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Décisions | Assistance juridique

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AC/3475/2022

DAAJ/60/2023 du 12.06.2023 sur AJC/1287/2023 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3475/2022 DAAJ/60/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DECISION DU LUNDI 12 JUIN 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______,

 

contre la décision du 7 mars 2023 de la vice-présidence du Tribunal de première instance.

 


EN FAIT

A.           a. Le 27 octobre 2020, alors qu'il circulait au volant de son véhicule automobile, B______ a percuté A______ (ci-après : la recourante), piétonne. La recourante a subi, du fait de l'impact, de nombreuses lésions, dont une fracture de l'anneau pelvien, des quatre branches au niveau du sacrum, de sa jambe gauche, du nez et de la cinquième côte.

b. La recourante a déposé plainte pénale pour ces faits le 18 décembre 2020, instruite sous la cause P/1______/2020.

Elle a fait valoir alors qu'elle traversait la route en face de la piscine du Grand-Lancy, que la route était peu fréquentée à ce moment et qu'elle n'avait vu aucune voiture arriver en sa direction, avoir été violemment heurtée par un véhicule. Elle avait perdu connaissance et s'était réveillée à l'hôpital, victime de multiples fractures.

c. Le Ministère public a rendu une ordonnance de classement le 15 mars 2022, considérant que les éléments constitutifs de lésions corporelles par négligence n'étaient pas réunis, dès lors qu'aucune violation du devoir de prudence ne pouvait être reproché à B______, lequel conduisait, aux dires des différentes personnes entendues, à la vitesse prescrite en respectant les phases lumineuses des feux de circulation. Le lien de causalité adéquate entre les actes du conducteur et les blessures infligées à la recourante avait été rompu par le comportement de cette dernière, qui avait traversé au niveau d'un passage pour piétons dont la signalisation lumineuse était au rouge pour ceux-ci, lequel constituait un évènement imprévisible gravement fautif qui s'imposait comme la seule cause de l'accident.

d. Par arrêt du 26 avril 2022, la Chambre pénale de recours a rejeté le recours interjeté par la recourante contre l'ordonnance de classement précitée, considérant, notamment, que son comportement – soit le fait de s'être engagée sur le passage piéton alors que la signalisation était au rouge et sans porter attention aux véhicules qui circulaient, du fait notamment qu'elle écoutait de la musique avec ses écouteurs sur les oreilles – était non seulement fautif, mais également imprévisible et prépondérant, de telle manière qu'il semblait s'imposer comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'évènement considéré.

e. Par arrêt du 7 juillet 2022, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté par la recourante à l'encontre de l'arrêt du 26 avril 2022.

f. En parallèle, par décision du 26 août 2022, le Procureur général a refusé d'entrer en matière sur la plainte déposée par la recourante à l'encontre du procureur C______, chargé de l'instruction de la procédure P/1______/2020, considérant qu'il ne pouvait lui être reproché aucune infraction, l'instruction pénale ayant été correctement menée, et que la recourante était dûment assistée par un conseil juridique, tant au stade de l'instruction, que dans le cadre de son recours.

g. Par acte déposé en conciliation le 24 novembre 2022 par-devant le Tribunal de première instance, la recourante, agissant en personne, a assigné B______ en paiement d'une somme globale de 100'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral et remboursement de ses frais médicaux et frais judiciaires. Elle y a exposé les différentes étapes de l'instruction menée par le Ministère public, reprochant notamment à ce dernier d'avoir déformé ses déclarations et refusé d'ordonner une expertise. Elle a allégué, en substance, se souvenir qu'elle n'avait pas traversé la route au moment de l'accident et ne pas avoir été inattentive, que B______ roulait au-dessus de la vitesse autorisée, qu'il l'avait percutée en montant sur le trottoir alors qu'elle attendait de pouvoir traverser sur le passage piéton. Elle a contesté tenir son téléphone à la main, contrairement à ce qu'avait déclaré un des témoins, précisant qu'à la distance où il se trouvait, ce témoin ne pouvait pas voir ce qu'elle tenait ou non à la main, surtout en conduisant, ce que lui avait confirmé un ophtalmologue. Elle sollicitait une expertise à ce sujet. Elle a produit, à l'appui, des extraits de la procédure pénale et des rapports de police annotés par ses soins, ainsi que ses propres clichés du lieu de l'accident. S'agissant de son dommage, elle a indiqué souffrir en permanence de douleurs physiques, psychiques et émotionnelles, notamment de douleurs nerveuses chroniques, de troubles du sommeil, de dépression, d'angoisses et de limitations physiques l'empêchant par exemple de courir ou de monter sur une chaise. Elle a produit à cet égard, divers documents médicaux, dont un certificat médical du 22 mai 2022 attestant d'une "atteinte somatique grave suite à un accident de la voie publique avec séquelles physiques avec des douleurs invalidantes et psychologiques présentes à ce jour".

h. Le 28 novembre 2022, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour l'action en responsabilité civile susmentionnée (C/2______/2022).

B.            Par décision du 7 mars 2023, reçue par la recourante le 14 du même mois, la vice-présidence du Tribunal de première instance a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que les chances de succès de la cause de la recourante apparaissaient très faibles.

Aucun témoin n'avait indiqué avoir vu le véhicule de B______ dévier de sa trajectoire et monter sur le trottoir. Eu égard aux clichés pris sur le lieu de l'accident, notamment ceux du véhicule, impacté sur le côté avant droit, au niveau des feux avant, il apparaissait vraisemblable que le choc ait été latéral et non frontal, laissant ainsi supposer que la recourante s'est avancée sur la chaussée alors que le véhicule était déjà à sa hauteur. De même, le croquis établi par la police indiquait un point d'impact sur la chaussée, non sur le trottoir. Aussi à la lumière des éléments factuels susmentionnés
– résultant des pièces produites par la recourante elle-même à l'appui de son action civile –, force était de constater que la thèse selon laquelle la recourante s'était élancée imprudemment et de façon imprévisible sur la chaussée, apparaissait comme hautement vraisemblable, ce qui constituait, selon la jurisprudence, une faute grave susceptible d'exclure toute responsabilité du conducteur, ce même si elle s'était engagée sur un passage pour piétons. Le recourante ne rendait en outre pas vraisemblable que le conducteur ne serait pas en mesure de démontrer qu'il n'avait lui-même commis aucune faute malgré son acquittement au pénal, se contentant d'alléguer, sans éléments à l'appui, que celui-ci circulait au-dessus de la vitesse autorisée, alors même que deux témoins avaient indiqué le contraire. Certes, le juge civil n'était pas lié par le classement prononcé au pénal, ni par l'appréciation des faits réalisée par le Ministère public ou la juridiction de recours, il n'en demeurait pas moins libre d'utiliser les déclarations et moyens de preuve obtenus dans le cadre de cette procédure, d'autant que la recourante ne proposait, à l'appui de son action civile, aucun moyen de preuve susceptible d'appuyer la thèse selon laquelle elle aurait été percutée sur le trottoir, ni a fortiori, de remettre en cause les conclusions du rapport de police ou les versions concordantes du prévenu et des témoins, lesquels maintiendront vraisemblablement leur version des faits s'ils venaient à être réinterrogés par le juge civil.

C.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 21 mars 2023 à la présidence de la Cour de justice. Dans son acte de recours, la recourante fait valoir que la décision du procureur ne permettait pas de présumer de l'échec de l'action en responsabilité civile. Elle a ensuite répété sa version des faits, à savoir notamment que la voiture l'avait percutée sur le trottoir et que le conducteur dépassait la limite de vitesse autorisée, reprochant au procureur de n'avoir pas fait correctement son travail. Elle a également indiqué n'avoir jamais reçu de lettre du Ministère public concernant la décision de classer son dossier et que le Tribunal civil n'était pas lié par la décision des autorités pénales.

b. La vice-présidence du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, même si elle n'y conclut pas formellement, on comprend que la recourante, agissant en personne, sollicite l'annulation de la décision entreprise et le bénéfice de l'assistance juridique. Le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

L'obligation de motiver le recours suppose une critique des points de la décision tenus pour contraires au droit. Le recourant doit donc énoncer de manière précise les griefs qu'il adresse à la décision de première instance et démontrer en quoi un point de fait a été établi de façon manifestement inexacte. Il doit décrire l'élément de fait taxé d'arbitraire, se référer aux pièces du dossier de première instance (art. 326 al. 1 CPC) qui contredisent l'état de fait retenu et, enfin, démontrer que l'instance inférieure s'est manifestement trompée sur le sens et la portée d'une preuve ou, encore, en a tiré des constatations insoutenables (DAAJ/139/2016 consid. 1.2).

2.             2.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

2.2. En l'espèce, le seul reproche formulé par la recourante à l'encontre de la décision querellée semble être qu'elle considère que le premier juge aurait fondé à tort sa décision sur l'issue des procédures pénales. Or, tel n'est pas le cas. Il a en effet expressément relevé qu'il n'était pas lié par la procédure pénale mais que force était de constater que les éléments au dossier provenant de la procédure pénale rendaient hautement vraisemblable que la recourante s'était engagée sur la route et qu'elle n'avait pas, comme elle l'alléguait, été heurtée sur le trottoir. Pour le surplus, la recourante se limite à faire valoir sa propre version des faits, à savoir qu'elle aurait été percutée sur le trottoir, sans indiquer en quoi le premier juge aurait eu tort de tenir pour vraisemblable que l'accident s'était produit sur la route. Elle ne remet pas en cause la décision querellée en tant qu'elle se fonde notamment sur des photographies et le plan établi par la police lors de l'accident, dont elle ne conteste pas l'exactitude, et qui tendent à démontrer que l'accident s'était produit sur la chaussée. On relèvera encore que la première déclaration de la recourante, dans la plainte pénale qu'elle a déposée quelques jours après l'accident, était qu'elle avait traversé la route après s'être assurée qu'il n'y avait aucun véhicule. La nouvelle version qu'elle donne aujourd'hui des faits, à savoir qu'elle ne traversait pas la route mais que la voiture l'avait heurtée sur le trottoir, semble peu vraisemblable.

Compte tenu de ce qui précède, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la cause de la recourante n'avait que très peu de chance de succès.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 21 mars 2023 par A______ contre la décision rendue le 7 mars 2023 par la vice-présidence du Tribunal de première instance dans la cause AC/3475/2022.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La vice-présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.