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Décisions | Assistance juridique

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AC/3785/2022

DAAJ/32/2023 du 28.03.2023 sur AJC/73/2023 ( AJC ) , RENVOYE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3785/2022 DAAJ/32/2023

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MARDI 28 MARS 2023

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______,

représentée par Me Alexandre ALIMI, avocat, rue du Cendrier 12-14, case postale 1207, 1211 Genève 1,

 

contre la décision du 5 janvier 2023 de la vice-présidente du Tribunal de première instance.

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : la recourante) a épousé B______ le ______ 2018. Le couple n'a pas eu d'enfant.

b. L'époux de la recourante a quitté le domicile conjugal le 21 décembre 2022.

B.            Le 29 décembre 2022, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour requérir des mesures protectrices de l'union conjugale à l'encontre de son conjoint. Elle a exposé avoir déposé le jour même, en urgence, une requête assortie de mesures superprovisionnelles dès lors que son époux l'avait abandonnée sans aucune aide et qu'elle ne disposait que d'un salaire mensuel brut de 736 fr. et de maigres économies pour subvenir à ses besoins.

Dans sa demande sur mesures protectrices de l'union conjugale, annexée à la requête d'assistance juridique, la recourante a conclu à titre superprovisionnelles, à ce que le domicile conjugal lui soit attribué, à ce qu'il soit ordonné à son époux de lui restituer les clés du domicile conjugal, à ce qu'elle-même soit autorisée à récupérer ses effets personnels se trouvant au nouveau domicile de son époux (ancienne résidence secondaire) et à ce que ce dernier soit condamné à lui verser une contribution à son entretien de 4'494 fr. par mois dès le 1er décembre 2022. Elle a notamment fait valoir que son époux était revenu au domicile conjugal en son absence pour fouiller dans ses affaires le week-end du 23-24 décembre 2022.

Il résulte des pièces que la recourante a produites à l'appui de sa demande d'assistance juridique que son compte bancaire présentait un solde de 4'540 fr. au 20 décembre 2022.

C.           Par décision du 17 janvier 2023, reçue par la recourante le 20 du même mois, la vice-présidente du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que l'assistance d'un avocat pour la procédure envisagée n'était pas nécessaire.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte déposé le 26 janvier 2023 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique pour la procédure envisagée, avec suite de frais judiciaires et dépens.

b. La vice-présidente du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance – à savoir qu'elle ne parle pas le français, qu'elle n'est pas coutumière des rapports avec l'administration, qu'elle a eu des difficultés à réunir les documents nécessaires à la demande et que son époux est désormais représenté par un avocat – ne seront pas pris en considération.

3.             3.1.
3.1.1
Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Outre la présence d'une cause non dénuée de chances de succès et de l'indigence, la fourniture d'un conseil juridique rémunéré par l'Etat suppose la nécessité de l'assistance par un professionnel (ATF 141 III 560 consid. 3.2.1).

D'après la jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à l'indigent lorsque sa situation juridique est susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts de l'intéressé, il faut en sus que l'affaire présente des difficultés de fait ou de droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent surmonter seuls (ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les arrêts cités). Le point décisif est toujours de savoir si la désignation d'un avocat d'office est objectivement nécessaire dans le cas d'espèce. A cet égard, il faut tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, de la complexité des questions de fait et de droit, des particularités que présentent les règles de procédure applicables, des connaissances juridiques du requérant ou de son représentant, de la personnalité du requérant, du fait que la partie adverse est assistée d'un avocat, et de la portée qu'a pour le requérant la décision à prendre, avec une certaine réserve lorsque sont en cause principalement ses intérêts financiers (ATF 128 I 225 consid. 2.5.2; 123 I 145 consid. 2b/cc; 122 I 49 consid. 2c/bb; 122 I 275 consid. 3a et les arrêts cités).

La nature de la procédure est sans importance (ATF 130 I 180 consid. 2.2) et le droit à la désignation d'un défenseur n'est pas exclu par principe lorsque la maxime d'office s'applique (ATF 125 V 32 consid. 4b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_242/2018 précité consid. 2.2; 5A_706/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.2; 5A_244/2014 du 25 juin 2014 consid. 4.2.1). Dans une telle hypothèse, il se justifie néanmoins de se montrer strict dans l'examen des conditions auxquelles une telle désignation est subordonnée (ATF 125 V 32 consid. 4b et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 5A_242/2018 précité consid. 2.2; 5A_706/2016 précité consid. 2.2).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5)

3.1.2 La procédure qui régit les mesures protectrices de l'union conjugale (procédure sommaire; art. 271 let. a CPC) est simple et peu formaliste : une lettre mentionnant les parties, l'objet du litige et les conclusions de la partie requérante est suffisante; il n'est pas nécessaire de présenter des allégués par numéros d'ordre, avec l'indication des moyens de preuve, ni même d'exposer une motivation juridique (arrêts du Tribunal fédéral 5A_706/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.2).

La maxime inquisitoire sociale prévue à l'art. 272 CPC - applicable à cette procédure - doit permettre aux parties de procéder sans l'assistance d'un avocat et d'éviter les frais relatifs à l'intervention d'un homme de loi. Certes, le Tribunal fédéral considère que, même dans les litiges régis par la maxime précitée, le recours à un avocat d'office peut se révéler nécessaire; mais il faut alors que la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances tenant à la personne du requérant ou l'importance des intérêts en jeu l'exigent (arrêt du Tribunal fédéral 5A_706/2016 du 6 mars 2017 consid. 2.2 et les références citées).

3.2 En l'espèce, dans la mesure où le mariage de la recourante a été de courte durée et qu'aucun enfant n'en est issu, la vice-présidente du Tribunal civil pouvait considérer, sans violer le droit, que la cause ne présentait pas de difficultés particulières et que l'assistance d'un avocat n'était pas nécessaire. Il appert, en effet, que la recourante, bien que non familière avec la pratique judiciaire, peut se faire assister par des juristes et autres membres des organismes sociaux, non-inscrits au barreau, dans le cadre de cette procédure simple, rapide et non formaliste, notamment pour l'obtention de documents auprès de l'administration et la rédaction des actes judiciaires. En outre, le simple fait, invoqué pour la première fois au stade du recours et donc irrecevable (cf. ch. 2 supra), que la recourante ne maîtrise pas le français ne serait de toute manière pas déterminant, dans la mesure où l'avocat n'a pas pour mission de pallier les lacunes linguistiques de la recourante, mais a pour rôle de la conseiller et de défendre juridiquement ses intérêts. Si la recourante n'est pas en mesure de s'exprimer en français devant le Tribunal, elle pourra solliciter la présence d'un interprète.

La recourante fait valoir que le recours à l'aide d'un organisme non professionnel n'était pas possible compte tenu de l'urgence de sa situation, la séparation était intervenue durant les fêtes de fin d'année, période durant laquelle les organismes n'étaient que peu ou pas disponible. L'urgence plaidée par la recourante n'est toutefois pas rendue vraisemblable. En effet, la recourante n'était séparée de son époux que depuis une semaine, celui-ci avait déménagé pour lui laisser la jouissance du domicile conjugal et il avait d'ores et déjà fouillé dans ses affaires en son absence, si bien qu'il était peu vraisemblable qu'il récidive. La recourante possédait en outre des économies de 4'500 fr. lui permettant de subvenir à ses besoins pendant quelques jours. Il était donc possible à la recourante d'attendre la fin des fêtes afin de se faire aider par une organisation non professionnelle dès les premiers jours du mois de janvier.

Compte tenu des faits portés à la connaissance de l'autorité de première instance, c'est à juste titre qu'elle a considéré que la désignation d'un avocat rémunéré par l'Etat ne se justifiait pas dans le cas d'espèce.

L'Autorité de première instance a cependant omis d'examiner si la situation financière de la recourante lui permettait de prendre en charge les frais judiciaires de la procédure envisagée.

La décision litigieuse sera dès lors annulée et la cause renvoyée au premier juge, afin qu'il détermine si la recourante remplit les conditions d'octroi d'une assistance juridique partielle limitée aux frais de justice de première instance et si, cas échéant, le versement d'une contribution mensuelle peut être exigé. En effet, contrairement à ce que plaide la recourante la décision querellée n'a pas admis son indigence, cette question n'ayant pas été examinée.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Par ailleurs, aucune indemnité de dépens ne sera allouée, la recourante succombant sur le principe du droit au bénéfice de l'assistance juridique pour la couverture des frais d'avocat (art. 106 al. 1 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 26 janvier 2023 par A______ contre la décision rendue le 5 janvier 2023 par la vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/3785/2022.

Au fond :

Annule partiellement la décision entreprise.

Renvoie la cause à la Vice-présidente du Tribunal de première instance pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me Alexandre ALIMI (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.