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Décisions | Assistance juridique

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AC/1222/2023

DAAJ/105/2023 du 03.10.2023 sur AJC/3269/2023 ( AJC ) , RENVOYE

Normes : CPC.117
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1222/2023 DAAJ/105/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 3 OCTOBRE 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______,

représenté par Me B______, avocat,

 

contre la décision du 27 juin 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 


EN FAIT

A.           a. En mars 2006, A______ (ci-après : le recourant) et son épouse ont pris à bail un logement de quatre pièces situé au 7ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] C______ [GE], propriété de la FONDATION D______ (ci-après : la bailleresse).

b. Les époux se sont séparés à une date indéterminée, le recourant demeurant dans le domicile conjugal tandis que son épouse a emménagé dans un autre logement.

c. Par jugement du 12 juin 2008, le Tribunal de première instance, statuant sur requête commune, a prononcé le divorce des époux A______ [nom de famille], étant précisé que le jugement ne se prononce pas sur la question du bail relatif à l'ancien domicile conjugal.

d. Par avis officiel du 28 mars 2023, la bailleresse a résilié le bail susmentionné pour le 31 mai 2023, indiquant qu'elle agissait "conformément aux termes de [son] courrier du 15 mars 2023, en raison de nouvelles plaintes et de faits graves avérés à l'encontre de [sa] propriété". Un courrier d'accompagnement informait également le recourant du fait qu'une plainte pénale avait été déposée à son encontre pour dommage à la propriété.

Par avis officiel du même jour, la bailleresse a également résilié le bail pour le 31 décembre 2023, indiquant qu'il s'agissait "[d'une] non-reconduction du contrat de bail à loyer à son échéance [et qu'une] résiliation extraordinaire [lui était] également envoyée conformément aux termes de [son] courrier du 15 mars 2023".

Les deux congés ont été notifiés exclusivement au recourant.

e. Par acte expédié le 1er mai 2023 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (CCBL), le recourant, agissant par l'intermédiaire de l'ASLOCA, a contesté les deux résiliations de bail susmentionnées et sollicité une prolongation de bail.

Il a indiqué vivre seul, depuis le divorce prononcé en 2008, dans le logement qui faisait l'objet du bail, tout en précisant que le jugement de divorce n'avait pas statué sur l'attribution de ce logement en faveur de l'un ou l'autre des époux. Il a en outre contesté les reproches formulés par la bailleresse.

B.            a. Dans l'intervalle, le 21 avril 2023, le recourant a sollicité l'assistance juridique pour agir en contestation des deux congés mentionnés ci-dessus.

A l'appui de sa requête, le recourant, soit pour lui B______, mandataire professionnellement qualifié de l'ASLOCA, a fait valoir qu'il était nécessaire de contester les deux congés (ce que le premier nommé peinait à comprendre) et qu'il fallait possiblement attraire l'ex-épouse (du fait que la titularité du bail n'avait possiblement pas été modifiée par le jugement de divorce). Par ailleurs, le recourant ne parlait pas très bien le français et se sentait perdu face à la résiliation de son bail.

b. Invité à communiquer une copie du courrier de la bailleresse du 15 mars 2023, le recourant a indiqué, par pli adressé au greffe de l'Assistance juridique le 6 juin 2023, qu'il n'avait jamais reçu cette missive et qu'il contestait en tous les cas les reproches formulés à son égard.

C.           Par décision du 27 juin 2023, notifiée le 30 du même mois, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que l'assistance d'un avocat n'était pas nécessaire dans le cadre de la procédure susmentionnée.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte déposé le 5 juillet 2023 au greffe de la Cour de justice. Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique pour la procédure susvisée, sous la forme de la nomination d'office de B______, mandataire professionnellement qualifié de l'ASLOCA.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

c. Par avis du 7 juillet 2023, le recourant a été avisé de ce que la cause était gardée à juger.

d. Le recourant s'est encore déterminé spontanément le 12 septembre 2023 et a produit des pièces nouvelles.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès du président de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

La détermination spontanée du recourant du 12 septembre 2023 ainsi que les documents qui l'accompagnent sont en revanche irrecevables.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).


 

2. 2.1.
2.1.1.
Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Outre la présence d'une cause non dénuée de chances de succès et de l'indigence, la fourniture d'un conseil juridique rémunéré par l'Etat suppose la nécessité de l'assistance par un professionnel (ATF 141 III 560 consid. 3.2.1).

D'après la jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à l'indigent lorsque sa situation juridique est susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts de l'intéressé, il faut en sus que l'affaire présente des difficultés de fait ou de droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent surmonter seuls (ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les arrêts cités). Le point décisif est toujours de savoir si la désignation d'un avocat d'office est objectivement nécessaire dans le cas d'espèce. A cet égard, il faut tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, de la complexité des questions de fait et de droit, des particularités que présentent les règles de procédure applicables, des connaissances juridiques du requérant ou de son représentant, de la personnalité du requérant, du fait que la partie adverse est assistée d'un avocat, et de la portée qu'a pour le requérant la décision à prendre, avec une certaine réserve lorsque sont en cause principalement ses intérêts financiers (ATF 128 I 225 consid. 2.5.2; 123 I 145 consid. 2b/cc; 122 I 49 consid. 2c/bb; ATF 122 I 275 consid. 3a et les arrêts cités). La nature de la procédure, qu'elle soit ordinaire ou sommaire, unilatérale ou contradictoire, régie par la maxime d'office ou la maxime des débats, et la phase de la procédure dans laquelle intervient la requête, ne sont pas à elles seules décisives (ATF 125 V 32 consid. 4b et les arrêts cités).

Un défenseur d'office peut aussi être désigné pour la procédure de conciliation selon les art. 197 ss. CPC, si le litige le justifie. Les critères sont cependant appliqués plus strictement, les circonstances du cas concret demeurant déterminantes à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 4A_384/2015 du 24 septembre 2015 consid. 4 et les références citées). Compte tenu du caractère informel et simple de la procédure de conciliation et de l'admissibilité des requêtes très succinctes, la maxime inquisitoire sociale s'applique par analogie devant l'autorité paritaire de conciliation (LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, p. 152). Selon l'art. 201 al. 2 CPC, les autorités paritaires de conciliation donnent des conseils juridiques aux parties, notamment dans les litiges relatifs aux baux à loyer d'habitations (par renvoi à l'art. 200 CPC).

L'autorité de conciliation peut soumettre aux parties une proposition de jugement dans les litiges relatifs aux baux et loyers, en ce qui concerne la protection contre les congés ou la prolongation du bail à loyer (art. 210 al. 1 let. b CPC). La proposition de jugement est acceptée et déploie les effets d’une décision entrée en force lorsqu’aucune des parties ne s’y oppose dans un délai de 20 jours à compter du jour où elle a été communiquée par écrit aux parties; l’opposition ne doit pas être motivée (art. 211 al. 1 CPC).

2.1.2 Le congé donné par un bailleur à une pluralité de locataires doit être communiqué à l'ensemble d'entre eux, à peine de nullité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_189/2009 du 13 juillet 2009 consid. 2.1).

Il est admissible de notifier au locataire une résiliation subsidiaire pour le prochain terme ordinaire, appelée à déployer ses effets pour le cas où le premier congé fondé sur un motif extraordinaire ne serait pas valable. Il faut toutefois manifester clairement la volonté d'exercer un tel droit formateur à titre subsidiaire (ATF 137 III 389 consid 8.4.2).

En matière d'action en annulation du congé, au regard du but de protection sociale poursuivi, particulièrement aigu lorsqu'un local d'habitation est en jeu (LÜSCHER/KINZER, note in Cahiers du bail, 2006 p. 119), il faut reconnaître au colocataire le droit d'agir seul en annulation du congé, mais vu le caractère formateur de l’action en annulation du congé, qui implique que le bail soit maintenu ou résilié envers toutes les parties, le demandeur doit assigner aux côtés du bailleur le ou les colocataires qui n'entendent pas s'opposer au congé, sous peine de se voir dénier la qualité pour agir (ATF 140 III 598 consid. 3.2).

2.2. En l'occurrence, la situation juridique semble a priori suffisamment complexe (notification de deux résiliations de bail avec des motifs et des échéances différents, situation peu claire concernant l'éventuelle co-titularité du bail de l'ex-épouse du recourant) pour justifier exceptionnellement la présence d'un mandataire professionnel, déjà au stade de la contestation des congés et de la procédure de conciliation qui en découle.

Au vu du caractère technique et juridique du litige dans le cas d'espèce, l'assistance d'un mandataire professionnel apparaît en effet nécessaire pour permettre au recourant de défendre utilement ses intérêts et son point de vue.

Partant, le recours sera admis. La décision querellée sera annulée et la cause renvoyée à l'autorité de première instance pour nouvelle décision, après examen de la condition d'indigence et des chances de succès.

3. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 27 juin 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/1222/2023.

Au fond :

Annule la décision entreprise.

Cela fait :

Renvoie la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.