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Décisions | Assistance juridique

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AC/1612/2022

DAAJ/89/2022 du 29.09.2022 sur AJC/3326/2022 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/1612/2022 DAAJ/89/2022

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU JEUDI 29 SEPTEMBRE 2022

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [GE],

 

contre la décision du 11 juillet 2022 de la Vice-présidente du Tribunal de première instance.

 

 

 

 

 


EN FAIT

A.           a. B______ SA, au capital-actions de 100'000 fr., est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______ [GE], sise chemin 2______ à Genève.

Le 1er septembre 2014, B______ SA a loué à D______ et A______ (ci-après : la recourante) un appartement de cinq pièces sis dans le bâtiment édifié sur la parcelle sus évoquée.

b. Le 18 janvier 2005, B______ SA et E______, d'une part, et FONDATION F______, d'autre part, ont conclu un contrat de prêt hypothécaire d'un montant de 3'400'000 fr.

L'immeuble du B______ SA a été mis en gage de ce prêt et cette société ainsi que E______ se sont reconnus débiteurs du montant précité.

c. Le 20 août 2005, la totalité du capital-actions de B______ SA a été acquise par D______, lequel en a donné la moitié à la recourante, le 3 février 2015. B______ SA et D______ se sont engagés, notamment, à reprendre à leur compte tous les droits et obligations découlant du contrat de prêt hypothécaire.

d. Le 13 juillet 2015, FONDATION F______ a dénoncé le prêt hypothécaire pour le 31 janvier 2016.

e. A la requête de FONDATION F______, l'Office des poursuites a notifié, le 22 mars 2017, à D______, un commandement de payer, poursuite en réalisation de gage immobilier n° 3______, en recouvrement du solde du prêt hypothécaire et des intérêts courus.

D______ n'ayant pas formé opposition à cette poursuite, FONDATION F______ a requis, le 23 novembre 2017, la vente de l'immeuble de B______ SA.

L'immeuble est sous gérance légale, laquelle a été déléguée à [la régie immobilière] G______.

f. D______ est décédé le ______ 2018. L'hoirie est formée de ses trois filles et de la recourante.

g. Le 7 mai 2021, H______ SA, successeur de FONDATION F______, a fait notifier un commandement de payer à la recourante pour le solde du prêt hypothécaire et les intérêts, qu'elle a frappé d'opposition. Elle a formé une action en libération de dette, dont l'issue n'est pas connue (C/4______/2022).

h. A la suite d'avis comminatoires assortis d'une menace de résiliation du bail en cas de non-paiement dans le délai imparti, adressés à la recourante et à l'hoirie, et demeurés impayés, B______ SA a, le 28 juillet 2021, résilié le bail de l'appartement en cause, avec effet au 31 août 2021.

i. La recourante a contesté ce congé, par requête du 27 août 2021 auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers.

B______ SA a introduit, le 13 septembre 2021, une requête en évacuation à l'encontre de la recourante et de l'hoirie et a requis l'exécution directe de l'évacuation de la recourante.

Par jugement JTBL/859/2021 du 19 octobre 2021, le Tribunal des baux et loyers a, notamment, condamné la recourante, et toute autre personne faisant ménage commun avec elle, à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens l'appartement de cinq pièces situé dans l'immeuble en cause et autorisé B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de la recourante dès l'entrée en force du jugement.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de justice ACJC/684/2022 du 22 mai 2022 et est définitif, le recours en matière civile de la recourante ayant été déclaré irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_251/2022 du 1er juillet 2022).

B.            Le 1er juin 2022, la recourante a formé auprès du Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) une requête en constatation de droit, accompagnée de mesures superprovisionnelles (C/5______/2022). Au titre de ces dernières, elle a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à B______ SA de procéder à son évacuation de l'appartement de cinq pièces sis chemin 2______, sur la parcelle n° 1______ de la commune de C______, jusqu'à droit jugé sur sa requête en constatation de droit. Au fond, la recourante a conclu à ce qu'il soit constaté qu'elle est en droit d'occuper gratuitement l'appartement en cause, à tout le moins jusqu'à l'aliénation éventuelle dudit immeuble.

A l'appui de sa requête, la recourante a invoqué sa qualité de locataire de l'appartement en cause, d'une part, et, d'autre part, sa qualité de co-débitrice du prêt hypothécaire par suite de succession, et s'est prévalue du droit préférable de pouvoir demeurer dans ledit appartement selon l'art. 19 ORFI.

C.           Le 1er juin 2022, la recourante a requis l'assistance judiciaire pour son action en constatation de droit avec mesures superprovisionnelles (C/5______/2022).

D.           Par décision du 11 juillet 2022, notifiée le 28 juillet 2022, la Vice-présidente du Tribunal de première instance (ci-après : la Vice-présidente) a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause de la recourante paraissait dénuée de chances de succès.

Selon la Vice-présidente, le droit préférable au sens de l'art. 19 ORFI était réservé au débiteur et propriétaire de l'immeuble mis en gage. Or, la recourante n'était pas propriétaire de l'immeuble gagé, mais uniquement actionnaire à hauteur de 75% des actions de la société propriétaire, soit B______ SA. En l'absence de droit préférable, la recourante ne disposait pas d'une prétention faisant l'objet ou risquant de faire l'objet d'une atteinte au sens de l'art. 261 al. 1 CPC, dès lors que son évacuation avait été prononcée et qu'elle n'alléguait pas avoir obtenu du Tribunal fédéral l'effet suspensif à son recours à l'encontre de l'arrêt de la Cour du 23 [recte : 22] mai 2022.

E.            a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 27 juillet 2022 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante conclut à l'annulation de la décision de la Vice-présidente du 11 juillet 2022 et à l'octroi de l'assistance judiciaire, y compris pour les "frais d'avocat", avec effet au 1er juin 2022, date du dépôt de son action en constatation de droit.

Elle produit des pièces nouvelles.

b. La Vice-présidente du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

c. L'apport de la procédure C/5______/2022 a été requis.

A l'audience du 22 août 2022 dans ladite procédure, la recourante a déclaré au Tribunal avoir été évacuée et que sa requête en mesures provisionnelles en interdiction d'évacuation était devenue sans objet, ce dont le Tribunal a pris acte par ordonnance OTPI/583/2022 du 7 septembre 2022.

EN DROIT

1.             1.1 La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les allégués de faits dont la recourante n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles (nos 4 à 8) ne seront pas pris en considération. Il s'ensuit que le litige est circonscrit aux faits soumis à l'Autorité de première instance

3. 3.1.
3.1.1
Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_111/2021 du 26 février 2021 consid. 3.1).

3.1.2 Celui qui requiert des mesures provisionnelles doit rendre vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte - ou risque de l'être - et qu'il s'expose de ce fait à un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC). Le requérant doit ainsi avant tout rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès (ATF 131 III 473 consid. 2.3), faute de quoi la requête doit être rejetée (arrêt du Tribunal fédéral 5D_219/2017 du 24 août 2018 consid. 4.2.2 et la référence citée).

3.1.3 Jusqu'à la réalisation de l'immeuble, le débiteur ne peut être tenu ni de payer une indemnité pour les locaux d'habitation ou d'affaires qu'il occupe ni de vider les lieux (art. 19 ORFI). Autrement dit, jusqu'à ce terme, le débiteur peut continuer d'utiliser gratuitement les locaux d'habitation ou commerciaux dans la procédure de poursuite. Il ne peut être contraint de quitter les lieux.

Cette disposition doit être appliquée de manière stricte concernant le "débiteur ayant droit", en ce sens que, dans la procédure en réalisation du gage (ATF 77 III 122), il s'agit du "propriétaire" de l'immeuble. Si le débiteur habite l'immeuble objet d'une procédure en réalisation du gage, mais qu'il n'en est pas le propriétaire, l'art. 19 ORFI ne s'applique pas (Zopfi, Commentaire ORFI, 2012, n. 2 ad art. 19 ORFI).

3.2 En l'espèce, la recourante, d'une part, et son époux, respectivement l'hoirie à la suite du décès de ce dernier, d'autre part, étaient cotitulaires du bail de l'appartement de cinq pièces sis dans le bâtiment édifié sur la parcelle n° 1______ de la commune de C______ et propriété du B______ SA.

Le bail portant sur cet appartement a été résilié le 28 juillet 2021, avec effet au 31 août 2021, et l'évacuation de la recourante par la force publique a été ordonnée par jugement du 19 octobre 2021, confirmé par arrêt de la Cour 22 mai 2022, lequel est devenu définitif et exécutoire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_251/2022 du 1er juillet 2022).

Quand bien même la recourante a été évacuée dudit appartement et a retiré, à l'audience du 22 août 2022, sa requête en mesures provisionnelles du 1er juin 2022 (OTPI/583/2022 du 7 septembre 2022), la présente procédure n'est pas devenue sans objet puisque les mérites de sa cause doivent s'apprécier à la date de sa requête d'assistance judiciaire, également formée le 1er juin 2022.

Il résulte de l'avis de doctrine ci-dessus que l'art. 19 ORFI, lequel doit s'interpréter restrictivement, réserve un droit préférable au débiteur propriétaire de l'immeuble, dans la poursuite en réalisation de gage. Or, si la recourante est effectivement devenue codébitrice de la poursuite en réalisation de gage immobilier à la suite du décès de son époux, elle n'a jamais revêtu la qualité de propriétaire de l'immeuble mis en gage, soit la parcelle n° 1______ de la commune de C______, laquelle appartient au B______ SA.

En effet, la recourante est uniquement actionnaire majoritaire du capital-actions de B______ SA, autrement dit l'ayant-droit économique du propriétaire de la parcelle en cause. Il s'ensuit qu'a priori, la recourante n'a jamais disposé d'un droit préférable selon l'art. 19 ORFI à l'appui de sa requête en mesures provisionnelles au sens des art. 261 ss CPC pour faire interdiction au B______ SA de procéder à son évacuation et faire constater son droit d'occuper gratuitement l'appartement en cause. Ainsi, les chances de succès de sa requête en mesures provisionnelles, au 1er juin 2022, paraissaient faibles, faute pour la recourante de pouvoir se prévaloir d'une prétention faisant l'objet d'une atteinte ou risquant de l'être. C'est, dès lors, avec raison que la Vice-présidente a rejeté la requête d'assistance judiciaire du 1er juin 2022.

Pour les mêmes motifs, son action en constatation de droit paraît également dépourvue de chances de succès.

Pour le surplus, il sera précisé qu'il n'appartient pas à la Présidence de la Cour d'examiner les vices affectant soi-disant la résiliation du prêt hypothécaire, la résiliation du bail de l'appartement en cause et le caractère prétendument prématuré de la réquisition de vente.

Partant, le recours, infondé, sera rejeté.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Par ailleurs, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens, vu l'issue du recours.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 11 juillet 2022 par la Vice-présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/1612/2022.

Préalablement :

Ordonne l'apport de la cause C/5______/2022.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.