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Décisions | Assistance juridique

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AC/2354/2022

DAAJ/119/2022 du 08.12.2022 sur AJC/4418/2022 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/2354/2022 DAAJ/119/2022

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU JEUDI 8 DECEMBRE 2022

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______, France,

représentée par Me Eve DOLON, avocate, rue Etienne-Dumont 6-8, 1204 Genève,

 

contre la décision du 20 septembre 2022 de la vice-présidente du Tribunal de première instance.

 


EN FAIT

A.           a. Par testament public du 25 avril 2013, feu B______, décédé le ______ 2013, a légué un tableau de C______ intitulé 1______ (ci-après : le tableau) à sa gouvernante, A______ (ci-après : la recourante), et institué pour seule héritière de tous ses biens la D______ (ci-après : la Fondation).

b. Selon une estimation effectuée par l'hôtel des ventes de Genève, la valeur du tableau légué est d'environ 2'000'000 fr.

c. Depuis 2013, ce tableau est entreposé auprès de la société E______ SA à Genève, laquelle s'occupe de sa conservation, les frais d'entreposage étant assumés par la Fondation.

d. Par pli du 26 août 2014, l'Administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a notamment prononcé la mainmise sur le tableau détenu auprès de E______ SA afin d'assurer à l'Etat de Genève le paiement des droits qui lui sont dus sur la succession de feu B______. L'AFC a invité ladite société à ne pas se dessaisir du tableau qu'elle détenait, sans y être dûment autorisée par l'AFC ou par l'Office des faillites dans le cadre de la liquidation.

e. Par bordereau notifié le 9 octobre 2020, l'AFC a informé l'Hoirie de feu B______ qu'un solde de 1'282'979 fr. 15 lui était dû à titre d'impôts sur les droits de succession, étant précisé que la Fondation était exonérée fiscalement.

f. Par courrier du 14 août 2020, la recourante, par le biais de son ancien conseil, a requis de la Fondation la délivrance du tableau.

g. Dans sa réponse du 19 août 2020, la Fondation a relevé que, comme la recourante n’était pas en mesure de s’acquitter auprès de l’AFC des droits de succession relatifs au tableau légué, le paiement de l’impôt ne pouvait intervenir sans la vente préalable dudit tableau. La Fondation considérait qu’elle devait être partie au contrat de vente, dès lors qu’elle était débitrice solidaire des droits de succession et qu’elle disposait d’une créance en remboursement à l’encontre de la recourante pour les frais d’entreposage du tableau.

h. Par courrier du 3 novembre 2020, la Fondation a réclamé le remboursement d’impenses de 32'757 fr. 39 pour les frais d’entreposage et de déplacement du tableau, invoquant un droit de rétention sur celui-ci à défaut de paiement dans le délai imparti.

i. En parallèle, le 15 novembre 2015, la recourante a formé une demande en paiement à l’encontre de la Fondation par-devant le Tribunal des Prud’hommes, portant sur une somme de 47'001 fr., plus intérêts.

j. Le 15 décembre 2020, la recourante, représentée par son conseil de l’époque, et la Fondation ont signé une convention d’accord qui exposait, à titre liminaire, que la recourante était légataire de la succession de feu B______ et la Fondation héritière universelle, que le 15 novembre 2015, la recourante avait réclamé 47'001 fr. à cette dernière dans une action prud’homale et que la Fondation disposait d’une créance au titre de frais d’entreposage, de déplacement et d’assurance du tableau légué, d’un montant de 32'757 fr. 39 au 15 décembre 2020. « [A] la suite de pourparlers, par gain de paix et dans le but d’aboutir à une solution satisfaisante, les parties [étaient] parvenues à un accord complet permettant de mettre un terme définitif au litige qui les oppos[ai]t ».

Elles ont ainsi convenu que la Fondation s’engageait à payer à la recourante le montant en capital de 23'000 fr. pour solde de tout compte et de toute prétention (art. 1 de la convention du 15 décembre 2020), que le paiement de cette somme interviendrait par compensation des frais d’entreposage, d’assurance et de déplacement du tableau, qui étaient à la charge de la recourante, que le solde de ces frais serait payé directement par la maison de vente à la Fondation (art. 2), et que la recourante s’engageait à retirer irrévocablement la demande en paiement formée par-devant le Tribunal des Prud’hommes dans un délai de trois jours (art. 3).

L’art. 4 de la convention du 15 décembre 2020 prévoyait en sus que la Fondation reconnaissait que la recourante était créancière d'un legs constitué par le tableau. Le legs serait délivré par la Fondation, dès l'obtention du certificat d'héritier de feu B______, homologué par la Justice de paix de Genève et moyennant la levée de la mainmise qui était prononcée par l'AFC. Une convention de vente du tableau serait conclue entre la maison de vente, la Fondation et la recourante (et si nécessaire l'AFC). Elle serait soumise pour approbation à l'AFC.

Enfin, l’art. 5 de la convention du 15 décembre 2020 stipulait que moyennant bonne et fidèle exécution de ladite convention, les parties déclaraient n’avoir plus aucune prétention à faire valoir l’une envers l’autre. Elles déclaraient que leur litige était entièrement et définitivement résolu et renonçaient à faire valoir toute autre prétention qu’elles pourraient avoir l’une contre l’autre.

k. Un projet de mandat de vente a été adressé par la Fondation à la recourante au mois d'octobre 2021, que cette dernière a refusé de signer.

l. Par courrier de son nouveau conseil du 8 novembre 2021, la recourante a notamment mis la Fondation en demeure de lui délivrer immédiatement son legs. Cette dernière ne pouvait refuser de prester sous prétexte qu'une provision pour impôts ne lui avait pas été versée. En effet, l'AFC avait une mainmise sur le tableau, de sorte qu'il ne pouvait pas être sorti des locaux de E______ SA tant que le montant des impôts n'avait pas été versé.

m. Dans sa réponse du 10 novembre 2021, la Fondation s'est notamment prévalue de la convention signée par les parties le 15 décembre 2020, qui prévoyait que le legs ne serait délivré qu'à la condition, notamment, que la mainmise prononcée par l'AFC fût levée. La Fondation a souligné le caractère urgent de la vente du tableau afin d'éviter une accumulation des intérêts dus à l'administration fiscale et au motif que, la taxation ayant été confirmée, la recourante disposait d'un délai de trente jours pour s'acquitter des impôts dus. Dès lors qu'elle était propriétaire du tableau et responsable solidaire du paiement des droits de succession, elle n'avait pas d'autre choix que de procéder à la mise en vente aux enchères du tableau, ce qu'elle envisageait de faire par l'intermédiaire de la maison F______, laquelle avait été préalablement choisie par la recourante. Ainsi, un contrat de mandat conclu avec F______ serait prochainement soumis à la recourante afin qu'elle puisse, cas échéant, le signer.

n. Par pli du 16 novembre 2021, la recourante a notamment fait interdiction formelle à la Fondation de procéder à la vente du tableau. Elle a déclaré avoir été dans l’erreur lors de la signature de la convention du 15 décembre 2020. La phrase conditionnant la délivrance du legs à la levée de mainmise de l’AFC avait été insérée dans cette convention alors qu’elle n’avait aucun rapport avec le litige prud’homal qui opposait les parties. La recourante n’avait jamais eu l’intention de renoncer à la délivrance du legs, ce qui ressortait clairement des divers courriers qu’elle avait adressés à la Fondation.

B.            a. Le 2 août 2022, la recourante a déposé une action en délivrance du legs par-devant le Tribunal de première instance, concluant à la condamnation de la Fondation à lui remettre immédiatement le tableau à titre de legs, et au paiement d’intérêts moratoires de 155'000 fr, déduction faite des frais d’entreposage et d’assurance avancés par la Fondation.

S’agissant de la convention du 15 décembre 2020, la recourante soutient que celle-ci a été signée par son ancien conseil, qui l’aurait avisée de l’accord mais ne lui aurait pas fait lire la convention. Elle n’aurait jamais signé elle-même une convention conditionnant la délivrance du tableau à la levée de la mainmise de l’AFC, de sorte que son consentement était vicié par l’erreur. Elle avait d’ailleurs continué à réclamer son legs, ce qui prouvait qu’elle n’aurait jamais consenti à une délivrance tardive de celui-ci.

Par ailleurs, la recourante précise, dans sa demande, que la valeur du tableau est difficile à déterminer dans la mesure où le prix de réserve fixé par les diverses maisons de vente contactées par les parties varie entre 850'000 fr. et 1'500'000 fr.

b. Par décision du 3 août 2022, DTPI/7458/2022 rendue dans la cause C/2______/2021, le Tribunal de première instance a imparti à la recourante un délai afin de s'acquitter d'une avance de frais de 50'000 fr. dans le cadre de son action en délivrance du legs.

c. Le 22 août 2022, la recourante a requis l'obtention de l'assistance juridique pour le paiement de cette avance de frais.

C.           Par décision du 20 septembre 2022, notifiée le 26 septembre 2022, la vice-présidente du Tribunal de première instance a rejeté la requête d'assistance juridique précitée. Si l'action déposée à l'encontre de la Fondation ne semblait, en théorie, pas vouée à l'échec, l’intéressée n'aurait, dans les faits, pas obtenu le résultat escompté, soit la délivrance effective du tableau, au vu de la mainmise prononcée sur ce dernier par l'AFC, étant encore précisé que la Fondation détenait une créance envers la recourante au titre des frais d'entreposage du tableau, créance qu'elle pourrait réclamer à titre reconventionnel dans le cadre de l'action en délivrance du legs. Ainsi, l'engagement de frais par l'Etat, soit la prise en charge de l'avance de frais à hauteur de 50'000 fr., apparaissait disproportionnée et inutile au regard de l'absence de résultat concret que pourrait obtenir la recourante. Une personne avisée plaidant à ses propres frais n'engagerait pas de telles dépenses, faute de chances de succès et de certitude de rentrer dans ses frais.

D.           a. Par acte déposé le 3 octobre 2022 au greffe de la Cour de justice, la recourante recourt contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi de l’assistance juridique aux fins d’avance de frais dans le cadre de l’action en délivrance de legs.

Elle explique qu’elle ne veut pas récupérer physiquement le tableau, mais qu’elle souhaite pouvoir le mettre en vente de gré à gré ou aux enchères, décider de la maison de vente à laquelle elle souhaite le confier, et surtout du prix qu’elle veut en obtenir. A ce jour, la Fondation, qui se prétendait propriétaire du tableau, pouvait décider de la mise en vente de ce dernier aux conditions qu’elle souhaitait. Vu qu’elle n’en était pas la bénéficiaire finale, la Fondation n’avait aucun intérêt à ce que le tableau soit vendu au meilleur prix.

b. La vice-présidente du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

c. Par pli du 6 octobre 2022, la recourante a été informée que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès du président de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             2.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

Si la valeur litigieuse ne constitue pas un critère permettant de juger les perspectives de succès d'un recours, il n'en demeure pas moins qu'elle influence indirectement la décision du plaideur amené à décider s'il introduit action : une personne raisonnable, qui dispose de ressources financières suffisantes, ne se lancera pas dans une procédure lorsqu'elle sait que le montant en jeu ne lui permettra peut-être pas de couvrir les coûts que celle-ci est susceptible d'entraîner (arrêt du Tribunal fédéral 5D_76/2012 du 11 septembre 2012 consid. 4.4 et la référence citée).

2.2. 2.2.1. A teneur de l'art. 484 al. 1 CC, le disposant peut faire, à titre de legs, des libéralités qui n'emportent pas d'institution d'héritier.

A teneur de l'art. 485 al. 2 CC, le débiteur du legs a les droits et les obligations d'un gérant d'affaires pour impenses et détériorations postérieures à l'ouverture de la succession. Le débiteur du legs est en général un héritier, voire un autre légataire. Si le de cujus omet de préciser qui est le débiteur du legs, il s'agit des héritiers, solidairement entre eux (Logoz, La délivrance du legs par l'exécuteur testamentaire, Journée de droit successoral 2017, n. 7 et suivante et 12).

Les légataires ont une action personnelle contre les débiteurs des legs ou, faute de débiteurs spécialement désignés, contre les héritiers légaux ou institués (art. 562 al. 1 CC), au contraire des héritiers qui disposent d'une action réelle. Les légataires n'ont donc qu'une créance tendant à l'exécution de la prestation qui est l'objet du legs. La qualité pour agir appartient aux créanciers du legs. L'action est dirigée contre le ou les débiteur(s) du legs (Steinauer, Le droit des successions, 2ème éd. 2015, n. 1149 et suivantes). Les héritiers qui ne satisfont pas à leurs obligations envers les légataires peuvent être actionnés soit en délivrance des biens légués, soit en dommages-intérêts si le legs consiste dans l'exécution d'un acte quelconque (art. 562 al. 3 CC). Si le legs a pour objet le transfert de la propriété, l'action tend à l'exécution en nature. Si l'exécution de la prestation léguée n'est plus possible par la faute du débiteur, l'action tend au versement de dommages-intérêts (art. 97 al. 1 CO; Steinauer, op. cit., n. 1156).

La créance du légataire est une créance tout à fait ordinaire dont l’objet est déterminé pas le legs lui-même (legs d’un bien mobilier ou immobilier, d’une créance, d’un brevet, etc.) et dont l’exécution dépend des principes généraux du droit des obligations (Sandoz, in Commentaire romand, CC II, 2016, n. 21 ad art.562 CC).

2.2.2. Aux termes de l'art. 32 al. 1 CO, les droits et obligations dérivant d'un contrat fait au nom d'une autre personne par un représentant autorisé passent au représenté (représentation directe). Il s'ensuit que le représentant n'est pas lié par l'acte accompli, les effets passant directement au représenté. Les effets de la représentation ne naissent que si le représentant a manifesté, expressément ou tacitement (cf. art. 32 al. 2 CO), sa volonté d'agir au nom d'autrui.

De manière générale, la manifestation de volonté de celui qui agit au nom d'autrui lie le représenté lorsque le représentant dispose des pouvoirs nécessaires à cet effet, c'est-à-dire est habilité à faire naître des droits et des obligations directement en faveur et à la charge du représenté (art. 32 al. 1 CO; ATF 126 III 59 consid. 1b et les arrêts cités) ou lorsque le représenté ratifie l'acte accompli en son nom (art. 38 CO; ATF 131 III 511 consid. 3.1).

2.2.3. Selon l'art. 23 CO, le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au moment de le conclure, était dans une erreur essentielle.

Il y a erreur lorsqu'une personne, en se faisant une fausse représentation de la situation, manifeste une volonté qui ne correspond pas à celle qu'elle aurait exprimée si elle ne s'était pas trompée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_641/2010 du 23 février 2011 consid. 3.5.1). L'erreur peut consister dans l'ignorance d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 4A_270/2010 du 21 janvier 2011 consid. 5.1).

2.2.4. La transaction extrajudiciaire consiste en un contrat par lequel les parties contractantes éliminent un point litigieux ou une incertitude par la voie d'un compromis. Le point litigieux ou incertain, le caput controversum, qui fait justement l'objet de l'accord, est définitivement réglé par la transaction, de sorte que le recours à l'invalidation pour erreur est exclu. Cela n’exclut toutefois pas le recours à l’erreur de base si la transaction concerne des circonstances que l’une ou les deux parties considèrent comme fondement de l’accord transactionnel (Schmidlin/Campi, in Commentaire romand CO I, 2021, n. 91 et 93 ad art. 23-24 CO).

3. En l’espèce, la recourante invoque son droit à pouvoir disposer du tableau comme elle l’entend afin d’en obtenir le meilleur prix. Elle soutient que la Fondation est en demeure de lui délivrer le legs depuis le 5 mai 2020, de sorte que celui-ci serait exigible dès cette date.

Il est vrai que la délivrance du tableau pourrait permettre à la recourante de disposer de celui-ci sans l’aval de la Fondation. Il résulte toutefois des pièces annexées à l’action en délivrance du legs que la Fondation s’est opposée à ladite délivrance, durant l’année 2020, car, d’une part, elle considérait être débitrice solidaire des droits de succession dus par la recourante et, d’autre part, parce qu’elle disposait d’une créance en remboursement pour les frais de conservation du tableau. Afin de préserver ses intérêts, elle exigeait ainsi d’être partie au contrat de vente du tableau (cf. courrier de la Fondation du 19 août 2020).

Les parties étaient, à la même période, également en litige au sujet de salaires de la recourante restés impayés, la recourante ayant actionné la Fondation à ce sujet auprès du Tribunal des prud’hommes.

Le 15 décembre 2020, les parties sont toutefois parvenues à un accord « complet » permettant de mettre un terme « définitif » à leur différend. C’est en vain que la recourante soutient que la convention alors signée n’avait pour but que de mettre un terme au litige pendant devant le Tribunal des Prud’hommes. La convention du 15 décembre 2020 fait en effet explicitement référence à la problématique du legs, en lui consacrant notamment une disposition complète. L’art. 4 de la convention règle ainsi les modalités de délivrance du legs, en soumettant celle-ci à la condition que l’AFC lève la mainmise prononcée sur le tableau et que le contrat de vente soit signé avec la maison de vente tant par la recourante que par la Fondation. Cette solution correspond à celle proposée par la Fondation dans son courrier du 19 août 2020. L’art. 5 de la convention stipulait en outre que moyennant bonne et fidèle exécution de ladite convention, les parties n’avaient plus aucune prétention à faire valoir l’une envers l’autre. Leur litige était entièrement et définitivement résolu et elles renonçaient à faire valoir toute autre prétention qu’elles pourraient avoir l’une contre l’autre. La convention du 15 décembre 2020 avait donc pour vocation de mettre un terme tant au litige prud’homale opposant les parties, qu’à celui successoral.

Par conséquent, en signant cette transaction, la recourante a, à priori, renoncé à user des voies de droits lui permettant d’obtenir la délivrance de son legs. L’intéressée affirme avoir invalidé la convention du 15 décembre 2020 en se prévalant de l’erreur. Elle soutient ne pas avoir été informée de l’entier du contenu de la convention par son avocat, avant que celui-ci la signe pour elle. Cet argument ne résiste toutefois pas à l’examen, dès lors que la recourante était à l’époque représentée par un professionnel qui ne pouvait ignorer la portée de l’acte qu’il signait en son nom. Par ailleurs, celui-ci était dûment autorisé à la représenter. Partant, par sa signature, les droits et obligations de la convention du 15 décembre 2020 sont passés à sa mandante. De plus, la recourante n’est pas crédible, lorsqu’elle prétend ne pas avoir eu connaissance des modalités de délivrance du tableau conclues par les parties et n’avoir jamais cessé d’exiger la remise de son legs depuis mai 2020. En effet, après la signature de la convention du 15 décembre 2020, la recourante n’a plus réclamé la délivrance du tableau, et ce jusqu’au 8 novembre 2021, date d’envoi du courrier de son nouveau conseil à la Fondation. Conformément à la convention du 15 décembre 2020, les parties ont vraisemblablement, dans l’intervalle, tenté de trouver ensemble une maison de vente qui aurait pu leur convenir, comme l’atteste le projet de mandat de vente adressé par la Fondation à la recourante au mois d'octobre 2021.

Il s’ensuit que, depuis le 15 décembre 2020, la délivrance du legs de la recourante est soumise aux modalités convenues par les parties dans ladite convention, qui est à ce jour valable. Ainsi, l’action en délivrance du legs et paiement d’intérêts moratoires, intentée par la recourante, est à première vue dénuée de chances de succès.

Au demeurant, la recourante n’a fourni aucun indice pour démontrer que la Fondation l’empêcherait de vendre le tableau aux meilleures conditions. A cet égard, il est également dans l’intérêt de la Fondation – et en grande partie aussi de l’AFC qui doit donner son accord à la vente - de vendre à un prix suffisant pour assumer tant les droits de succession en 1'282'979 fr. 15 que les impenses engagées par la Fondation pour la conservation du tableau. L’appelante n’a offert aucune preuve en vue de démontrer qu’elle pourrait tirer un prix de la vente du tableau nettement supérieur à l’ensemble de ces frais. Elle admet elle-même, dans sa demande en délivrance du legs, que le prix de réserve maximal fixé par les différentes maisons de vente contractées par les parties est de l’ordre de 1'500'000 fr. Dans ces conditions, l’engagement d’une avance de frais de 50'000 fr. apparaît disproportionnée au regard du résultat concret que pourrait obtenir la recourante.

C'est dès lors avec raison que l'Autorité de première instance a rejeté la requête d'assistance juridique.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté et la décision de la vice-présidente du Tribunal de première instance sera confirmée, par substitution de motifs.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 20 septembre 2022 par la vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/2354/2022.

Préalablement :

Ordonne l'apport de la procédure C/2______/2021.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me Eve DOLON (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.