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Décisions | Assistance juridique

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AC/3302/2023

DAAJ/28/2024 du 20.03.2024 sur AJC/5975/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3302/2023 DAAJ/28/24

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 20 MARS 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [GE],

représentée par Me B______, avocat,

 

contre la décision du 28 novembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : la recourante), est locataire d'un appartement de deux pièces, situé au n° ______, rue 1______ à Genève, au loyer mensuel de 905 fr.

b. A la suite de résiliations ordinaires et extraordinaires de ce bail, la recourante, représentée à l'époque par C______ [Association pour le droit des locataires], a formé le 14 juin 2023 une demande en contestation de congés (appartement, parking et cave) par devant le Tribunal des baux et loyers (C/2______/2023 TBL/11.SAE).

c. Le 23 novembre 2023, la recourante, par l'intermédiaire de son conseil B______, avocat, a sollicité l'assistance juridique pour la procédure précitée et répondre à la demande reconventionnelle en évacuation de la bailleresse.

B. Par décision du 28 novembre 2023, notifiée le 30 novembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête.

En substance, elle a retenu que la recourante ne remplissait pas la condition d'indigence, ses revenus dépassant de 1'061 fr. 50 fr. le minimum vital élargi en vigueur à Genève. La recourante disposait en effet de ressources mensuelles totales de 3'512 fr., comprenant une rente AVS (1'942 fr.), des prestations complémentaires (1'059 fr.), des prestations sociales de [la commune] D______ (200 fr.) et une rente étrangère (311 fr.). Les charges mensuelles admissibles de la recourante s'élevaient à 2'450 fr. 50, comprenant sa base mensuelle d'entretien selon les normes OP augmentée de 25% (1'500 fr.), son loyer (905 fr.), ses impôts (40 fr.) et les transports publics (5 fr. 50, soit 66 fr. par an pour les personnes bénéficiant des prestations complémentaires).

Le montant mensuel de 1'061 fr. 50 lui permettait, selon cette décision, d'assumer par ses propres moyens les frais de la procédure et les honoraires de son avocat, lesquels pouvaient au besoin être acquittés par mensualités.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 8 décembre 2023 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante conclut à l'annulation de la décision rendue le 28 novembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil et à l'octroi de l'assistance juridique, avec suite de frais judiciaires. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause en première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

La recourante produit des pièces nouvelles au motif qu'elle n'avait pas soumis, en première instance, l'ensemble des documents pertinents à l'appui de sa requête. Elle invoque des charges mensuelles supplémentaires (SIG : 50 fr., TPG : 25 fr., téléphone CH : 50 fr., respectivement FRA : 30 fr., journaux, magazines : 300 fr., frais médicaux non remboursés : 916 fr., opticien : 157 fr.). Elle affirme également devoir 6'906 fr. 25 d'honoraires à son conseil.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1 En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidence soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2. Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération. Il s'ensuit que l'ensemble des charges mensuelles nouvellement invoquées par la recourante, ainsi que le montant de son endettement (cf. C.a. ci-dessus), sont irrecevables.

3.             Selon la recourante, même sans tenir compte de ces pièces nouvellement produites, l'Autorité de première instance aurait violé les principes jurisprudentiels relatifs à l'octroi de l'assistance judiciaire, car son disponible mensuel ne lui permettrait pas d'assumer ses frais d'avocats, les frais judiciaires liés aux mesures d'instruction (mesures probatoires et audition de nombreux témoins), voire d'éventuels dépens.

3.1.1 En vertu de l'art. 117 CPC - qui concrétise les principes que le Tribunal fédéral a dégagés de l'art. 29 al. 3 Cst. (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 142 III 131 consid. 4.1;
138 III 217 consid. 2.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_836/2023 du 10 janvier 2024 consid. 3.2.1) - une personne a droit à l'assistance judiciaire si elle ne dispose pas de ressources suffisantes (let. a) et si sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (let. b).

Une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 141 III 369 consid. 4.1 et les références citées). Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_836/2023 du 10 janvier 2024 consid. 3.2.1 et les références citées).

Il incombe au requérant d'indiquer de manière complète et d'établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (art. 119 al. 2 CPC et 7 al. 2 RAJ; ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 5a_836/2023 du 10 janvier 2024 consid. 3.2.1; 5A_984/2022 du 27 mars 2023 consid. 5.1; 5A_952/2019 du 2 décembre 2020 consid. 2.3).

Seules les charges réellement acquittées sont susceptibles d'entrer dans le calcul du minimum vital (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 121 III 20 consid. 3a; arrêt 4A_480/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.1). De manière générale, il n'est tenu compte des dettes du requérant que lorsque celui-ci établit qu'il les rembourse par acomptes réguliers (arrêt du Tribunal fédéral 5A_836/2023 du 10 janvier 2024 consid. 3.1 et la référence citée).

Il appartient au justiciable sollicitant l'aide de l'État d'adapter son train de vie aux moyens financiers dont il dispose en donnant priorité aux dépenses relevant du strict minimum vital (arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2010 du 2 février 2011 consid. 4).

La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la couverture des besoins personnels doit être comparée aux frais prévisibles de l'instance. L'assistance judiciaire n'est pas accordée lorsque la part disponible permet de couvrir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_480/2022 29 novembre 2022 consid. 3.1; 5A_952/2019 du 2 décembre 2020 consid. 12.3).

3.1.2 Applicable à la procédure portant sur l'octroi ou le refus de l'assistance judiciaire, la maxime inquisitoire est limitée par le devoir de collaborer des parties (arrêt du Tribunal fédéral 5A_836/2023 du 10 janvier 2024 consid. 3.2.2 et les références citées).

Ce devoir de collaborer ressort en particulier de l'art. 119 al. 2 CPC qui prévoit que le requérant doit justifier de sa situation de fortune et de ses revenus et exposer l'affaire et les moyens de preuve qu'il entend invoquer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_836/2023 du 10 janvier 2024 consid. 3.2.2 et les références citées). L'autorité saisie de la requête d'assistance judiciaire n'a pas à faire de recherches approfondies pour établir les faits ni à instruire d'office tous les moyens de preuve produits. Elle ne doit instruire la cause de manière approfondie que sur les points où des incertitudes et des imprécisions demeurent, peu importe à cet égard que celles-ci aient été mises en évidence par les parties ou qu'elle les ait elle-même constatées (arrêt du Tribunal fédéral 5A_836/2023 du 10 janvier 2024 consid. 3.2.2 et les références citées).

Le juge doit inviter la partie non assistée d'un mandataire professionnel dont la requête d'assistance judiciaire est lacunaire à compléter les informations fournies et les pièces produites afin de pouvoir vérifier si les conditions de l'art. 117 CPC sont remplies (arrêt du Tribunal fédéral 5A_836/2023 du 10 janvier 2024 consid. 3.2.2 et la référence citée). Ce devoir d'interpellation du tribunal, déduit des art. 56 et 97 CPC, vaut avant tout pour les personnes non assistées et juridiquement inexpérimentées. Il est en effet admis que le juge n'a pas, de par son devoir d'interpellation, à compenser le manque de collaboration qu'on peut raisonnablement attendre des parties pour l'établissement des faits, ni à pallier les erreurs procédurales commises par celles-ci. Or, le plaideur assisté d'un avocat ou lui-même expérimenté voit son obligation de collaborer accrue dans la mesure où il a connaissance des conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance judiciaire et des obligations de motivation qui lui incombent pour démontrer que celles-ci sont remplies. Le juge n'a de ce fait pas l'obligation de lui octroyer un délai supplémentaire pour compléter sa requête d'assistance judiciaire lacunaire ou imprécise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_836/2023 du 10 janvier 2024 consid. 3.2.2 et les références citées).

3.1.3 Selon l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

3.1.4 Selon l'art. 7A al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC_AVS/AI; J 4 25.03), la participation financière forfaitaire des bénéficiaires au coût de l'abonnement annuel UNIRESO des Transports publics genevois (ci-après : TPG), valable sur le territoire du canton, est de 66 fr. par année et par abonnement.

3.2. En l'espèce, la recourante a requis l'assistance juridique le 23 novembre 2023 par l'intermédiaire de son avocat, lequel avait manifestement connaissance des conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance judiciaire et des obligations de motivation qui lui incombaient.

Il lui appartenait ainsi, en vertu de son devoir de collaboration, de questionner la recourante sur l'ensemble de ses revenus, de ses charges mensuelles, de ses dettes et de solliciter la remise des justificatifs, afin de pouvoir motiver la requête d'assistance juridique et soumettre à l'Autorité de première instance l'ensemble des moyens de preuves nécessaires et utiles à cette fin. Cette Autorité n'avait pas à interpeler la recourante ou son conseil pour s'assurer de l'exhaustivité des charges mensuelles alléguées, car le conseil assume un devoir de collaboration accrue en raison de sa connaissance des conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance juridique et des obligations de motivation y relatives.

Ce faisant, la recourante ne conteste ni le montant des revenus mensuels retenus (3'512 fr.), ni celui des charges (2'450 fr. 50), hormis, implicitement, le coût mensuel de l'abonnement des transports publics, qu'elle a allégué être de 25 fr., tandis que l'Autorité de première instance a retenu le tarif annuel réduit à 66 fr., respectivement mensuel de 5 fr. 50.

En en application de l'art. 7A al. 1 RPCC_AVS/AI, le montant mensuel de 5 fr. 50 est correct et la recourante bénéficie de ce tarif avantageux, puisqu'elle perçoit des prestations complémentaires.

Dans ces conditions, le disponible mensuel de la recourante dépasse de 1'061 fr. 50 son minimum vital élargi, de sorte que c'est avec raison que l'Autorité de première instance a considéré qu'elle pouvait assumer les honoraires de son conseil, le cas échéant par mensualités, pour la procédure en cours devant le Tribunal des baux et loyers.

Pour le surplus, cette procédure est gratuite, de sorte que la recourante ne s'expose pas, en principe, à devoir assumer d'autres dépenses que les honoraires de son conseil.

Infondé, le recours sera, dès lors, rejeté.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 28 novembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3302/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.