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Décisions | Assistance juridique

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AC/261/2022

DAAJ/12/2024 du 31.01.2024 sur AJC/5644/2023 ( AJC ) , REJETE

Normes : RAJ.8.al3
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/261/2022 DAAJ/12/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 31 JANVIER 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [GE],

 

contre la décision du 9 novembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 


EN FAIT

A.           Le 21 décembre 2021, A______ (ci-après : la recourante) a sollicité l'assistance juridique dans le cadre de la violation d'une clause de non-concurrence qui lui était reprochée par son ex-employeuse.

A cette fin, la recourante a signé la formule annexée à la demande d'assistance juridique, intitulée "Information importante aux personnes bénéficiaires de l'assistance juridique", dont l'un des paragraphes avait la teneur suivante : "A la fin de la procédure couverte par l'assistance juridique, une fois les honoraires de votre conseil juridique payés, nous rendrons une décision finale fixant l'éventuel solde de votre participation sur les honoraires du conseil juridique et frais de justice payés par l'assistance juridique, déduction faite des mensualités déjà versées (…)".

Par sa signature, la recourante déclarait avoir pris note desdites informations importantes et qu'elle les avait comprises.

B.            Par requête de conciliation déposée au greffe du Tribunal des prud'hommes le 20 janvier 2022, respectivement demande simplifiée du 7 juin 2022, la recourante a été assignée par son ex-employeuse en paiement de 30'000 fr. nets plus intérêts moratoires sur la base de la violation d'une clause de non-concurrence.

C.           Par décisions du 7 mars 2022, motivée le 21 mars 2022, la vice-présidente du Tribunal civil a octroyé l'assistance juridique à la recourante avec effet au 1er janvier 2022 pour défendre à l'action par-devant le Tribunal des prud'hommes, cause C/1______/2022 CPH/2______, limité cet octroi à la première instance et à 12h d'activité d'avocat, forfait courriers/téléphones et audiences en sus, subordonné ledit octroi au paiement d'une participation mensuelle de 200 fr. dès le 1er avril 2022, attiré l'attention de la recourante sur le fait que les montants obtenus dans le cadre d'un procès ou d'une transaction judiciaire devaient être prioritairement affectés au remboursement des prestations de l'Etat (art. 123 CPC et 19 RAJ) et commis à ces fins Me B______, avocat à Genève.

Cette décision se fondait en particulier sur l'art. 4 al. 1 RAJ, dont la teneur a été intégralement reproduite dans la décision précitée en ces termes : "en règle générale et pour autant que cela ne porte pas atteinte aux besoins fondamentaux de la personne requérante et de sa famille, l'assistance juridique est assortie du versement d'une participation mensuelle valant remboursement anticipé des prestations de l'Etat au sens de l'art. 123 al. 1 CPC".

Dans sa motivation, cette décision a retenu des revenus mensuels moyens de la recourante en 3'700 fr. et ses charges mensuelles en 2'780 fr. 80 (soit 1'528 fr. 80 de charges et 1'200 fr. de base mensuelle d'entretien), de sorte que son disponible mensuel dépassait de 971 fr. 20 son minimum vital strict et de 671 fr. 20 son minimum vital majoré de 25%. Il a ainsi été considéré qu'elle était en mesure de participer dans une mesure raisonnable aux prestations de l'Etat, par le versement d'une contribution mensuelle de 200 fr. "valant remboursement anticipé de celles-ci".

Par courriers des 16 mars et 17 octobre 2022, la recourante a sollicité du Greffe de l'Assistance juridique (ci-après : GAJ) la réduction de sa participation financière en raison de sa précarité financière, respectivement parce qu'elle était enceinte de sept mois et avait réduit ses "journées de travail".

Il ne ressort pas du dossier que le GAJ ait donné suite à ces requêtes.

D.           Le 19 janvier 2023, le conseil de la recourante a sollicité l'extension de l'assistance juridique et a déposé un état de frais provisoire le 13 février 2023.

Par décision du 21 février 2023, le vice-président du Tribunal civil a octroyé l'extension de l'assistance juridique à la recourante pour 6h d'activité d'avocat supplémentaires, soit 18h au total, audiences et forfait courriers/téléphones en sus, et sous réserve de l'appréciation des heures nécessaires en vertu de l'art. 16 al. 2 RAJ au moment de la taxation de l'état de frais. La contribution mensuelle de 200 fr. restait due.

Par courrier du 31 mars 2023, le GAJ a remis à la recourante des bulletins de versement afin qu'elle s'acquitte des mensualités.

E. Par jugement JTPH/330/2023 du 2 octobre 2023, le Tribunal des prud'hommes a, notamment, débouté l'ex-employeuse de la recourante de ses conclusions à l'encontre de celle-ci pour cause de défaut de validité de la clause de non-concurrence.

F. Le 13 octobre 2023, Me B______ a adressé au GAJ un état de frais à hauteur de 8'750 fr. 55 TTC.

Par décision d'indemnisation du 8 novembre 2023, le GAJ a arrêté l'indemnité due à Me B______ à 8'239 fr. 05 selon le calcul suivant :

- 18h d'avocat et 6,5h d'audiences = 24,5h au total à 200 fr./h = 4'900 fr.

- + forfait courriers/téléphones de 50% de 4'900 fr. = 2'450 fr.

- + trois déplacements allers/retours = 300 fr.

- + TVA 7.7 % = 589 fr. 05

Total 8'239 fr. 05

G.           Par décision du 9 novembre 2023, notifiée le 13 novembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a condamné la recourante à rembourser la somme de 4'439 fr. 05 à l'État de Genève. Un montant de 8'239 fr. 05 avait été versé à l'avocat de la recourante à l'issue de la procédure pour l'activité déployée en sa faveur. La recourante avait versé un montant total de 3'800 fr., de sorte que 4'439 fr. 05 restaient dus (correspondant à 19 mensualités de 200 fr.). La recourante n'ayant allégué aucun changement de sa situation financière "depuis la date de l'octroi", le remboursement de cette somme pouvait être exigé d'elle. Elle a été invitée, le cas échéant, à prendre contact avec les Services financiers du Pouvoir judiciaire pour convenir d'un arrangement de paiement de cette somme par mensualités.

H.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 18 novembre 2023 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante conclut implicitement à l'annulation de cette décision et à la communication de la facture détaillée de son conseil afin de pouvoir comprendre le montant des honoraires.

La recourante produit une pièce nouvelles.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. Les décisions de remboursement prises par la vice-présidence du Tribunal civil, rendues en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la présidente de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC, 11 et 19 al. 5 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515, p. 453).

2.             À teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.

En l'espèce, la recourante a nouvellement produit son avis de taxation du 24 mars 2023, lequel ne fait pas partie des pièces produites en première instance, de sorte qu'il ne sera pas pris en considération.

3.             La recourante, se prévalant du courrier du GAJ du 31 mars 2023, relatif à la remise des bulletins de versements pour le paiement de ses mensualités, reproche à l'Assistance juridique d'avoir omis de l'informer qu'elle s'exposait à devoir payer une somme supérieure aux 200 fr. mensuels.

Elle ne comprend pas le solde de 4'439 fr. 95 qui lui est réclamé, ne dispose pas de cette somme et estime que la note d'honoraires de son conseil aurait dû lui être communiquée afin de comprendre l'ampleur de son activité et de ses frais. Elle demande à ce que l'Assistance juridique lui en remette un exemplaire.

Elle ajoute que certaines personnes n'ont pas à rembourser l'Assistance juridique et qu'elle n'était pas au courant de cette manière spécifique de fonctionner en l'occurrence.

A son sens, "les modalités financières de l'assistance juridique n'ont pas été claires au départ voire pire dans la mesure où elle laissait entendre par manque de précision que [ses] mensualités de 200 fr. pouvaient suffire", d'une part, et, d'autre part, elle déplore n'avoir pas pu contrôler l'exactitude des honoraires et débours de son avocat, se trouvant devant un fait accompli. Persuadée que son conseil était correct, elle s'interroge sur la situation dans laquelle un avocat aurait triplé ses prix.

4.             4.1. D'après l'art. 123 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ, une partie est tenue de rembourser l'assistance juridique dès qu'elle est en mesure de le faire (al. 1). La créance du canton se prescrit par dix ans à compter de la fin du procès (al. 2).

Selon l'art. 4 al. 1 RAJ, en règle générale et pour autant que cela ne porte pas atteinte aux besoins fondamentaux de la personne requérante et de sa famille, l'assistance juridique est assortie du versement d'une participation mensuelle valant remboursement anticipé des prestations de l'État au sens de l'article 123 al. 1 CPC. Selon l'art. 4 al. 2 RAJ, à l'issue de la procédure, le remboursement des prestations de l'État est réputé exigible à concurrence du versement de 60 mensualités, sous réserve de l'art. 123 CPC.

Selon l'art. 16 RAJ, l'indemnité due à l'avocat est calculée à raison de 200 fr./h pour le chef d'étude (al. 1, let. c). Seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance, et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (al. 2).

Selon l'art. 17 RAJ, l'état de frais détaille par rubriques les activités donnant lieu à indemnisation, avec indication du temps consacré. Les justificatifs des frais sont joints. Les directives du greffe sont applicables pour le surplus en matière civile et administrative.

La décision de taxation est rendue par le greffe (art. 18 al. 1 RAJ). Elle indique le nombre d'heures et le barème retenus (al. 2, 1ère phr.).

Selon l'art. 19 RAJ, lorsque l'assistance juridique était assortie du versement d'une participation mensuelle valant remboursement anticipé des prestations de l'État, la personne bénéficiaire est condamnée, à l'issue de la procédure, au paiement des frais dont elle a été exonérée et au remboursement des montants versés par l'État, sous déduction des mensualités déjà payées (al. 1). La somme due à ce titre ne peut excéder l'équivalent de 60 mensualités si la situation de la personne bénéficiaire ne s'est pas améliorée (al. 2). Si la situation de la personne bénéficiaire s'est améliorée ou si elle est de toute manière en mesure d'effectuer un paiement, le paiement de l'intégralité des prestations de l'Etat peut être exigé (al. 3).

4.2.1 En l'espèce, la recourante ne peut pas être suivie lorsqu'elle soutient que sa participation financière à l'assistance juridique aurait dû se limiter aux mensualités de 200 fr. qu'elle a versées.

En effet, en application de l'art. 4 al. 1 RAJ, elle a été dûment avisée de ce qui suit :

-          Le 21 décembre 2021, la formule "Information importante aux personnes bénéficiaires de l'assistance juridique", qu'elle a signée en déclarant l'avoir comprise, et annexée à sa requête d'assistance juridique, précisait explicitement qu'elle pouvait être redevable d'un "éventuel solde de (…) participation sur les honoraires [de] son conseil et frais de justice payés par l'assistance juridique, déduction faite des mensualités déjà versées";

-          Les décisions des 7/21 mars 2022 de la vice-présidence du Tribunal civil indiquaient expressément, en reproduisant la teneur de l'art. 4 al. 1 RAJ, que "l'assistance juridique [était] assortie du versement d'une participation mensuelle valant remboursement anticipé des prestations de l'Etat au sens de l'art. 123 al. 1 CPC";

De plus, dans sa motivation, cette décision a retenu que la recourante était en mesure de participer dans une mesure raisonnable aux prestations de l'Etat, par le versement d'une contribution mensuelle de 200 fr. "valant remboursement anticipé de celles-ci".

Ainsi, la recourante savait qu'en dépit du versement de mensualités, elle pouvait être redevable d'un solde envers l'assistance juridique et que ses mensualités étaient dues à titre de remboursement anticipé de l'assistance juridique.

En tout état de cause, si elle avait encore nourri un doute sur l'étendue de sa participation financière, elle aurait pu et dû se renseigner auprès du GAJ et/ou de son conseil.

4.2.2 L'hypothèse de l'art. 19 al. 2 RAJ relative à la limitation de la participation financière de la recourante à 60 mensualités de 200 fr., à certaines conditions, n'entre pas en considération, puisque cela représente une somme totale de 12'000 fr., supérieure à l'indemnité de 8'239 fr. 05 versée à son conseil.

4.2.3 Conformément aux art. 16 à 18 RAJ, il appartient au GAJ de fixer l'indemnité due à l'avocat nommé d'office et non pas à la recourante. En effet, seul le GAJ dispose des connaissances juridiques et de l'expérience nécessaires pour arrêter cette rémunération en fonction des dispositions légales et directives applicables.

A cette fin, le nombre d'heures que le conseil de la recourante pouvait consacrer au litige a été limité à 18h au total, par les décisions de la vice-présidence du Tribunal civil des 7/21 mars 2022 (12h) et 21 février 2023 (6h supplémentaires). De plus, le taux horaire de l'avocat, chef d'étude, est de 200 fr./h, selon l'art. 16 RAJ. Ainsi, la rémunération de l'avocat nommé d'office a été strictement définie et il n'était pas libre de fixer celle-ci selon son appréciation. C'est d'ailleurs pour cette raison que son état de frais chiffré à hauteur de 8'750 fr. 55 a été réduit par le GAJ à 8'239 fr. 05.

La recourante pourra demander au GAJ une copie de l'état de frais de son conseil.

4.2.4 La recourante, en dépit de ses courriers au GAJ des 16 mars et 17 octobre 2022, ne se prévaut pas dans son recours d'un changement dans sa situation financière (disponible mensuel dépassant de 971 fr. 20 son minimum vital strict et de 671 fr. 20 son minimum vital majoré, selon les décisions des 7/21 mars 2023), de sorte que c'est avec raison que la vice-présidence du Tribunal civil a considéré, dans la décision entreprise du
9 novembre 2023, que la recourante disposait des moyens financiers pour régler le solde de 4'439 fr. 05 avancé par l'assistance juridique pour sa défense au litige, conformément à la disposition de l'art. 19 al. 1 et al. 3, 2ème hyp. RAJ.

Comme indiqué dans cette décision du 9 novembre 2023, la recourante pourra demander aux Services financiers du Pouvoir judiciaire un arrangement de paiement afin de régler cette somme par mensualités.

Pour le surplus, la recourante a obtenu gain de cause à l'encontre de son ex-employeuse, dont la prétention en paiement de 30'000 fr. en capital a été rejetée par la juridiction des Prud'hommes.

5.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 9 novembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/261/2022.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF égale à 30'000 fr.