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Décisions | Assistance juridique

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AC/69/2021

DAAJ/86/2022 du 26.09.2022 sur AJC/3396/2022 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/69/2021 DAAJ/86/2022

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU LUNDI 26 SEPTEMBRE 2022

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Monsieur A______, domicilié ______ [GE],

représenté par Me B______, avocate,

 

contre la décision du 14 juillet 2022 de la Vice-Présidente du Tribunal de première instance.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. Le 11 janvier 2021, A______ (ci-après : le recourant) a sollicité l'octroi de l'assistance juridique pour l'introduction, auprès du Tribunal des Prud'hommes, d'une demande tendant notamment au paiement de salaires et d'heures supplémentaires à l'encontre de la Mission permanente de D______.

b. Par décision du 22 février 2021, la Vice-Présidente du Tribunal de première instance a rejeté ladite requête d'assistance juridique au motif que le recourant ne remplissait pas la condition de l'indigence.

c. Le 1er mars 2021, le recourant a déposé une requête en conciliation auprès du Tribunal des Prud'hommes (C/1______/2021).

Il a également, par courrier du même jour, sollicité la reconsidération de la décision précitée.

d. Par courrier du 5 mars 2021, le greffe de l'assistance juridique a, afin de juger des chances de succès de la procédure envisagée, notamment demandé au recourant de lui fournir une traduction en langue française de son contrat de travail et d'actualiser, justificatifs à l'appui, ses prétentions, notamment s'agissant des heures supplémentaires alléguées et de la différence de salaire réclamée.

Le recourant a fourni les explications et documents sollicités.

e. Par décision du 26 mars 2021, la Vice-Présidente du Tribunal de première instance a admis le recourant au bénéfice de l'assistance juridique avec effet au 1er mars 2021 pour la procédure prud'homale susmentionnée. Cet octroi a été limité à la première instance ainsi qu'à 15 heures d'activité d'avocat, audiences et forfait courriers et téléphones en sus. Me B______ a été nommée en qualité d'avocate d'office.

f. Le 12 mai 2022, C______, traducteur-juré, a transmis au greffe de l'assistance juridique une facture d'un montant de 1'600 fr., correspondant à trois factures, initialement adressées au recourant, datées du 11 mai 2021, du 25 mai 2021 et du 21 février 2022. Ces factures avaient pour objet la traduction de l'arabe vers le français d'une décision de justice (200 fr.), de trois documents du MFA (200 fr.) et d'un document de 43 pages concernant des horaires de travail (1'200 fr.).

g. Par courrier du 31 mai 2022, le greffe de l'assistance juridique a informé C______ que l'assistance juridique accordée au recourant couvrait uniquement les frais judiciaires ainsi que les honoraires de son avocate et non les frais de traduction et lui a réexpédié sa facture.

Une copie de ce courrier a été adressée à Me B______.

h. Par courrier du 13 juin 2022, Me B______ a indiqué au greffe de l'assistance juridique que pour défendre les intérêts du recourant à l'égard de la Mission permanente de D______, il lui avait fallu obtenir la traduction de toutes les pièces en langue arabe du dossier, notamment du contrat de travail, des évaluations du recourant et des correspondances échangées avec l'employeur, tant pour sa propre prise de connaissance du cas que pour la production desdits titres en justice, les tribunaux genevois procédant en français. La présence de C______ avait également été nécessaire lors des entretiens à l'Etude avec le recourant. Ainsi, dans la mesure où le travail accompli par C______ était nécessaire à l'exécution de son mandat, elle ne comprenait pas que le paiement des factures de l'intéressé ait été refusé, étant précisé qu'elle avait sélectionné les pièces à traduire afin de limiter les frais, seules 13 pièces ayant été traduites, et que C______ n'avait facturé qu'une partie de ses prestations, renonçant à être rémunéré pour une partie des documents traduits ainsi que pour ses interventions à l'Etude. Elle sollicitait en conséquence que le greffe de l'assistance juridique reconsidère sa position et accepte de prendre en charge les factures de C______.

B.            Par décision du 14 juillet 2022, notifiée le 16 du même mois, la Vice-Présidente du Tribunal de première instance a rejeté la requête d'extension d'assistance juridique précitée.

Cette autorité a considéré que les traductions litigieuses n'avaient pas été requises par une autorité judiciaire mais effectuées à la demande du recourant, respectivement de son conseil, de sorte qu'il ne s'agissait pas de frais judiciaires mais de débours, lesquels n'étaient pas couverts par l'assistance juridique. Ainsi, si les intéressés souhaitaient obtenir la prise en charge de leurs frais, il leur appartenait de solliciter une extension de l'assistance juridique préalablement à l'engagement desdits frais, l'assistance juridique n'étant pas accordée avec effet rétroactif, contenant une brève motivation justifiant de la nécessité de recourir à un traducteur et des devis comparatifs. Une justification s'imposait notamment relativement à la nécessité de traduire l'ensemble des documents, la question pouvant par exemple se poser s'agissant des 43 pages de relevés d'horaires, et à l'impossibilité de procéder ou de faire procéder à une traduction libre par une personne de confiance.

C.           a. Par acte expédié le 26 juillet 2022 à la Présidence de la Cour de justice, le recourant a formé recours contre ladite décision. Après avoir préalablement sollicité à être exempté de toutes avances de frais, il a conclu à l'annulation de la décision attaquée et, cela fait, à la couverture, par le service de l'assistance juridique, des frais de traduction de toutes les pièces produites dans le cadre de la procédure prud'homale l'opposant à la Mission permanente de D______, les frais devant être laissés à la charge de l'Etat de Genève, qui devra être condamné à l'indemniser pour les frais d'avocat qu'il a exposés dans le cadre de la présente procédure de recours.

A l'appui de son recours, le recourant a notamment exposé que son avocate ne maîtrisant pas la langue arabe, elle lui avait demandé de lui fournir des traductions des pièces essentielles du dossier. Il avait ainsi fait appel à un traducteur-juré pour procéder auxdites traductions.

Le recourant produit deux pièces nouvelles (pièces nos 10 et 11).

b. La Vice-Présidente du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

c. Par pli du 3 août 2022, le recourant a été informé de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 En tant qu'elle refuse une extension de l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure en sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidente de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.

Par conséquent, les pièces nouvelles produites par le recourant ainsi que les allégués de fait y relatifs ne seront pas pris en considération.

3.             Le recourant fait valoir avoir produit les pièces justificatives en arabe avec leur traduction afin de se conformer à l'art. 16 LaCC qui prévoit que les parties procèdent en langue française. Il était inutile de déposer des pièces en langue arabe dès lors que le Tribunal des Prud'hommes allait de toute évidence exiger leur traduction, les juges et les avocats ne maîtrisant pas cette langue. Le service de l'assistance juridique avait d'ailleurs demandé une traduction du contrat de travail afin de juger du bien-fondé de la requête d'assistance juridique. Par ailleurs, pour prouver les heures supplémentaires réalisées, il était nécessaire de produire les horaires de travail, lesquels étaient établis en langue arabe. Ainsi, dans la mesure où la traduction des pièces produites était indispensable et exigée par la loi, les frais en découlant font partie des frais judiciaires au sens de l'art. 95 al. 2 let. d CPC contrairement à ce qu'a retenu la décision querellée, lesquels sont couverts par l'assistance juridique octroyée.

Le recourant fait également valoir que la facture relative aux frais de traduction datant de 2022, la question d'une couverture avec effet rétroactif ne se pose pas. En tout état, la rétroactivité improprement dite pour le travail préparatoire indispensable à la rédaction de la demande introductive est garantie par l'art. 29 al. 3 Cst et il y avait urgence à déposer la requête en conciliation auprès du Tribunal des Prud'hommes en y joignant les pièces traduites afin de sauvegarder ses droits dès lors que ses prétentions se prescrivaient au fur et à mesure du temps qui passait. Son avocate devait en outre comprendre les pièces produites.

3.1 Aux termes de l'art. 118 al. 1 CPC, l'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances et de sûretés (let. a) ainsi que des frais judiciaires (let. b) et la commission d'office d'un conseil juridique par le Tribunal lorsque la défense des droits du requérant l'exige (let. c).

La question de savoir si l'assistance judiciaire s'étend aux frais extra-judiciaires (ou privés) de la partie indigente liés à la conduite du procès est controversée en doctrine (Colombini, Petit commentaire CPC, 2020, n. 2 ad art. 118 CPC). Le Tribunal fédéral a laissé la question ouverte (arrêt du Tribunal fédéral 5A_710/2016 du 2 mars 2017 consid. 5.3).

3.1.1 Les frais judiciaires consistent dans les postes énumérés exhaustivement à l'art. 95 al. 2 CPC. Ils comprennent notamment les frais de traduction (art. 95 al. 2 let. d CPC) versés à des tiers par l'Etat en lien avec un procès donné (Stoudmann, Petit commentaire CPC, 2020, n. 2 ad art. 95 CPC; Tappy, Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 15 ad art. 95 CPC et n. 8 ad art. 118 CPC).

Les frais de traduction de pièces dans la langue officielle du procès engagés par une partie ne constituent pas des frais judiciaires mais des débours. Ceux-ci ne donnent lieu à indemnisation que s'ils sont nécessaires à la conduite du procès (Stoudmann, op. cit., n. 14, 19 et 20 ad art. 95 CPC; Tappy, op. cit., n. 23 ad art. 95 CPC).

3.1.2 Lorsque la partie au bénéfice de l'assistance juridique succombe ou si, en cas de gain du procès, le recouvrement des dépens alloués s'est avéré infructueux ou n'apparaît pas vraisemblable, le conseil juridique commis d'office est rémunéré équitablement par le canton (art. 122 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

L'avocat d'office a droit au remboursement intégral des débours s'inscrivant dans le cadre de l'accomplissement normal de sa tâche, à l'exclusion de démarches inutiles et superflues (ATF 122 I 1 consid. 3; 117 Ia 22 consid. 4b; 109 Ia 107 consid. 3d; arrêt du Tribunal fédéral 5A_10/2018 du 17 avril 2018 consid. 3.3.2; Tappy, op. cit., n. 8 ad art. 122 CPC; Colombini, op. cit., n. 15 ad art. 122 CPC). S'il a déployé une activité importante dans le cadre d'une procédure appelée à se prolonger, il peut solliciter une avance sur taxation (art. 16 al. 4 RAJ).

Selon la directive du greffe de l'assistance juridique relative à l'établissement de l'état de frais des avocats du 10 septembre 2002, applicable par renvoi de l'art. 17 RAJ, l'engagement de frais de traduction doit faire l'objet d'une demande préalable motivée quant à leur nécessité auprès du service de l'assistance juridique.

3.2 Aux termes de l'art. 5 al. 1 RAJ, l'assistance juridique est en règle générale accordée avec effet au jour du dépôt de la requête. Elle peut être exceptionnellement accordée avec effet rétroactif (art. 119 al. 4 CPC et 8 al. 3 RAJ), en particulier lorsqu'il n'a pas été possible, en raison de l'urgence d'une opération de procédure impérativement requise, de déposer en même temps une requête d'assistance juridique et de désignation d'un défenseur d'office (ATF 122 I 203 consid. 2 c-g, in JdT 1997 I 604; arrêts du Tribunal fédéral 5A_849/2014 du 30 mars 2015 consid. 4.5 et 5A_181/2012 du 27 juin 2012 consid. 2.3.3).

3.3 En l'espèce, les frais de traduction dont le paiement est sollicité n'ont pas été mis en œuvre dans le cadre de la procédure prud'homale mais ont, à teneur des factures produites et des allégués du recours, été engagés directement par le recourant. C'est en conséquence à juste titre, au regard des principes juridiques susexposés, que l'autorité précédente a considéré qu'il s'agissait de débours et non de frais judiciaires.

Ces débours constituent des débours propres du recourant, s'agissant d'une dépense opérée par ses soins, et non de débours de son avocate, lesquels sont remboursés dans le cadre de la rémunération équitable due pour le mandat d'office.

Or, selon la décision d'octroi de l'assistance juridique du 26 mars 2021, l'aide étatique accordée ne s'étendait pas à d'éventuels débours assumés par le recourant. Ainsi, comme retenu à juste titre par l'autorité précédente, si le recourant souhaitait que les frais de traduction litigieux soient pris en charge par l'assistance juridique, il aurait fallu qu'il dépose une demande motivée d'extension de l'assistance juridique préalablement à l'engagement desdits frais, y compris pour la traduction du contrat de travail, le greffe de l'assistance juridique n'ayant pas requis une traduction par un professionnel. S'agissant de ce dernier poste, le recourant ne rend au demeurant pas vraisemblable qu'il aurait fait l'objet d'une facturation, dès lors qu'il ne figure pas dans les factures produites et que, selon le courrier du 13 juin 2022 de son conseil, le traducteur n'a pas facturé l'ensemble de ses prestations.

Le recourant n'a sollicité la prise en charge des frais de traduction litigieux qu'en date du 13 juin 2022, soit postérieurement à leur engagement, les factures produites datant respectivement du 11 mai 2021, du 25 mai 2021 et du 21 février 2022. Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, un éventuel octroi de l'aide financière souhaitée ne peut intervenir qu'à titre rétroactif, ce qui suppose, conformément à l'art. 119 al. 4 CPC, la présence de circonstances exceptionnelles. Or, si le recourant invoque une urgence à traduire les pièces en arabe relatives au litige l'opposant à son employeur afin de permettre le dépôt de la requête en conciliation devant le Tribunal des Prud'hommes, il n'expose pas pour quel motif il a attendu plus d'une année après l'introduction de ladite requête, intervenue au mois de mars 2021, pour requérir la couverture des frais de traduction. Une dérogation au principe de non-rétroactivité de l'assistance juridique ne se justifie en conséquence pas.

Au vu de ce qui précède, le recours, infondé, sera rejeté.

A titre superfétatoire, il sera toutefois relevé que même à supposer que les frais de traduction litigieux aient été engagés par l'avocate du recourant, la solution ne serait pas différente, la directive du greffe de l'assistance juridique relative à l'établissement de l'état de frais des avocats du 10 septembre 2002 prévoyant expressément que l'engagement de frais de traduction doit faire l'objet d'une demande préalable motivée quant à leur nécessité auprès du service de l'assistance juridique.

4.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 14 juillet 2022 par la Vice-Présidente du Tribunal de première instance dans la cause AC/69/2021.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à
30'000 fr.