Aller au contenu principal

Décisions | Assistance juridique

1 resultats
AC/2674/2023

DAAJ/26/2024 du 19.03.2024 sur AJC/5357/2023 ( AJC ) , REJETE

Normes : CPC.119; CPC.130.al2; OCEl-PCPP.4; Cst.29
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2674/2023 DAAJ/26/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 19 MARS 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______ [VD]

représenté par Me B______, avocat,

contre la décision du 25 octobre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 


EN FAIT

A.           a. Le 22 septembre 2023, A______ (ci-après : le recourant) a déposé, par l'intermédiaire de Me B______, avocat, une demande d'assistance judiciaire pour la prise en charge des frais juridiques d'une action à l'encontre de C______, au motif qu'elle l'aurait astucieusement escroqué d'une somme de 64'144 fr. en lui ayant fait croire à l'existence d'une relation amoureuse, entre mars 2020 et mai 2021.

b. Par courrier du 26 septembre 2023 adressé au recourant, avec copie à son conseil, le greffe de l'assistance juridique (ci-après : le GAJ) lui a imparti un délai jusqu'au 16 octobre 2023 pour fournir les documents et renseignements suivants : "de manière précise, pour quelle(s) démarches(s) et/ou procédure(s) et auprès de qu'elle(s) autorité(s) [il] sollicit[ait] l'assistance juridique, tous documents justificatifs à l'appui". En l'absence de réponse dans le délai imparti, une décision de refus pourrait être prononcée.

c. Le 16 octobre 2023 à 12h23, D______, avocat-stagiaire au sein de l'Etude du conseil du recourant, a transmis au GAJ, par courriel adressé à "aj.securise@justice.ge.ch" une copie d'un courrier signé daté du même jour, accompagné de pièces, qui faisait référence à la communication du GAJ du 26 septembre 2023.

d. Par courriel du même jour adressé à 14h42 à Me D______, le GAJ a attiré l'attention de ce dernier sur la teneur de l'art. 130 CPC et l'a invité, s'il ne disposait pas de la signature électronique qualifiée, à lui transmettre une version papier de l'acte qu'il souhaitait déposer, afin qu'il soit enregistré et traité.

e. Par décision du 25 octobre 2023, notifiée le 2 novembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que le recourant n'avait pas fourni les renseignements nécessaires au sujet des mérites de sa cause et de sa situation financière. Comme le recourant était représenté par un conseil, il ne se justifiait pas de l'interpeller à nouveau, en raison du devoir accru de collaboration de la partie assistée par un avocat.

B.            a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 13 novembre 2023 à la Présidence de la Cour de justice.

Le recourant conclut préalablement à la tenue d'une audience de comparution personnelle et de plaidoirie répondant aux réquisits de l'art. 6 CEDH. Principalement, il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision du 25 octobre 2023 et à l'octroi de l'assistance juridique. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à l'Autorité de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il produit des pièces nouvelles.

Il invoque une constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC) et une appréciation arbitraire des preuves (art. 9 Cst) au motif qu'il avait répondu le 16 octobre 2023 au courrier du GAJ du 26 septembre 2023, ce que la vice-présidence du Tribunal civil n'a pas retenu en raison d'une inadvertance manifeste à son sens.

Il reproche en outre à l'Autorité de première instance d'avoir fait preuve de formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel, pour avoir ignoré son courriel du 16 octobre 2023.

A son sens, cette approche n'est justifiée par aucun intérêt digne de protection, ce d'autant plus que cette Autorité "a déjà pour pratique de donner suite au[x] communication[s] envoyée[s] par courriel". Il se prévaut nouvellement d'un simple courriel, caviardé, du 30 octobre 2023, relatif à la communication de documents supplémentaires au GAJ et d'une décision d'octroi de l'assistance juridique qui s'en est suivie.

Enfin, le formalisme excessif est d'autant plus évident à son sens "du fait que la décision concerne le domaine de l'assistance juridique, qui est une prestation sociale à destination de la population souvent fragilisée".

b. Dans ses observations du 22 novembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a exposé le non-respect des exigences formelles de l'art. 130 CPC lors de l'envoi d'un acte par simple courrier électronique.

De plus, le GAJ, par courriels des 26 janvier, 10 février, 14 avril et 26 septembre 2023, avait déjà invité l'Etude de Me B______ à lui adresser une version papier de son acte s'il ne disposait pas de la signature électronique qualifiée.

L'Autorité de première instance réfute avoir fait preuve de formalisme excessif car elle avait, le 16 octobre 2023, dûment interpelé le conseil du requérant afin qu'il répare le vice de forme.

Elle indique que le courriel du 30 octobre 2023 nouvellement produit par le recourant, postérieur à la décision en cause, résultait d'une erreur d'une remplaçante de la greffière en charge de la boîte mail et qu'elle ne saurait emporter un changement de pratique.

c. Le conseil du recourant a été avisé par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger le 23 novembre 2023.

d. Le 4 décembre 2023, invoquant son droit inconditionnel à la réplique, le recourant a produit nouvellement un simple courriel du 25 septembre 2023 (pièce n° 5), antérieur à la décision en cause, dans lequel il avait sollicité l'octroi d'un délai supplémentaire pour produire des documents, ce que le GAJ avait accepté.

e. Par courriel du 15 mars 2024, le recourant a relancé la Cour.

EN DROIT

1.             1.1 La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi. L'écriture du 4 décembre 2023 est également recevable, en raison du droit inconditionnel du recourant à la réplique (ATF 146 III 97).

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

En l'espèce, la recevabilité des pièces nouvellement produites, soit la pièce n° 5, un courriel du 30 octobre 2023, annexé au recours, et la pièce n° 1, un courriel du 25 septembre 2023 joint à la réplique du 4 décembre 2023, peut rester indécise, en tant qu'elles viseraient à établir, selon le recourant, une pratique constante du GAJ contraire à l'art. 130 CPC (cf. ci-dessous, consid. 4).

En effet, ces deux cas exposés ne permettent pas de retenir une pratique constante du GAJ dans le sens de l'acceptation des actes des parties communiqués par simple courriel. Cela est d'autant plus vrai que le GAJ avait déjà prié le conseil du recourant, à quatre reprises en 2023, d'utiliser une signature électronique qualifiée pour la communication de ses actes ou de lui en remettre une version papier.

3.             Il ne sera pas donné suite à la conclusion préalable du recourant tendant à son audition en audience publique, dès lors que le champ d'application de l'art. 6 par. 1 CEDH, qui confère aux parties le droit d'être entendues oralement devant un tribunal lors d'une séance publique, ne s'applique pas à la procédure incidente relative à l'assistance judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_39/2014 du 27 mai 2014 consid. 6 et les références citées; DAAJ/35/2023 du 11 avril 2023 consid. 3).

4.             4.1.
4.1.1
L'assistance juridique n'est pas octroyée d'office. Il faut une requête de l’ayant droit, dans les formes prescrites par l'art. 130 CPC (cf. Tappy, CR CPC, n° 3 et 5 ad art. 119 CPC), soit un acte sous forme de document papier signé ou de document transmis par voie électronique certifié par une signature électronique reconnue.

4.1.2 L'art. 130 al. 2 CPC dispose que, lorsqu'ils sont transmis par voie électronique, les actes doivent être munis de la signature électronique qualifiée de l'expéditeur au sens de la loi du 18 mars 2016 sur la signature électronique. La let. b de cette disposition précise que le Conseil fédéral règle les modalités de la transmission. Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté l'OCEl-PCPP, dont l'art. 4 prévoit que les écrits peuvent être communiqués à une autorité à l'adresse de cette dernière sur la plateforme reconnue qu'elle utilise. L'art. 5 al. 1 OCEl-PCPP prévoit que la Chancellerie fédérale publie sur internet un répertoire des adresses des autorités. Ce répertoire indique pour chaque autorité l'adresse à laquelle les écrits peuvent être communiqués par voie électronique (art. 5 al. 2 let. b OCEl-PCPP). Sur son site internet (https://www.bk.admin.ch/bk/fr/home/documentation/cyberadministration/communication-electronique-des-ecrits-aux-autorites.html), la Chancellerie fédérale renvoie au site internet "www.ch.ch/ejustice" s'agissant de la communication électronique aux autorités dans les procédures civiles et pénales. Pour le greffe de l'assistance juridique à Genève, l'adresse est "aj.securise@justice.ge.ch".

4.1.3 Il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1; 142 IV 299 consid. 1.3.2; 142 I 10 consid. 2.4.2; 135 I 6 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_30/2020 du 1er octobre 2020 consid. 4.1.1). En tant que l'interdiction du formalisme excessif sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, elle poursuit le même but que le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.). A cet égard, elle commande à l'autorité d'éviter de sanctionner par l'irrecevabilité les vices de procédure aisément reconnaissables qui auraient pu être redressés à temps, lorsque celle-ci pouvait s'en rendre compte assez tôt et les signaler utilement au plaideur (ATF 125 I 166 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4D_30/2020 du 1er octobre 2020 consid. 4.1.1 et la référence citée). Si l'autorité a méconnu cette obligation, elle doit tolérer que l'acte concerné soit régularisé, éventuellement hors délai (ATF 142 I 10 consid. 2.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 4D_30/2020 du 1er octobre 2020 consid. 4.1.1 et la référence citée).

Le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas (ATF 126 V 390 consid. 6a p. 392 et les références citées). Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi (ATF 127 I 1 consid. 3a p. 2 s.; 125 II 152 consid. 5 p. 166; 122 II 446 consid. 4a p. 451 s. et les arrêts cités). Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés (ATF 132 II 485 consid. 8.6 p. 510; 127 I 1 consid. 3a p. 2; 126 V 390 consid. 6a p. 392 et les arrêts cités), et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité (ATF 123 II 248 consid. 3c p. 254; 115 Ia 81 consid. 2 p. 83 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 1C_482/2010 du 14 avril 2011 consid. 5.1).

Pour qu'il y ait formalisme excessif, il faut notamment que la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection (arrêt du Tribunal fédéral 4D_30/2020 du 1er octobre 2020 consid. 4.2). Or, le fait de requérir des parties qu'elles déposent leurs actes dans la forme et le délai prévus par la loi est justifié par plusieurs intérêts dignes de protection. En effet, seule une application stricte de ces règles permet de garantir l'égalité de traitement et la sécurité du droit : d'une part, les parties doivent toutes disposer, dans les mêmes circonstances, du même délai et observer les mêmes formes pour le dépôt de leurs écritures et, d'autre part, les autorités judiciaires doivent être en mesure de s'assurer de manière simple de l'(in) existence d'un recours (arrêt du Tribunal fédéral 4D_30/2020 du 1er octobre 2020 consid. 4.2).

4.2 En l'espèce, le GAJ, dans le cadre de l'instruction de la demande d'assistance juridique du recourant du 22 septembre 2023, lui a adressé un courrier le 26 septembre 2023, ainsi qu'à son conseil, en impartissant à celui-là un délai jusqu'au 16 octobre 2023 pour compléter par écrit la demande, en fournissant des documents et des renseignements, en particulier s'agissant de l'indication de l'autorité devant laquelle il entendait agir et selon quelle procédure.

Le conseil du recourant a communiqué au GAJ une copie de son acte par simple courriel du 16 octobre 2023, certes envoyé à l'adresse "aj.securise@justice.ge.ch" mais sans passer par la plateforme reconnue utilisée par le Pouvoir judiciaire, contrairement aux exigences de procédure applicable. Cette Etude avait déjà été avisée par le GAJ, en réponse aux précédents envois par e-mail, que l'utilisation d'un simple courriel pour la transmission de ses actes était insuffisante et qu'elle devait disposer d'une signature électronique qualifiée ou adresser sa réponse sur un support papier.

Il appartenait au conseil du recourant, avocat expérimenté et parfaitement au fait quant aux formes applicables, de renvoyer sa réponse du 16 octobre 2023 soit sur un support papier, dûment signé en original, soit par voie électronique via la plateforme reconnue, au moyen d'une signature électronique qualifiée, cas échéant en sollicitant la prolongation du délai.

N'ayant pas obtempéré, c'est avec raison que la vice-présidence du Tribunal civil a considéré que le recourant n'avait pas complété sa requête, dans les formes prévues et délai fixé.

Il ne s'agit ni d'une constatation manifestement inexacte d'un fait, ni d'une appréciation arbitraire des preuves, ni d'une inadvertance manifeste comme le soutient en vain le recourant, mais d'une réponse irrecevable pour cause de vice de forme.

L'autorité intimée n'a pas fait preuve de formalisme excessif, car le respect des formes est justifié par des intérêts dignes de protection, en particulier par l'égalité de traitement entre justiciables. De plus, le recourant ne saurait se prévaloir de l'éventuelle application arbitraire des règles sur la transmission dans d'autres procédures afin d'en bénéficier dans la présente cause. En effet, il n'existe pas de droit à l'égalité dans l'illégalité.

Infondé, le recours sera, dès lors, rejeté.

5.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 25 octobre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2674/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.