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Décisions | Assistance juridique

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AC/1241/2023

DAAJ/30/2024 du 28.03.2024 sur AJC/6325/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1241/2023 DAAJ/30/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU JEUDI 28 MARS 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, sans domicile connu,

représentée par Me B______, avocate,

 

contre la décision du 18 décembre 2023 de la Vice-Présidence du Tribunal civil.

 

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : la recourante), née le ______ 2005, désormais majeure, est issue de la relation hors mariage entretenue par C______ et D______.

b. Par jugement du 15 mars 2007, le Tribunal de première instance a constaté la paternité de D______ sur la recourante et a donné acte à ce dernier de son engagement de contribuer à l'entretien de sa fille, notamment par le versement d'un montant mensuel de 1'500 fr. de 15 ans à sa majorité, voire au-delà mais jusqu'à 25 ans au plus en cas d'études sérieuses et suivies.

Le Tribunal a retenu que les besoins mensuels de la recourante pouvaient être évalués à 750 fr., incluant une part au loyer estimée à 500 fr. et le montant mensuel de base de 250 fr., sa prime d'assurance-maladie étant couverte par les subsides perçus. Le solde mensuel disponible du père s'élevait à 5'388 fr. 80.

c. Après ledit jugement, la recourante est partie vivre en Côte d'Ivoire avec sa mère.

Le 23 décembre 2017, elle est revenue vivre en Suisse chez son père, où elle a poursuivi sa scolarité. A la suite d'un différend avec son père au sujet de son parcours scolaire, elle a, à partir de septembre 2022, été hébergée par une amie de sa mère et a intégré [l'établissement scolaire] F______. Après avoir réussi sa première année, elle a été contrainte, durant l'été 2023, de retourner en Côte d'Ivoire auprès de sa mère en l'absence de moyens de subsistance, son père ayant cessé de lui verser une contribution d'entretien dès son accession à la majorité.

d. Le 6 avril 2023, la recourante a déposé une action alimentaire contre son père, avec requête de mesures provisionnelles, sollicitant une augmentation de la contribution d'entretien fixée par jugement du 15 mars 2007 à 3'800 fr. par mois du 1er septembre 2022 à sa majorité, de 3'700 fr. jusqu'au 31 décembre 2023 puis de 3'900 fr. jusqu'à ses 25 ans en cas d'études ou de formation sérieuses et suivies (C/1______/2023).

Le 31 août 2023, elle a déposé une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, maintenant ses précédentes conclusions et sollicitant en sus le versement par son père d'une somme supplémentaire de 1'000 fr. d'ici au 4 septembre 2023 en vue de l'achat d'un billet d'avion E______[Côte d'Ivoire]-Genève.

Sa requête de mesures superprovisionelles a été rejetée.

La recourante a exposé qu'elle souhaitait revenir à Genève afin de poursuivre sa scolarité au sein de F______.

e. Par décision du 28 août 2023, l'assistance juridique a été octroyée à la recourante pour l'action alimentaire ainsi que les mesures superprovisionnelles.

f. Par ordonnance de mesures provisionnelles OTPI/784/2023 du 7 décembre 2023, le Tribunal de première instance a condamné D______ à verser à sa fille la somme de 1'000 fr. pour l'achat d'un billet d'avion E______[Côte d'Ivoire]-Genève et a débouté la recourante de ses autres conclusions. Il a considéré que celle-ci ne rendait pas vraisemblable qu'il serait impossible qu'elle retourne vivre chez son père, qui l'avait accueillie pendant plusieurs années par le passé, malgré leur relation tendue. Il ne ressortait au demeurant pas du dossier que son père serait opposé à l'héberger chez lui au vu de son message du 16 août 2023 dans lequel il indiquait ne pas pouvoir la loger avant qu'une décision ne soit rendue. L'hébergement de la recourante par son père apparaissait ainsi, à ce stade de la procédure, représenter une solution envisageable et permettait d'économiser des frais importants. En ne tenant pas compte de frais de logement, la recourante ne rendait pas vraisemblable que ses charges ne seraient pas couvertes par la contribution d'entretien en vigueur de 1'500 fr. par mois. En effet, ses charges ne devraient pas excéder 1'195 fr. par mois en comptabilisant son montant de base, qui ne devrait pas dépasser 600 fr. si elle vit chez son père et ses autres charges alléguées, soit sa prime d'assurance-maladie de 500 fr., ses frais de téléphonie de 50 fr. et ses frais de transport public de 45 fr.

B.            a. Le 12 décembre 2023, la recourante a sollicité une extension de l'assistance juridique afin de former appel contre l'ordonnance de mesures provisionnelles précitée.

Elle a expliqué souhaiter former un appel contre cette ordonnance, car contrairement à ce qu'avait retenu le tribunal, son père n'avait pas accepté de l'accueillir chez lui. Elle avait ainsi besoin d'une contribution d'entretien supérieure à 1'500 fr. pour pouvoir revenir vivre en Suisse et y poursuivre ses études. Elle serait disposée à vivre chez son père si ce dernier devait finalement accepter de l'héberger, raison pour laquelle elle lui en avait fait la demande et attendait une réponse de sa part. Il n'y avait toutefois aucune certitude. Dans l'hypothèse où son père refuserait de la loger, la solution envisagée par le Tribunal ne serait pas praticable, de sorte qu'il était nécessaire qu'elle conteste l'ordonnance de mesures provisionnelles rendue.

b. Par décision du 18 décembre 2023, notifiée le lendemain, la Vice-présidence du Tribunal civil a rejeté ladite requête d'extension d'assistance juridique, au motif que les chances de succès de l'appel envisagé semblaient faibles.

Cette autorité a considéré que la recourante ne rendait pas vraisemblable le refus catégorique de son père de l'héberger chez lui, étant dans l'attente d'une réponse de sa part à ce sujet. Dans ces circonstances, l'ordonnance litigieuse, en tant qu'elle refusait de tenir compte de frais de logement dans son minimum vital, n'apparaissait pas prêter le flanc à la critique. En outre, le jugement sur le fond devant être rendu ultérieurement pourra toujours tenir compte de l'éventuel refus de son père de l'héberger. La recourante aura par ailleurs toujours la possibilité de solliciter de nouvelles mesures provisionnelles dans l'éventualité où elle ne pourrait effectivement pas loger chez son père et que le jugement au fond devait tarder à être rendu.

C. a. Par acte expédié le 22 décembre 2023 au greffe de la Cour de justice, la recourante a formé recours contre ladite décision, concluant à son annulation, à son admission au bénéfice de l'assistance juridique sollicitée, à l'allocation en sa faveur d'une somme de 1'453 fr. 95 à titre de dépens (3 heures à 450 fr. plus TVA) et à la mise à la charge de l'Etat des frais de la procédure. Elle a, à l'appui de son recours, allégué de nombreux faits nouveaux et déposé plusieurs pièces nouvelles (pièces no 3, 6, 10, 11 et 12).

b. La Vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

c. Par pli du 3 janvier 2024, la recourante a été informée de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 En tant qu'elle refuse l'extension de l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC et 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2. Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.

3. 3.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'un plaideur raisonnable et aisé renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'il serait exposé à devoir supporter. Un procès n'est en revanche pas dénué de chances de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières n'apparaissent que légèrement inférieures aux seconds. Est déterminante la question de savoir si une partie disposant des ressources financières nécessaires se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Il s'agit d'éviter qu'une partie mène un procès qu'elle ne conduirait pas à ses propres frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 139 III 475 consid. 2.2; 138 III 217 consid. 2.2.4).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance judiciaire sera ainsi refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés. Il en sera de même si, en droit, la démarche du requérant paraît d'emblée irrecevable, ou juridiquement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_583/2020 du 9 septembre 2020 consid. 3.1 et la référence). La perspective concrète du recourant d'obtenir entièrement gain de cause n'est pas déterminante; pour que la condition soit remplie, il suffit qu'il existe une chance d'admission même partielle des conclusions (arrêt du Tribunal fédéral 5A_803/2022 du 18 octobre 2023 consid. 5.1).

S'agissant plus particulièrement de l'examen des chances de succès d'un recours ou d'un appel, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce que le contrôle d'une décision contestée soit rendu quasiment impossible. Ce n'est que lorsque le requérant n'oppose aucun argument substantiel à la décision de première instance que le recours peut être considéré comme dénué de chances de succès, en particulier si l'autorité de recours n'a qu'une cognition limitée ou que le recourant doit motiver ses griefs en respectant le principe d'allégation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_803/2022 du 18 octobre 2023 consid. 5.1).

Le critère des chances de succès doit être examiné au moment du dépôt de la requête d'assistance judiciaire et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 139 III 475 consid. 2.2; 138 III 217 consid. 2.2.4).

3.2 Il appartient à la partie requérante de motiver sa requête s'agissant des conditions d'octroi de l'art. 117 CPC et d'apporter, à cet effet, tous les moyens de preuve nécessaires et utiles. Le plaideur assisté d'un avocat ou lui-même expérimenté voit son obligation de collaborer accrue dans la mesure où il a connaissance des conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance judiciaire et des obligations de motivation qui lui incombent pour démontrer que celles-ci sont remplies. Le juge n'a de ce fait pas l'obligation de lui octroyer un délai supplémentaire pour compléter sa requête d'assistance judiciaire lacunaire ou imprécise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_489/2023 du 20 octobre 2023 consid. 3.1.3).

Ces principes sont aussi applicables lorsque l'assistance judiciaire est requise pour la procédure d'appel ou de recours (arrêt du Tribunal fédéral 4A_482/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.2).

3.3 L’enfant majeur, indépendamment de ses propres moyens financiers, doit agir en sorte que la charge que représente son entretien soit diminuée autant que cela soit raisonnablement compatible avec sa situation et sa formation. Cette adaptation doit n’être exigée qu’en fonction de l’importance de la situation patrimoniale du parent débiteur ; l’enfant doit dans cette mesure accepter en principe la fourniture des prestations d’entretien en nature (Piotet / Gauron-Carlin, Commentaire romand CC I, 2ème éd., 2023, n. 18 ad art. 277 CC).

3.4 En l'espèce, afin de déterminer si l'appel que souhaite introduire la recourante contre l'ordonnance de mesures provisionnelles du 7 décembre 2023 présente des chances de succès, il convient de se fonder sur les éléments qu'elle a exposés dans sa requête d'extension de l'assistance juridique.

La motivation complémentaire développée par la recourante dans son recours après que l'assistance juridique sollicitée lui ait été refusée ne peut être prise en considération. En effet, la condition des chances de succès devant être examinée au moment du dépôt de la requête d'assistance juridique, la recourante se devait de fournir l'ensemble des éléments nécessaires à l'appréciation de sa cause à ce moment-là. Contrairement à ce que semble soutenir la recourante, il n'appartenait pas à l'autorité précédente de prendre connaissance de l'intégralité du dossier de la procédure d'action alimentaire afin de déterminer si l'ordonnance de mesures provisionnelles rendue par le Tribunal était effectivement contestable.

Or, comme retenu à juste titre par l'autorité précédente, le contenu de la requête d'extension de l'assistance juridique ne permet pas de retenir que la décision du Tribunal de ne pas comptabiliser de frais de logement dans le budget de la recourante au motif qu'un hébergement par son père apparaissait envisageable à ce stade de la procédure serait erronée. En effet, dans ladite requête, la recourante ne soutient pas que son père refuserait de l'accueillir chez elle, mais uniquement qu'il n'a pas fait part de son accord et qu'elle est dans l'attente d'une réponse de sa part. Or, le Tribunal a tenu compte de l'absence d'accord formel du père de la recourante, mais a estimé que cela ne signifiait pas encore qu'il soit opposé à héberger sa fille au vu de la teneur de son message du 16 août 2023. Il n'apparaît ainsi pas, en l'état, que la solution envisagée par le Tribunal serait impraticable.

Par ailleurs, comme le relève à juste titre le premier juge, si le père de la recourante devait ultérieurement faire part de son refus d'héberger sa fille, la recourante conservera la possibilité de l'invoquer dans le cadre de la procédure au fond et de solliciter, au besoin, de nouvelles mesures provisionnelles.

Compte tenu de ce qui précède, c'est à juste titre que la Vice-présidence du Tribunal civil a refusé d'entrer en matière sur la requête d'extension de l'assistance juridique de la recourante au motif que la condition des chances de succès n'était pas réalisée.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 18 décembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1241/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à
30'000 fr.