitements, d'allocations, d'indemnités ou de prestations d'assurances (ATA W. du 4 mai 1999).

 

b. Ne sont, en revanche, pas des prétentions de nature pécuniaire celles qui ont trait à la création, à l'établissement et à la disparition des rapports de service, à l'obtention d'une promotion ou d'un avancement, aux vacances, à la reconnaissance d'un diplôme, à la réintégration dans une classe de fonction antérieure et à l'évaluation ou à la réévaluation d'une fonction, car alors la prétention a en réalité deux objets, l'un pécuniaire et l'autre de nature différente. Comme l'aspect pécuniaire n'est pas susceptible d'être jugé de manière indépendante de l'autre objet pour lequel l'autorité hiérarchique dispose d'un entier pouvoir d'appréciation, personne ne saurait alors exiger d'elle qu'elle accorde une prestation dont l'octroi est laissé à sa discrétion. Dans ces cas, peu importe en définitive que le litige débouche sur l'allocation d'une somme d'argent, celle-ci apparaissant comme secondaire (ATA U. du 23 septembre 1997; P. du 31 octobre 1990; N. du 29 mai 1991).

 

4. En l'espèce, l'action a pour but d'obtenir, d'une part le versement d'indemnités pour maîtrise de classe et, d'autre part, des dommages et intérêts liés au refus opposé par le département à la demande d'augmentation du temps de travail de Mme D..

 

a. En ce qui concerne les indemnités pour maîtrise de classe, il ne fait pas de doute qu'elles remplissent les conditions définies dans les considérants qui précèdent. Dès lors, cet aspect de la demande sera déclaré recevable.

 

b. En revanche, tel n'est pas le cas des dommages et intérêts fondés sur le refus d'augmenter le temps de travail. En effet, l'augmentation du temps de travail d'un fonctionnaire correspond à un engagement partiel, tout comme la diminution dudit temps de travail correspond à un licenciement partiel. Or, comme il a été exposé plus haut, les prétentions liées à l'établissement et à la disparition des rapports de service ne sont pas des prétentions de nature pécuniaire pouvant être mises en oeuvre devant le Tribunal administratif. La conclusion de Mme D. à cet égard sera donc déclarée irrecevable.

 

5. Lorsqu'une personne est engagée par l'Etat, elle perçoit un traitement déterminé selon l'article 2 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations allouées aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15). Des dispositions spéciales concernant le traitement des enseignants, apparaissent au titre 4 de ladite loi.

 

L'article 37 de ce titre prévoit que les maîtresses et maîtres chargés d'une maîtrise de classe reçoivent une indemnité de fonction, fixée par un règlement du Conseil d'Etat. En cas de maladie, elle n'est dès lors pas remplacée par une indemnité pour incapacité de travail (art. 45 alinéa 1 du statut).

 

Comme le relève l'autorité intimée d'une manière non contestée, cette indemnité n'est pas soumise aux cotisations sociales. Force est dès lors de constater qu'elle ne fait pas partie du traitement au sens strict.

Dès lors et dans la mesure où Mme D. n'a concrètement pas enseigné pendant ladite année scolaire pour raisons de maladie, elle n'a pas droit au versement d'une indemnité pour maîtrise de classe et ce, sans qu'il soit nécessaire de déterminer si la fiche d'engagement annuel émise le 7 juillet 1997 - qui faisait état de ladite maîtrise - était provisoire ou non.

 

6. Au vu de ce qui précède, l'action pécuniaire sera rejetée dans la mesure où elle est recevable. Ce type d'action n'étant pas gratuit, un émolument de procédure, en CHF 1'000.- sera mis à la charge de Mme D.. Aucune indemnité ne sera allouée.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable la demande déposée le 15 janvier 2001 par Madame N. D. contre le département de l'instruction publique en ce qui concerne les indemnités pour maîtrise de classe durant l'année 1997/1998;

 

la déclare irrecevable au surplus;

 

au fond :

 

la rejette en tant qu'elle est recevable;

 

met à la charge de la demanderesse un émolument de CHF 1'000.-;

 

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité;


 

communique le présent arrêt à Me Monica Kohler, avocate de la demanderesse, ainsi qu'au département de l'instruction publique.

 


Siégeants : M. Schucani, président, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, MM. Thélin, Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci