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Décisions | Assistance juridique

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AC/2291/2023

DAAJ/113/2023 du 31.10.2023 sur AJC/4610/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2291/2023 DAAJ/113/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 31 OCTOBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ [GE],

 

contre la décision du 12 septembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. Les époux A______ et B______ (ci-après : les recourants) étaient propriétaires d'un appartement d'environ 176.40 m2 dans l'immeuble sis au nos ______-______, chemin 1______ à C______ [GE], n° 2______ du cadastre de Genève et disposant d'une cave.

A la suite de poursuites en réalisation de gage, l'Office des poursuites de Genève a mis le bien immobilier sus indiqué en vente aux enchères publiques, lequel a été adjugé le 13 décembre 2022 à D______.

b. Le 8 juin 2023, D______, représenté par un conseil, a formé une requête en cas clair et en revendication par-devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), concluant à ce que les recourants soient condamnés à évacuer immédiatement de leur personne, de leurs biens et de tout tiers, l'appartement et la cave sus indiqués, et lui restituent les clés. Il a également conclu à être autorisé à requérir l'évacuation des recourants par la force publique (C/3______/2023).

A l'appui de sa requête, D______ a affirmé avoir été inscrit propriétaire du bien immobilier en cause le 8 juin 2023, occupé depuis sans droit par les recourants.

B.            Le 9 août 2023, les recourants, représentés par Me E______, avocat, ont sollicité l'octroi de l'assistance juridique pour leur défense à l'action en cas clair et en revendication.

A l'appui de leur démarche, les recourants ont exposé, par courrier du 21 août 2023 adressé au greffe de l'Assistance juridique, que Me D______ avait été l'avocat du recourant dans la procédure qui avait abouti à la vente de leur bien immobilier aux enchères publiques. Ils ont soulevé l'irrégularité de la procédure d'adjudication de leur bien immobilier, tant à l'encontre de D______ que de l'Office des poursuites. Ils ont ajouté que la recourante n'avait pas reçu la notification de documents y relatifs. Pour toutes ces raisons, ils contestaient l'introduction d'une procédure en cas clair.

C.           Par décision du 12 septembre 2023, notifiée le 22 septembre 2023, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique du 9 août 2023, au motif que les chances de succès des recourants dans le cadre de leur défense à la requête en cas clair et en évacuation semblaient très faibles.

Selon la vice-présidence du Tribunal civil, les recourants n'avaient pas contesté la régularité de l'adjudication de leur bien immobilier au moyen d'une plainte et le délai pour ce faire était échu. La qualité de propriétaire de D______ était clairement établie, tandis que les recourants ne disposaient d'aucun titre à pouvoir demeurer dans le logement litigieux.

D.           a. Par acte expédié le 26 septembre 2023 à l'Assistance juridique, puis transmis à la Présidence de la Cour de justice, les recourants, non représentés par un conseil, ont formé "appel" contre la décision du 12 septembre 2023.

Les recourants, concluant implicitement à l'annulation de cette décision, ont sollicité le réexamen de leur demande d'assistance juridique.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1
1.1.1
La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

Si un appel est interjeté en lieu et place d'un recours, ou vice-versa, et si les conditions de l'acte qui aurait dû être formé sont remplies, une conversion de l'acte déposé en acte recevable est exceptionnellement possible si cela ne nuit pas aux droits de la partie adverse; cette solution est en principe aussi possible même si la partie concernée est représentée par un mandataire professionnel (arrêts du Tribunal fédéral 5A_46/2020 du 17 novembre 2020; 5A_953/2020 du 9 août 2021 consid. 3.4.3; 5A_221/2018 du 4 juin 2018 consid. 3.3.1).

1.1.2 En l'espèce, c'est la voie du recours qui aurait dû être entreprise par les recourants, mais comme leur acte du 26 septembre 2023 remplit les conditions de délai, de forme et de motivation du recours, il se justifie de convertir leur acte d'appel en recours, lequel est recevable.

1.2 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Les recourants invoquent nouvellement deux faits nouveaux : ils reprochent à leur ex-conseil d'avoir pris une garantie pour ses honoraires sous la forme d'une cédule hypothécaire de 150'000 fr. sur leur bien immobilier, se procurant ainsi un avantage indu et inapproprié et font valoir que l'identité de l'adjudicateur de leur bien immobilier ne leur a été communiquée par l'Office qu'en date du 31 août 2023.

2.1 Selon l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

2.2 En l'espèce, les recourants ne produisent pas de pièces nouvelles, mais se prévalent des deux faits nouveaux sus évoqués, qui ne ressortent pas de la procédure de première instance. Par conséquent, leurs allégués nouveaux ne seront pas pris en considération.

3.             Les recourants reprochent à l'Autorité de première instance d'avoir violé leur droit à un procès équitable, en omettant d'examiner les irrégularités des procédures en réalisation de gage et leurs difficultés à accéder à des documents pertinents de l'Office des poursuites. Ils ont été privés de la possibilité de défendre leur droit de propriété antérieur. Ils demandent le réexamen de leur droit à porter plainte, en raison des obstacles rencontrés pour obtenir les informations nécessaires. Ils invoquent "la violation présumée de l'indépendance de [leur ex-conseil]", au sens de l'art. 12 LLCA.

3.1
3.1.1
Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

3.1.2 Selon l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

3.1.3 Selon l'art. 229 al. 1 CO, le contrat de vente en cas d’enchères forcées est conclu par l’adjudication que le préposé aux enchères fait de la chose mise en vente.

Selon l'art. 230 CO, les enchères dont le résultat a été altéré par des manœuvres illicites ou contraires aux mœurs peuvent être attaquées, dans les dix jours, par tout intéressé (al. 1). Dans les enchères forcées, l’action est portée devant l’autorité de surveillance en matière de poursuites et de faillite; dans les autres cas, devant le juge (al. 2).

3.1.4 Selon l'art. 132a LP, la réalisation ne peut être attaquée que par le biais d’une plainte contre l’adjudication (al. 1). Le délai de plainte prévu à l’art. 17 al. 2 LP court dès que le plaignant a eu connaissance de l’acte attaqué et pouvait connaître le motif de la contestation (al. 2).

Sauf dans les cas où la loi prescrit la voie judiciaire, il peut être porté plainte à l’autorité de surveillance lorsqu’une mesure de l’office est contraire à la loi ou ne paraît pas justifiée en fait (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (al. 2).

3.1.5 Selon l'art. 12 let. c LLCA, l’avocat évite tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé.

3.1.6 Celui qui estime que sa prétention relève d'un cas clair peut agir par la voie de la procédure sommaire pour faire reconnaître son droit (art. 248 let. b CPC). La protection dans les cas clairs est soumise aux conditions suivantes : l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé, et la situation juridique est claire (art. 257 al. 1 let. a et b CPC).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine ("voller Beweis") des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ("Glaubhaftmachen") ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes ("substanziiert und schlüssig"), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est par conséquent irrecevable
(ATF 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.2, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2 non publié in ATF 138 III 620).

3.1.7 Selon l'art. 641 al. 1 et 2 CC, le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement dans les limites de la loi et il peut la revendiquer contre quiconque la détient sans droit et repousser toute usurpation.

Cette disposition donne au propriétaire le moyen de défendre son droit par l'action en revendication pour obtenir la restitution de l'objet (Steinauer, Les droits réels, vol. I, 6ème éd. 2019, n° 1397). Le propriétaire peut ainsi demander l'évacuation de son immeuble. La restitution sera toutefois pas ordonnée si le défendeur prouve qu'il a le droit de posséder l'objet, soit en vertu d’un droit réel limité (droit de gage, usufruit), soit en vertu d'un droit personnel (découlant, par exemple, d'un bail ou d'un prêt) (Steinauer, op. cit., n° 1407).

3.2 En l'espèce, le bien immobilier en cause a été vendu dans le cadre d'enchères forcées, de sorte que le contrat de vente a été conclu par l'adjudication, intervenue le 13 décembre 2022. Les irrégularités des procédures en réalisation de gage immobilier invoquées par les recourants à l'encontre de l'Office des poursuites et leurs reproches dirigés contre leur ex-conseil, sur la base de l'art. 12 let. c LLCA, pouvaient faire l'objet d'une plainte à l'autorité de surveillance en matière de poursuites et faillite (art. 230 al. 2 CO et
art. 132a LP), dans les dix jours de la connaissance, par les recourants, de l’adjudication et de l'identité de l'adjudicataire (art. 17 al. 2 et 132a al. 2 LP).

Or, faute pour les recourants d'avoir remis en cause la régularité de l'adjudication par la voie de la plainte à l'autorité de surveillance en matière de poursuite et faillite, il apparaît que la vente aux enchères forcées est a priori valable et que l'adjudicataire a acquis la propriété du bien immobilier en cause.

L'adjudicataire pourra ainsi prouver sa qualité de propriétaire par la production de l'adjudication et le Tribunal n'entrera pas en matière sur les irrégularités pointées par les recourants, lesquelles ressortissent exclusivement à la voie de la plainte, et non pas à la procédure de revendication.

Il s'ensuit que l'adjudicataire est a priori fondé à revendiquer le bien immobilier acquis aux enchères forcées et à solliciter l'évacuation des recourants au moyen de la force publique, le cas échéant, dès lors que ceux-ci ne se prévalent d'aucun droit réel limité ou personnel qui les autoriseraient à demeurer dans l'appartement en cause.

C'est, par conséquent, à tort que les recourants se plaignent d'avoir été privés d'un procès équitable, puisqu'ils ont eux-mêmes omis d'agir selon la voie de droit appropriée.

C'est, dès lors, avec raison que la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la demande d'assistance juridique puisque les chances de succès des recourants dans le cadre de leur défense à l'action en cas clair et en revendication apparaissent particulièrement faibles.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ et B______ contre la décision rendue le 12 septembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/2291/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ et B______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ et à B______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La vice-présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.