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Décisions | Assistance juridique

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AC/2239/2023

DAAJ/14/2024 du 12.02.2024 sur AJC/5666/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2239/2023 DAAJ/14/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU LUNDI 12 FEVRIER 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [VD],

représentée par Me Didier KVICINSKY, avocat, avenue de la Gare 52, case postale 1539, 1001 Lausanne,

 

contre la décision du 13 novembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 


EN FAIT

A.           a. B______ et C______, parents de A______ (ci-après: la recourante), sont décédés respectivement le ______ 1996 et le ______ 2002. Par testaments olographes, ils ont réduit la recourante à sa réserve.

b. Le 3 août 2023, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour former une action en partage à l'encontre de son fils, D______. Celui-ci bénéficiait d'une procuration générale sur les comptes de B______ et C______ et aurait dépensé l'argent qui s'y trouvait après leur décès. La recourante n'avait ainsi jamais reçu sa part d'héritage.

c. Le 8 août 2023, le greffe de l'assistance juridique a invité la recourante à le renseigner sur le montant de la masse successorale et sur les éventuelles démarches effectuées auprès de la Justice de paix afin d'obtenir une avance d'hoirie ou auprès de tiers en vue de solliciter un prêt garanti par sa part successorale.

d. Dans le délai prolongé au 11 septembre 2023, la recourante a estimé la masse successorale de ses parents défunts à 50'000 fr. minimum. Elle n'a pas produit de document à l'appui de cette allégation. Elle a également exposé n'avoir effectué aucune démarche auprès de la Justice de paix ou auprès de tiers.

B.            Par décision du 13 novembre 2023, notifiée le 23 novembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la recourante n'avait pas rendu vraisemblable que le montant de la masse successorale s'élèverait à 50'000 fr. à tout le moins. Pour le surplus, un plaideur raisonnable n'engagerait pas des dépenses dans une procédure judiciaire, alors qu'il ignorerait tout du montant qu'il pourrait réclamer et s'il pourrait recouvrer un éventuel montant qui lui serait dû, étant encore relevé que les parents de la recourante étaient décédés il y a plus de vingt ans.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 27 novembre 2023 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à son annulation et à l'octroi de l'assistance juridique en vue de déposer une action en partage à l'encontre de son fils.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1 La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             2.1.
2.1.1
Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter ; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

Par ailleurs, selon la jurisprudence, il peut être exigé de la personne qui sollicite l'assistance juridique qu'elle obtienne un prêt sur sa part dans une succession non partagée ou contracte un emprunt garanti par cette part (ATF 119 Ia 11 consid. 5a et la référence à la SJ 1993 p. 454). Des éléments de fortune dont l'intéressé ne peut pas disposer, par exemple à la suite d'une mesure de blocage, n'excluent pas l'assistance juridique, mais doivent plutôt être pris en considération dans le cadre du remboursement ultérieur des prestations de l'Etat (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 25 ad art. 117 CPC).

2.1.2 La succession s'ouvre par la mort (art. 537 al. 1 CC).

Lorsque le de cujus laisse plusieurs héritiers (légaux ou institués), ceux-ci forment de plein droit une communauté héréditaire et deviennent propriétaires communs des biens successoraux et débiteurs solidaires des dettes (art. 560 al. 1 et 2, 602 al. 1 CC).

Les héritiers choisissent librement le moment et le mode de partage, qui se déroulera selon leur volonté (art. 607 al. 2 CC). A défaut d'entente, chacun a, sous réserve de quelques exceptions, le droit de demander le partage de la succession en tout temps, en vue de transformer la propriété collective des héritiers en plusieurs propriétés individuelles (art. 604 al. 1 CC). Cette action, de nature formatrice, doit être intentée contre tous les cohéritiers (consorité nécessaire), dès lors qu'elle aboutit à un jugement qui sortit ses effets à l'égard de tous les héritiers et qu'elle touche au sort de biens dont ils sont titulaires en commun (ATF 130 III 550 consid. 2.1.1 et les références citées).

La masse successorale se compose des biens existants au moment du décès (art. 474 al. 1 CC), mais également des revenus des biens successoraux, auxquels il faut ajouter arithmétiquement la valeur de ceux qui ne se trouvent plus dans la succession par suite de libéralités entre vifs (à des héritiers ou des tiers), dans la mesure où elles sont sujettes à réduction (art. 475 et 527 CC) ou à rapport (art. 626 al. 1 et 2 CC); que de ces actifs sont ensuite déduites les dettes transmissibles du défunt ainsi que les dettes de la succession qui constituent ensemble le passif (art. 474 al. 2 CC).

2.2 En l'espèce, la recourante n'a pas démontré avoir entrepris de démarches avant de solliciter l'octroi de l'assistance judiciaire. Elle n'a pas essuyé de refus de banques de lui accorder un prêt garanti par sa part successorale, le cas échéant par la cession à concurrence d'un certain montant à titre de garantie. Elle a estimé la masse successorale à 50'000 fr., sans fournir ni explications ni documents à l'appui de son estimation, étant précisé qu'aucun montant ne ressort des testaments des défunts parents. La recourante n'a pas démontré qu'il ne lui a pas été possible de convenir des modalités du partage d'un commun accord avec son fils (cf. art. 607 ss CC). Elle n'a en particulier pas produit les divers courriers qu'elle aurait adressés, en vain, à son fils lui demandant de la renseigner sur l'état de la succession ou une attestation de son "ami de l'époque", devenu son époux le ______ 2006, qui, selon ses explications estimerait au même montant la masse successorale à partager.

Il est rappelé à la recourante, qui soulève que le greffe de l'assistance juridique, par courrier du 8 août 2023, ne lui avait demandé que des informations sur la valeur de la masse successorale, à défaut de requérir la production de pièces, qu'il lui appartenait de motiver sa requête et d'apporter, à cet effet, tous les moyens de preuve nécessaires et utiles. La recourante a procédé par l'intermédiaire d'un avocat, lequel devait connaître les conditions d'octroi de l'aide étatique et les obligations incombant à tout requérant d'une telle aide pour démontrer que lesdites conditions étaient remplies.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la recourante, il ne lui est pas reproché d'avoir attendu plus de vingt ans à la suite du décès de ses parents pour demander le partage de leur succession, ce qui, comme elle l'a relevé, est possible en tout temps sous réserve de quelques exceptions qui ne semblent pas remplies en l'espèce. L'autorité précédente a simplement retenu ce fait comme un élément supplémentaire tendant à qualifier d'exploratoire l'action de la recourante. L'absence de pièces produites et la probable disparition de tout élément pertinent en raison du temps écoulé laissent en effet apparaître l'action de la recourante comme étant exploratoire. A cela s'ajoute que la succession semble n'être constituée que d'espèces, facilement partageables, et qu'il n'existerait que deux héritiers, dont les parts ont déjà été fixées par testaments.

Dans ces circonstances, une personne raisonnable plaidant à ses propres frais ne déposerait pas une telle action en partage, alors qu'elle ignore le montant qu'elle pourrait réclamer, si elle pourra éventuellement recouvrer le montant qui lui serait dû, notamment en cas de situation obérée de la partie adverse, soit en l'occurrence du fils de la recourante, seul cohéritier, et alors qu'elle ne possède aucun document et que vraisemblablement les établissements bancaires ou son cohéritier non plus, au vu du temps écoulé depuis le décès des parents de la recourante.

Compte tenu de ce qui précède, c'est à juste titre que la vice-présidence du Tribunal civil a refusé d'octroyer le bénéfice de l'aide étatique à la recourante.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 27 novembre 2023 par A______ contre la décision rendue le 13 novembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2239/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Etude de
Me Didier KVICINSKY (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.