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Décisions | Assistance juridique

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AC/1124/2023

DAAJ/117/2023 du 08.11.2023 sur AJC/3541/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1124/2023 DAAJ/117/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 8 NOVEMBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

 

contre la décision du 7 juillet 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. Le 13 avril 2023, A______ (ci-après : le recourant), citoyen suisse titulaire d'une formation juridique complète, soit une formation universitaire au Mexique, ainsi que deux LL.M (Etats-Unis et Belgique) et un doctorat délivré par une université suisse, a sollicité l'assistance juridique, par l'entremise de son avocat, pour mener à bien son divorce, la séparation datant de 2020.

Il a notamment exposé être enseignant dans deux universités mexicaines, ainsi que détenteur de comptes bancaires en Suisse et au Mexique, sans préciser le solde, et d'une "copropriété" avec son épouse. Il avait deux enfants et était endetté (assurance maladie et contributions d'entretien) à concurrence d'environ 25'000 fr. Le revenu mensuel net de l'épouse est estimé à environ 12'000 fr. Il a déclaré percevoir un salaire de 706 fr. net par mois et "d'autres ressources" non précisées en 1'221 fr. par mois, ce pour des charges (loyer, assurance maladie, contributions d'entretien, 1'200 fr. par mois, nourriture et téléphone) en 3'131 fr. par mois.

Il a notamment produit un certificat de salaire trimestriel (avril à juillet 2022) de B______ Sàrl, société sise à C______ [ZG], dont le but est la fourniture de conseils et de services en matière juridique et économique et dont il est seul gérant, un tiers étant l'associé unique. Le salaire trimestriel perçu est de 2'191 fr. net.

b. Le greffe de l'Assistance juridique l'a invité, soit pour lui son conseil, à produire plusieurs documents par courrier du 17 avril 2023, notamment son certificat de salaire 2022, des documents justificatifs relatifs à ses revenus complémentaires et une copie de son dernier avis de taxation fiscale intégral (comprenant ses revenus et fortune).

Il était expliqué que sa situation déficitaire demeurait non éclaircie, de sorte qu'il était invité à la préciser.

c. Le recourant a répondu, soit pour lui son conseil, partiellement à la demande, ne produisant pas de certificat de salaire et exposant que le revenu complémentaire susmentionné provenait d'une aide de sa famille au Mexique. Il avait vendu un terrain au Mexique pour subsister et vivait de manière très économe. Il a produit l'avis de taxation fiscale de 2020, sans produire la page relative à la fortune. De janvier à mars 2022, son salaire trimestriel net reçu de B______ Sàrl était de 4'800 fr.

d. Le greffe de l'Assistance juridique l'a invité, une nouvelle fois, par pli du 31 mai 2023, à expliciter sa situation financière, en demandant, à nouveau et notamment, copie de son certificat de salaire 2022 ou de ses fiches de salaire de 2023, son avis de taxation fiscale 2021 et des justificatifs concernant l'aide perçue depuis le Mexique. Il lui a en outre été demandé de fournir des explications et des justificatifs concernant la fortune de 209'000 fr. mentionnée dans son bordereau d'impôt 2021, les relevés détaillés de deux comptes bancaires et les derniers comptes de B______ Sàrl.

e. Agissant cette fois seul, le recourant a allégué une nouvelle fois, par pli du 27 juin 2023, qu'il était indigent.

Il a produit le certificat de salaire de B______ Sàrl pour 2022 attestant du versement de 6'991 fr. net, ainsi que l'avis de taxation d'office pour 2021, où une fortune de quelque 200'000 fr. est mentionnée sans explicitation. Il a déclaré avoir reçu des aides pour environ 7'500 fr. de sa famille du Mexique lors du premier trimestre 2023, produisant des relevés bancaires mexicains qui ne permettent pas de déterminer clairement la provenance des fonds qu'il perçoit. Il ressort des extraits de compte bancaire produits qu'il reçoit des montants d'une université au Mexique et procède à des versements réguliers en liquide. Il a produit les extraits de deux comptes bancaires de B______ Sàrl pour le premier semestre 2023.

B.            Par décision du 7 juillet 2023, notifiée le 13 suivant, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête précitée. En substance, elle a retenu que l'intéressé n'avait pas transmis certaines pièces requises par le greffe de l'Assistance juridique, à savoir des justificatifs sur la fortune de quelque 200'000 fr. mentionnée dans son avis de taxation. Sa situation demeurait opaque dans la mesure où il semblait percevoir des revenus immobiliers du Mexique, sans déclarer de propriété immobilière dans ce pays. Il ne se justifiait pas de l'interpeller encore pour compléter son dossier.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 20 juillet 2023 à la Présidence de la Cour de justice.

Le recourant, agissant sans l'assistance d'un avocat, confirme travailler pour des universités au Mexique et en tirer revenu, bien que sa situation financière reste, selon lui, précaire. Il estime s'être trouvé dans l'impossibilité de produire les documents fiscaux demandés par l'autorité précédente, car il avait été taxé d'office. Il ne pouvait pas disposer des fonds investis dans l'immeuble détenu en copropriété avec son épouse.

Le recourant produit des pièces nouvelles.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont le recourant n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.

3.             3.1.
3.1.1 L'octroi de l'assistance juridique est notamment subordonné à la condition que le requérant soit dans l'indigence (art. 29 al. 3 Cst. et 117 let. a CPC).

Une personne est indigente lorsqu'elle ne peut assurer les frais liés à la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 128 I 225 consid. 2.5.1).

L'indigence s'apprécie en fonction de l'ensemble des ressources du recourant, dont ses revenus, sa fortune et ses charges, tous les éléments pertinents étant pris en considération (ATF 135 I 221 consid. 5.1; 120 Ia 179 consid. 3a). La situation économique existant au moment du dépôt de la requête est déterminante (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.1).

3.1.2 Applicable à la procédure portant sur l'octroi ou le refus de l'assistance judiciaire, la maxime inquisitoire est limitée par le devoir de collaborer des parties. Ce devoir de collaborer ressort en particulier de l'art. 119 al. 2 CPC qui prévoit que le requérant doit justifier de sa situation de fortune et de ses revenus et exposer l'affaire et les moyens de preuve qu'il entend invoquer. Il doit ressortir clairement des écritures de la partie requérante qu'elle entend solliciter le bénéfice de l'assistance judiciaire et il lui appartient de motiver sa requête s'agissant des conditions d'octroi de l'art. 117 CPC et d'apporter, à cet effet, tous les moyens de preuve nécessaires et utiles (arrêts du Tribunal fédéral 4A_480/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.2 et 5A_287/2023 du 5 juillet 2023 consid. 3.2). L'autorité saisie de la requête d'assistance judiciaire n'a pas à faire de recherches approfondies pour établir les faits ni à instruire d'office tous les moyens de preuve produits. Elle ne doit instruire la cause de manière approfondie que sur les points où des incertitudes et des imprécisions demeurent, peu importe à cet égard que celles-ci aient été mises en évidence par les parties ou qu'elle les ait elle-même constatées (Ibid.).

Le juge doit inviter la partie non assistée d'un mandataire professionnel dont la requête d'assistance judiciaire est lacunaire à compléter les informations fournies et les pièces produites afin de pouvoir vérifier si les conditions de l'art. 117 CPC sont valablement remplies. Ce devoir d'interpellation du tribunal, déduit de l'art. 56 CPC, vaut avant tout pour les personnes non assistées et juridiquement inexpérimentées. Il est en effet admis que le juge n'a pas, de par son devoir d'interpellation, à compenser le manque de collaboration qu'on peut raisonnablement attendre des parties pour l'établissement des faits, ni à pallier les erreurs procédurales commises par ces dernières. Or, le plaideur assisté d'un avocat ou lui-même expérimenté voit son obligation de collaborer accrue dans la mesure où il a connaissance des conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance judiciaire et des obligations de motivation qui lui incombent pour démontrer que celles-ci sont remplies. Le juge n'a de ce fait pas l'obligation de lui octroyer un délai supplémentaire pour compléter sa requête d'assistance judiciaire lacunaire ou imprécise (arrêts du Tribunal fédéral 4A_480/2022 du 29 novembre 2022 consid. 3.2 et 5A_287/2023 du 5 juillet 2023 consid. 3.2).

3.1.3 Dans les procédures de divorce notamment, l'assistance judiciaire gratuite ne peut être accordée que s'il est établi que la partie requérante ne pourra pas demander une provisio ad litem à son conjoint; tant qu'il existe une incertitude à ce sujet, la partie requérante ne sera pas considérée comme étant dans le besoin (arrêts du Tribunal fédéral 5A_416/2021 du 21 mars 2022; 5A_174/2016 du 26 mai 2016 consid. 2.2; 4A_412/2008 du 27 octobre 2008 consid. 4.1), le devoir de l'Etat d'accorder l'assistance judiciaire à un plaideur impécunieux dans une cause non dépourvue de chances de succès étant subsidiaire par rapport aux obligations d'assistance et d'entretien résultant du droit de la famille (ATF 142 III 36 consid. 2.3; 138 III 672 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_972/2021 du 2 février 2023 consid. 2.1.2).

3.2. En l'espèce, il a été donné, en première instance, à deux reprises, l'occasion au recourant de compléter sa demande initiale lacunaire d'assistance judiciaire. Il n'a finalement jamais donné une suite adéquate aux interrogations légitimes et clairement énoncées de l'autorité.

Or, il était non seulement assisté d'un avocat lors du dépôt de sa demande, mais il est lui-même un juriste. Qu'il soit ou non spécialisé en droit suisse est, somme toute, sans importance : il lui était manifestement possible, par lui-même ou avec l'aide de son avocat, de comprendre que sa situation financière n'était pas suffisamment éclaircie et quelles en étaient les raisons, tout comme il pouvait aisément identifier les lacunes grevant sa présentation des faits.

Ainsi tant du point de vue de ses revenus, que de celui de sa fortune, le recourant n'a pas apporté d'élément démontrant son indigence. Sur les premiers, il s'est contenté d'allégués épars et contradictoires, dès lors qu'il s'est abstenu, par exemple, de déclarer d'emblée les revenus tirés de ses activités d'enseignement. Quant à l'aide provenant prétendument de sa famille au Mexique, l'autorité précédente a souligné qu'il semblait aussi recevoir des revenus de biens immobiliers, constatations de fait qu'il ne remet pas en cause dans son recours. Quant à la fortune, il est resté évasif sur un montant de 200'000 fr. figurant dans ses avis de taxation, qu'il tente, tardivement, de justifier dans son recours. Ses explicitations auraient pu être fournies en première instance; elles ne l'ont pas été : il doit en supporter les conséquences.

Ainsi, le recourant n'a pas prouvé son indigence, de sorte que la décision entreprise doit être confirmée.

En tout état, compte tenu de la nature matrimoniale de la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est demandée, il incombe au recourant de requérir une provisio ad litem de son épouse qui semble jouir d'une situation financière confortable, selon sa propre appréciation. Tant que cette possibilité demeure, il est exclu de lui octroyer le bénéfice de l'aide étatique.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 7 juillet 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1124/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.