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Décisions | Assistance juridique

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AC/1647/2023

DAAJ/128/2023 du 17.11.2023 sur AJC/4323/2023 ( AJC ) , ADMIS

Normes : RAJ.20
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1647/2023 DAAJ/128/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DECISION DU VENDREDI 17 NOVEMBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

 

contre la décision du 28 août 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 


EN FAIT

A.           a. Statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale par jugement du 23 décembre 2021, le Tribunal de première instance a notamment condamné A______ (ci-après : le recourant) à verser à son épouse, B______, une contribution à l'entretien de leur fils d'un montant mensuel de 1'500 fr. avec effet au mois d'octobre 2019 et jusqu'au mois d'août 2022, sous déduction des sommes déjà versées (cause C/1______/2019).

Par arrêt du 4 mai 2022 rendu dans la même cause, la Cour de justice a notamment condamné le recourant à verser à son épouse la somme de 18'942 fr. à titre d'arriérés de rente complémentaire AI pour l'enfant ainsi que la somme de 6'000 fr. à titre d'arriéré d'allocations familiales, sous déduction des sommes déjà versées.

b. Le 9 décembre 2022, l'épouse a fait notifier au recourant un commandement de payer, poursuite n° 2______, pour un montant de 88'942 fr. dû en vertu des décisions susmentionnées. Ce commandement de payer a été frappé d'opposition.

c. Par décision du 2 juin 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a refusé d'octroyer l'assistance juridique au recourant pour se défendre dans le cadre de la procédure de mainlevée définitive formée à son encontre par B______, au motif que sa cause paraissait dénuée de chances de succès.

En substance, il a été retenu que pour valablement s'opposer au prononcé d'une mainlevée définitive de l'opposition, l'opposant devait notamment prouver par titre que la dette avait été éteinte ou qu'il avait obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou se prévaloir de la prescription (art. 81 LP). Or, le recourant ne prouvait pas que la dette serait éteinte. Il alléguait certes qu'il s'était toujours acquitté des contributions d'entretien en faveur de son fils, mais n'avait apporté aucune preuve à cet égard. Il s'était contenté de produire un tableau qu'il avait lui-même établi pour faire état des montants qu'il aurait versés. Pour le surplus, les autres arguments qu'il entendait invoquer pour sa défense, soit le fait qu'une procédure de divorce complexe serait pendante, qu'il aurait de bonnes chances d'obtenir la garde partagée de son fils et qu'un revenu hypothétique avait été imputé à son épouse par la Cour dans la décision du 4 mai 2022 étaient dénués de pertinence pour s'opposer à la requête de mainlevée définitive.

d. Par pli du 22 juin 2023, le recourant a sollicité une reconsidération de la décision du 2 juin 2023, faisant valoir que la créance réclamée par son épouse était éteinte, en produisant à ce titre le tableau qu'il a établi ainsi que des documents relatifs à sa situation financière.

Par décision du 3 juillet 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a déclaré irrecevable la demande de reconsidération formée par le recourant, au motif que ce dernier n'avait invoqué aucun fait nouveau, les documents fournis n'ayant aucun rapport avec la requête de mainlevée définitive, hormis le tableau qu'il avait déjà remis à l'appui de sa requête initiale d'aide étatique et qui avait déjà été pris en compte lors du prononcé de la décision du 2 juin 2023.

e. Le 21 juillet 2023, le recourant a déposé une nouvelle demande de reconsidération auprès de la vice-présidence du Tribunal civil. A l'appui de celle-ci, il a fourni une missive qu'il avait adressée le 17 juillet 2023 au magistrat en charge de la procédure de divorce (dans laquelle il se prévalait de vices de procédure ayant affecté, selon lui, la décision rendue sur mesures protectrices), ainsi qu'un certificat médical établi par son psychiatre le 26 juin 2023. Il résulte de ce document que le recourant, bénéficiaire des prestations de l'assurance-invalidité pour des raisons neuropsychiatriques, se trouvait dans un état d'épuisement proche d'une décompensation en raison d'une audience à laquelle il avait assisté dans le cadre de la procédure de divorce.

Par décision du 25 juillet 2023, l'autorité de première instance a déclaré irrecevable cette nouvelle demande de reconsidération, les nouveaux documents produits n'étant d'aucune pertinence pour l'examen des chances de succès de sa défense à la requête de mainlevée définitive.

f. Le 4 août 2023, le recourant a déposé une troisième demande de reconsidération, invoquant, de manière peu intelligible, divers "vices de procédure" affectant la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale.

Par pli du 8 août 2023, le greffe de l'Assistance juridique a informé le recourant de ce qu'une nouvelle décision avait été rendue en lien avec la procédure de mainlevée. Le recourant était par ailleurs rendu attentif au fait que toute nouvelle requête d'assistance juridique relative à cette procédure serait classée sans autre, s'il n'y avait pas de faits nouveaux pertinents.

Par courrier du 14 août 2023, le recourant a réitéré sa demande, se prévalant de "faits nouveaux aggravants", tels que mentionnés dans sa correspondance précédente.

B.            Par décision du 28 août 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a déclaré irrecevable cette nouvelle demande de reconsidération. Par ailleurs, un émolument de 150 fr. a été mis à la charge du recourant pour comportement téméraire, du fait qu'il avait formulé trois demandes de reconsidération en l'espace d'un mois, sans invoquer des faits nouveaux pertinents pour la cause au fond. Pour le surplus et comme indiqué dans le courrier du 8 août 2023, il ne serait plus entré en matière à l'avenir sur une éventuelle nouvelle demande de reconsidération que formerait le recourant pour sa défense à la procédure de mainlevée définitive initiée par son épouse.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte déposé le 4 septembre 2023 au greffe de la Cour de justice. Le recourant conclut à l'annulation de l'émolument de 150 fr. mis à sa charge.

Il produit des pièces nouvelles.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision relative aux frais judiciaires ne peut être attaquée séparément que par un recours (art. 110 CPC).

Le président de la Cour de justice est l'autorité compétente pour connaître des recours en matière d'assistance judiciaire (art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile (art. 321 al. 2 CPC) et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont le recourant n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.

3.             3.1. D'après l'art. 119 al. 6 CPC, il n’est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d’assistance judiciaire, sauf en cas de mauvaise foi ou de comportement téméraire.

Aux termes de l'art. 20 RAJ, en cas de refus d'octroi ou de retrait de l'assistance juridique, un émolument de 300 fr. à 500 fr. au maximum peut être mis à la charge de la personne requérante ou bénéficiaire en cas de mauvaise foi ou de comportement téméraire.

Le caractère téméraire suppose, outre l'absence de perspective objectivement constatable du procès, un élément subjectif supplémentaire. La procédure doit avoir été menée en dépit du bon sens ou du moins contre le discernement auquel on peut s'attendre de la part de la personne concernée au vu de la situation. L'introduction d'un recours voué à l'échec ne doit pas être assimilée à de la témérité ou de la mauvaise foi. Il faut au contraire qu'il y ait en plus des éléments subjectifs - blâmable - soit que la partie pouvait sans autre reconnaître l'absence de chances de succès en réfléchissant raisonnablement, mais qu'elle mène tout de même le procès (arrêt du Tribunal fédéral 4A_685/2011 du 24 mai 2012 consid. 6.2).

Un procédé doit être qualifié de téméraire lorsqu’il est utilisé sans raison suffisante, ou afin de faire valoir un point de vue qui, considéré objectivement, ne peut être soutenu. Dans la procédure d’octroi de l’assistance judiciaire, la témérité entre au premier chef en considération dans le contexte de l’indigence, notamment lorsque le requérant donne de faux renseignements sur son indigence, présente des pièces incomplètes ou inexactes ou par ses omissions, viole de manière crasse son devoir de collaboration à l’établissement de sa situation financière. En ce qui concerne les chances de succès de conclusions présentées en première instance, on ne doit en général pas attribuer une appréciation erronée des chances de succès à la témérité du requérant ou de son mandataire (arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois 102 2014 95 du 14 octobre 2014 consid. 2b – 2c, cité in CPC Online).

3.2. En l'espèce, au regard des problèmes neuropsychiatriques dont souffre le recourant, tel qu'attestés par le certificat médical versé au dossier, il semble douteux que l'intéressé soit en mesure de mener une réflexion rationnelle sur les éléments pertinents nouveaux qui auraient pu fonder une nouvelle demande d'assistance juridique pour sa défense à la demande de mainlevée formée à son encontre. Les arguments peu intelligibles avancés par le recourant à l'appui de ses multiples requêtes suffisent d'ailleurs pour s'en rendre compte.

L'autorité de première instance aurait dès lors pu se contenter de classer sans suite la demande du recourant du 4 août 2023 (et renouvelée le 14 du même mois), comme annoncé dans sa missive du 8 août 2023, au lieu de rendre une nouvelle décision d'irrecevabilité, comportant les mêmes motifs que les précédentes.

Compte tenu de la situation, le recours est fondé. L'émolument mis à la charge du recourant sera annulé et il sera dit que la procédure de première instance est gratuite.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 4 septembre 2023 par A______ contre la décision rendue le 28 août 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1647/2023.

Au fond :

Annule la décision entreprise en tant qu'elle met un émolument de 150 fr. à la charge de A______.

Dit que la procédure de première instance est gratuite.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La vice-présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.