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Décisions | Assistance juridique

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AC/3531/2021

DAAJ/108/2023 du 13.10.2023 sur AJC/2817/2023 ( AJC ) , REJETE

Normes : CPC.120; RAJ.9; RAJ.15.al3
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3531/2021 DAAJ/108/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU VENDREDI 13 OCTOBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié c/o B______, ______ [GE],

représenté par Me E______, avocat,

 

contre la décision du 9 juin 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 


EN FAIT

A.           a. Par requête du 1er décembre 2021, A______ (ci-après : le recourant) a sollicité l'assistance juridique pour répondre à la demande en divorce sur requête unilatérale initiée par C______ à son encontre, cause C/1______/2020.

b. Par décision du 16 décembre 2021, le recourant a été mis au bénéfice de l'assistance juridique pour se défendre dans le cadre de la procédure de divorce précitée, avec effet au 1er décembre 2021. Cet octroi a été limité à la première instance, le réexamen de la situation financière du recourant étant réservé. Me E______, avocat de choix, a été commis à cette fin.

c. Par courrier du 16 février 2023, le greffe de l'assistance juridique a demandé au recourant de se déterminer sur les montants qu'il aurait perçus en sa qualité d'héritier dans le cadre de la succession de feu son père, soit sur le prix de vente d'un immeuble et sur tout autre montant. Un délai au 8 mars 2023, prolongé sur demande du recourant au 31 mars 2023, a été imparti à celui-ci pour produire les pièces et les renseignements nécessaires à l'évaluation de sa situation financière, les conditions d'octroi de l'assistance juridique devant être réévaluées.

Une copie conforme de ce courrier a été adressée au conseil du recourant, tout comme celui confirmant la prolongation de délai précitée au 31 mars 2023.

d. Par courrier du 30 mars 2023, le recourant a confirmé avoir reçu un montant de 508'013 fr. 30 le 19 janvier 2023 suite à la vente du bien immobilier de son défunt père, et a produit les relevés détaillés de son compte bancaire auprès de D______.

e. Sur demande du greffe de l'assistance juridique, le recourant a, par courrier du 12 mai 2023, expliqué avoir versé la somme de 72'000 fr. le 23 janvier 2023 au courtier chargé de la vente de l'immeuble précité.

Il avait versé 380'000 fr. sur un autre de ses comptes bancaires le 2 février 2023 afin d'assurer sa retraite qu'il devait prendre dans cinq ans. Il ne disposait d'aucun avoir de prévoyance professionnelle à ce jour, était actuellement en arrêt maladie et sans emploi, et ne bénéficiait d'aucune aide financière.

B.            Par décision du 9 juin 2023, notifiée au recourant le 15 juin 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a retiré l'assistance juridique accordée au recourant pour sa procédure de divorce, avec effet au 19 janvier 2023. En substance, elle a considéré que la situation financière du recourant s'était améliorée, dès lors qu'il disposait, dans tous les cas, d'un montant de 380'000 fr. sur son compte bancaire. Les conditions matérielles d'octroi de l'assistance juridique n'étaient donc plus remplies, et ce depuis le 19 janvier 2023, date à laquelle il avait perçu le montant de 508'013 fr. 30 suite à la vente du bien immobilier de son défunt père.

Une copie conforme de cette décision a été adressée le même jour au conseil du recourant.

C.           a. Par acte expédié le 26 juin 2023 à la Présidence de la Cour de justice, le recourant, par le biais de son conseil, forme recours contre cette décision. Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et au retrait de l'assistance juridique avec effet, non pas au 19 janvier 2023, mais au jour de la notification de la décision contestée au plus tôt, soit dès le 15 juin 2023.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1 La décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile (art. 142 al. 3 CPC) et en la forme écrite prescrits par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

La motivation d'un recours (art. 321 al. 1 CPC) doit, à tout le moins, satisfaire aux exigences qui sont posées pour un acte d'appel (art. 311 al. 1 CPC). Le recourant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (arrêt du Tribunal fédéral 5A_453/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3.1 et les réf. citées).

La motivation est une condition légale de recevabilité qui doit être examinée d'office (art. 60 CPC). Le recourant a le fardeau d'expliquer les motifs pour lesquels le jugement attaqué doit être annulé et modifié, par référence à l'un et/ou l'autre motif prévu à l'art. 310 CPC (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, n. 3 ad art. 311 CPC).

2.             2.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Une personne est indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la procédure sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 141 III 369 consid. 4.1). Pour déterminer l'indigence, il convient de prendre en considération l'ensemble de la situation financière du requérant au moment où la demande est présentée, celui-ci devant indiquer de manière complète et établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (art. 119 al. 2 CPC et 7 al. 1 et 2 RAJ; ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2015 du 30 novembre 2015 consid. 5).

2.2 Selon les art. 120 CPC et 9 RAJ, l'assistance juridique est retirée lorsque les conditions d'octroi ne sont plus remplies ou qu'il s'avère qu'elles ne l'ont jamais été. La première hypothèse vise essentiellement le cas où la situation financière de l'intéressé s'améliore en cours de procédure. Il pourrait s'agir soit d'une augmentation de ses ressources, soit d'une diminution de ses charges (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, n. 3 ad art. 120 CPC).

Lorsque le droit à l'assistance judiciaire n'existe plus, le retrait n'a lieu, en principe, que pour les actes de procédure à venir (ex nunc et pro futuro) (Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841, p. 6914; ATF 141 I 241 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_305/2013 du 19 août 2013 consid. 3.3; 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.5), un effet rétroactif (ex tunc) n'intervenant que de manière exceptionnelle (ATF 141 I 241 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_305/2013 du 19 août 2013 consid. 3.5).

Compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont dispose le juge à cet égard, une décision de retrait de l'assistance judiciaire peut donc être prise avec effet rétroactif conformément à l'art. 119 al. 4 CPC, applicable par analogie, notamment à partir du moment où le dénuement disparaît pendant la procédure (dans ce sens également, cf. Tappy, op. cit., n. 11 ad art. 120 CPC et les réf. citées). L'amélioration de la situation économique peut découler de circonstances extérieures au procès, tel qu'un nouvel emploi, un héritage, un gain à la loterie, etc. (ATF 122 I 5 consid. 4a, in JdT 1997 I 312; arrêt du Tribunal fédéral 5D_27/2009 du 26 mai 2009 consid. 2.1).

Si l'amélioration de la situation financière du bénéficiaire intervient postérieurement à la fin de la procédure pour laquelle l'assistance juridique est accordée, c'est par une décision de remboursement selon l'art. 123 al. 1 CPC, et non par une décision de retrait, que ledit bénéficiaire pourrait être tenu de restituer les prestations perçues (Tappy, op. cit., n. 10 ad art. 120 CPC).

2.3 L'art. 15 al. 3 RAJ dispose qu'en cas de rejet ou de retrait avec effet rétroactif de l'assistance juridique, la rémunération du conseil juridique incombe à la personne requérante. Le conseil juridique nommé est indemnisé par l'Etat s'il rend vraisemblable l'impossibilité, sans faute de sa part, d'obtenir cette rémunération.

2.4 En l'espèce, le recourant ne conteste en soi pas le retrait de son droit à l'assistance juridique, mais le moment à partir duquel ce retrait devrait être effectif. Selon lui, le retrait devrait intervenir, non pas à compter du jour où il a touché sa part d'héritage le 19 janvier 2023, mais dès le jour où il a eu connaissance dudit retrait, soit le 15 juin 2023, au plus tôt.

2.4.1 A l'appui de son recours, le recourant relève que la décision entreprise du 9 juin 2023 a été rendue trois jours avant l'audience de plaidoiries finales du 12 juin 2023, fixée dans le cadre de la procédure au fond, et doute que la proximité de ces deux dates soit une simple coïncidence. Faute d'une motivation plus fournie à cet égard, l'on déduit des explications du recourant que le premier juge aurait eu connaissance du contenu des plaidoiries finales précitées et que l'assistance juridique lui aurait, sur cette base, été retirée, justifiant de ce fait l'annulation de la décision entreprise.

Cette supposition, infondée, est dans tous les cas irrelevante, dans la mesure où le retrait de l'assistance juridique a été prononcé au motif que la condition d'indigence n'était plus réalisée et non en raison d'un pronostic défavorable sur les chances de succès de la procédure de divorce. Les conditions de l'art. 117 CPC étant cumulatives (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_396/2018 du 29 juin 2018 consid. 5.1; 5A_69/2022 du 17 mai 2023 consid. 4), il suffit que le recourant dispose, comme en l'espèce, de ressources suffisantes pour se voir retirer son droit à l'aide étatique, sans qu'il ne soit besoin d'analyser plus avant les mérites de sa cause.

L'on peine au surplus à comprendre en quoi le premier juge aurait erré dans l'appréciation des faits ou violé le droit en fixant le retrait de l'assistance juridique au jour où le recourant est sorti du dénuement en raison de son héritage, ni pour quelles raisons ledit retrait aurait dû être fixé au jour de la notification de la décision entreprise. Le recourant ne fournit à cet égard aucune explication, se contentant juste d'affirmer que le jour du retrait devrait être reporté, de sorte que le présent grief doit être déclaré irrecevable pour le surplus, faute de motivation suffisante (cf. art. 321 al. 1 CPC).

Enfin, force est de constater que la décision entreprise a été rendue avant la fin de la procédure, de sorte que c'est à juste titre que le premier juge a rendu une décision de retrait et non pas une décision de remboursement.

Le grief sera donc rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

2.4.2 Le recourant soutient que l'effet rétroactif du retrait de l'assistance juridique et la prise en charge rétroactive des honoraires de son avocat qui en découle seraient contraires au principe de l'assistance juridique, qui prévoit, dans ce contexte, une indemnisation de l'avocat par l'Etat pour son activité. Or, l'effet rétroactif du retrait aurait pour conséquence de faire supporter à l'avocat le risque de voir ses honoraires impayés, de même que l'éventuelle procédure de recouvrement y relative, alors que l'Etat disposerait d'un droit à récupérer ces montants et de moyens plus étendus pour gérer le recouvrement de telles créances. Pour ces motifs, le recourant considère qu'il se justifierait de reporter l'effet du retrait de l'assistance juridique au jour de la notification de la décision entreprise.

Si la loi garantit effectivement, en matière d'assistance juridique, une indemnisation de l'avocat par l'Etat pour son activité (cf. art. 15 al. 2 RAJ), elle consacre par ailleurs expressément le cas particulier de l'indemnisation de l'avocat en cas de rejet ou de retrait avec effet rétroactif de l'assistance juridique (cf. art. 15 al. 3 RAJ). Le recourant semble donc critiquer le texte légal, mais ne développe en revanche aucune argumentation expliquant précisément en quoi le premier juge aurait violé le droit en appliquant l'art. 15 al. 3 RAJ. Il n'expose également pas en quoi l'application de l'art. 15 al. 2 RAJ, fusse-t-il applicable, aurait une quelconque incidence sur le jour où le retrait de l'assistance juridique prendrait effet. L'acte de recours du recourant ne respecte à l'évidence pas les exigences de motivation (cf. art. 321 al. 1 CPC) sur ce point non plus, le présent grief devant par conséquent être déclaré irrecevable pour le surplus.

Par ailleurs, le recourant ne critique pas le raisonnement du premier juge, selon lequel l'assistance juridique pouvait être retirée à compter du moment où sa situation financière s'était améliorée à la suite de la vente d'un immeuble. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et sera confirmé.

Le grief sera par conséquent rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

2.4.3 Au vu de ce qui précède, c'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que l'octroi de l'assistance juridique devait être retiré au recourant avec effet au 19 janvier 2023 et que les honoraires de son avocat devaient être laissés à sa charge pour l'activité déployée après cette date.

Le recours, infondé, sera dès lors rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé le 26 juin 2023 par A______ contre la décision rendue le 9 juin 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3531/2021.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me E______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La vice-présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.